Nine to the Universe

Nine to the Universe est un album studio posthume[1] du guitariste américain Jimi Hendrix publié en 1980 par Alan Douglas. Disque entièrement instrumental et improvisé, il ne rencontre pas de succès à sa sortie (en raison du format, plus dédié aux amateurs de jazz rock improvisé) se classant 127e aux Etats-Unis. L'album n'a jamais été officiellement réédité en CD.

Nine To The Universe

Album de Jimi Hendrix
Sortie 1980
Durée 38:57
Genre Rock
Producteur Alan Douglas
Label Reprise

Albums de Jimi Hendrix

Contenu

Nine to the Universe est le troisième album posthume de Jimi Hendrix produit par Alan Douglas. Contrairement aux deux précédents controversés en 1975, le producteur n'a pas procédé à des réenregistrements avec des musiciens de sessions et a principalement conservé les pistes d'accompagnement et les musiciens d'origine.[2] Cependant, il a intitulé les morceaux de l'album (vu que Hendrix n'avait pas nommé ces improvisations).[3] Les enregistrements utilisés proviennent des sessions de mars 1969 au Record Plant et fin août 1969 au Hit Factory.[4] Un instrumental était intitulé Young/Hendrix, d'après l'organiste Larry Young et un autre "Jimi/Jimmy Jam", d'après le guitariste Jim McCarty. A travers ces instrumentaux, Douglas défend notamment l'hypothèse selon laquelle Jimi Hendrix se serait tourné vers le jazz-rock de Miles Davis ou John McLaughlin. Ce dernier a

Le bassiste Dave Holland a commenté : "Je ne sais pas trop pourquoi j'ai été appelé, mais j'étais vraiment heureux de le faire. C'était très amusant et très informel. Rien n'était vraiment prévu [...] C'était vraiment relâché, et Jimi avait l'air de l'assembler au fur et à mesure [...] Aucun de ces trucs n'a jamais été destiné à être publié [...] Pour moi, c'était embarrassant. Je suis sûr que Jimi aurait dit: "Tu es fou!" et ne laissez jamais cela arriver. Il s'agissait de gens qui essayaient de gagner de l'argent avec Jimi Hendrix. "[5]

Nine to the Universe et Jimi/Jimmy Jam

L'album s'ouvre sur Nine To The Universe, enregistré le au Record Plant. De même que la veille, c'est Billy Cox et Buddy Miles (avec un joueur de congas inconnu, effacé s'il joue ici) qui officient aux côtés de Hendrix alors que l'Experience n'était pas encore séparée, et le Band Of Gypsys encore dans les limbes. La comparaison de la durée de la jam disponible sur les pirates[6] avec celle de l'album officiel est édifiante : de 18:49, Douglas a réduit le titre à 8:46 ! Mais les cuts sont ici bienvenus car les passages édités sont pour la plupart inintéressants (guitare désaccordée, chant de Devon Wilson…). C'est le seul morceau de l'album où Hendrix chante brièvement. Musicalement, Nine To The Universe est très structuré : on reconnaît les rythmiques de Earth Blues puis de Message To Love. La première partie est très rythmique, laissant entendre des variations autour des deux principales figures rythmiques de la première composition avant quelques explorations en son clair. C'est après une long break de Buddy Miles en solo[7] que Jimi lance le riff des couplets de Message To Love avant de partir dans un solo très saturé, avec des traits fantastiques. Une réserve toutefois : Billy Cox et Buddy Miles sont sans doute trop monocordes pour véritablement propulser Hendrix lorsqu'il improvise. Mais est-il étonnant de constater à ce moment ce qui se vérifiera plus tard avec le Band Of Gypsys ?

Le second titre de la face a été enregistré quelques semaines plus tôt au Record Plant : Jimi/Jimmy Jam date du . Désormais disponible sur Hear My Music (dans une version de 16:59), la version de Douglas ne dure que 7:58. Elle est plus accessible que celle de Dagger Records. Comme son titre l'indique, Hendrix joue en duo avec Jim McCarty, du Buddy Miles Express. Dave Holland est crédité sur le pirate, ainsi que sur les notes de Hear My Music. Par contre, sur le site officiel ainsi que sur l'album original, c'est Roland Robinson qui est crédité[8]. Quel qu'il soit, ce bassiste propose une réplique jamais entendue par aucun autre. Hendrix pousse ici l'Octavia dans ses derniers retranchements. Le solo vire même carrément free jazz par moments mais il est supprimé de la version éditée de Nine To The Universe et l'on passe en fait très rapidement au solo de Jim McCarty, qui est excellent. Ce que propose Hendrix en rythmique est formidable, assez jazz en termes de conception et placement d'accords mais avec un son unique. La performance de Mitch Mitchell est plus mitigée : peut-être que la liberté du bassiste lui pose des problèmes de placement ? Hendrix entame enfin un riff bluesy que le bassiste puis les deux autres suivent. Occasion d'un duo de guitares presque Allmanien avant que Hendrix ne reprenne l'Octavia pour conclure. Une jam de premier plan donc, même si ce n'est pas l'avis de tout le monde, y compris un des principaux intéressés :

