Matta el Maskine

Matta el Maskine (arabe : متى المسكين), de son nom de naissance Youssef Iskandar (arabe : يوسف اسكندر), né le à Benha et mort le au Caire, est un religieux et moine copte, auteur d'oeuvres spirituelles.

Le père Matta el-Maskine (Matthieu le Pauvre) a tenu pendant près de soixante ans une place déterminante dans le prodigieux renouveau de l’Église copte orthodoxe du dernier demi-siècle[1]. Ce moine qui vivait le plus possible dans la solitude et la retraite a été connu bien au-delà des frontières de cette Église. Son influence spirituelle s’est étendue à d’innombrables chrétiens appartenant aux Églises et communautés les plus diverses.

Biographie

Les premières années de sa vie

Youssef Iskandar est né en 1919 à Benha el-Qalyoubiyya, ville du Delta à quarante-cinq kilomètres au nord-est du Caire. En 1943, il est diplômé en pharmacie à l’Université du Caire. En 1948, il se défait de sa pharmacie et de tous ses biens pour les donner aux pauvres et entre au monastère de Saint-Samuel le Confesseur à Qalamoun en Haute Égypte.

Sa démarche s’inscrivait dans l’amorce de renouveau promue par divers moines coptes dont Abouna Mina el-Baramoussi qui allait devenir le patriarche Cyrille VI ou encore, parmi d’autres, le moine éthiopien Abd el-Massih al-Habashi. Mais l’action du père Matta allait transformer en profondeur l’Église copte orthodoxe et s’étendre bien au-delà de l’Égypte. En ces années, en effet, le milieu étudiant chrétien est animé par les « Écoles du dimanche » qui proposent à tous une catéchèse biblique et liturgique et stimulent un engagement concret des jeunes dans le renouveau ecclésial. Abouna Mina, le futur patriarche, est nommé supérieur de Saint-Samuel de Qalamoun.

Parmi les étudiants qui s’attachent à lui, il faut noter trois des futures personnalités qui vont promouvoir efficacement ce renouveau de l’Église copte et de ses monastères : Youssef Iskandar au premier chef, le futur Abouna Matta el-Maskine ; Saad Aziz, qui deviendra l’évêque Amba Samuel, responsable des relations œcuméniques de son Église et, entre autres, à ce titre observateur au IIe Concile du Vatican. En 1981, lors d’une revue militaire, il sera assassiné par un putsch d’officiers en même temps que le président égyptien Anwar el-Sadate. Aux deux noms de Youssef Iskandar et de Saad Aziz il faut joindre celui de Nazir Gayyed qui deviendra en 1971 le patriarche et pape Shenouda III. Il a donné aussi à son Église un lustre international.

Le moine

Youssef Iskandar est donc devenu moine à Saint-Samuel sous le nom d’Abouna Matta (père Matthieu). Là il s’imprègne de la lecture de la Bible et des Pères. Il commence alors à collecter et commenter les dits des grands moines du passé, posant ainsi l’ébauche de son premier livre sur la vie de prière orthodoxe. Toutefois, au monastère de Saint-Samuel il a de sérieux problèmes de santé qui le contraignent à passer à Deir el-Souriane (Monastère "des Syriens"), au désert de Scété (Wadi el-Natroun). Sous le nom d’Abouna Matta el-Maskine, Matthieu le Pauvre, il y poursuit sa vie de prière et d’étude. En 1951, il y est ordonné prêtre contre sa volonté. Il mène alors une vie solitaire à quelque distance de la communauté et achève son livre sur la vie de prière orthodoxe qui paraît en arabe en 1952. Ce livre a connu très vite un succès considérable et, par la suite, a été traduit en différentes langues[2].

Renouveler la vie de prière du chrétien à l’exemple de celle des moines était une des préoccupations majeures du P. Matta el-Maskine. Rappelons, en effet, qu’il a écrit sur le sujet des pages remarquablement denses, intitulées « Conseils pour la prière » dont une traduction française a paru dans Irénikon[3]. Ce bref condensé a exercé une influence considérable sur tous ceux qui sont en recherche d’un guide pour leur vie de prière personnelle.

