Marguerite Souley-Darqué

Marguerite Souley-Darqué (Dax, [1] - 1924[2]) est une artiste peintre et intellectuelle, féministe militante française, active au tournant des XIXe et XXe siècles. Elle a œuvré avec persistance pour l’égalité femme-homme à travers articles et conférences dont les idées sont développées dans son essai L'Évolution de la femme publié en 1908 et réédité en 2013[3].

Les informations biographiques manquent. Elle épouse à Montfort-en-Chalosse, le , Paul-Ozée Soulé[4]. On possède une photographie d’elle non datée dont la notice donne 1921 comme date de décès[5].

Elle appartient à la bourgeoisie aisée si l’on considère que dès 1882 elle est domiciliée dans un beau quartier de Paris près du parc Monceau, dans un immeuble construit en 1880 au 104 avenue de Villiers et, plus tard, dans le quartier de l’Étoile au 67 avenue de Wagram[6].

L’artiste

On peut lui supposer une formation de peintre puisqu’elle exposera régulièrement ses tableaux à la galerie Petit (Portrait d'homme au chapeau, 1884, huile sur toile, vente en 2004[7]) et dans plusieurs salons comme en 1885 sa Jeune fille vénitienne (cote 2274, catalogue illustré du Salon, volume 7), La Leçon de lecture en 1889, ou encore un portrait au salon des indépendants en 1892 : la critique cite « Le Père Duperrat par Madame Souley Darqué, honnête figure de vieux jardinier, étudiée avec intelligence et talent[8] » et Soleil couchant à Montigny-sur-Loing en 1895. La Bibliothèque historique de la ville de Paris conserve un de ses tableaux de 1892 : Paysanne, Mme Souley-Darqué, huile sur toile, coul., 61,5 x 49,5 cm, France, 1892[9].

C’est en cette même année 1892 qu’elle participe avec Magdeleine Real del Sarte et Amélie Valentino à la création de la Société des femmes artistes dont les expositions auront lieu, de 1893 à 1907, à la galerie Georges Petit.

Elle est nommée Officier de l’Instruction publique par décret du au titre de peintre[10].

L’intellectuelle

Couverture de l'édition originale

C’est cependant dans le domaine des idées que Marguerite Souley-Darqué s’est fait le plus notablement remarquer.

Philosophe et sociologue amateure, on retient d’elle ses conférences sur Nietzsche ou sur Tolstoï (ex. « La Philosophie de Nietzsche », in La Fronde, n˚997-1001, ) et son enseignement sur la féminologie (elle impose le terme alors) au Collège libre des sciences sociales.

Militante engagée de la cause féministe, elle a écrit de nombreux articles dans différentes publications progressistes comme la Libre Pensée, Le Rappel, L’Aurore, Le Cri du peuple socialiste, Le Radical[11] et a participé à différents congrès intellectuels. Elle a joué aussi un rôle dans l’évolution de la franc-maçonnerie féminine dont elle était membre (GLSE2, Grande Loge symbolique écossaise, puis Grande Loge de France[12].

Intellectuelle active et membre de la Société de sociologie de Paris (SSP), Marguerite Souley-Darqué enseigne entre 1900 et 1905 la « féminologie » au Collège libre des sciences sociales, qui se consacre à la recherche innovante et propose, entre autres, des cours intitulés « Le mouvement féministe » ou « Le féminisme sous le règne de Louis XIV[13] ».

Sur le plan des idées Mme Souley-Darqué s’affirmait proche de Clémence Royer (1830-1902) dont elle fut l’amie, la disciple et co-héritière[14]. De la philosophe qui traduisit Darwin en français, elle retient le principe de l’évolution biologique des espèces par adaptation à de nouvelles conditions de vie : elle l’appliquera à l’histoire des femmes et publiera en 1908 un essai convaincu sur L'Évolution de la femme. Le texte, signé « Mme Souley-Darqué », comme tous ses articles, a été numérisé par la Bibliothèque nationale de France et republié en 2013 par Hachette Livre.

Hélène Charron, dans sa thèse de 2009 à l’Université de Montréal, résume l’ouvrage ainsi : « Marguerite Souley-Darqué fait l’hypothèse d’un asservissement primitif des femmes, rendu nécessaire par les conditions de vie spécifiques des premières phases d’évolution sociale, et produisant une inégalité physique et intellectuelle réelle entre les hommes et les femmes, mais qui serait devenu illégitime avec l’industrialisation qui ouvre une nouvelle ère d’égalité entre les sexes[15] ».

