Mucus

Les mucus sont différentes sécrétions visqueuses et translucides, peu ou assez peu solubles dans l'eau, produites par des glandes spécifiques de divers organismes, et chez ceux-ci par divers organes internes (ex. : par les cellules caliciformes de l'estomac) ou muqueuses internes ou par la peau (ex. : chez les poissons, certains amphibiens, les limaces, escargots…).

Mucus pulmo-nasal d'un être humain
Chez quelques espèces d'insectes, dont Lilioceris lilii, les larves s'enveloppent d'un mélange de mucus, d'excréments et d'exuvies[1] imprégnés de molécules antibiotiques ou répulsives pour la plupart de leurs prédateurs. L'odeur de ce manteau d'excretas et d'exuvies attire néanmoins des prédateurs spécialisés[1] qui ont probablement coévolué avec ces insectes.

Types de mucus

Les mucus (aussi dits exopolymères[2]) ont une consistance gélatineuse et lubrifiante généralement due à des protéines particulières dites « mucoprotéines »[3] : grandes et « lourdes » protéines[4] dont beaucoup sont des « glycoprotéines »[5], dont « mucopolysaccharides »[6]. C'est le cas par exemple de la mucine[7], protéine présente dans de nombreux types de mucus, biosynthétisée par des glandes spécialisées, d'organes tels que la muqueuse stomacale[8],[9]. La composition d'un mucus peut être très complexe ; ainsi l'analyse du mucus du saumon atlantique a révélé qu'il était composé d'environ 530 protéines[10].

Dans le monde animal, les escargots, limaces et d'autres espèces (poissons, certains invertébrés) produisent des mucus externes ayant des fonctions de protection et parfois de facilité de déplacement, voire de communication (exemple : traces de mucus laissées par les limaces).

L'homme produit également des mucus dans les poumons, le système digestif (sphère ORL, estomac[3],[11] et zones gastroduodénale[12], intestin[13]) et système reproducteur (liquide séminal, glaire cervicale)[14].

Le mucus stomacal des mammifères, insoluble, est très résistant aux acides et aux enzymes, même quand il n'est présent qu'en fine épaisseur[15]. L'épaisseur du mucus stomacal varie selon les espèces ; de 166 ± 10 μm chez le rat, 234 ± 9 μm chez le cochon d'inde, 429 ± 17 μm chez le chien et plus épaisse chez l'homme (576 ± 81 μm) dans l'estomac humain)[15], et cette épaisseur varie selon les stimuli reçus par le système digestif[15]. Il s'adapte aux sels[16].

Les mucilages externes et internes produits par la plupart des végétaux, et notamment certaines algues, ont un aspect semblable au mucus mais sont principalement constitués de polysaccharides et ne contiennent que peu de protéines.

Fonctions

On connaît de nombreuses fonctions aux mucus. En voici quelques exemples :

  • certains mucus externes sécrétés par les glandes séreuses épidermiques (produits par des amphibiens dont certains crapauds, grenouilles et salamandres) peuvent contenir de puissantes toxines protégeant l'animal contre ses prédateurs et de certaines infections (fongiques, bactériennes et virales) ;
  • le mucus couvrant les écailles ou la peau des anguilles et lamproies.. ou de certains poissons à écailles facilite leur déplacement dans l'eau (ou leur reptation sur le sol pour les anguilles) et les rend plus difficiles à capturer par leurs prédateurs ;
  • chez les algues marines ou estuariennes de l'estran, un mucus limite la déshydratation et le réchauffement des algues exposées à l'air à marée basse. Il semble aussi impliqué dans la protection contre les ultra violets ;
  • certains vers marins des sédiments (néréis) se débarrassent d'une partie des toxiques (métaux lourds notamment) qu'ils ont absorbés. Ils sont excrétés dans des boulettes de mucus[17] ;
  • chez l'homme, le mucus produit dans les poumons contribue à protéger le système respiratoire en captant et exportant nombre des particules étrangères qui entrent dans le nez ou la bouche à chaque inspiration. En réponse à l'inhalation de particules ou d'allergènes, la sécrétion de mucus augmente (processus réflexe et de contrôle neurohumoral), excessivement parfois (chez les allergiques ou asthmatiques)[18].
    Le mucus, liquide clair et visqueux, composé de glycoprotéines, de lactoferrine et d'autres composés antimicrobiens[19] comme des hypothiocyanites et de protéoglycanes, est formé par les cellules muqueuses ou mucipares (encore appelées, en histologie, cellules « caliciformes à mucus ») dispersées au sein des épithéliums.
    Il prévient la dessiccation (assèchement) des tissus. Du mucus facilite le transit des aliments dans l'œsophage, et empêche les sucs gastriques de dissoudre les parois de l'estomac.