À Deir el-Souriane le P. Matta el-Maskine devient rapidement le guide spirituel des jeunes moines, comme aussi de jeunes universitaires qui veulent œuvrer au renouveau de leur Église. En 1954, le pape Amba Yousab Il, patriarche de l’Église copte orthodoxe, nomme le P. Matta el-Maskine son représentant à Alexandrie, lui conférant le rang d’higoumène. À Alexandrie il dirige cette importante section de l’Église en y promouvant le renouveau spirituel et il y laisse une marque profonde.

Puis dès le début de l’année suivante il revient à Deir el-Souriane pour y retrouver la vie dans la retraite. Au milieu de l’année 1956 il quitte ce monastère pour revenir à Saint-Samuel, son monastère d’origine afin de jouir d’une plus grande solitude. Il y entraîne un groupe de jeunes moines du Monastère des Syriens devenus ses disciples. Là il passe trois années. Entretemps le patriarche Yousab Il est décédé et l’élection de son successeur est difficile. Abouna Mina el-Baramoussy devient le patriarche Cyrille VI.

En 1959 le nouveau chef de l’Église ordonne au P. Matta el-Maskine et à ses moines de revenir à Deir el- Souriane. Mais celui-ci veut retrouver une forme de vie plus conforme à celle du monachisme primitif. Aussi, peu après, avec onze de ses disciples, il part au farouche désert du Wadi el-Rayyan en Haute Égypte, à cinquante kilomètres de la ville du Fayoum la plus proche. Au Wadi el-Rayyan, lui et sa petite communauté vivent soit dans des cavernes naturelles soit dans des grottes qu’ils creusent de leurs mains. Ils y séjournent de 1960 à 1969, pour y mener une vie très austère, conforme à celle des premiers Pères du Désert, un Antoine, un Pachôme ou un Macaire, mais, loin d’être repliés sur eux-mêmes, ils vivent cette solitude dans la plénitude de l’amour du Christ et de celui des frères.

Malgré leur isolement leur nombre s’accroît.

La prise en charge du monastère de Saint-Macaire au désert de Scété

En 1969 le pape Cyrille VI, constatant l’attrait spirituel exercé par le P. Matta el-Maskine et sa communauté, leur confie la restauration du célèbre monastère Saint-Macaire de Scété au désert de Scété (Wadi el-Natroun). Ce monastère, l’un des plus glorieux de l’histoire de l’Église copte, est à cette époque réduit à un état misérable. Il ne compte plus que six moines âgés et malades. Les bâtiments y sont très délabrés. Il faut tout refaire; et la douzaine de moines du P. Matta se met tout de suite à l’œuvre. Plusieurs membres de la nouvelle équipe monastique sont architectes ou ingénieurs.

Sous la direction du P. Matta el-Maskine ils élaborent les plans grandioses d’un renouvellement radical des structures. La superficie du monastère sera six fois plus grande. Ils font des forages pour l’eau, ils bâtissent des cellules; une centaine d’abord auxquelles plus tard s’ajoutera une autre centaine. Car les vocations affluent. Quant au désert environnant, les moines entreprennent de le cultiver de façon intensive avec les techniques les plus modernes et sur une surface toujours plus étendue. Une grande ferme est mise sur pied et dans tous les secteurs le travail agricole et l’élevage se développent en plein désert de manière prodigieuse. Les vocations monastiques n’ont cessé d’affluer. Aujourd’hui[Quand ?] le monastère compte donc environ cent vingt moines.

Publications

Toutefois, Abouna Matta el-Maskine se préoccupe sans cesse de la nourriture spirituelle de ses moines et de tous ceux pour lesquels il est devenu un guide sur la voie de l’Évangile. Il écrit de très nombreux livres et articles. À partir de 1988 il commence aussi une série de commentaires bibliques fondés tant sur les enseignements de la tradition que sur les travaux de l’exégèse moderne. Ajoutons à cela de gros volumes sur la vie de saint Athanase et sur son époque, sur la Vie monastique au temps de saint Macaire, sur l’Eucharistie, sur saint Paul. Plusieurs de ses livres, tous composés en arabe, sont traduits dans diverses langues européennes. Jusqu’à sa mort il a continué à écrire et certaines de ses dernières méditations sur le Christ dans les Évangiles doivent encore être publiées. La revue Irénikon a eu au cours des ans le privilège d’offrir à ses lecteurs, en traduction française, plusieurs des écrits spirituels les plus personnels du P. Matta el-Maskine.

