Meurtres pour mémoire

Meurtres pour mémoire est un roman policier de Didier Daeninckx, publié en décembre 1983 dans la Série noire. Il évoque le massacre du 17 octobre 1961. C'est son deuxième roman et celui qui a lancé sa carrière.

Meurtres pour mémoire
Auteur Didier Daeninckx
Pays France
Genre roman policier
Éditeur Gallimard
Collection Série noire no 1945
Date de parution décembre 1983
Nombre de pages 215
ISBN 2-07-048945-0
Série Inspecteur Cadin
Chronologie

Le roman obtient le Grand prix de littérature policière en 1985.

Résumé

Ce roman policier commence par relater la manifestation du Front de libération nationale (F.L.N.) du , qui finira par un bain de sang. L’histoire commence avec des moments de vie de trois personnes : Saïd Milache, un « Français musulman », Kaïra Guelanine, sa fiancée, et Roger Thiraud, professeur d’histoire de lycée. Après l'évocation de trois moments de vie de ces personnages, le récit se déploie : Saïd et Kaïra se rendent à la manifestation du F.L.N., et, au même instant, Roger Thiraud rentre de sa journée de travail et arrive devant chez lui au moment de la manifestation. Les C.R.S. viennent juste d’arriver pour réprimer cette manifestation de « Français musulmans ». Ils vont faire un véritable massacre (on ne sait pas exactement le nombre de tués). C’est à ce moment qu’un C.R.S. s’approche de Roger Thiraud.

« Brusquement, il coinça la tête avec son bras gauche. Le manteau vint se coller sur le visage du professeur qui laissa tomber son bouquet et le paquet de gâteaux. Il agrippa désespérément la main de son agresseur pour lui faire lâcher prise. Mais l’homme, méthodiquement, appliqua le canon de l’arme sur la tempe droite de Roger Thiraud, introduisit l’index dans le pontet et appuya sur la détente. Il repoussa le corps en avant, recula. Le professeur s’effondra sur le trottoir, le crâne éclaté. »

Roger Thiraud laisse derrière lui sa femme enceinte.

Le récit fait ensuite un bond de 21 ans en avant et reprend en 1982. Bernard Thiraud est le fils de Roger. Comme son père, il est historien ou, plus précisément, encore étudiant en histoire. Pour ses recherches, il se rend à Toulouse avec sa fiancée, Claudine Chenet, elle aussi étudiante en histoire. Bernard Thiraud sera assassiné après avoir fouillé dans les archives régionales. C’est à ce moment que l’inspecteur Cadin fait son apparition, pendant une grève des fossoyeurs. Il vient tout juste d’être muté à Toulouse. Cadin décide d’abord d'enquêter afin de savoir ce que recherchait Bernard Thiraud. En fait, ce dernier tentait de poursuivre les recherches de son père concernant la ville de Drancy et, tout particulièrement, à l’époque où s'y trouvait un camp de concentration lors de la Seconde Guerre mondiale, alors qu'un nombre important de déportations d’enfants juifs y aurait été commis.

Écriture

Meurtres pour mémoire est le deuxième roman de Didier Daeninckx à propos du Massacre du 17 octobre 1961. Son écriture est aiguillonnée par son précédent et premier roman, Mort au premier tour, qui lui a permis de prendre de l'assurance. À partir de là, l'écriture des futurs ouvrages de Daeninckx trouve sa voie. L'auteur s'inspire d'écrivains comme Jack London et Dashiell Hammett. Il a en outre beaucoup lu de poésie.

Initialement, Meurtres pour mémoire devait porter sur les événements de l'affaire de la station de métro Charonne, mais l'auteur décide assez tôt de s'orienter vers les meurtres du , car l'événement était passé sous silence.

Didier Daeninckx recueille des informations à la Bibliothèque nationale de France, en compagnie de son beau-frère kabyle Boubakar, travaillant dans un restaurant servant du couscous, qui l'a informé du massacre. Outre les renseignements manuscrits, il recueille des témoignages, notamment d'anciens responsables du F.L.N., et obtient même quelques lettres de survivants à la manifestation.

Une adolescence marquante

Didier Daeninckx a vécu son adolescence pendant la guerre d'Algérie. Il a été marqué par des soldats blessés de retour d'Algérie qui ne voulaient pas se confier, d'où un sentiment d'appartenance à une génération « frustrée de parole ». Il a aussi vécu une adolescence cernée par la violence. Il a été remué par les attentats de l'Organisation armée secrète, notamment celui dont a été victime la très jeune Delphine Renard mutilée par l'explosion d'une grenade destinée au ministre de la culture André Malraux. Il a aussi été touché par l'affaire de la station de métro Charonne, où neuf manifestants se sont fait exécuter sous le commandement de Maurice Papon. À 13 ans la voisine de Didier Daeninckx, Suzanne Martorell meurt. La femme était mère d'un de ses camarades, et fut la seule à posséder une télévision dans la rue, ce qui la rapprochait des parents de Didier Daeninckx. La classe est partie en bus à son enterrement au Cimetière du Père-Lachaise, accompagné du proviseur M. Joie.