Le mucus chez l'humain

Représentation d'une personne souffrant de congestion nasale (en). L'inflammation des muqueuses des sinus conduit à l'accumulation de mucus nasal.

La manifestation la plus évidente du mucus est le mucus nasal, très liquide lors des rhumes, qui sort du nez lorsque l'on se mouche ou que l'on éternue. Ce mucus « est composé d’un réseau de glycoprotéines et contient de nombreuses molécules (IgA, lysozyme, défensines) participant au rôle de défense spécifique et non spécifique de l’épithélium nasal. Ses propriétés rhéologiques conditionnent le bon fonctionnement de l’épuration mucociliaire (en)[20] ». La muqueuse nasale de 100 cm2 sécrète en moyenne 1 à 2 litres de mucus nasal par jour alors que l'homme respire quotidiennement 10 000 litres d'air. Ce mucus entraîne avec lui poussière et microbes vers la gorge grâce aux cils vibratiles. Avalés, ce mucus et ces détritus sont détruits dans l'estomac[21]. Lors d'un rhume, la couleur verte du mucus lorsqu’on se mouche provient du cytochrome (qui contient une forme chimique du fer de couleur verte) des oxydases des granulocytes neutrophiles luttant contre le rhume[22].

On peut le retrouver, lorsqu'il est avalé avec du mucus pulmonaire également avalé, s'ils n'ont pas été expectorés sous forme de crachat. En langage vulgaire, on parle de morve (à ne pas confondre avec la maladie de même nom) ou de nase, lorsqu'il est liquide, et de croûtes de nez (appelées crottes de nez dans le langage familier) lorsque le mucus nasal sèche en accumulant de la poussière. La rhinotillexomanie désigne la manie de se curer le nez pour ramener les croûtes de nez. La rhinotillexophagie est le fait de manger ses croûtes (la convenance sociale le réprouve mais ce serait une manière de s'auto-immuniser, l'Institut Pasteur récoltait jusque dans les années 1980 des prélèvements bactériologiques de croûtes de nez d'enfants malades pour réaliser des autovaccins et une étude du professeur de biochimie Scott Napper semble confirmer ce bénéfice[23]). La rhinorrhée désigne l'écoulement hydrique des parois nasales.

Les excréments sont également normalement couverts d'une fine couche de mucus lubrifiant produit par l'intestin. Dans certaines circonstances pathologiques, en particulier lors de l'amibiase intestinale, les selles deviennent franchement muqueuses et sont désignées sous le terme de crachat rectal.

Couleur et consistance du mucus

Elles peuvent parfois laisser présumer certaines pathologies[réf. nécessaire] :

  • transparent et liquide : inflammation sans infection (allergie, asthme), reflux gastrique ou infections (sinusite, rhume, grippe). Un mucus très liquide est facilement nébulisé en fines gouttelettes lors de l'éternuement ; il devient alors un vecteur de contagion direct ou via des fomites ;
  • jaune : infection ;
  • vert : infection plus purulente, la couleur provenant de la présence de cellules immunitaires appelées neutrophiles dont l'activité nécessite l'assistance d'enzymes parmi lesquelles l'une d'elles contient du fer[24] ;
  • bleu : infection au bacille pyocyanique ;
  • rougeâtre : évoque une hémorragie (présence de sang qui pourrait couler).