L'Unité chrétienne

Nous voudrions, en particulier, rappeler ceux d’entre eux qui se réfèrent à la quête de l’unité chrétienne. Le premier remonte à une époque contemporaine de l’arrivée à Saint-Macaire du P. Matta el-Maskine et de ses moines. Il s’intitule L’Unité chrétienne. Une traduction française de cet article avait d’abord été publiée en 1969 par le P. Christophe Dumont, o.p. dans le bulletin mensuel du Centre Istina, Vers l’Unité chrétienne. lrénikon en a donné en 1985[4] une version entièrement révisée par son auteur et son traducteur. Rappelons-en quelques passages particulièrement significatifs. Commentant les versets 17,21-23 de la prière sacerdotale de Jésus dans l’évangile de saint Jean, le P. Matta el-Maskine ouvrait sa réflexion par ces lignes: «Toute opposition de notre part à la perfection de l’unité en toi (c’est-à-dire à l’unité en Christ), unité que tu as demandée pour nous, est une faiblesse dans notre foi et un manque dans notre charité. Ces imperfections nous font placer les controverses théologiques, politiques et raciales, au-dessus des exigences de l’esprit, de la foi et de la charité, et étouffent la voix du Christ en nos cœurs, pour satisfaire le monde et les hommes »[5]. Plus loin, se fondant sur le célèbre verset de l’épître aux Éphésiens 2, 14, il affirmait: «Seul le Seigneur peut “des deux faire un seul peuple” et “détruire la barrière qui les séparait”», et il poursuivait: «Ce problème comporte deux éléments: l’unité et la destruction des barrières. Ceci correspond au double commandement: d’abord “tu aimeras le Seigneur ton Dieu”, ensuite “tu aimeras ton prochain”.

La logique humaine voudrait d’abord détruire les barrières pour accomplir l’unité, tandis que la logique de Dieu, exprimée au second chapitre de l’épître aux Éphésiens que l’on vient de citer, exige que l’unité s’accomplisse d’abord afin que tombent les barrières»[6]. En cohérence avec cette vue, le P. Matta el-Maskine refusait catégoriquement une recherche de l’unité pour former une coalition défensive, car «la force dans la vie chrétienne ne provient ni de la multitude ni de la coalition, mais de l’union à Dieu: “Dieu est là qui opère en vous le vouloir et l’opération même” (Ph 2, 13). Proposer l’unité chrétienne à une Église faible, exposée à l’injustice, à la persécution ou à la pauvreté, c’est la soumettre à une dangereuse tentation : c’est raviver en son subconscient l’instinct de coalition pour faire face au danger qui la tourmente. Il devient alors extrêmement difficile pour cette Église de distinguer entre l’unité divine telle que Dieu l’exige et une union de multitude telle que l’exige l’instinct de conservation. C’est pour cela que proposer l’unité chrétienne à une Église exposée aux conditions adverses représente pour sa conscience une épreuve mille fois plus dure que la persécution dont elle souffre»[7].

Ces quelques lignes suffisaient à faire percevoir à quelle profondeur spirituelle se situait le P. Matta el-Maskine dans la question de l’unité chrétienne. À plusieurs reprises il y est revenu. C’est ainsi que dans un autre article publié par notre revue il écrivait : «La vie en Christ est seule à pouvoir débloquer la rigidité du dogme pour qu’il puisse s’ouvrir à un surplus de vie, de croissance et d’ampleur. Quant à l’essence même de la doctrine, c’est le Christ lui-même qu’aucune formulation ne peut circonscrire. Il est donc nécessaire de commencer le dialogue doctrinal par l’esprit et non par la lettre, en accueillant la vie dans le seul Christ, avant d’unifier les articles du credo aux formes et aux aspects divers. Il est nécessaire de commencer par vivre ensemble l’essence de la foi unique sans attendre de se mettre d’accord sur l’expression de son contenu. L’essence de la foi, qui est le Christ lui- même, est fondée sur l’amour, le don de soi, le sacrifice et l’abnégation totale jusqu’à prendre la forme de l’esclave (Ph 2, 7)»[8].

