Midhat Pacha

Ahmet Şefik Midhat Pasha[1], né le à İstanbul et mort le à Taïf, est un homme d’État ottoman influent à la fin de l'ère des Tanzimat[2]. Grand vizir pro-occidental, réformateur et moderniste, il est renommé principalement pour avoir mené le mouvement constitutionnel de 1876, mais a aussi été une des figures principales de la réforme ottomane sur le plan de l'éducation et des administrations provinciales[2]. Il faisait partie d'une élite gouvernante qui voyait clairement la crise profonde de l'empire à cette époque, et considérait la réforme comme une nécessité vitale[3].

Caroline Finkel l'a décrit comme « un représentant véritable de l'optimisme Tanzimat, qui croyait que les tendances séparatistes pouvaient être contrées au mieux par la démonstration des effets bénéfiques d'un bon gouvernement »[4]. Pour les Anglais, son zèle de réformateur était une aberration basée sur la force de sa personnalité[5]. Ils croyaient que Midhat Pasha ne pouvait pas achever son œuvre, étant donné la nature fondamentalement inefficace et corrompue de l'état Ottoman et celle oppressée et fracturée de sa société[5].

Malgré sa réputation de progressiste et la pression qu'il exerça sur le sultan Abdülhamid II[6] pour que ce dernier émancipe les esclaves du palais, il donna et reçut des esclaves en cadeau, tout en proclamant son opinion défavorable envers cette institution[7]. Sa deuxième femme, avec laquelle il eut trois enfants, était une esclave circassienne blanche qu'il avait achetée et libérée[8].

Le Souk Medhat Pasha (en) à Damas porte toujours son nom[2].

Jeunesse

Midhat Pacha est né à Istanbul durant le mois islamique de Safar dans l'année 1238 du calendrier hégirien[9] (soit entre le et le ), dans une famille bien établie d'érudits musulmans[1].

Il reçut une éducation privée et dans une médersa[10]. Son père était Hadjdji 'Air Efendi-Zade Hadjdji Hafiz Mehemmed Eshref Efendi, natif de Roussé en Bulgarie. La famille semble avoir suivi la religion soufie de la branche Bektachi[9].

Il passa sa jeunesse avec ses parents à Vidin, Lòvetch et plus tard à Istanbul, où son père avait une fonction judiciaire[9]. Son père, juge civil, partisan notoire de la réforme, l'a poussé vers une carrière administrative.

En 1836 il travaillait au secrétariat du grand vizir[9]. Il entra à l'âge de 22 ans comme secrétaire au service de Faik Effendi qu'il accompagna en Syrie pendant 3 ans. À son retour à Constantinople, Midhat fut promu Directeur en chef des rapports confidentiels, et après une seconde mission en Syrie dans un cadre financier obtint le poste de Second secrétaire du grand conseil. Ses ennemis réussirent néanmoins à le faire renvoyer de ses fonctions.[réf. souhaitée] En 1854 le grand vizir Kıbrıslı Mehmed Pasha lui confia la tâche apparemment impossible de pacifier la province d'Adrianople en Roumélie[9]. Il réussit à faire diminuer le banditisme dans les Balkans en 1854-1856[10]. L'efficacité des mesures drastiques qu'il mit en place et leur succès étonnant poussa le gouvernement à faire de lui un personnage de premier rang et à lui rendre sa place au grand conseil. Il remit également de l'ordre en Bulgarie en 1857 en usant de la même méthode vigoureuse.[réf. souhaitée] En 1858 il passa six mois à voyager pour études en Europe de l'Ouest, dont Vienne, Paris, Bruxelles et Londres[9].

Gouverneur de Niš, Danube et Bagdad

En 1860 il devint vizir et pacha[réf. souhaitée] ; on lui confia le gouvernement de Niš, où ses réformes furent si bénéfiques que le sultan le chargea, en collaboration avec Fuad pacha et Ali Pacha de préparer un modèle applicable à tout l'empire. Ce modèle fut plus tard connu sous le nom de Loi des Vilayets.