Pathologies et mucus

Les mucus ont des fonctions physiologiques importantes. Une production insuffisante ou excessive de mucus indique généralement un stress de l'organisme ou une maladie.

  • Chez les poissons, certains champignons ou bactéries pathogènes peuvent dégrader ou envahir le mucus externes, conduisant généralement à la mort du poisson.
  • Dans l'estomac, certaines bactéries pathogènes ont une morphologie et une motilité adaptées au mucus (ex : Helicobacter pylori trouvée chez l'Homme dans la muqueuse gastrique et associée à des jonctions intercellulaires de cellules épithéliales gastriques) ; cette bactérie, parmi d'autres bactéries spiralées est responsable de gastrites et d'ulcères de l'estomac[25]. La forme spiralée et la motilité particulière de ces organismes semblent leur donner un avantage sélectif dans un environnement visqueux et mucilagineux [25].
  • Le mucus est une voie de contamination horizontale pour un certain nombre de maladies, chez diverses espèces (ex : grippe) ; le mucus pulmonaire contient de l'acide sialique, qui est la cible des virus grippaux ;
  • Le mucus intervient dans la première ligne de défense du système pulmonaire [26],[27], après la pilosité nasale et le réchauffement de l'air inhalé ; il fixe certaines particules, microbes et polluants avant qu'ils ne puissent atteindre les vacuoles pulmonaires et éventuellement passer dans le sang. Mais une production excessive de mucus pulmonaire peut conduire à l'obstruction[28] des bronches ou du système respiratoire, et éventuellement à la mort sans soins rapides et appropriés.
  • Il est parfois nécessaire pour des raisons médicales de « réduire » la production de mucus ou le mucus produit. Les produits le permettant sont dits « mucolytiques » (ex. : N-acetyl-L-cysteine)[29].
  • Dans le cas de carcinomes du colon expérimentalement induits (par exemple par exposition au diméthylhydrazine), le cancer colorectal nait de cellules néoplasiques qui perturbent le fonctionnement de l'intestin, avec notamment une production anormale de mucus intestinal, associée à des caractéristiques qui pourraient participer à l'invasion néoplasique[30].
    La muqueuse colique (du colon) génère en permanence une couche de mucus jouant à la fois un rôle de protection et de lubrification du transit intestinal. Si la quantité et/ou la qualité de ce mucus est altérée, il y a pathologie ; c'est le cas dans les maladies inflammatoires de l'intestin, plus ou moins selon la gravité et l'étendue de la maladie. Un déficit en mucines sulfatées et un excès de sialomucines est fréquent chez les patients atteints de colite étendue avec changements dysplasiques, un taux prédominant de sialomucine associé est donc considéré comme indicateur de haut risque de malignité[31].

