Olga Boldyreff

Olga Boldyreff (Ольга Болдырева), artiste française née à Nantes en 1957 dans une famille d’émigrés russes s’intéresse aux problématiques de l’héritage culturel, de la mémoire et de l’identité.  Après des études au Conservatoire d’Art Dramatique à Angers, elle étudie à l’École des Beaux-Arts à Nantes où elle obtient, en 1982, le DNSEP (Diplôme national supérieur d'expression plastique) option Art. Son œuvre, se déploie au croisement des genres : écriture, dessin, peinture, lecture publique, édition de livres, conférences d'histoire de l'art…

Pour les articles homonymes, voir Boldyreff.
Olga Boldyreff

Biographie

L’enfance d’Olga Boldyreff fut marquée par l’exil. Son grand-père paternel, Ivan Boldyreff, cosaque du Don dut fuir la Révolution de 1917 pour ne pas être fusillé. Ses parents seront déportés de Rostov-sur-le-Don vers l’Allemagne et l’Autriche lors de la Grande Guerre patriotique en 1941. Elle retrouve une partie de sa famille lors d’un premier voyage en URSS en 1976 et décide de construire une œuvre à l’image de son identité plurielle. De par son histoire familiale, Olga Boldyreff est liée à la Russie et à ses paysages où passé et présent cohabitent.

Depuis les années 1980, le travail d’Olga Boldyreff est traversé par la narration. Les premières écritures-dessins s’appuient sur une quête, quête d’elle-même, quête d’une forme et de son renouvellement. Toutes les expérimentations qui suivront ne seront que l'approfondissement de ces premières tentatives, la continuation de la peinture par d'autres moyens. Elle installe ses dessins, peintures et poésies dans le livre d’artiste. C’est une forme d’art qui lui permet d’être maître d’œuvre de A à Z : auteur de la conception, du texte, du dessin, de la maquette, éditeur et même diffuseur. Le livre est un terrain multidisciplinaire. L’utilisation du livre comme espace plastique où les mots et les formes se rencontrent est un objet de recherche spécifique, le dialogue y est très intense. Deux langues coexistent, la picturale et la poétique. Elle participe à la création de l'atelier-galerie d'artistes à Nantes Cas d'urgence aux côtés des artistes M-O Marchand, J. Bannier, Philippe Cognée, J. Fléaca, B. Plantive, O. Puibaraud, P. Raguideau.

Dans les années 1990, l’artiste propose un renouvellement du dessin et de la sculpture en associant aux pratiques traditionnelles des beaux-arts, des matériaux et des techniques non conventionnels. Elle invente une grammaire à mi-chemin du post minimalisme et de l'art populaire, posant la question de frontière entre art majeur et art mineur. Elle développe une poétique de l'errance, voyage le plus souvent en Russie mais aussi en Suède, Italie, Allemagne, Autriche, Irlande, Grande-Bretagne, Portugal, Espagne, Belgique, Pays Bas, Danemark, Luxembourg, Grèce, Finlande, Etats-Unis, Canada. Le voyage en tant que quête est au cœur de sa vie et de son œuvre. Générer une œuvre à partir d'un voyage, faire d'un voyage une œuvre, œuvrer en voyage, résider ailleurs pour créer, la multiplicité des combinaisons possibles est sans fin. Il lui paraissait important de se questionner sur la place occupée par les voyages et sur leurs incidences sur la création d’œuvres particulières. Elle introduit dans son œuvre des matériaux pauvres comme le textile et le fil, se réapproprie « le tricotin » comme instrument pour performer, dessiner, affirme son goût pour l’idée de la furtivité avec l'œuvre Les petits abandons (1993-1994) et L'enlèvement (1996-2001).

