Nicolae Steinhardt

Nicu-Aurelian Steinhardt ( - ) est un écrivain roumain, d'origine juive, détenu politique, converti au christianisme, baptisé en prison et devenu moine au monastère Sainte-Anne, à Rohia, dans le Nord de la Roumanie.

Pour les articles homonymes, voir Steinhardt.

Son œuvre fondamentale Le Journal de la Félicité, témoignage sur l'univers concentrationnaire roumain à l'époque communiste, décrit la transfiguration de Nicolae Steinhardt, sa découverte du Christ. Le dernier ouvrage de Nicolae Steinhardt, Donne et tu recevras, est le recueil posthume de ses homélies - il constitue, en quelque sorte, son testament chrétien.

Biographie

Jeunesse et études

Nicu-Aurelian Steinhardt naît le à Pantelimon, petite commune de la périphérie de Bucarest, dans une famille juive roumaine.

De 1919 à 1929, il étudie à l'école primaire et par la suite au lycée Spiru Haret de Bucarest, où il a comme collègue aîné Constantin Noica qui, plus tard, jouera un rôle capital dans sa vie.

En 1932, il obtient une Licence en droit à l'université de Bucarest.

En 1936, il obtient son doctorat en droit constitutionnel à l'université de Bucarest.

Carrière

En 1935, il publie en collaboration avec son ami Emmanuel Neumann, en français, Essai sur une conception catholique du judaïsme.

De 1936 à 1939, il voyage en Suisse, en Autriche, en France et en Angleterre.

En 1940, il collabore avec de nombreux articles et essais à la Revue des Fondations Royales.

De 1940 à 1944, il est écarté de la Revue des Fondations Royales dans le cadre des persécutions antisémites.

De 1944 à 1948, période de l'installation en force, avec l'appui de l'Armée Rouge, de la dictature communiste en Roumanie, Nicolae Steinhardt retrouve son poste à la Revue des Fondations Royales sous le règne du roi Michel 1er et continue à collaborer comme critique littéraire dans les revues encore autorisées.

De 1948 à 1953, Steinhardt refuse toute collaboration avec un régime politique considéré illégitime. Il est par conséquent interdit de publication. Il vit de petits boulots et d'expédients. Dans une atmosphère d'oppression politique et de semi-clandestinité il fréquente l'élite intellectuelle roumaine et se lie d'amitié avec Constantin Noica, ancien éditeur de Buna Vestire le bulletin officiel de la Garde de Fer, Alexandru Paleologu, Paul Simionescu, Virgil Cândea, Dinu Pillat, Sergiu Al-George.

En 1959, ses amis le philosophe Constantin Noica, Dinu Pillat et Alexandru Paleologu sont arrêtés et emprisonnés pour "complot contre l'ordre socialiste, attitudes et mentalités contre-révolutionnaires, écrits subversifs".

Le , il est interrogé par la Securitate (police politique roumaine) dans le cadre d'une enquête. Nicolae Steinhardt refuse le rôle qu'on lui propose : dénoncer ses amis et être le témoin de l'accusation. Accusé d'être, comme ses relations, un "mystico-légionnaire", il est donc à son tour emprisonné et condamné à treize ans de travaux forcés pour "crime contre l'ordre social".

Le , il est incarcéré dans la sinistre prison de Jilava. Il demande au hiéromoine Mina Dobzeu, détenu politique comme lui, de le baptiser en Christ. Steinhardt a comme témoins cinq codétenus : deux prêtres catholiques, deux prêtres uniates et un pasteur protestant, alors que son parrain lors de cet événement est Emanuel Vidrascu, le chef de cabinet de l'ancien vice-premier ministre fasciste Mihai Antonescu.

En 1964, Nicolae Steinhardt, comme de nombreux autres détenus politiques, est libéré dans le cadre d'une amnistie.

De 1964 à 1969, Nicolae Steinhardt refuse toute collaboration avec le régime communiste, préférant une vie de marginal à la limite de la misère et de la famine. Avec l'aide de ses amis il obtient toutefois quelques contrats de traduction d'auteurs anglais : James Barlow, David Storey, Rudyard Kipling.

En 1970, il rédige la première version du Journal de la Félicité dont le manuscrit lui sera confisqué par la Securitate. Steinhardt le réécrit, dans une version encore plus ample, celle qui sera d'abord lue à Radio Europe Libre et ensuite publiée, après sa mort et après l'effondrement du communisme.

En 1980, Steinhardt dépose ses vœux et devient moine au monastère de Rohia. Il reçoit comme obédience la mise en ordre de la bibliothèque du monastère.