Pendant son administration, Midhat Pacha faisait cependant emprisonner les joueurs d'orgue de Barbarie qui interprétaient l'Hymne de Garibaldi à coloration subversive[11].

Après avoir mené plusieurs travaux administratifs dans sa province, on lui demanda d'organiser le conseil d'état en 1866, puis on le nomma gouverneur de Bagdad, où ses réformes furent aussi décisives qu'à Niš, quoique confrontées à de plus grandes difficultés. En 1871, l'influence anti-réforme du grand vizir Mahmoud Nedim Pacha a semblé un danger pour la nation à Midhat. Dans un entretien personnel, il a exposé son point de vue au sultan, qui fut si frappé par son désintéressement et sa force qu'il le nomma grand vizir à la place de Mahmoud.

Grand vizir

Il fut nommé grand vizir par Abdülaziz en 1873, mais cette première nomination se termina deux mois plus tard[1] - principalement à cause de désaccords avec Abdulaziz sur des aspects financiers et économiques[12]. Il fut également ministre de la Justice entre 1873 et 1875 ; cette période fut assez courte à cause de son attraction vers un régime constitutionnel[10].

Midhat Pacha en couverture de Vanity Fair le 30 juin 1877.

Après un emploi de courte durée en tant que gouverneur de Thessalonique il se retira des affaires de Constantinople jusqu'en 1875.

Depuis cette époque, malgré tout, la carrière de Midhat Pacha se transforma en une série d'aventures étranges et presque romantiques. Alors qu'il sympathisait avec les idées et aspirations des Jeunes-Ottomans, il se montra désireux de refréner leur impatience, mais l'obstination du sultan mena à une coalition entre le grand vizir, le ministre de la guerre et Midhat pacha, qui le destituèrent en . Le sultan fut assassiné dans le mois qui suivit.

Son neveu Murad V fut à son tour renversé au mois d'août suivant, et remplacé par son frère, Abdülhamid II. Midhat Pacha devint alors de nouveau grand vizir, des promesses de réformes furent prononcées, et le parlement ottoman fut inauguré avec faste. Durant le mois de février qui suivit, Midhat fut renvoyé et exilé, suspecté d'être complice du meurtre d'Abdülaziz. Il voyagea alors dans plusieurs capitales européennes, notamment Londres où il habita quelque temps, pour étudier les procédures de la chambre des communes britannique.

Gouverneur de Syrie

À nouveau rappelé en 1878, il fut nommé gouverneur de Syrie du au [13], puis gouverneur de Smyrne en août.

En Syrie il s'évertua à réformer la province[1]. Il utilisa une association de charité comme point central pour sa réforme su système d'éducation - une association formée par des citoyens éminents de Beyrouth. Il encouragea la formation d'associations similaires à Damas et en d'autres villes[2]. Il admit de nombreux arabes comme fonctionnaires, y compris dans des positions de caïmacan et de moutassarif. Il donna aux minorités une large représentation dans l'administration[13]. Il encouragea le développement de la presse, et le nombre de journaux s'éleva à plus de douze[13]. Il s'intéressa à la construction de routes et à la sécurité[13]. Il encouragea les notables de la région à financer des projets d'intérêt local, comme le réseau de tramways à Tripoli et la fondation de la chambre de commerce de Beyrouth[13]. Puis il démissionna, rebuté par ce qu'il perçut comme un soutien insuffisant de la part d’Istanbul[1].

Emprisonnement, exil et mort

Le , il fut à nouveau arrêté par Ahmed Cevdet Pasha, ministre de la Justice du sultan Abdülhamid II, et amené à Istanbul où il fut accusé du meurtre du sultan Abdülaziz[4]. Le procès, largement considéré par l'opinion publique comme une farce pour de multiples procédures douteuses[1],[4], eut lieu dans le jardin du palais de Yıldız et dura trois jours en  ; Midhat Pacha fut condamné à mort[14] avec ses compagnons.

Sur l'intervention du gouvernement britannique, la sentence fut suspendue[1]. Il fut emprisonné dans la forteresse de Taif dans le Hedjaz[10].

