Myotragus balearicus

Myotragus balearicus (dérivé du grec néo-latin μυς / mus + τράγος / trágos + Βαλεαρίδες / Balearídes — « souris-chèvre des Baléares »), aussi connue sous le nom de Chèvre des cavernes des îles Baléares, est une espèce de la sous-famille des Caprinae qui a vécu sur les îles de Majorque et Minorque jusqu’à son extinction il y a environ 5 000 ans. Cet animal était d’abord décrit comme « drôle de chèvre », jusqu’à ce que des analyses génétiques, réalisées par l’université Pompeu Fabra de Barcelone, aient révélé que Myotragus était plus proche des moutons que des chèvres.

Description

Reconstitution.
Vue de face du crâne.

L’attention est d’abord attirée par la tête de l’animal. Ses yeux ne sont pas dirigés vers les côtés, comme ceux de presque tous les mammifères herbivores, mais vers l'avant, en leur accordant une vision stéréoscopique. La mâchoire inférieure contenait rarement deux incisives vivaces lors de la croissance de la mâchoire inférieure, comme les rongeurs et les lagomorphes, mais pas comme les autres ongulés. Quant à la mâchoire supérieure, elle manquait d’incisives. Le reste des dents étaient des molaires et prémolaires adaptées à l'écrasement de la matière végétale. Le nez était court en comparaison avec le reste du crâne, semblable aux nez des lapins et des lièvres. Enfin, autant les mâles que les femelles avaient deux cornes très courtes au sommet de la tête. Il est possible que ces cornes aient été plus longues, mais aucune corne complète n'a été trouvée. Myotragus balearicus était de petite taille (environ 50 centimètres de haut à hauteur d’épaule) et pesait entre 12 et 15 kilogrammes. Ses jambes étaient proportionnellement plus courtes que celles de bovidés connexes et moins souples, ce qui ne rendait pas Myotragus balearicus exceptionnellement rapide. Ce n'était cependant pas un problème grave, car les îles ne regorgeaient pas de prédateurs à l'exception de quelques oiseaux de proie, desquels il se cachait probablement dans la végétation. Il possédait une bosse prononcée sur les épaules, tandis que le dos était plié vers l’arrière-train. Les pattes, comme beaucoup dans l'ordre des Artiodactyles, n’avaient que quatre doigts dont deux seulement étaient utilisés pour marcher. La queue est assez longue par rapport au reste du corps. Une chèvre avait été repérée dans les grottes au loin de la mer, mais elle pourrait appartenir à un autre type de chèvre des cavernes, selon l’observation faite en août 2006.

Dessin d'artiste de Myotragus balearicus.

L'étude du squelette a montré en 2009 que, cas unique chez les mammifères, cette espèce était ectotherme[1],[2]. Les caractéristiques physiologiques et le cycle de vie de Myotragus sont semblables à ceux des reptiles et ont certainement été déterminants pour leur survie sur une petite île pendant la durée étonnante de 5,2 millions d'années, soit plus du double de la persistance moyenne des espèces continentales[2]. L'histologie des os longs de Myotragus révèle des traits exclusifs aux reptiles ectothermes. La microstructure osseuse indique que Myotragus ne grandissait pas comme les autres mammifères, mais que sa croissance à un rythme lent et souple était apparentée à celle des crocodiles. Myotragus pouvait cesser périodiquement de croître, en synchronisation avec la fluctuation des niveaux de ressources[2].

Nourriture

Le Myotragus balearicus se nourrissait de tous les types de végétation, d'arbustes et de branches basses des arbres du climat méditerranéen, même s'il avait une prédilection pour les arbustes endémiques Baléares. Les fossiles trouvés à Majorque et Minorque, ainsi que l'absence de pâturages pour animaux, semblent indiquer que les Iles Baléares primitives étaient recouvertes de forêts avant la colonisation de l’homme et que les prairies herbacées d'une taille conséquentes n'existaient pas. Dans un tel habitat, le Myotragus aurait de préférence vécu seul ou en petits groupes.