De 1980 à 1989, Steinhardt publie de nombreux essais de critique littéraire. Il devient de plus en plus connu, entouré de plus en plus par de jeunes étudiants, écrivains et poètes. Le monastère de Rohia est mis à sac à plusieurs reprises par la Securitate qui est à la recherche de manuscrits de Steinhardt et des livres reçus de France avec les dédicaces de ses amis lointains : Emil Cioran, Mircea Eliade, Eugène Ionesco.

Il décède le à l'hôpital de Baia Mare.

En 2017, Nicolae Steinhardt est élu à titre posthume membre de l'Académie roumaine.

Moine et écrivain

Les deux "talents" de Nicolae Steinhardt, celui d'homme de lettres et celui de religieux, se sont accomplis lorsque, devenu moine, il reçut comme obédience non seulement la mise en ordre de la bibliothèque du monastère, mais aussi celle d'écrire. La vie de Steinhardt peut être vue comme un cheminement exemplaire vers ce destin de moine écrivain.

Steinhardt a beaucoup écrit, malgré les interdictions du régime communiste, en dépit des dangers, en prenant et en assumant le risque d'être à nouveau emprisonné lui, ainsi que ses amis et ses frères moines qui l'aidaient à mettre ses manuscrits à l'abri de la toute puissante police politique. À première vue, son œuvre peut sembler disparate - des essais, des articles, de la critique littéraire, des entretiens. C'est en effet une œuvre qui a été écrite a été dans des temps et des conditions d'une rare vicissitude. Deux livres majeurs s'imposent : Le journal de la félicité et Donne et tu recevras.

Dans Le journal de la félicité, en plus de ses souvenirs carcéraux, Steinhardt expose sa vision traditionaliste et créationniste de la religion, par exemple en insistant sur le fait que l'homosexualité est un "péché" et en niant le principe de l'évolution des espèces vivantes, qu'il assimile à "la persistance du hasard" en ignorant les mécanismes de la sélection naturelle. Il affirme ainsi que "Ceux qui croient que l’homme descend du singe, descendent effectivement du singe et forment une race à part, extérieure à la race des hommes que Dieu a créés, qui croient et savent que dieu les a créées[1]." Il s'attarde également à essayer de démontrer la supériorité du christianisme sur l'athéisme ou sur d'autres religions comme le bouddhisme, qui n'offre selon lui que "le renoncement". Il dénonce aussi les "démocrates qui exigent les pleins droits pour des auteurs immoraux au nom de la liberté d'expression"[2]. Pour Michel Simion, rédacteur de la préface de l'édition française de Donne et tu recevras, Le journal de la félicité, constitue "toute une vision du monde, un vrai weltanschauung où on y trouve, entre autres, des considérations sur la Révolution française, sur Freud, sur Madame Bovary, sur la physique quantique, sur le phénomène hippy. Ses propos sur l'homosexualité comme "péché" peuvent étonner aujourd'hui, mais Steinhardt est dans son rôle de chrétien orthodoxe qui, avant de juger, fait toujours appel à la compassion, à la prière et au pardon du pécheur. Pour Nicolae Steinhardt, la supériorité du christianisme, religion de souffrance, sur l'athéisme ou sur d'autres religions comme le bouddhisme, qui n'offre selon lui que "le renoncement", est une évidence."

Selon Olivier Clément, rédacteur de la préface de l'édition française du "Journal de la Félicité", cet ouvrage est un "immense témoignage spirituel, sans préméditation, sans ordre, un peu comme pour Les Pensées de Pascal". Pour Michel Simion, rédacteur de la préface de l'édition française de Donne et tu recevras, Le journal de la Félicité est "un cheminement vers la félicité, une œuvre, à ranger à côté de Souvenirs de la maison des morts de Dostoïevski ou du Premier cercle de Soljenitsyne". Olivier Clément souligne : "Pour Steinhardt comme pour toute la grande tradition orthodoxe, Dieu est innocent. Il s'efface pour que nous trouvions l'espace de notre liberté. Le mal est notre création - et celle de "l'adversaire". La Croix seule, et le mystère du Dieu souffrant - Théos paschôn disent les Pères - peuvent nous libérer."

Donne et tu recevras est un recueil d'homélies, qui ont été prononcées à l'ambon de l'église du Monastère de Rohia, entre 1980 et 1989. Ce sont, selon l'auteur de la préface Michel Simion, de "véritables leçons de théologie et de vie, impressionnantes par l'immense érudition de l'auteur", qui fait appel aux Pères de l'Église, à saint Ephrem, à Saint Jean Chrysostome et à saint Seraphin de Sarov, mais aussi à ses références littéraires : Pascal, Kierkegaard, Dostoïevski, Papini, Freud, Cioran, Cervantes, Mircea Eliade. Ces homélies mélangent à la fois un style oral, populaire, argotique et parfois provoquant, avec des incursions dans la patristique et dans la théologie des dogmes.

