Marc Mangin

Marc Mangin est un journaliste, écrivain et photographe d'expression française, né à Fès (Maroc) le [1] également connu sous le nom de Mario Granelli. Il fit une brève carrière d'éditeur (2010-2020). Il est le père de quatre enfants : Michel, Nicolas, Jeanne et Louise (Thiên Thanh), nés de trois lits.

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Orléans

Sa famille rentre en France en . Son père, Michel Mangin, sous-officier de carrière, dans l'armée de l'air, décède le à l'âge de 31 ans dans un crash aérien, à Ghardaïa (Algérie), l'enfant n'a pas trois ans. Ce qui est présenté par les autorités comme un "accident" qui coûta la vie aux six membres de l'équipage, est considéré par la veuve comme la conséquence d'un sabotage[2]. Sa mère, Rosa Granelli, née en Lorraine dans une famille de mineurs, immigrés italiens, s'engage dans l'armée à la Libération.

L'enfant grandit à Fleury-les-Aubrais, dans la banlieue orléanaise[3]. Renvoyé de tous les établissements qu'il fréquente, il quitte le circuit scolaire en 1974, sans diplôme, et intègre les Postes & Télécommunications en qualité d'auxiliaire électromécanicien. Il y reste douze mois avant d'être licencié pour insubordination et d'enchaîner les petits boulots : électromécanicien, électricien du bâtiment, agent de manutention, chauffeur-livreur, offsettiste.

Il reprend des études, au début des années quatre-vingt sous la direction de Jean Copans, à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), seul établissement de l'enseignement supérieur à accepter des étudiants non bacheliers, sur dossier. Sous la direction du socio-anthropologue, il étudiera le peuplement noir de l'Afrique australe, à travers les migrations bantoues. Son travail aboutira à un mémoire qui ne sera pas sanctionné par la prestigieuse institution, après l'avis défavorable de l'historien congolais Elika M'bokolo, membre du jury ; avis motivé par une bibliographie ne tenant pas compte des travaux publiés dans les trois dernières années.

Engagé dans la lutte antiraciste, le Mrap dont il dirige la branche départementale du Loiret obtient, en 1976, la condamnation de la République du centre sur le fondement de la Loi du qui fait des discriminations fondées sur l'appartenance à une race, une ethnie ou une religion déterminée un délit. Une décision qui lui vaut les foudres du directeur du journal : le député-maire Roger Secrétain. En 1977, il est élu au Bureau national du Mrap. Il restera membre du secrétariat national de l'organisation (aux côtés d'Albert Lévy, de Jean-Louis Sagot-Duvauroux, de Jean-Pierre Garcia et de René Mazenod) jusqu'en 1985.

L'Afrique

Il quitte Orléans pour Amiens en 1978 où il entreprend une carrière de journaliste. Son premier article, paru en juin 1978 dans les colonnes du journal Libération, relate la condamnation d'un objecteur de conscience par le TGI d'Orléans. À Amiens, il fait partie de l'équipe fondatrice des Journées cinématographiques contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples, inaugurées le 29 février 1979, qui donneront naissance au Festival international du film d'Amiens. Après avoir affûté sa plume dans les colonnes de petites publications locales (notamment Ciné-Critique)[4], il alimente la rubrique "Musique" du magazine Afrique-Asie ; il se spécialise sur la musique noire en général avant de s'arrêter sur le reggae après sa découverte de Bob Marley, Peter Tosh, Hugh Mundell, le Burning Spear et sa rencontre, à Londres, avec le poète Linton Kwezi Johnson. C'est dans la capitale britannique, qu'il fréquente depuis le milieu des années soixante-dix, que se construit sa culture musicale, principalement autour de Notting Hill Gate et de Brixton dans les quartiers fréquentés par la population caribéenne et sud-africaine. Il adhère naturellement au courant Post Punk de la fin des années 70 porté par The Clash, qui brasse de multiples influences[5].

En 1980, le Mrap qui vient de créer le magazine Différences, lui confie la responsabilité du mensuel Droit & Liberté. Il en assurera la rédaction en chef pendant deux ans.

En 1982, il rallie le Nord de la France au golfe du Bénin au volant d'un camion, un périple de 7.000 kilomètres qui le conduit au Maroc, en Algérie, au Niger, au Bénin puis au Togo. Au cours de cette expédition de quatre mois, il découvre la dure réalité du voyage ; dépouillé de tout son matériel (appareils photo, magnétophone… dès son arrivée en Algérie), il traverse le Sahara pour revendre son véhicule. Revenu précipitamment soigner une hépatite, il repart l'année suivante pour trois mois au Burkina Faso (alors Haute Volta) et au Mali.

