Nécropole des Rabs

La nécropole des Rabs, appelée aussi nécropole de Sainte-Monique ou encore nécropole de Bordj-Djedid, est un cimetière d'époque punique situé sur le site archéologique de Carthage en Tunisie, et qui a fait l'objet de fouilles à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle.

Nécropole des Rabs

Sarcophage dit de la prêtresse, sur une aquarelle réalisée en 1903 par Auguste-Émile Pinchart.
Localisation
Pays Tunisie
Histoire
Époque Ve siècle av. J.-C.-IIe siècle av. J.-C.

Fouillé par le père Alfred Louis Delattre dans les conditions de fouilles usuelles à l'époque mais très dommageables pour la compréhension globale du site, le cimetière réservé à une classe sociale privilégiée de la cité punique a livré des sarcophages de marbre, qui constituent des pièces maîtresses du musée national de Carthage et du musée du Louvre, et un riche mobilier dont des bijoux et des céramiques.

Localisation

Plan des vestiges conservés du site archéologique de Carthage : la nécropole se situait au sud-est du n°13 (citernes de Bordj Djedid).

Le site est situé sur la colline Sainte-Monique, entre le plateau de Bordj-Djedid et le couvent de Sainte-Monique[1]. Une localisation plus précise est rendue difficile par l'absence de méthodologie lors des fouilles menées sous la direction du père Alfred Louis Delattre.

Histoire

Histoire antique

La nécropole est utilisée à partir du Ve siècle av. J.-C.-IVe siècle av. J.-C. et cela jusqu’à la destruction de la cité punique en 146 av. J.-C.[1]. Au IIIe – IIe siècle, les rites funéraires utilisés sont l'incinération et l'inhumation ; les défunts étaient accompagnés dans leur dernière demeure par des bijoux d'or, des ivoires sculptés, des vases de bronze et de céramiques siciliennes ou étrusques[2].

La nécropole accueillait les sépultures de la haute société carthaginoise[3]. Le cimetière des Rabs aurait accueilli les prêtres et les prêtresses de Carthage[1].

Redécouverte

Carte postale ancienne figurant la sortie d'un sarcophage lors des fouilles de la nécropole par le père Delattre.

Le site est fouillé entre 1898 et 1906 dans des conditions déplorables au vu des conditions actuelles mais conformes en tous points à ce qui se pratiquait au début du XXe siècle[4]. Cependant, certains considèrent le père Delattre comme fautif du fait de son amateurisme, puisqu'aucun plan de la nécropole n'a été levé. Les fouilles sont financées alors par l'Académie des inscriptions et belles-lettres[5].

En 1898, le fouilleur retrouve un sarcophage de marbre peint[6], puis un second en mai 1901[7]. L'année 1902 voit la découverte d'un sarcophage de femme se cachant le visage à l'aide d'un voile[8] et qui abritait deux corps[9] et aussi celui du prêtre[10]. Une sépulture abritant deux sarcophages a été fouillée également en novembre 1902, mais a été violée. Le sarcophage masculin portait au moment de la découverte la trace d'un long insigne de la dignité du personnage selon le fouilleur[11]. La femme inhumée dans le second sarcophage devait être âgée, au moment de son décès, car la dentition était abîmée[12].

Delattre propose d'offrir l'un des sarcophages au musée du Louvre, le choix devant être opéré par l'institution entre diverses œuvres[13]. L'administration demande à faire entrer deux sarcophages dans ses collections, le départ est accepté par Delattre et le service des antiquités et des arts de Tunisie[14].

Une partie méconnue de la nécropole est signalée en 2015, à la suite de fouilles préventives préalables à la construction d'une villa aux abords du palais présidentiel et de la villa Baizeau de Le Corbusier. Les vestiges non fouillés par manque de moyens semblent toutefois préservés[15].

Découvertes

Les fouilles ont livré une quinzaine de sarcophages d'influence grecque, datés du IVe – IIIe siècle av. J.-C., qui ont des parallèles en Italie du Sud et à Athènes[3].

Sarcophages au couvercle sculpté

Sarcophages de la nécropole des Rabs conservés dans la salle de Carthage du musée du Louvre.
Détail du sarcophage de la prêtresse de Carthage au Louvre.
Détail du sarcophage du prêtre au Louvre.

Le site a également livré quatre sarcophages au couvercle sculpté[3] et peint, en calcaire ou en marbre[1], de même qu'un ossuaire représentant un prêtre dans la même posture et vêtu de façon similaire aux grands sarcophages[16], retrouvé en 1898[17].

L'usage des sarcophages par les Phéniciens est très ancien et s'inspire de l'Égypte antique[18]. Le mort est figuré debout mais en position horizontale[19],[20].

Deux sarcophages figurent un prêtre vêtu d'une tunique, la main droite levée en guise d'adoration et la main gauche pourvue d'une cassolette d'encens[1]. Le geste de prière est fréquent dans la civilisation carthaginoise[21]. Le visage du prêtre est calme[22], « grave et solennel »[10]. La représentation en ronde bosse et l'usage de la peinture donnent à l'œuvre un « expression de vitalité extraordinaire »[17].

Un caveau qui a livré un sarcophage de prêtre a aussi livré le sarcophage dit de la prêtresse[23], les couvercles ayant été brisés par les voleurs mais fort heureusement sans endommager les visages des personnages[24].

Détail du sarcophage en bois de Kerkouane, conservé au musée du site.