Au début des années 2000 l’artiste engage une réflexion plus poussée sur le paysage sur la manière dont se crée la mémoire et comment se transmet l’histoire. Les réfugiés, comme le furent ses parents, ne racontaient pas aisément à leurs enfants ce qu’ils avaient vécu. C’est ainsi que la mémoire lui fut transmise en pointillés avec ses silences et ses fantômes. Paysage et mémoire allaient devenir indissociables de sa recherche. Le paysage rendrait compte de ses expériences, de son vécu, il serait actif. Olga Boldyreff formule l’hypothèse que son identité s’appréhende à travers de multiples mémoires liées au paysage russe. En Russie, la peinture de paysage est particulièrement proche de la littérature et de la poésie. En peignant et en écrivant sur le paysage, elle souhaitait s’inscrire dans cette continuité. Son attachement aux lieux est central pour comprendre la place qu’occupe le paysage dans sa peinture. L’artiste s’attache par l’écriture et la peinture à faire renaître des lieux disparus, à reconstruire l’histoire d’une famille, d’une vie, d’une génération. Refigurés par l’écriture et la peinture, les paysages affirment une spécificité de la figuration, où se mêlent des éléments réels et fictifs. La réalité apparaît sous le calque des fictions de la mémoire. Elle se passionne pour les lieux laissés à l’abandon, là où les formes sont lentement attaquées par les assauts du temps, par la rouille et le délabrement. L’expérience du paysage russe est pour elle une expérience d’altérité qui concerne son identité. Il raconte ce qu’elle est, donne à voir son intériorité, relève de la relation intime qu’elle entretient avec son environnement, donne du sens au monde qui l’entoure. Par le paysage, l’artiste établit de nouveaux rapports aux choses, aux événements, aux situations.

Dans la tradition orientale, il n’y a pas de rupture entre écriture/peinture, alors que cette rupture est souvent habituelle en occident. Dans les images traditionnelles russes comme le loubok et l’icône, l’œil est habitué à voir cohabiter image et écriture. Le loubok est une forme d’estampe ou de gravure qui traite, en mots et en dessins, de tous les sujets de la vie quotidienne.  Une très grande narrativité apparaît dans l’alliance de l’image au texte. Dans la langue russe « peindre » et « écrire » se traduisent par un seul et même verbe (Писать / Pissat). Cette ambiguïté témoigne d’un état originel de l’acte de représentation. Le dessin et l’écriture empruntent des matériaux qui leur sont communs : le crayon et le papier. Dans les deux cas, la main est à l'œuvre. La main donne corps à la relation qui existe entre écriture et peinture. La trace écrite ou peinte est le produit d'un travail où le corps est à l'œuvre.

Nourrie de questionnements philosophiques et de littérature, mélangeant culture populaire et classique, alimentée d’éléments autobiographiques l'œuvre d’Olga Boldyreff se construit sur un « entre-deux » entre héritage slave et tradition occidentale. Le voyage était et reste le thème favori de la littérature russe – l’artiste s’inscrit dans cette tradition, d’où son implication dans la création de livres sur ses voyages. Comme artiste-éditeur, elle contourne le caractère de rareté du livre d’artiste à exemplaire unique en faisant appel à l’édition d’artiste imprimée, qui est aussi une alliance de l’écrit et de la plastique. L’artiste éditeur représente une voix qui permet de penser le monde autrement. L’autoédition et l’autodiffusion permet de conserver une liberté. La communication est directe par l’envoi postal et électronique. D’un point de vue physique, le livre imprimé demande, tout comme le livre à exemplaire unique, une attention particulière pour le papier, la texture, la surface, la typographie. Chaque livre publié est conçu comme une histoire dans laquelle l’engagement de l’artiste est total.

La démarche est politique aussi, elle remet en cause certaines des valeurs et traditions du monde de l’art en proposant une pratique artistique alternative qui se développe sur le marché du livre. Partout où une publication légère peut se glisser, le livre apporte l’art là où il n’est pas encore. Recueil de souvenirs après de nombreux voyages en Russie, le livre La promesse du paysage russe publié en 2021 se situe à la croisée du récit de voyage et du roman initiatique. Il se place, à travers le dialogue de la peinture et de l’écriture, dans la lignée héritée du livre d’artiste.

Œuvre

Le monde à l'imparfait d'Olga Boldyreff par l’autrice Marie-Hélène Prouteau (25 mai 2019)

