Mesure de température par satellite

La mesure de température par satellite de l’atmosphère à diverses altitudes, de celle du sol et de la mer se fait par interprétation des mesures de capteurs sensibles à la luminance terrestre dans différentes longueurs d’onde. Les satellites météorologiques comportent maintenant souvent plus de 10 de ces capteurs qui permettent de sonder l’atmosphère pour repérer la structure des nuages et des systèmes météorologiques, les effets des îlots de chaleur urbains, les courants marins, les phénomènes comme El Niño, les feux de forêt, les émissions volcaniques et celles des industries polluantes.

Comparaison entre les données de températures prises par des stations de surface (bleu) et par satellite (rouge par UAH satellite temperature dataset et vert par Remote Sensing Systems) depuis 1979. Les droites représentent la tendance depuis 1982.

La banque de données recueillies depuis que les capteurs sont assez sophistiqués permet aussi de discerner les tendances de la température moyenne du globe. Depuis 1978, les données des capteurs infrarouges des satellites circumpolaires de la National Oceanic and Atmospheric Administration suivant la signature thermique de l’oxygène dans une importante couche de l’atmosphère démontrent un réchauffement de la troposphère et un refroidissement de la stratosphère en accord avec la notion de réchauffement climatique.

Mesure

Transmittance de l'atmosphère dans les infrarouges

Les satellites ne mesurent pas directement la température. Ils sont équipés de capteurs (radiomètres) sensibles à la luminance de l’atmosphère et de la mer dans le domaine des infrarouges. Les données de satellites couvrent pratiquement tout le globe terrestre avec une bonne précision. Seules les latitudes supérieures à 85 degrés nord et sud ont moins de données à cause de l'angle rasant qu'elles ont pour les satellites géostationnaires et le passage moins fréquent des satellites à orbite polaire.

Comme l'atmosphère absorbe très peu le rayonnement thermique infrarouge émis par l'océan, la longueur d'onde qui va de 10,5 à 12,5 μm peut mesurer la température de surface de la mer et de la surface terrestre au-dessus des zones non nuageuses depuis un satellite géostationnaire[1]. Un satellite à défilement, par contre, obtient l'estimation du profil vertical de température en utilisant la bande d'absorption du gaz carbonique, centrée sur 15 μm. En présence de nuages, c'est plutôt la bande d'absorption de l'oxygène en ondes millimétriques qui est utilisée[1].

Pour obtenir la température, il faut faire un traitement informatique des données grâce à l'application de la loi de Planck sur le rayonnement d'un corps noir[2],[3].

Étalonnage et causes d'erreurs

Le profil vertical de températures obtenu dépend ensuite de la précision de la conversion et des capteurs. Différents groupes ont analysé les données disponibles et bien que les résultats soient voisins, ils se sont pas exactement semblables à cause des limites de chacun des algorithmes utilisés. Parmi les banques de températures obtenues, il y a celle de l’université d'Alabama à Huntsville (UAH satellite temperature dataset) et celle de la compagnie Remote Sensing Systems.

Ces deux ensembles de données sont tirées des données de plusieurs générations de satellites dont les capteurs ne sont pas homogènes. En effet, les appareils ont subi des améliorations lors des générations successives de satellites météorologiques. Les données provenant des premiers capteurs ne sont donc pas à la même résolution ni de la même sensibilité que celles provenant des capteurs récents. De plus, en vieillissant, chacun des capteurs change graduellement ses caractéristiques comme n'importe quel appareil électronique. L’étalonnage avec des données de surface et aérologiques est donc essentiel pour obtenir un continuum valable.

Instruments et usages

Température de surface

Image de la température de surface de la mer prise par le AVHRR des satellites TIROS de la NOAA

La luminance terrestre par temps dégagé donne la température à la surface de la Terre via les radiomètres avancés à très haute résolution (sigle AVHRR). Les données de température de surface de la mer sont ainsi disponibles depuis 1967 et des cartes globales des mers sont faites depuis 1970[4]. Depuis 1982, ces données sont de plus en plus précises et utilisées pour la prévision météorologique, en particulier pour le développement des cyclones tropicaux[5]. Autre exemple, les changements de température associés avec le phénomène El Niño sont suivis depuis les années 1980[6].

Sur les îles et les continents, les mesures sont plus difficiles parce que les surfaces ne sont pas homogènes[7]. Cependant, les études sur le réchauffement climatiques et les îlots de chaleur urbains sont quand même possibles avec les satellites[8]. L’utilisation des AVHRR permet par temps dégagé de voir les différentes de masses d’air associées avec les fronts météorologiques[9].