Entre Amiens et Paris, la France et l'Afrique, il élargit le champ de ses collaborations à la radio puis à la télévision. Il participe activement à l'animation de radios "pirates", notamment Lorraine Cœur d'Acier (Longwy) et Radio Lafleur (Amiens). En 1981, il participe à l'aventure KFM sur la FM amiénoise ; il y anime une émission consacrée aux musiques noires (reggae, blues, jazz, musiques africaines) sous le nom se Sieur Toubab[6]. Parallèlement à des articles à caractère culturel, Marc Mangin signe de longues enquêtes politiques, sur l'Afrique australe alors sous le régime de l'apartheid (dans les colonnes de l'hebdomadaire Révolution notamment). Il se voit refuser l'entrée dans l'Afrique du Sud de John Vorster puis celle de Pieter Botha et dans la Pologne du général Jaruselski.

Départ de Picardie

En , à la suite d'un article (diffusé le 14 octobre) sur la nomination de la tête de liste communiste aux élections régionales en Picardie – Maxime Gremetz, ayant été désigné par la direction nationale du PCF au détriment de Michel Couillet –, Radio-France met un terme à sa collaboration. Le Parti Communiste s'exprimera sur cette affaire avec la terminologie dont il est coutumier dès lors qu'il se sent attaqué, sur une demi-page de son hebdomadaire local, daté du 8 novembre 1986[7] où Marc Mangin en prend pour son grade, tout comme le journaliste Patrick Duval, à l'origine d'une pétition de soutien qui avait recueilli la signature de la quasi-totalité des journalistes amiénois et la section CFDT de Radio-France. Cette rupture de contrat – justifiée par Jean-Pierre Bergeon, directeur de l'antenne de Radio-France Picardie, par la baisse des budgets[8] – le contraint à quitter la Somme. L'hebdomadaire Révolution prendra le même prétexte pour mettre un terme à ses collaborations, ce qui mettra provisoirement un terme à sa carrière de journaliste. Dans une lettre ouverte au président de Radio-France, les syndicats SNJ (Joël Génard) et CFDT (François Pelletier) s'étaient émus de l'éviction de leur confrère.

Marc Mangin se tournera vers Jean-Noël Jeanneney, dans un courrier daté du 12 mai 1986, après que Michel Couillet eut lui-même, au lendemain du scrutin, déploré les "méthodes employées" par la direction du Parti communiste pour lui imposer son rival[9]. Cette lettre lui vaudra d'être condamné à 10 francs de dommages et intérêts (1,5 euro), le 5 janvier 1987, par le Tribunal judiciaire d'Amiens devant lequel il était poursuivi sur le fondement de l'Art. 1382 du Code civil par Élisabeth Durin, épouse Gsell, rédactrice en chef de Radio-France-Picardie[10]. Dans son courrier, Marc Mangin avait eu le tort de souligner le lien entre sa supérieure hiérarchique et le Parti communiste, Madame Gsell étant l'épouse de François Gsell… le secrétaire parlementaire de Maxime Gremetz.

L'Extrême-Orient

Recruté par l'association Frères des Hommes pour prendre en charge ses outils de communication, Marc Mangin passe alors de l'Afrique à l'Asie. Son premier séjour aux Philippines, en , lui permet de publier dans Le Monde diplomatique une grande enquête sur l'industrie sucrière de l'île de Negros[11]. Il retourne dans l'archipel philippin, début 1988, pour réaliser une série de reportages sur le travail des enfants qui seront diffusés sur la Cinq et France2 ; sujets coproduits par Gamma TV dont Patrice Barrat assurait la rédaction en chef. En 1989, il s'installe à Manille d'où il assure des correspondances pour la presse francophone, notamment Les Echos, La Croix et Le Journal de Genève (devenu Le Temps). À son retour, en 1991, il fonde la lettre East Asian Affairs au sein du groupe Indigo Publications, puis la revue Dong Fang (1995). Il reste cependant fidèle au Philippines et cosigne, avec Joël Picart, quelques années plus tard dans Le Monde Diplomatique, une première analyse de l'ère Post-Aquino[12].

