Nagriamel

Nagriamel est un mouvement politique au Vanuatu. Il est parfois décrit comme le plus vieux mouvement politique du pays[1].

Histoire

Nagriamel[2] apparut sur l'île d'Espiritu Santo au milieu des années 1960, dans ce qui était alors le condominium franco-britannique des Nouvelles-Hébrides. Sa raison d'être était de protester contre l'aliénation des terres autochtones par les colonisateurs. Son fondateur fut Jimmy Stevens, travailleur sur les plantations coloniales. Il demanda que les terres aliénées mais non exploitées soient restituées à leurs propriétaires autochtones coutumiers, tout en acceptant de reconnaître les intérêts des Européens dans les terres déjà mises en exploitation. Nagriamel fut le premier grand mouvement de contestation à l'encontre des autorités coloniales, et reçut le soutien de plusieurs milliers de personnes dans les îles du centre et du nord du pays. Il fut par la suite dépassé par le Vanua'aku Pati, véritable parti politique anticolonial structuré, disposant de soutiens dans toute la colonie[1].

À mesure que le pays s'acheminait vers l'indépendance, Nagriamel et le Vanua'aku Pati exprimèrent des propositions différentes pour son avenir. Le Vanua'aku Pati voulait un État souverain relativement centralisé, tandis que Nagriamel proposait une confédération d'îles 'indépendantes', respectueuses de la pleine autonomie des différentes îles. Les élections législatives de 1979, visant à instaurer un gouvernement de transition vers l'indépendance, furent un triomphe pour le Vanua'aku Pati, qui remporta une majorité absolue des sièges au nouveau Parlement. Nagriamel n'en obtint qu'un seul, bien que d'autres mouvements autonomistes en obtinrent quelques-uns. Le résultat fut une rébellion de la part de Nagriamel et d'autres mouvements, qui proclamèrent (séparément) la sécession des îles Espiritu Santo (sous le nom de Vemarana) et Tanna. Jimmy Stevens et d'autres dirigeants de Nagriamel furent arrêtés et emprisonnés[1],[3],[4].

Au cours des années 1980, Nagriamel s'allia à l'Union des Partis modérés, coalition de partis francophones élaborée en opposition au Vanua'aku Pati. Frankie Stevens, fils de Jimmy, fut ainsi élu député d'Espiritu Santo sous l'étiquette de l'UPM aux élections législatives de 1991, qui portèrent l'UPM au pouvoir. Lorsque le gouvernement de l'Union ne fit pas libérer Jimmy Stevens de prison, toutefois, Nagriamel s'en détacha, et redevint un mouvement politique indépendant. Aux élections de 1995, il obtint un député, Edouard Melsul, dans la circonscription de Pentecost[1].

Sa période de déclin, toutefois, se poursuivit jusqu'au milieu des années 2000, lorsqu'une faction contestataire, appelée 'Nagriamel 2', remporta trois sièges sur dix-huit lors des élections législatives provinciales de Sanma en 2007. 'Nagriamel 2' se réconcilia ensuite avec le mouvement principal, et Nagriamel réunifié tint son premier congrès national en , dans le but de (re)devenir un mouvement politique national conséquent[1]. Il obtint un siège au Parlement national lors des élections de 2008 : son candidat Havo Molisale fut élu député de la circonscription de Malo/Aore. Il intégra le gouvernement de coalition du Premier ministre Edward Natapei (Vanua'aku Pati), et fut nommé Ministre de l'Agriculture, des Ressources forestières et des Pêcheries[5]. Le mouvement obtint un deuxième député à la suite d'une élection partielle en  : Ioane Simon, dans la circonscription d'Epi[6],[7]. Simon rejoignit toutefois ensuite le Parti travailliste[8].