« C'était du Alan Douglas. Il y a eu tellement de merde qui à mon avis n'aurait jamais dû être publiée. Ce matériel n'a jamais été destiné à être publié sur un album officiel. Mais, après la mort de Jimi, vous aviez tous ces gens qui se battaient pour faire du fric sur son nom. En sortant toute cette merde qui n'aurait jamais dû être publiée. Ce titre de Nine To The Universe en fait partie. Les trois premiers albums, voilà son héritage. Il y avait beaucoup de grands guitaristes alors. Clapton, Beck, Page, Michael Bloomfield... J'ai connu tous ces mecs. Mais Hendrix était au-dessus du lot. Et tout le monde le savait. Il était (et reste) le meilleur. »

 Jim McCarty, http://www.rocknrolluniverse.com/

Young/Hendrix, Easy Blues et Drone Blues

La face 2 s'ouvre sur une nouvelle jam enregistrée au Record Plant, le cette fois-ci. De 14:26, Douglas a réduit Young/Hendrix à 10:22, recentrant le titre autour des soli de Jimi Hendrix. C’est une des jams importantes de la carrière de Jimi. Contrairement à celle avec John McLaughlin, la musicalité parle d’elle-même et le son est excellent. Larry Young est un des meilleurs musiciens avec qui Hendrix ait jammé. Il a sa place dans l’histoire de l’orgue Hammond (le post-Jimmy Smith, ni plus ni moins), et dans l’histoire du jazz (participation en 1969 au Bitches Brew de Miles Davis, mais aussi membre fondateur du Tony Williams Lifetime, avec John McLaughlin, puis plus tard sideman du même McLaughlin ou de Carlos Santana, il jouera même avec Pharoah Sanders). Cette jam est passionnante car elle montre un Hendrix qui aurait eu sa place sur les enregistrements de Miles des années 1970, avec un jeu très rythmique, et des conceptions déjà bien avancées pour début 1969. Les échanges entre Hendrix et Young fonctionnent très bien, et les cuts de la jam s’avèrent inutiles, voire condamnables. Contrairement à ce qui est indiqué, c'est Buddy Miles qui est à la batterie, et non Mitch Mitchell. Billy Rich tient ici la basse. La performance du groupe dans sa globalité est excellente : parfait dans sa maîtrise du tempo, c'est Larry Young qui se charge de ponctuer le discours de Hendrix, et inversement lors des échanges de soli.

Easy Blues date du , lors des séances du Gypsy Sun & Rainbows au Hit Factory. De 9:59, Douglas a réduit le titre à 4:17, en recentrant le morceau autour de Hendrix : seuls ses soli ressortent dans la version officielle. Pourquoi pas ? Larry Lee accompagne Hendrix à la guitare, avec Billy Cox et Mitch Mitchell. Contrairement aux plages 1 et 3, Easy Blues a tout de même été recasé sur la dernière version DVD du concert de Woodstock, mais dans une version encore plus sévèrement éditée (on l'entend lorsqu'on consulte le menu). Comme son titre l'indique, c'est un blues, sans doute le morceau le plus abordable de l'album, avec de solides lignes de basse, et quelques plans rythmiques très efficaces. Mais rien de révolutionnaire non plus...

La dernière plage, Drone Blues provient de la session du au Record Plant. C'est encore une fois Billy Cox à la basse, mais contrairement à ce qui est indiqué sur la pochette, c'est Rocky Isaac qui est à la batterie, et Al Marks aux percussions (effacé)[8]. On retrouve désormais ce titre sur Hear My Music, dans une version plus complète. Édité de 8:34 à 6:16 par Douglas, Drone Blues est plus original que le titre précédent, et n'a de blues que le thème de Drivin' South que Jimi Hendrix introduit dès qu'il passe en solo. Hendrix joue ici très saturé. Et taquine l'harmonie, jouant plus risqué qu'en concert. Le point faible de ce titre est sans conteste la partie de batterie. Rocky Isaac est en effet loin de faire l’affaire : son jeu manque de précision, et sa prestation n'est pas à la hauteur d’un musicien de la trempe d’Hendrix. Pour autant, le titre ne manque pas d'intérêt, et le publier n'était pas une mauvaise idée.