Reproduction

Peu de choses sont connues sur les habitudes de reproduction de cette espèce. En 1999, la découverte d’un squelette d’individu nouveau-né a été faite, permettant de constater la taille assez grande du Myotragus bébé par rapport à celle de sa mère. Il pouvait probablement marcher et suivre son géniteur déjà quelque temps après sa naissance. Il semblerait que la maturation ne prenait que peu de temps, soit dans une fourchette d’un à deux ans. Le fait que les espèces aient conservé leurs cornes est une indication possible que les mâles s'en servaient pour défendre leur droit de procréer, mais l'absence de dimorphisme sexuel laisse croire que cette espèce n'était pas polygame ou, du moins, que les mâles ne construisaient pas de « harems ». Étant donné la longueur apparemment petite de ses cornes, un Myotragus en combat devait attaquer par les flancs (comme le font de nombreuses petites antilopes) plutôt que de combattre tête contre tête (plus typique des grands ongulés). Le climat méditerranéen est saisonnier ; ainsi, on pense que les Myotragus avaient une saison d'accouplement annuel, sans savoir quand celle-ci se produisait. On pense que les différences saisonnières, surtout en ce qui consiste les précipitations, étaient un peu moins prononcées à l’époque de l'animal qu’elles ne le sont aujourd'hui, et donc, la période de gestation ne peut être déduite avec certitude.

Origines

Le genre unique du Myotragus balearicus est la conséquence d'un long processus évolutif sur les îles (un exemple clair de nanisme insulaire). Dans ce type d'isolement, les ongulés ont tendance à devenir plus petits tandis que les rongeurs et les lagomorphes voient leur taille augmenter, comme pour l’Hypnomys, la marmotte géante qui partageait son habitat avec Myotragus. De telles espèces ont alors tendance à perdre leur sens de la peur envers les prédateurs, si aucun n'est présent sur les îles. La perte de la capacité de courir rapidement en est un exemple clair, ainsi que le développement de la vision stéréoscopique (ce qui est utile pour calculer les distances, mais pas pour repérer les prédateurs) et la réduction proportionnelle du cerveau, phénomène qui a également été observé chez l'Homme de Florès (Homo floresiensis), hominidé de petite taille découvert sur l'île de Florès, en Indonésie). Des analyses d’ADN et de vieux fossiles (Pliocène, il y a 5,7 millions d’années) de l'île de Majorque (Myotragus pepgonellae) indiquent que Myotragus balearicus, en dépit d'être un des animaux dits "navigateurs", descendait d'animaux qui broutent. Les espèces les plus proches liées aux Myotragus sont ovines, comme le Nesogoral de Sardaigne (espèce éteinte) du Pléistocène, l’ancien Gallogoral de France (ancêtre continentale éventuel du Myotragus et du Nesogoral), les ovins et mouflons actuels ainsi que les chèvres de montagne d'Asie centrale. Le dernier ancêtre commun aux Myotragus et Nesogoral arriva à Majorque et en Sardaigne autour de 6 millions d'années en arrière, époque à laquelle le détroit de Gibraltar était fermé et la mer Méditerranée n’était qu’une petite poignée de lacs salés. Plus tard, l'ouverture du détroit et l'afflux massif d'eau salée isolèrent les populations animales, qui se diversifieront dans les nouvelles îles de la Méditerranée créées par les forces tectoniques. En même temps, les changements climatiques remplacèrent la végétation subtropicale par celle que nous connaissons aujourd’hui, forçant Myotragus à apporter des changements drastiques dans son alimentation et par conséquent, dans sa denture. Étrangement, Myotragus colonisa dans un premier temps uniquement l’île de Majorque. Sur Ibiza un écosystème étrange sans mammifères terrestres s’était développé ; dans lequel les oiseaux et les chauves-souris étaient les principaux vertébrés. Parallèlement, un lapin géant évoluait sur l’île de Minorque, de la même façon que le Myotragus sur l'île de Majorque. Avec la baisse niveau de la mer depuis l'ère glaciaire, Majorque et Minorque se réunirent et Myotragus remplaça les grands lagomorphes minorquins. Les deux îles furent séparées à nouveau au début de l'Holocène.