Peu après son arrivée, l'émir de la Mecque Abdul Muttalib reçut un message de Constantinople ordonnant la mort de Midhat, et que cet acte fût déguisé en accident[15]. L'émir était cependant un proche ami de Midhat et ne prit aucune action dans ce sens[15]. Osman Pacha, gouverneur du Hedjaz, entoura alors la résidence d'été de l'émir à Taif et emprisonna ce dernier[15].

Par la suite, Midhat Pasha fut assassiné dans sa cellule[15],[1] le [12].

Son corps fut rapatrié à Istanbul en 1953 pour y être enterré.

Appartenance Maçonnique

Il a été initié à la loge "I Proodos" (Le Progrès) à l'Orient de Constantinople (Istanbul) sous juridiction du Grand Orient de France. Il fréquenta la Loge "Le Liban" à l'Orient de Beyrouth sous juridiction du GODF.[16]

Notes et références

  1. (en) Gábor Ágoston et Bruce Alan Masters, Encyclopedia of the Ottoman Empire, Infobase Publishing, , 378–379 p. (ISBN 978-1-4381-1025-7, lire en ligne)
  2. (en) J. Rgen Nielsen et Jørgen S. Nielsen, Religion, Ethnicity and Contested Nationhood in the Former Ottoman Space, BRILL, , 293 p. (ISBN 978-90-04-21133-9, lire en ligne), p. 117
  3. (en) Toby Dodge, Inventing Iraq : The Failure of Nation-Building and a History Denied, C. Hurst & Co. Publishers, , 260 p. (ISBN 978-1-85065-728-6, lire en ligne), p. 57
  4. (en) Caroline Finkel, Osman's Dream : The Story of the Ottoman Empire 1300-1923, John Murray, , 6–7 p. (ISBN 978-1-84854-785-8, lire en ligne)
  5. (en) Toby Dodge, Inventing Iraq : The Failure of Nation-Building and a History Denied, C. Hurst & Co. Publishers, , 260 p. (ISBN 978-1-85065-728-6, lire en ligne), p. 54
  6. Jean-François Legrain, « Transformations sociales et revendications nationales dans le Proche-Orient (1876-1945) », sur HAL, (consulté le ), p. 16
  7. (en) Madeline C. Zilfi, Women and Slavery in the Late Ottoman Empire : The Design of Difference, New York, Cambridge University Press, , 281 p. (ISBN 978-0-521-51583-2, lire en ligne), p. 229
  8. (en) Princeton Papers in Near Eastern Studies, Darwin Press, (lire en ligne), p. 30
  9. (en) M. Th. Houtsma, E.J. Brill's First Encyclopaedia of Islam, 1913-1936, BRILL, , 578 p. (ISBN 978-90-04-09791-9, lire en ligne), p. 481
  10. (en) Selçuk Akşin Somel, The A to Z of the Ottoman Empire, Lanham (Md.), Rowman & Littlefield, , 399 p. (ISBN 978-0-8108-7579-1, lire en ligne), p. 188
  11. Benoit Brunswik, Le Suicide de l'Empire Ottoman, Paris, 1869, p. 18
  12. (en) Zvi Yehuda Hershlag, Introduction to the Modern Economic History of the Middle East, Brill Archive, , 36–37 p. (ISBN 978-90-04-06061-6, lire en ligne)
  13. (en) ʻAbd al-ʻAzīz Dūrī, The Historical Formation of the Arab Nation : A Study in Identity and Consciousness, Taylor & Francis, , 165–166 p. (ISBN 978-0-7099-3471-4, lire en ligne)
  14. (en) Halide Edib, House with Wisteria : Memoirs of Turkey Old and New, Transaction Publishers, , 203–204 p. (ISBN 978-1-4128-1540-6, lire en ligne)
  15. (en) Randall Baker, King Husain and the Kingdom of Hejaz, The Oleander Press, , 8–9 p. (ISBN 978-0-900891-48-9, lire en ligne)
  16. Jean Marc Aractingi, Dictionnaire des Francs maçons arabes et musulmans, Amazon editions, (ISBN 978-1-9852-3509-0)

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