Grâce à ses travaux, Marc Mangin est reconnu comme un spécialiste de l'Extrême-Orient et plus particulièrement des questions de développement. La revue Politique internationale de Patrick Wajsman lui confie la réalisation d'interviews de chefs d’État, notamment Fidel Ramos[13] (Philippines) et Goh Chok Tong[14] (Singapour). Le groupe Le Monde le recrute, en 1996 pour assurer une chronique régulière dans Le Monde de l'économie, puis lui confie, en 1998, la direction de la rubrique Asie de la lettre Nord Sud Export qu'il vient de reprendre. Marc Mangin assure, en même temps, la parution du China Act & Fact, la première lettre d'informations hebdomadaire de veille et d'analyse du marché chinois, en français.

De 1996 à 2008, il consacre également une partie de son temps à la formation. Il anime des sessions du Centre de formation et de perfectionnement des journalistes (CFPJ) sur les techniques de rédaction, de secrétariat de rédaction et de mise en pages.

En 2009, Marc Mangin quitte définitivement la presse pour se consacrer pleinement à l'écriture et à la photographie. Commence alors un long voyage qui le conduit à travers l'Iran[15] et l'Asie centrale avant de s'arrêter en Inde en 2010[16]. À son retour, il fonde les éditions Sipayat sous forme d'une association Loi 1901. Menacée par l'OPA inamicale de son associée, à l'automne 2019, il en prend le contrôle total, en , et la transforme en EURL[17]. Sipayat ne survivra pas aux turbulences économiques provoquées par l'épidémie de Covid-19, au printemps 2020. Après les lourdes pertes de l'automne et faute d'une trésorerie suffisante, la structure est dissoute à l'été.

Écriture

Marc Mangin ne manque jamais de rappeler que l'écriture a toujours constitué son projet d'expression avec le besoin de raconter l'histoire en général et une partie de la sienne en particulier. Faute d'une formation scolaire, il "s'auto-forme" à l'écriture et à la lecture, d'abord dans ses activités militantes (1976-1978) puis dans la presse alternative (1978-1981). Il est titulaire de la carte de presse 47807 depuis . Il lui faut attendre encore une douzaine d'années (1993) avant de publier son premier ouvrage, consacré à l'histoire des Philippines[18], mais son travail d'écrivain débute véritablement quinze ans plus tard avec Chine, l'empire pollueur (Arthaud, 2008)[19]. L'ouvrage paraît alors que son auteur commence à prendre ses distances d'avec la presse. Après trois ouvrages de chroniques de voyages, il publie un premier roman (Le Théorème d'archipel – Sipayat, 2015[20]). Ses textes explorent inlassablement son expérience d'orphelin et de père "raté" ; une première ébauche de cette histoire paraît, hors commerce, en 2009, sous le titre Instants damnés, suivie quelques années plus tard par Au nom des pères (Presses de la cité, 2017)[21].

Photographie

Marc Mangin découvre la photographie à l'adolescence avec un Zénith soviétique. Il restera, le demi-siècle suivant, fidèle à la technique argentique et au noir et blanc. Quelques années plus tard, il acquiert un Nikon FM2 et part à la découverte de l'Afrique. Dès le départ, il s'attache à photographier des scènes de la vie quotidienne avec le souci de fixer sur sa pellicule ce que le temps emporte. Il cultive cette démarche aussi bien en Afrique qu'aux Philippines, en Chine où en Europe. En ce sens, il se rapproche du courant de la photographie humaniste et documentariste exploré avant lui par les grands noms de la photographie française[22].

Il présente sa première véritable exposition, en au Press Club de France à Paris, à l'occasion de la parution de l'ouvrage Philippines : Instants d'années. En 1991, Marc Mangin commence à photographier Pékin. De la dizaine de voyages qu'il effectue dans l'empire du Milieu, entre 1991 et 2006, il rapporte plus de 7.000 clichés. Il en présente une sélection sous le titre En passant par la Chine, à partir de 2009. L'année suivante, il présente son travail en Iran sous le titre Tu m'as conquis tchador[23]. La Maison de la culture d'Amiens lui propose alors de présenter son travail sous une approche transversale qu'il appellera Vagabondages[24]. En 2013, il met en chantier un nouveau projet de fond autour de la Corée : Au sud de la frontière, labellisé dans le cadre des Années France-Corée (2015-2016) et présenté, fin 2015, à la Maison de la culture d'Amiens[25]. En 2018, Marc Mangin reprend le chemin de l'Asie du Sud-Est, longue errance le long du Mékong qui lui inspire Chroniques indochinoises pendant laquelle il se lance dans la photographie numérique[26].