« 12 esquisses de voyage ». L'artiste peint et écrit à l'imparfait. C'est sa couleur temporelle. Comme le camaïeu est la dominante de ses 12 esquisses. Vert tilleul, blanc cassé, gris, bleu.L'imparfait chez elle nous plonge dans une durée indécise. Celui d'un cheminement dans le temps et l'espace qui refuse d'être circonstancié. Dans ce halo indéterminé, le moment se dilate, arrêt sur image d'un paysage mental, la steppe, le cimetière, Léningrad/Pétersbourg... Le temps est étrangement suspendu. Comme si ce bonheur du moment passé, bribe d'un temps retrouvé, devait absolument durer, perdurer. Car c'est une question essentielle, vitale : qu'ils vivent en elles ces paysages et ces êtres emplis de souffles familiers. Une certaine blessure est là. Quelque chose a manqué. N'a jamais cessé de manquer, à l'image de ces esquisses où ne passe aucune figure humaine. Combien d'absents Olga Boldyreff emporte-t-elle en elle ? Un pays d'avant l'exil qu'on voudrait ne quitter jamais. Tellement est forte la nostalgie affective qu'il porte. Nostalgie d'une famille restée en Russie en 1919, nostalgie d'un legs qui, dès lors, n'a cessé de s'inscrire en double vie. On écoute l'artiste réciter ce temps verbal qui mêle la tendresse et le manque, la blessure et le bonheur, l'imparfait qui, comme son nom le suggère, décline l'imperfection du monde. Encore et toujours.

Bourses et prix

1983, la ville de Nantes lui décerne le prix Jeune espoir peinture

1985, vit au Pays de Galles et obtient une bourse du Welsh Arts Council

1992 Pour son exposition-performance en plein air à Rostov-sur-le-Don, Russie, obtient une bourse FIACRE, aide individuelle à la création pour ce projet

1993 Aide de l'AFAA (Association française d'action artistique) pour les expositions à la Galerie de l'école régionale des Beaux-Arts, Nantes et au musée régional de Rostov-sur-le-Don, Russie

1997, obtient, au niveau national, une bourse du FIACRE - allocation de recherches - du Ministère français de la culture, pour le projet L'Enlèvement 1996-2000.

2008, le Conseil Régional des Pays de la Loire lui attribue une aide à la création. Elle débute son projet Voyages et autres investigations (1), au musée des Beaux-Arts, Calais. Le programme d'expositions Voyages et autres investigations se poursuit en 2009 à la galerie Stanislas Bourgain à Paris et en 2010 au musée Anna Akhmatova à Saint-Pétersbourg (cette exposition labellisée Année Croisée France-Russie bénéficie du soutien de Culturesfrance / Ville de Nantes), puis au musée des beaux-arts de Nantes.

2013 et en 2015, elle bénéficie du soutien de Culturesfrance / Ville de Nantes pour exposer au musée Dostoïevski et au musée ERARTA à Saint-Pétersbourg en Russie.

Œuvres dans les collections publiques

Bibliothèque Forney, Paris ; Bibliothèque Villa St-Hilaire, Grasse ; Musée TAMAT, Tournai ; Musée d'Art Contemporain Erarta, Saint-Pétersbourg ; Musée Jules Verne, Nantes ; Galerie Albert Bourgeois couvent des Urbanistes, Fougères ; ModeMuseum Hasselt, Belgique ; Musée Jean-Lurçat et de la tapisserie contemporaine, Angers ; Musée des Beaux-Arts, Calais ; Västeras Konst Museum, Suède ; Musée de Belfort ; Artothèques de Nantes et Auxerre ; Frac Nord-Pas-de-Calais et Frac des Pays de la Loire ; Fonds National d’Art Contemporain ; Ville de Colomiers ; Bibliothèque Nationale de France ; Bibliothèques de Niort, Saint- Herblain, Bordeaux, Nantes, Quimper, Rennes, La Roche-sur-Yon

Commandes publiques

L’Université de Nantes pour l’IUT de Saint-Nazaire ; Conseil Général du Finistère, collège de Pen ar Chleuz, Brest ; Centre National des Arts Plastiques

    Bibliographie

    • Giquel P. (1998), C'est là tout le secret, FRAC Bretagne, Rennes
    • Novion M. (2003) L'Enlèvement, Espace des Arts, Colomiers
    • Baudin K., Loubier P. (2005), Catalogue FRAC Nord-Pas-de-Calais
    • Marie C. (2006) Tamat, musée de la tapisserie, Tournai, Belgique
    • Forest B. (2008), Voyages et autres investigations (1), musée des beaux-arts de Calais
    • Doove E. (2010), Voyages et autres investigations (4), musée des beaux-arts de Nantes
    • Shaguina E. (2015), Bond, musée Erarta, St Petersbourg, Russie

    Lien externe

    • Portail de l’art contemporain
    • Portail de la peinture
    Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.