Représentation au Parlement

Élection[9] Sièges Remarques
1979
1  /  39
1983 pas de candidat
1987 pas de candidat
1991 pas de candidat Frankie Stevens élu sous l'étiquette de l'UPM
1995
1  /  50
Edouard Melsul
1998
0  /  52
2002
0  /  52
2004
0  /  52
2008
1  /  52
Havo Molisale. Un 2e député, Ioane Simon, élu dans une élection partielle
2012
3  /  52
2016
3  /  52
2020
0  /  52

Structure

Le mouvement est dirigé par un comité, et comporte trois comités inférieurs aux fonctions spécifiques : Le comité politique, qui gère la participation du mouvement à la vie politique du pays, et notamment la préparation de ses projets de lois ; le comité des terres autochtones, dont l'objectif est d'enregistrer et de protéger la propriété coutumière de toutes les terres du pays ; et le comité socio-économique, dont la fonction principale est d'entretenir des liens avec les gouvernements et investisseurs étrangers[1].

Politiques

Nagriamel est aujourd'hui réconcilié avec les autorités nationales, au point de participer au gouvernement. Il ne prône plus une confédération d'îles indépendantes, et reconnaît la souveraineté du gouvernement à Port Vila sur l'ensemble du Vanuatu[1].

Nagriamel aujourd'hui apparaît principalement comme un mouvement chrétien conservateur. Sa campagne électorale en 2008 mit l'accent sur le maintien de l'ordre (demandant notamment la construction de nouvelles prisons) et la promotion du secteur privé. Il soutient le statut de paradis fiscal du pays. Toutefois, il est également en faveur de la gratuité de l'éducation et des soins de santé. Il condamne ce qu'il qualifie d'individualisme de la société contemporaine, et en appelle à la restauration des valeurs coutumières, à la fois ancestrales et chrétiennes. Le comité de direction du parti est par ailleurs chargé de veiller à ce que les politiques qu'il propose soient conformes aux Dix Commandements[1].

Origine du nom

Selon l'ethnologue B. Hours[10] :
« Le Nagriamel tire son nom de deux plantes : Nangaria (Cordyhe fruticosa) et Namélé (Cycas circimzlis). La feuille de Nangaria était utilisée comme cache sexe masculin par les man bush [les hommes de la brousse], avant l’apparition du calicot.
Le Namélé précisait le grade du porteur entre autres multiples significations. On le trouve actuellement sur les femmes en brousse, qui portent aussi des feuilles de Nangaria devant les parties génitales. Les hommes ne revêtent ces feuilles que lors des fêtes et des danses. Elles sont passées dans la ceinture. La feuille de Nangaria est un symbole féminin, comme cache sexe du premier homme elle est un élément important de la culture. La feuille de Cycus (namélé) est par contre un symbole masculin selon les informateurs. C’est par excellence le signe social symbole de la règle ou de la loi. À la fin des guerres traditionnelles entre villages, guerres ponctuées d’anthropophagie, la feuille de namélé signalait le retour à la paix et à l’ordre.
Il semble donc que l’union de ces deux feuilles insiste sur l’aspect d’ordre culturel humain par opposition au désordre, domaine de la nature et du déchaînement des forces anti-sociales dont l’anthropophagie et la guerre sont les sommets.  »

Voir aussi

Sources

Notes

  1. (en) Les partis politiques du Vanuatu, Université du Pacifique sud
  2. Voir Tabani (2001).
  3. (en) The Pacific Islands: an encyclopedia, Volume 1, Brij V. Lal & Kate Fortune (éds.), Honolulu, University of Hawaii Press, 2000, (ISBN 0-8248-2265-X)
  4. (en) "REL36470 - Chief's stick : Espiritu Santo", Australian War Memorial
  5. (en) Députés et ministres de la 9e législature, Parlement du Vanuatu
  6. (en) « "MP Simon joins Nagriamel" »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?), Vanuatu Daily Post, 2 mars 2009
  7. (en) « "New Nagriamel MP formally meets DPM" »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?), Vanuatu Daily Post, 8 avril 2009
  8. (en) "MP Samsen joins Labour Party", Vanuatu Daily Post, 28 avril 2011
  9. Archives électorales, Union inter-parlementaire
  10. B. Hours, « Un mouvement politico-religieux néo-hébridais : le Nagriamel », Cahiers de l'Orstom, vol. XI (3-4), 1974, pp.227-242
  • Portail de la politique
  • Portail du Vanuatu
  • Portail du conservatisme
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.