Publications

  • N. Steinhardt (în colaborare cu Emanuel Neuman), Essai sur la conception catholique du judaïsme, 1935.
  • N. Steinhardt (în colaborare cu Emanuel Neuman), Illusion et réalités juives, 1937.
  • N. Steinhardt, Incertitudini literare, Editura Dacia, Colecția Discobolul, Cluj-Napoca, 1980.
  • N. Steinhardt, Geo Bogza, un poet al Efectelor, Exaltării, Grandiosului, Solemnității, Exuberanței și Patetismului, Editura Albatros, București, 1982.
  • N. Steinhardt, Critică la persoana întîi, Editura Dacia, Cluj-Napoca, 1983.
  • N. Steinhardt, Escale în timp și spațiu, sau Dincolo și dincolo de texte, Editura Cartea românească, 1987, fără localitate.
  • N. Steinhardt, Prin alții spre sine. Eseuri vechi și noi, Editura Eminescu, „Biblioteca Eminescu”, Bucarest, 1988.
  • N. Steinhardt, Jurnalul fericirii, Editura Dacia, Cluj-Napoca, 1991 (reeditat de mai multe ori, ISBN ediția 1994: (ISBN 973-35-0364-9).
  • Nicolae Steinhardt (Monahul Nicolae De La Rohia), Dăruind vei dobîndi - Cuvinte de credință, Editura Episcopiei Ortodoxe Române a Maramureșului și Sătmarului, Baia Mare, 1992.
  • N. Steinhardt (pe copertă) [ediție anastatică: Antisthius, În genul... tinerilor, Editura Cultura Poporului, București, 1934], Editura PAN, 1993, (ISBN 973-95708-6-0).
  • N. Steinhardt, Cartea împărtășirii, Biblioteca Apostrof, Cluj, 1995, (ISBN 973-96825-3-7).
  • N. Steinhardt, Călătoria unui fiu risipitor, Editura Adonai, 1995, fără localitate, (ISBN 973-97030-3-8).
  • N. Steinhardt (Antisthius), În genul lui Cioran, Noica, Eliade..., Editura Humanitas, Bucarest, 1996, (ISBN 973-28-0655-9) (reeditare a: Antisthius, În genul...tinerilor, 1934).
  • Zaharia Sângeorzan, Monahul de la Rohia - Nicolae Steinhardt răspunde la 365 de întrebări, Editura Humanitas (Colecția „Memorii/Jurnale/Convorbiri”), București, 1998, (ISBN 973-28-0896-9) (ediția I la Editura revistei Literatorul, Bucarest, 1992) (reeditat 2003, (ISBN 973-50-0662-6).
  • N. Steinhardt, Ispita lecturii, Editura Dacia (Colecția „Discobolul”), Cluj-Napoca, 2000, (ISBN 973-35-1025-4).
  • N. Steinhardt în dialog cu Ioan Pintea, Primejdia mărturisirii, Editura Dacia (Colecția „Homo religiosus”), Cluj-Napoca, ediția a III-a, 2000, (ISBN 973-35-0994-9) (ediția I în 1993).
  • N. Steinhardt, Drumul către isihie, Editura Dacia (Colecția „Discobolul”), ediția a doua, Cluj-Napoca, 2001 (în descrierea CIP a Bibliotecii Naționale 2000), (ISBN 973-35-0993-0) (ediția I în 1999).
  • N. Steinhardt, Dumnezeu în care spui că nu crezi... (Scrisori către Virgil Ierunca: 1967-1983), Editura Humanitas, București, 2000.
  • N. Steinhardt, Eu însumi și alți câțiva (eseuri noi și vechi), Editura Dacia (Colecția „Discobolul”), Cluj-Napoca, 2001, (ISBN 973-35-1182-X).

Publications traduites en français

  • N. Steinhardt, Journal de la Félicité, Traduit du roumain par Marily le Nir, préface par Olivier Clément, Editions Arcantère, Paris 1995, (ISBN 2-86829-070-1)
  • N. Steinhardt, Donne et tu recevras - Paroles de foi, traduit du roumain et préfacée par Michel Simion, Edition Apostolia, Limours 2017, (ISBN 979-10-97454-00-5)

Liens externes

Notes et références

  1. Journal de la Félicité, Arcantère éditions Unesco 1995, p.55
  2. Journal de la Félicité, Arcantère éditions Unesco 1995, p.409
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