Personnages

Beaucoup de personnages sont issus de connaissances de l'auteur :

  • Cadin, personnage principal, est issu d'une personne surnommée "le chirurgien" (de son vrai nom Cadin) rencontré dans un café que fréquentait Daeninckx dans les années 1970 à Aubervilliers, qui était un garçon de salle disparaissant avant de payer sa note. Cadin est par ailleurs venu chez lui à Aubervilliers lui demander des droits d'auteur 25 ans après la publication du livre. Cadin est un personnage qui essaye de mettre à exécution sa justice en essayant de chercher des gens hors la loi, mais il se rend compte que la loi n'est pas à la bonne place. Il est désabusé, vivant dans une société répressive et bloquée gangrenée par le mensonge et l'injustice. Face à cela, il essaie de rétablir la vérité et la justice "par petits bouts". Il prend peu à peu conscience du caractère arbitraire et injuste de la loi, ce qui en fait un policier atypique selon Daeninckx.
  • La mère de Thiraud est tirée d'une de ses voisines dans un immeuble où Daeninckx habitait, qui à 36 ans est allée à la manifestation du , et qui après est restée 20 ans sur son lit.
  • Saïd Milache est tiré de sa propre personne. En effet, il est imprimeur comme lui. Daeninckx lui a choisi ce métier pour la forme du papier qu'il imprime, rectangulaire telle des pierres tombales en hommage aux morts anonymes du massacre.
  • Le préfet de police est directement lié à Maurice Papon qui est complice de crimes contre l'humanité. Il n'a par ailleurs jamais été condamné pour avoir exécuté le massacre du .
  • Pierre Cazes, meurtrier de Roger Thiraud puis d'André Veillut, est un policier manipulé qui renvoie aux résistants et militaires de 1940 à 1945 qui se retrouvent en Indochine et en Algérie après la guerre. Le meurtre final constitue le moment où il prend conscience de la trahison de ses propres idéaux de jeunesse.

Après le roman

À sa sortie, le roman fait polémique, car il sort en pleine période de l'affaire Maurice Papon. Il est qualifié de "n'importe quoi" et d'"exagéré", car la société française, du moins certaines parties, ne semble pas prête à entendre parler à nouveau des événements relatés. Cependant, les événements sont progressivement acceptés et, par la suite, le livre est étudié au baccalauréat. Il est vendu à 400000 exemplaires dès sa sortie, et chaque année quelque 10 000 livres se vendent. Le roman est traduit dans le monde, notamment au Japon, au Mexique, en Grèce, en Turquie, en Égypte et surtout en Algérie.

L'auteur est longtemps refusé dans les établissements. En effet, sa venue au lycée général de Mulhouse est réprimée, ce qui conduit l'écrivain dans un lycée professionnel. Par conséquent, au lieu d'aborder le sujet de Meurtres pour mémoire, il parle de la littérature dans son ensemble. Plus tard, il se rend au centre-ville à la médiathèque de la ville pour une conférence, où il croise le professeur de la classe au lycée général qui lui a dit que le proviseur a refusé sa venue.

Le point de vue de l'auteur sur le roman et les événements

Dans son roman, Daeninckx veut faire la tentative d'interroger l'Histoire. À l'époque, il n'a pas encore la formation adéquate, mais maintenant il travaille avec des lycéens spécialisés. Il n'a jamais voulu être policier, mais plutôt un Robin des bois ; c'est pourquoi il ne s'est pas identifié au personnage de Cadin. Il porte beaucoup d'attention à la forme de l'étoile présente dans le roman : la place de l'Étoile où ont manifesté les partisans du F.L.N., l'étoile de David portée par les prisonniers juifs de la Seconde Guerre mondiale, ainsi que l'étoile du drapeau algérien sont associés par l'auteur, car il assimile ce symbole à une explosion.

Concernant le massacre, Daeninckx dit que les excuses de François Hollande ne sont « pas suffisantes », car le massacre n'est pas considéré comme un crime d'État et qu'une liste officielle des victimes et responsables de l'événement n'a pas été établie à cause des lois d'amnisties votées après 1962. La liste des tués dressée par des historiens a cependant beaucoup été appréciée par l'auteur.

Rapports avec l'Algérie

En 1986, un journal algérien propose à Daeninckx d'écrire un texte. Aussi l'auteur entame-t-il des recherches pour enfin trouver cinq noms de personnes tuées lors du massacre. Parmi ces noms figurait celui de Fatima Bédar, ce qui lui a inspiré le nom du texte : Fatima pour mémoire[1].

Daeninckx est invité à deux reprises au Salon international du livre d'Alger à ce propos, cependant il ne peut s'y présenter.

Éditions

Adaptations

À la télévision

En bande dessinée

  • Meurtres pour mémoire, dessins de Jeanne Puchol, Futuropolis, coll. « Futuropolis / Gallimard. Série noire », 1991 (ISBN 2-7376-2726-5)

À la radio

Réalisation: Michel Sidoroff diff.: 03.02.2003

dans les rôles: Jean-Claude Durand (Cadin), Nathalie Boutefeu (Claudine), Vincent Grass (Devil), Pierre Constant (Pierre Cazes), Claude Jade (Mme Cazes), Bernard Gabay (Roger Thiraud), Simon Duprez (Bernard Thiraud) Michel Peyrelon (L'écussan), Jérôme Chappatte (Lardenne), William Daudin (Bourassol), Armand Meffre (Pradis), Mouss (Saïd), Magid Bouali (Lounes), Layla Metssitane (Kaïra).

Références

Principale référence : rencontre avec une classe de première scientifique au lycée Pauline Rolland de Chevilly-Larue le .

  1. Hana FERROUDJ, « Fatima Bedar, fille de tirailleur algérien, "noyée" le 17 octobre 1961 », sur Bondy Blog, (consulté le ).
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