Le sarcophage de la prêtresse appelé aussi sarcophage de la prêtresse ailée porte une femme avec des ailes d'oiseaux et figurant peut-être la déesse Tanit ; l'une des mains tient une colombe la tête en bas en signe de deuil et l'autre main un vase à parfum[1], avec « un air de majesté et de grandeur »[11]. Elle porte une coiffure égyptienne et les ailes semblent rappeler les attributs d'Isis ou Nephtys[25]. L'influence grecque est visible derrière les insignes égyptiens[26]. Le sarcophage de la prêtresse est, selon Hédi Dridi, « un véritable manifeste de l'éclectisme punique »[3]. Ce type de sarcophage se retrouve en bois dans des découvertes de Carthage et de Kerkouane et a pu inspirer les œuvres étrusques[19].

Le sarcophage féminin du Louvre fait voir une prêtresse qui se couvre avec un voile, selon une parenté stylistique évidente avec des œuvres grecques du IVe siècle av. J.-C.[5] L'« attitude pleine de pudeur et de grâce » de la jeune femme est soulignée par Antoine Héron de Villefosse, l'œuvre étant travaillée et la personne étant représentée vivante[27].

Sarcophages en forme de temple grec

Sarcophage en marbre conservé au musée national de Carthage.

Certains sarcophages ont l'aspect d'un temple grec avec des acrotères[29] et frontons pourvus de peintures effacées après leur découverte. Ils ont peut-être été réalisés à Carthage par des Grecs immigrés[30]. L'origine grecque est probable mais destinée à des commanditaires puniques[22]. Le sarcophage, cuve et couvercle, forme « l'image de la demeure du mort »[29].

Notes et références

Bibliographie

Ouvrages généraux sur Carthage

  • Maria Giulia Amadasi Guzzo, Carthage, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », , 128 p. (ISBN 978-2-13-053962-9).
  • Azedine Beschaouch, La légende de Carthage, Paris, Éditions Gallimard, coll. « Découvertes Gallimard / Archéologie » (no 172), , 176 p. (ISBN 2-07-053212-7). .
  • Hédi Dridi, Carthage et le monde punique, Paris, Les Belles Lettres, , 287 p. (ISBN 2-251-41033-3). .
  • Abdelmajid Ennabli, Georges Fradier et Jacques Pérez, Carthage retrouvée, Tunis/Paris, Cérès/Herscher, , 151 p. (ISBN 9973-19-055-6). .
  • M'hamed Hassine Fantar, Carthage : approche d'une civilisation, Tunis, Alif, , 762 p. (ISBN 9973-22-019-6).
  • M'hamed Hassine Fantar, Carthage : la cité punique, Tunis, Cérès, , 127 p. (ISBN 978-9973-22-019-6 et 9973-22-019-6).
  • Serge Lancel, Carthage, Paris, Fayard, , 525 p. (ISBN 2-213-02838-9).
  • Edward Lipinski (dir.), Dictionnaire de la civilisation phénicienne et punique, Paris, Brépols, , 502 p. (ISBN 2-503-50033-1). .
  • Colette Picard, Carthage, Paris, Les Belles Lettres, , 100 p. .
  • Hédi Slim et Nicolas Fauqué, La Tunisie antique : de Hannibal à saint Augustin, Paris, Mengès, , 259 p. (ISBN 2-85620-421-X).
  • Hédi Slim, Ammar Mahjoubi, Khaled Belkhodja et Abdelmajid Ennabli, Histoire générale de la Tunisie, vol. I : L'Antiquité, Paris, Maisonneuve et Larose, , 459 p. (ISBN 2-7068-1695-3).
  • Maurice Sznycer, « Carthage et la civilisation punique », dans Claude Nicolet, Rome et la conquête du monde méditerranéen, vol. 2 : Genèse d'un empire, Paris, PUF, , p. 545-593.
  • Salah-Eddine Tlatli, La Carthage punique. Étude urbaine : la ville, ses fonctions, son rayonnement, Paris, Adrien-Maisonneuve, , 302 p..
  • Collectif, « La Carthage punique », Connaissance des arts, no 69, , p. 8-23 (ISSN 0293-9274). .
  • Collectif, Carthage : l'histoire, sa trace et son écho, Paris, Association française d'action artistique, , 23 p. (ISBN 9973-22-026-9).

Ouvrages consacrés aux fouilles ou aux découvertes

  • Hélène Bénichou-Safar, Les tombes puniques de Carthage : topographie, structures, inscriptions et rites funéraires, Paris, Éditions du Centre national de la recherche scientifique, coll. « Études d'antiquités africaines », , 437 p. (ISBN 2-222-02914-7, lire en ligne).
  • Alfred Louis Delattre, « Carthage. Nécropole punique voisine de Sainte-Monique. Deux sarcophages anthropoïdes en marbre blanc », CRAI, vol. 47, no 1, , p. 23-33 (lire en ligne, consulté le ).
  • Alfred Louis Delattre, « Découvertes dans la nécropole des Rabs à Carthage », CRAI, vol. 67, no 4, , p. 304-305 (lire en ligne, consulté le ).
  • Antoine Héron de Villefosse, « Les sarcophages peints trouvés à Carthage », Monuments et mémoires de la Fondation Eugène Piot, vol. 12, no 1, , p. 79-112 (lire en ligne, consulté le ). .
  • Antoine Héron de Villefosse, « Lettre du R. P. Delattre et don au Musée du Louvre de deux sarcophages découverts à Carthage », CRAI, vol. 50, no 2, , p. 131-133 (lire en ligne, consulté le ). .

Autres travaux

  • C. Mahy, « Le sarcophage dit du prêtre de Tarquinia et les contacts entre Carthage et le monde étrusque », Volumen, no 4, , p. 53-75 (ISSN 2031-1206, lire en ligne, consulté le ).

Voir aussi

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