Par temps couvert, les données sont utilisées dans la technique de Dvorak pour obtenir la différence de température entre l’œil et le sommet des nuages autour du centre d’un cyclone tropical pour estimer les vents maximum soutenus et la pression centrale du système[10].

Les radiomètres avancées de trajectoire (sigle AATSR) à bord des satellites météorologiques permettent de détecter les feux de forêt qui apparaissent comme des « points chauds » dépassant 308 kelvins (34,85 °C)[11]. Les radiomètres spectraux pour imagerie de résolution moyenne des satellites Terra peuvent aussi détecter les feux de forêts, les volcans en éruption et les points chaud industriels[12].

Sondage aérologique

Depuis 1979, l’unité de sondage infrarouge des satellites TIROS de la NOAA mesure l’intensité de l’émission infrarouge provenant de l’oxygène. Ce rayonnement est proportionnel à la température d’une large couche de l’atmosphère tel que montré par la théorie, ainsi que pratiquement en comparant avec les données de radiosondage. Elles se notent à différentes fréquences, chacune reliée à une zone d’altitudes donnée[13]. La fréquence du canal 2 de ces capteurs correspond en gros à la température de la troposphère avec la pondération gaussienne maximale est autour de 350 hPa (la demi-puissance du signal se trouvant à 40 hPa et 800 hPa). Il y a cependant un certain recoupement avec la basse stratosphère et pour le minimiser, les chercheurs Roy Spencer et John Christy ont développé un algorithme alliant les données obtenues à différents angles de visées du satellite qui ramène le maximum plus près du sol à 650 hPa mais qui amplifie le bruit de fond et rend l’étalonnage des données d’un satellite à l’autre plus difficile[14],[15]. Cet algorithme a graduellement été amélioré par diverses corrections.

Depuis 1979, les mêmes satellites ont une unité de sondage stratosphérique. Il s’agit d’un radiomètre sensible à l’infrarouge lointain autour de la longueur d’onde de 15 μm reliée à l’absorption du rayonnement par le dioxyde de carbone (CO2). Comme l’absorption est proportionnelle à la pression, l’unité comporte trois capteurs qui peuvent diviser la stratosphère en trois couches centrées à 29 km, 37 km et 45 km d’altitude, selon la densité de l’absorption[16],[17].

Tendances historiques

Tendance des températures de 1979 à 2011 selon les satellites dans la troposphère en haut et la stratosphère en bas

En combinant les résultats normalisés et étalonnés des différents capteurs, les tendances de températures dans la troposphère et la stratosphère apparaissent[18]. Le tableau montre une instabilité de la tendance (en °C/10 ans) des résultats et la banque de données ne couvre qu’une période relativement courte (1978 à maintenant) à l’échelle historique ce qui rend l’analyse ardue. Cependant, une étude de Christy et al. montre une bonne concordance avec les données des radiosondages tropicaux pour la même période[19]. Elle montre une réchauffement troposphériques des Tropiques de 0,09 à 0,12 °C par décennie, avec une erreur de ±0,07 °C. D'autres études obtiennent des valeurs légèrement différentes (+0,137 °C[20] et +0,20 °C ±0,05 °C[21]) mais en accord avec un réchauffement.

Exemple de tendance de températures dans la troposphère mesurée satellite
Année Variance
(°C/10ans)
Année Variance
(°C/10ans)
Année Variance
(°C/10ans)
Année Variance
(°C/10ans)
Année Variance
(°C/10ans)
Année Variance
(°C/10ans)
19910,08719920,0241993−0,0131994−0,00319950,03319960,036
19970,04019980,11219990,10520000,09520010,10320020,121
20030,12920040,13020050,13920060,14020070,143

Un refroidissement graduel de la température de la basse stratosphère est noté dans les données des satellites[20],[22]. Selon les études, un tel refroidissement est surtout causé par la destruction de la couche d'ozone, ainsi qu’une augmentation du contenu en vapeur d’eau et d’autres gaz à effet de serre[23],[24]. Ce phénomène s'est cependant temporairement inversé durant quelques épisodes d’éruptions volcaniques majeures comme celle du El Chichón (1982) et du mont Pinatubo (1991), à la suite de l'augmentation de la concentration d’ozone dans les deux années suivantes[25].

Ce comportement de l’atmosphère, soit un réchauffement de troposphère et un refroidissement de la stratosphère, est en accord avec un réchauffement climatique[26].