Bibliographie

Expositions personnelles

  • Quelques images d'Afrique (1984 : Amiens, Les jardins d'Aurélien)
  • Philippines : Instants d'années (2002 : Paris 8e, Press Club • 2003 : Paris 5e, Espace Le Scribe ; Orléans, Les Temps Modernes)
  • En passant par la Chine (2009 : Montreuil, La Raffinerie ; Paris 6e, Galerie du Lucernaire • 2017 : Lille, Galerie Voyageurs du monde)
  • Tu m'as conquis tchador (2010 : Amiens, Galerie Synapse-Picardie ; Paris 6e, Galerie du Lucernaire • 2011 : Paris 5e, Institut de recherche et d'études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient – Iremmo)
  • Sales gosses (2011 : Paris 11e, L'Angora)
  • Vagabondages (2012 : Maison de la culture d'Amiens ; Paris 14e, Galerie de L'Entrepôt ; Prieuré de Las Canals, Aveyron ; Galerie L'Œil écoute, Lyon • 2015 : La Petite Galerie, Béziers • 2016 : Paris 14e, Fiap Jean-Monnet ; Douai, bibliothèque Marceline-Desbordes-Valmore)
  • South of the Border (2015 : Maison de la culture d'Amiens)

Expositions collectives

  • Biennale de la photographie d'Auxerre (printemps 2006, musée d'art et d'histoire, abbaye Saint-Germain à Auxerre)
  • Chine, regards croisés avec Alix Laveau (été 2006, Paris 13e, La Petite Galerie)
  • Triptyques (, Paris 6e, Galerie de l'Europe)
  • Carnets de routes vers l'Orient (hiver 2012, Paris 19e, Espace Belleville)
  • 6e Tashkent Internationale Biennale of Photography (, Tashkent House of Photography – Tashkent, Ouzbékistan)
  • Milan Image Art Fair (, Milan – Italie)
  • Salon d'automne (, Paris – France)
  • 18e Biennale internationale de l'image (, Nancy – France)
  • La Quatrième Image (, Paris – France)
  • 20e Biennale internationale de l'image (, Nancy – France)

Références

  1. Mangin, Marc (1957-....), « BnF Catalogue général », sur catalogue.bnf.fr (consulté le )
  2. « Nord 2501 », dans Wikipédia, (lire en ligne)
  3. Voir l'ouvrage Instants damnés
  4. Collectif, Ciné Critique, Festival international du film d'Amiens, (lire en ligne)
  5. « Le Clash. White Riot », sur Différences, (consulté le )
  6. http://www.kfmstereo.com/
  7. Le Travailleur de la Somme et Aisne, No 2134, 8 novembre 1986
  8. Le Courrier Picard, 30 octobre 1986
  9. Le Courrier Picard, 1er avril 1987.
  10. Archives. Décision 1255/86
  11. Le Monde diplomatique, février 1988
  12. Marc MANGIN et Joël PICART, « Atouts et blocages du régime philippin », Le Monde Diplomatique, , p. 24-25
  13. Marc MANGIN, « Le temps de la réconciliation, entretien avec Fidel Ramos », Politique Internationale, automne 1993 (n° 61), p. 369-390
  14. Marc Mangin, « Singapour : les secrets d'une réussite, entretien avec Goh Chok Tong », Politique Internationale, printemps 1995 (n° 67)
  15. Arrêté et assigné à résidence quatre jours à Ispahan après les émeutes post-électorales, il est prié de quitter le pays… le 14 juillet ! cf. Tu m'as conquis tchador
  16. Marc MANGIN, La Voie du Bœuf, Sipayat,
  17. « Identité de l'entreprise », sur www.societe.com
  18. Karthala, « Catalogue »
  19. Marc Mangin, « Chine, l'Empire pollueur de Marc Mangin - Editions Arthaud », sur www.arthaud.fr (consulté le )
  20. « Le Théorème d'archipel »
  21. « Marc MANGIN : sa biographie, son actualité, ses livres », sur Lisez! (consulté le )
  22. FIAP, « Marc Mangin : Vagabondages »,
  23. « Tu m'as conquis tchador »
  24. « Les Vagabondages de Marc Mangin », sur www.actuphoto.com
  25. Thierry Bonté, « Un nomade humaniste à la Maison de la culture », sur france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/picardie/somme/amiens/
  26. Artgentique, « Indochine »

Liens externes

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