Certaines revues mentionnent la parution du livre de Madame Souley-Darqué. Par exemple les Cahiers de la quinzaine citent les titres des chapitres sans commentaire : « I. L’Évolution physique et psychique de la femme. II. L'Évolution sociale de la femme. III. Situation actuelle de la femme au point de vue de la loi, de la famille, du travail. IV. Les précurseurs du féminisme. V. Le monde féministe. VI. Les ennemis de la femme. VII. Les victoires féministes. VIII. Les travaux des femmes : arts, sciences, industrie, instruction, commerce, agriculture. IX. Les espérances du féminisme. X. Le rôle de la femme dans la société future [16] ».

Extraits significatifs :

  • « Dans le domaine de l’intelligence, l’homme reprend un avantage considérable » p.11 « Il n’y a pas eu encore de femme de génie. » « Non la femme n’est pas créatrice, il faut avoir le courage de le dire. Elle n’a ni invention, ni imagination. Elle n’est pas réellement artiste, elle n’est guère poète ; les sens du lyrique aussi bien que les sens du comique lui font défaut » p.13 « Retenons donc ce fait dans sa brutalité : infériorité actuelle de la femme. » (Produit de l’évolution darwinienne), « l’inégalité des sexes [a été un] puissant moyen de conservation de l’espèce humaine »
  • Rapport homme/femme : « il s’en fit un serviteur : il la surchargea des travaux domestiques et agricoles, se réservant uniquement la chasse et la guerre. » p.25
  • « La force de l’homme, de moins en moins nécessaire à cause du machinisme qui demande peu d’efforts, est déjà entrée en régression et sera avant peu au niveau de la femme. » « C’est surtout sur le cerveau que les effets les plus puissants (…) pourront être obtenus » p.36
  • « les Hercules, les Titans, ces géants bosselés de muscles disparaîtront aussi bien que les types de femmes mièvres et menues, nonchalantes … Déjà la pratique plus généralisée des sports commence à secouer la faiblesse, l’apathie et la timidité traditionnelle de notre sexe. » p.277
  • « Tout nous porte donc à croire que, dans quelques siècles, régnera une égalité parfaite entre les sexes. » p.278[17].

Par ailleurs, comparant le mariage au servage quant au rapport dominant/dominé lié aux contextes historiques, elle appelle de ses vœux l’union libre qui « permettra enfin (à la femme) de conquérir l’égalité conjugale[18] ». Elle publie sur le même thème dans L'Éducation féministe à Lyon 1907 un texte au titre clair : Le Servage de l’épouse[19].

Marguerite Souley-Darqué, à la fois artiste, intellectuelle et militante entre 1880 et 1914 et plutôt oubliée un siècle plus tard, reste une bonne représentante du mouvement féministe de son époque. Son nom est régulièrement cité dans les ouvrages sur ce thème.

Références

  1. Acte de naissance à Dax, n° 222, vue 161/218.
  2. Article du 24 novembre 1924 dans La Pensée française sur Gallica
  3. Texte accessible Gallica
  4. Acte de mariage Soulé-Darqué à Montfort-en-Chalosse, n° 9, vue 237/333.
  5. Bibliothèque Marguerite Durand / Roger-Viollet
  6. Annuaire des gens de lettres et des dessinateurs
  7. La Plume, volume 4, 1892
  8. Journal officiel du 16 janvier 1995
  9. Geneanet
  10. Cécile Révauger, La Longue marche des franc-maçonnes : France, Grande-Bretagne, États-Unis, éditions Derwy, 2018
  11. Mary D. Sheriff, « Pour l’histoire des femmes artistes : historiographie, politique et théorie », Perspective, 1/2017 (lire en ligne)
  12. La Pensée bretonne du 15 novembre 1918
  13. Hélène Charron, Les formes de l'illégitimité intellectuelle : genre et sciences sociales françaises entre 1890 et 1940 (p. 281 et suivantes)
  14. Présentation du livre de Mme Souley-Darqué dans les Cahiers de la quinzaine, page 67, Onzième cahier de la deuxième série
  15. Texte du livre Gallica
  16. La liberté du mariage – Revue socialiste 1906 Tome XLIV pages 273-274
  17. Debating the Woman Question in the French Third Republic, 1870-1920 De Karen Offen – page 275, notes

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