Quels sont les traits marquants de l'improvisation de Hendrix ? Dans un premier temps, il ne s'éloigne jamais trop du blues, ses racines. Il utilise ainsi la pentatonique de mi mineure, mais il est loin de s'y limiter. Il alterne le plus souvent entre mi myxolydien (majeur) et mi dorien (mineur), comme les grands bluesmen, mais dans un contexte qui n'est pas blues. En cela, il se rapproche de ce que Miles Davis allait faire dans sa première période électrique. Les passages majeur-mineur se font toujours naturellement, dans le cadre d'un véritable discours musical.

Outre les notes de passages "classiques" des guitaristes de blues et de rock (le mi bémol et le si bémol en l'espèce), Jimi n'hésite pas à jouer la seconde (fa#) ou la sixte majeure (do#). Techniquement, Hendrix passe aussi naturellement d’un style à l’autre qu'avec l'harmonie : il alterne tirés, jeu en octaves, jeu en accords, au levier de vibrato à l'occasion, dans le cadre d'un discours : c'est ce qui fait toute la différence entre le musicien et le seul guitariste. Il en va de même pour les effets où Hendrix utilise la fuzz et sa wah wah pour moduler l’intensité, ou ponctuer son improvisation.

Parution et réception

Reprise Records a publié l'album en mars 1980 aux États-Unis, où il se classe 127e au classement album Billboard 200[3]. En juin 1980, Polydor Records l'a publié au Royaume-Uni, mais il ne s'est pas classé.[3] L'album n'a pas été réédité, mais la plupart des chansons ont été rééditées sur diverses compilations Hendrix, sans les modifications de Douglas[4]. Selon le biographe de Hendrix Harry Shapiro, WEA a sorti l'album en 1979 au Brésil avec une pochette et un ordre des titres différent[3].

Dans une critique pour The Village Voice, le critique musical Robert Christgau a attribué à Nine to the Universe un "B+" et l'a qualifié de "R&B progressif stimulant" présentant les improvisations les plus orientées jazz d'Hendrix. Cependant, il s'est demandé "si des structures plus serrées n'auraient pas poussé [Hendrix] à réfléchir plus fort et plus vite", tout en trouvant que Young, étant le seul musicien de jazz, sonnait moins "loin" qu'habituellement[9]. Paul Evans lui a attribué trois étoiles et demie sur cinq dans The Rolling Stone Album Guide (1992) et a déclaré que l'éthique de la production de Douglas était discutable mais a abouti à un style de fusion dans lequel Hendrix « sonne bien », citant le album comme le plus « vital » des disques produits par Douglas[10]. Selon le spécialiste de la musique Craig Hansen Werner, avec Right Off de Miles Davis (1971) et les albums Guitar (1986) et Seize the Rainbow (1987) de Sonny Sharrock, Nine to the Universe était l'une des rares œuvres à suggérer la direction que Hendrix et Davis auraient exploré s'ils avaient travaillé ensemble[11].

Les titres

Face 1

  1. Nine To The Universe
  2. Jimi/Jimmy Jam

Face 2

  1. Young/Hendrix
  2. Easy Blues
  3. Drone Blues

Notes

  1. John McDermott, Eddie Kramer et Billy Cox, Ultimate Hendrix: An Illustrated Encyclopedia of Live Concerts and Sessions, Hal Leonard, (ISBN 978-0879309381), p. 187 :
    « ...the posthumous compilation album Nine to the Universe. »
  2. Gary Geldeart et Steve Rodham, Jimi Hendrix: The Studio Log: A Complete Chronological Guide to Jimi Hendrix's Studio Recording Sessions, Jimpress, (ISBN 978-0-9527686-4-7, lire en ligne), p. 113
  3. Harry Shapiro et Caesar Glebbeek, Jimi Hendrix: Electric Gypsy, New York City, Macmillan, , 3rd éd., 549–550 p. (ISBN 978-0-312-13062-6, lire en ligne)
  4. Peter Doggett, Jimi Hendrix: The Complete Guide to His Music, Omnibus Books, , 73–74 p. (ISBN 978-1-84449-424-8, lire en ligne)
  5. John McDermott, Ultimate Hendrix: An Illustrated Encyclopedia of Live Concerts and Sessions, Backbeat Books, , 146–147 p. (ISBN 978-0879309381)
  6. Message from Nine To The Universe Vol.1 (ATM 055)
  7. Hendrix: Setting The Record Straight de John McDermott avec Eddie Kramer revient sur le montage
  8. DAGGER RECORDS : Official Jimi Hendrix Bootleg Recordings (www.daggerrecords.com)
  9. Robert Christgau, « Christgau's Consumer Guide », The Village Voice, New York, (lire en ligne, consulté le )
  10. Paul Evans, The Rolling Stone Album Guide, Random House, , 3rd éd. (ISBN 0679737294), « Jimi Hendrix », p. 315
  11. Craig Hansen Werner, A Change is Gonna Come: Music, Race & the Soul of America, University of Michigan Press, (ISBN 0472031473, lire en ligne), « 'Love or Confusion?' », 144
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