L’épître aux Éphésiens nous semble avoir été le texte néo-testamentaire qui a apporté son inspiration majeure à la réflexion du P. Matta el-Maskine sur la restauration de l’unité entre les chrétiens. Rappelons seulement l’article qu’il nous a donné en 1993 sur «L’unification de l’humanité dans le Christ : thème théologique fondamental de l’épître aux Éphésiens»[9]. Sous la direction du P. Matta el-Maskine le Monastère de Saint-Macaire a vécu cette ouverture dans l’amour et c’est là l’héritage le plus précieux qu’il lègue aux quelque cent vingt moines qui forment aujourd’hui cette communauté. Peu de temps après l’arrivée à Saint-Macaire du P. Matta el-Maskine et de ses premiers disciples des contacts étroits furent établis aussi avec les moines et religieux des diverses Églises. C’est ainsi que des liens solides se sont formés entre ce monastère entièrement renouvelé dans son esprit et dans son cadre extérieur, et certaines des communautés les plus vivantes de l’Occident chrétien.

Principales Publications

  • La communion d'amour ;
  • L'expérience de Dieu dans la vie de prière ;
  • Prière, Esprit Saint et unité chrétienne ;
  • Saint Antoine: ascète selon l’Évangile.

Notes et références

  1. Parmi les très nombreuses publications qui ont fait état de sa vie et de son œuvre, il faut citer particulièrement l’article très sérieusement documenté de Serge Tywaert, «Matta el-Maskine et le renouveau du monastère de saint Macaire», in Istina, 48 (2003), pp. 160-179. Divers sites Internet donnent des informations et des photographies, mais ces informations y sont souvent sommaires, incomplètes, voire inexactes. En langue française la notice du site <http://www.stmacariusmonastery.org/f_matta_F_06 htm> donne une biographie authentique du P. Matta el-Maskine. On trouvera une abondante documentation sur sa vie et ses œuvres sur le site <http://www.stmina-monastery.org/FrMatta/>. Le monastère de Saint-Macaire a publié en arabe l’autobiographie du P. Matta el-Maskine avec de nombreuses photographies. [Elle se trouve en traduction française au début de la présente publication].
  2. Édition française L’expérience de Dieu dans la vie de prière aux Éditions de l’Abbaye de Bellefontaine (coll. Spiritualité orientale 71), 1997. Bellefontaine a aussi publié du P. Matta el-Maskine Prière, Esprit Saint et Unité chrétienne (coll. Spiritualité orientale 48), 1990; La communion d’amour (id. 55) 1992; Saint Antoine, ascète selon l’Évangile, suivi de Les vingt lettres de saint Antoine selon la tradition arabe (id. 57), 1993. Sur cet héritage de saint Antoine, Irénikon a publié une conférence d’un disciple du P. Matta el-Maskine, intitulée L’essentiel de la vie monastique d’après les lettres de saint Antoine (Irénikon, 70 [1997], pp. 363-373). Ce texte reflète la doctrine du P. Matta el-Maskine sur les Lettres d’Antoine. Il existe aussi de nombreuses traductions en anglais de ces écrits; d’autres en italien, en allemand, en espagnol, en néerlandais, en polonais, en serbe, en roumain, en russe et en grec moderne. Une liste de l’ensemble des écrits du P. Matta el-Maskine de 1952 à 2004 a paru en arabe au Monastère de Saint-Macaire en 2004.
  3. Irénikon, 59 (1986), pp. 451-481. Comme d’autres articles du P. Matta el-Maskine, ce texte dans sa traduction française, a été repris en tiré-à-part et reproduit au Monastère de Saint-Macaire. Notre revue avait déjà donné antérieurement un long et beau texte de l’auteur sur La Pentecôte, 50 (1977), pp. 5-45
  4. lrénikon, 58 (1985), pp. 338-350.
  5. art. cit., pp. 338 s.
  6. ibid., p. 346.
  7. ibid., p. 347.
  8. L’unité véritable. source d’inspiration pour le monde, dans lrénikon, 64 (1991), p. 368.
  9. Irénikon, 66 (1993), pp. 335-3461.

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