Masses de granit

L'expression « masses de granit » est issue d'une déclaration de Napoléon Bonaparte en 1802. Elle désigne les institutions civiles créées à cette époque.

Circonstances de la déclaration

Cette phrase[1],[2] fut prononcée le (18 floréal an X) lors de la discussion relative au projet de loi sur la Légion d'honneur, au Conseil d’État[3] :

« On a tout détruit, il s’agit de recréer. Il y a un gouvernement, des pouvoirs, mais tout le reste de la nation, qu’est-ce ? Des grains de sable. Nous sommes épars, sans système, sans réunion, sans contact. Tant que j’y serai, je réponds bien de la République, mais il faut prévoir l’avenir. Croyez-vous que la République soit définitivement acquise ? Vous vous tromperiez fort. Nous sommes maîtres de la faire, mais nous ne l’avons pas, et nous ne l’aurons pas, si nous ne jetons pas sur le sol de France quelques masses de granit. »

 Napoléon Bonaparte

Masses de granit : institutions solides créées par Napoléon Bonaparte

Ces grandes institutions destinées à bâtir la France moderne constituent l'œuvre civile de Napoléon[4][source insuffisante] :

  • le préfet institué en 1800 (loi du 28 pluviose an VIII), représentant de l’État dans le département ;
  • la Banque de France, fondée en 1800 (le 16 nivôse an VIII) ;
  • les lycées, créés en 1802 (11 floréal an X) ;
  • l'ordre national de la Légion d’honneur créée en 1802 (29 floréal an X), décoration récompensant un fait militaire ou un fait civil d’exception ;
  • le franc germinal créé en 1803 (17 germinal an XI) ;
  • le Code civil publié en 1804 (30 ventôse an XII), recueil de lois organisant la vie des individus dans la société.

La loi du 28 pluviôse de l’an VIII () relative à l'administration territoriale et créant les préfets, est considérée comme une des lois essentielles de la période napoléonienne, une de ses « masses de granit ». Napoléon Bonaparte veut faire des grains de sable des masses de granit qui seront les piliers de la république : les grains de sable représentent l’état de la République alors dévastée par la récente disparition des anciennes lois et la création de nouvelles lois souvent contradictoire. Il y a ainsi une forte insécurité juridique. Les masses de granit doivent donc construire la République, et le Code civil est l’une de ces masses.

Les masses de granit doivent réorganiser et unifier la France en reprenant les idées de la Révolution : liberté, égalité, propriété. Par ces masses de granit, Bonaparte confirme la fin de l'ordre ancien, renversé en 1789 ; il établit un nouveau droit, une nouvelle monnaie et la paix intérieure[5].

Deux siècles plus tard, on constate que « les fondements de notre société s’appuient encore sur des morceaux de ces "masses de granit" jetées sur le sol par Napoléon. Certaines de ces masses, notamment la fonction préfectorale, n’échappent pas à l’érosion du temps »[6].

Dans l'historiographie napoléonienne, cette expression, souvent reprise notamment par les enseignants[7],[8],[9], exprime la solidité de l'œuvre civile de Napoléon Ier[10].

La fondation Napoléon indique que ces masses de granit « furent constituées par les grandes institutions, les grandes lois et les codes, complétés par une organisation sociale donnant la part belle aux "notables" »[11].

L'historien Louis Madelin consacre une partie de son ouvrage Le Consulat et l'Empire à l'étude de ces « masses de granit ». La première était la Légion d'honneur : « Cet État-Major de la Nation, ces 30 000 citoyens d'élite groupés en une légion, qui sans cesse se renouvellerait, serait tenue par des serments aux principes du régime. [...] La société nouvelle allait trouver dans la Légion un appui solide. Une nouvelle masse de granit fixait le sol - jusque-là mouvant - de la France révolutionnaire, devenue la France consulaire[12]. ».

Masses de granit : élites politiques

Les institutions ayant donné la part belle aux « notables », l'expression « masses de granit » a pris le sens d'élites politiques. On la retrouve ainsi dans le programme de l'enseignement de l'Institut d'études politiques de Lyon (IEP) : Les « masses de granit » de la société française[13] et utilisée dans ce sens par des historiens[14].

Bibliographie

  • « Les masses de granit : Napoléon et l'héritage institutionnel de la Révolution », Revue Défense nationale, , p. 768-782
  • L. Bergeron et G. Chaussinand-Nogaret, « Les masses de granit. » Cent mille notables du Premier Empire , Paris, Touzot, 1979, 122 pages, commenté in Revue des annales (Économies, Sociétés, Civilisations), no 6, 1980, p. 1300-1301, [lire en ligne]

Notes et références

  1. Antoine-Clair Thibaudeau, Mémoires sur le consulat: de 1799 à 1804, p. 84-85, Baudouin, 1827, [lire en ligne]
  2. Adolphe Thiers, Histoire de la révolution française, volume 10, p. 582, [lire en ligne]
  3. Antoine Claire Thibaudeau, Consulat et Empire, tome 2, p. 178-180, cité par Jean Chrétien Ferdinand Hoefer, Nouvelle biographie générale depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, avec les renseignements bibliographiques et l'indication des sources à consulter, volumes 37 à 38, Firmin Didot frères, 1866, p. 284, [lire en ligne]
  4. Le Consulat et l’Empire : 1799-1815, site de l'académie de Caen, [lire en ligne]
  5. Catherine Cassagne, Hélène Sadowski, Marcel Spisser, Robert Steegmann, Jean Vassort, Jean-Luc Villette, Histoire, classe de seconde, livre du professeur, éditions Hachette, p. 82 et p. 84, [lire en ligne]
  6. Josiane Séguela, service éducatif des archives municipales de Toulouse, août 2011, p. 2, [lire en ligne]
  7. Jean Sévillia, Napoléon vu par son petit-neveu,Le Figaro Magazine, 27 novembre 2009, [lire en ligne]
  8. « Le Consulat et l’Empire, 1799-1815 » (consulté le ).
  9. « Composition, classe de Seconde 3, la période révolutionnaire » (consulté le ).
  10. Général Michel Franceschi, Les « masses de granite » de l'historiographie napoléonienne, octobre 2008, [lire en ligne]
  11. « FAQ, question no 4 », sur le site de la fondation Napoléon (consulté le ).
  12. Louis Madelin, Le Consulat et l'Empire 1789-1809, Hachette, 1933, chapitre XI, p. 141.
  13. « Descriptif des cours », sur le site sciencespo-lyon.fr (consulté le ).
  14. Jean-Luc Chappey, Les Archives littéraires de l’Europe (1804-1808) : Un projet intellectuel et politique sous l’Empire, in Cahiers de l'Institut d'histoire de la Révolution française, p. 2, [lire en ligne]
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