Notes et références

  1. Flávia Nogueira-de-Sá & José Roberto Trigo (2002), Do fecal shields provide physical protection to larvae of the tortoise beetles Plagiometriona flavescens and Stolas chalybea against natural enemies? ; Entomologia Experimentalis et Applicata Volume 104, Number 1 (2002), 203-206, DOI:10.1023/A:1021217719030 (« Résumé »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?)).
  2. (en) Wotton R.S (2004) « The essential role of exopolymers (EPS) in aquatic systems » Oceanography and marine biology: an annual review, 42, 57-94 (résumé).
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  4. (en) Snary D, Allen A, Pain RH. « Structural studies on gastric mucoproteins: lowering of molecular weight after reduction with 2-mercaptoethanol » Biochem Biophys Res Commun. 1970 Aug 24;40(4):844–851.
  5. (en) Schrager J, Oates MD. « The isolation and partial characterisation of the principal gastric glycoprotein of 'visible' mucus » Digestion 1971;4(1):1–12.
  6. (en) Pamer T, Glass GB, Horowitz MI. « Purification and characterization of sulfated glycoproteins and hyaluronidase-resistant mucopolysaccharides from dog gastric mucosa » Biochemistry 1968 Nov;7(11):3821–3829.
  7. (en) Waldron-Edward D, Skoryna SC. « Studies on human gastric gel mucin. Isolation and characterization of a major glycoprotein component » Gastroenterology. 1970 Nov;59(5):671–682.
  8. Draper P, Kent PW. « Biosynthesis of intestinal mucins. 4. Utilization of [1-C]glucose by sheep colonic mucosa in vitro » Biochem J. 1963 Feb;86(2):248–254.
  9. (en) Kent PW, Allen A. « The biosynthesis of intestinal mucins. The effect of salicylate on glycoprotein biosynthesis by sheep colonic and human gastric mucosal tissues in vitro » Biochem J. 1968 Feb;106(3):645–658.
  10. (en) Linda Jensen, Eivind Larsen, Kai Erik Uleberg, Daniela Pampanin, Fiona Provan (2012), « The use of proteomics in sea lice research », exposé fait pour la 9e conférence internationale sur les poux des poisons, 21 au 23 mai 2012, à Bergen (Norvège), voir p. 31/74.
  11. (en) Snary D, Allen A. « Studies on gastric mucoproteins. The production of radioactive mucoproteins by pig gastric mucosal scrapings in vitro » Biochem J. 1972 Apr;127(3):577–587.
  12. (en) AE Bell et al. « Properties of gastric and duodenal mucus: effect of proteolysis, disulfide reduction, bile, acid, ethanol, and hypertonicity on mucus gel structure » Gastroenterology, 1985 cat.inist/CNRS).
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  15. (en) M Bickel et al. (1981) « Gastric gel mucus thickness: effect of distention, 16, 16-dimethyl prostaglandin e2, and carbenoxolone » Gastroenterology, 80(4):770-775] PMID 6162705 (Résumé).
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  20. L. Coffinet, C. Bodino, L.Brugel-Ribere, B.Mari, Y.Grignon, A.Coste, R.Jankowski, « Explorations physiques et fonctionnelles des fosses nasales », EMC - Oto-rhino-laryngologie, vol. 1, no 1, , p. 14 (DOI 10.1016/j.emcorl.2003.11.001, lire en ligne).
  21.  : Les p'tits bateaux émission sur France Inter le 14 novembre 2010.
  22. « Pourquoi mouche-t-on vert quand on est enrhumé ? », Magazine Ça m'intéresse no 356, octobre 2010, p. 60.
  23. « Les crottes de nez bénéfiques pour la santé ? », sur La Dépêche, .
  24. Paul Heiney, Les chats ont-ils un nombril ?, EDP Sciences, , p. 48.
  25. (en) Stuart L. Hazell, Drian Lee, Lynette Brady et William Hennessy (1986) « Campylobacter pyloridis and gastritis: association with intercellular spaces and adaptation to an Environment of Mucus as Important Factors in Colonization of the Gastric Epithelium » Journal of Infectious disease (J Infect Dis.), 153 (4): 658-663. doi: 10.1093/infdis/153.4.658 (résumé).
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  29. (en) Sheffner AL. « The reduction in vitro in viscosity of mucoprotein solutions by a new mucolytic agent, N-acetyl-L-cysteine » Ann N Y Acad Sci. 1963 Mar 30;106:298–310.
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Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • (en) Cohn L, Homer RJ, Marinov A, Rankin J, Bottomly K. « Induction of airway mucus production by T helper 2 (Th2) cells: a critical role for interleukin 4 in cell recruitment but not mucus production » J Exp Med. 1997;186:1737–1747.
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  • (en) Z Zhu et al. « Pulmonary expression of interleukin-13 causes inflammation, mucus hypersecretion, subepithelial fibrosis, physiologic abnormalities, and eotaxin production » Am Soc Clin Investig 1999
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