Extinction

Diverses datations indiquent que les trois mammifères terrestres natifs de Majorque (les Myotragus, les Hypnomys et les musaraignes géantes Nesiosites) auraient tous disparu durant la même courte période, c’est-à-dire au IIIe millénaire av. J.‑C. Au cours de longues années de discussions entre scientifiques, certains ont affirmé que l'extinction a été causé par le changement climatique, alors que d'autres ont affirmé qu'ils ont été exterminés par les premiers colons humains des Baléares. Divers éléments soutiennent soit une opinion, soit l’autre. Par conséquent, cette question n’a toujours pas de réponse univoque. La théorie dominante reste cependant basée sur les causes humaines. Les méthodes traditionnelles ont daté la première colonisation humaine des îles Baléares aux alentours de 5000 ans av. J.-C., ou même avant. Mais des recherches plus récentes, réalisées avec des méthodes modernes de datation, ont indiqué clairement qu'il n'y a eu aucune présence humaine avant 3000 av. J.-C. Cette date correspond au déclin rapide des trois espèces. Les premiers colons des Baléares avaient une culture néolithique, cependant, ils ont continué à vivre dans des grottes, que l’on trouve abondamment sur les îles. Dans celles-ci ont été trouvés de nombreux ossements d'animaux, en particulier ceux de Myotragus, avec des preuves de la sculpture et de l'indentation par les humains. Le plus surprenant est que les Myotragus ne sont pas tous arrivés morts dans les grottes, mais semblent avoir été gardés en vie pendant quelque temps. Beaucoup avaient été taillés aux cornes, mais on peut voir que celles-ci ont cicatrisé. Cela signifie que les chasseurs ont tenté de les domestiquer. Mais en fin de compte, ils ont dû échouer, probablement parce que les Myotragus étaient incapables de se reproduire en captivité, ou alors pas dans un laps de temps convenable (c'est ce que nous pousse à croire le manque de jeunes individus trouvés). La chasse humaine, l’échec de la domestication, l’introduction d’animaux domestiques comme les chèvres (qui se nourrissaient de la même façon que les Myotragus), les vaches, les porcs et les moutons, gardés par des chiens (qui auraient pu troubler, agiter les Myotragus), et la destruction des forêts pour créer des pâturages sont probablement parmi les causes principales de l’extinction de cet animal.

Découverte

Les fouilles qui ont mené à la découverte et à l'identification du Myotragus balearicus ont été réalisées par l’archéo-zoologiste Dorothea Bate à Majorque en 1909[3].

Publication originale

  • (en) Dorothea M. A. Bate, « I. Preliminary Note on a New Artiodactyle from Majorca, Myotragus balearicus, gen. et sp. nov. », Geological Magazine, vol. 6, no 9, , p. 385-388 (ISSN 0016-7568, DOI 10.1017/S0016756800124665).

Notes et références

  1. « La chèvre qui avait le sang froid. La petite chèvre Myotragus balearicus a vécu sur les îles Baléares. Des chercheurs espagnols viennent d'aboutir à cette stupéfiante conclusion, qui a de quoi déboussoler le zoologiste », sur futura-sciences.com (consulté le ).
  2. (en) Meike Köhler et Salvador Moyà-Solà, « Physiological and life history strategies of a fossil large mammal in a resource-limited environment », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 106, no 48, , p. 20 354-20 358 (ISSN 0027-8424, e-ISSN 1091-6490, DOI 10.1073/pnas.0813385106, Bibcode 2009PNAS..10620354K, lire en ligne [PDF], consulté le ).
  3. (en) Miles Russell, « Discovering Dorothea : The Life of the Pioneering Fossil-Hunter Dorothea Bate, by Karolyn Shindler », sur ucl.ac.uk (consulté le ).

Liens externes

Bibliographie

  • (en) Meike Köhler et Salvador Moyà-Solà, « Reduction of brain and sense organs in the fossil insular bovid Myotragus », Brain, Behavior and Evolution, vol. 63, no 3, , p. 125–40 (PMID 14726622, DOI 10.1159/000076239, lire en ligne).
  • (en) Carles Lalueza-Fox, Beth Shapiro, Pere Bover, Josep A. Alcover et Jaume Bertranpetit, « Molecular phylogeny and evolution of the extinct bovid Myotragus balearicus », Molecular Phylogenetics and Evolution, vol. 25, no 3, , p. 501–10 (PMID 12450754, DOI 10.1016/S1055-7903(02)00290-7, lire en ligne).
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