Notes et références

  1. « Sondeur », Comprendre la météo, sur Météo-France (consulté le )
  2. (en) National Research Council (U.S.). Committee on Earth Studies, Issues in the Integration of Research and Operational Satellite Systems for Climate Research : Part I. Science and Design, Washington, D.C., National Academy Press, , 17–24 p. (ISBN 0-309-51527-0, lire en ligne), « Atmospheric Soundings »
  3. (en) Michael J. Uddstrom, « Retrieval of Atmospheric Profiles from Satellite Radiance Data by Typical Shape Function Maximum a Posteriori Simultaneous Retrieval Estimators », Journal of Applied Meteorology, vol. 27, no 5, , p. 515–549 (ISSN 1520-0450, DOI 10.1175/1520-0450(1988)027<0515:ROAPFS>2.0.CO;2, Bibcode 1988JApMe..27..515U)
  4. (en) P. Krishna Rao, W. L. Smith et R. Koffler, « Global Sea-Surface Temperature Distribution Determined From an Environmental Satellite », Monthly Weather Review, vol. 100, no 1, , p. 10–14 (DOI 10.1175/1520-0493(1972)100<0010:GSTDDF>2.3.CO;2, Bibcode 1972MWRv..100...10K, lire en ligne, consulté le )
  5. (en) National Research Council (U.S.). NII 2000 Steering Committee, The unpredictable certainty : information infrastructure through 2000; white papers, National Academies, (lire en ligne), p. 2
  6. (en) Cynthia Rosenzweig et Daniel Hillel, Climate variability and the global harvest : impacts of El Niño and other oscillations on agroecosystems, Oxford, Oxford University Press United States, , 259 p. (ISBN 978-0-19-513763-7, lire en ligne), p. 31
  7. (en) Menglin Jin, « Analysis of Land Skin Temperature Using AVHRR Observations », Bulletin of the American Meteorological Society, vol. 85, no 4, , p. 587 (DOI 10.1175/BAMS-85-4-587, Bibcode 2004BAMS...85..587J, lire en ligne, consulté le )
  8. (en) Qihao Weng, « Fractal Analysis of Satellite-Detected Urban Heat Island Effect », Photogrammetric Engineering & Remote Sensing, , p. 555 (lire en ligne, consulté le )
  9. (en) David M. Roth, « Unified Surface Analysis Manual », Hydrometeorological Prediction Center, (consulté le ), p. 19
  10. Chris Landsea, « Qu'est-ce que la méthode de Dvorak et comment l'utilise-t-on ? », sur Météo-France, National Hurricane Center, (consulté le )
  11. (en) Science Daily, « Greece Suffers More Fires In 2007 Than In Last Decade, Satellites Reveal », Science Daily LLC, (consulté le )
  12. (en) Robert Wright, Luke Flynn, Harold Garbeil, Andrew Harris et Eric Pilger, « Automated Volcanic Eruption Detection Using MODIS », Remote Sensing of Environment, vol. 82, , p. 135–155 (DOI 10.1016/S0034-4257(02)00030-5, lire en ligne, consulté le )
  13. (en) « Remote Sensing Systems » (consulté le )
  14. (en) John R. Christy, Roy W. Spencer et Elena S. Lobl, « Analysis of the Merging Procedure for the MSU Daily Temperature Time Series », Journal of Climate, vol. 11, no 8, , p. 2016–2041 url= (ISSN 1520-0442, DOI 10.1175/1520-0442-11.8.2016, lire en ligne [PDF])
  15. (en) Qiang Fu et Celeste M. Johanson, « Satellite-Derived Vertical Dependence Of Tropical Tropospheric Temperature Trends », Geophysical Research Letters, vol. 32, no 10, , p. L10703 (DOI 10.1029/2004GL022266, Bibcode 2005GeoRL..3210703F)
  16. (en) « NOAA Polar Orbiter Data User's Guide Section 4.2 : SSU data », sur National Climatic Data Center (consulté le )
  17. (en) Roy W. Spencer, « Precision Lower Stratospheric Temperature Monitoring with the MSU: Technique, Validation, and Results 1979–1991 », Journal of Climate, vol. 6, no 6, (ISSN 1520-0442, DOI 10.1175/1520-0442(1993)006<1194:PLSTMW>2.0.CO;2, lire en ligne [PDF], consulté le )
  18. « The Satellite Temperature Records: Parts 1 and 2 », USGCRP Seminar, sur US Global Change Research Program, (consulté le )
  19. (en) J. R. Christy, W. B. Norris, R. W.; Spencer et J. J. Hnilo, « Tropospheric temperature change since 1979 from tropical radiosonde and satellite measurements », Journal of Geophysical Research, vol. 112, , D06102 (DOI 10.1029/2005JD006881, Bibcode 2007JGRD..11206102C)
  20. (en) « RSS / MSU and AMSU Data / Description », sur RSS (consulté le )
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  22. (en) National Environmental Satellite, Data, and Information Service, « Microwave Sounding Calibration and Trend », NOAA, (consulté le )
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Voir aussi

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