Manichéisme (religion)

Le manichéisme est une religion fondée par le perse Mani au IIIe siècle.

Pour les articles homonymes, voir Manichéisme.

Cet article concerne la religion. Pour l'attitude simplificatrice consistant à tout ramener à un combat du bien et du mal, voir Manichéisme (attitude).

Prêtres manichéistes écrivant sur leur bureau, avec une écriture en sogdien (manuscrit de Qocho, bassin du Tarim).

C'est un syncrétisme du judaïsme, du bouddhisme, du brahmanisme et du christianisme, mais pas du zoroastrisme qui était la religion de l'empire perse[1].

Par déformation et simplification du terme, on qualifie aujourd'hui de manichéenne une pensée ou une action sans nuances, voire simpliste, où le Bien et le Mal sont clairement définis et séparés.

Le manichéisme dans l'histoire

Le manichéisme fut créé par Mani, durant le IIIe siècle[1].

Grâce à la protection du roi de Perse Shapur Ier, Mani put prêcher le manichéisme à travers tout le Moyen-Orient. Sa religion s'est répandue plus tard à travers l'Afrique du Nord et l'Europe jusqu'en Gaule et à travers l'Asie jusqu'en Chine, où on l'appelait le « Bouddha de lumière ». Mani est néanmoins exécuté en 276, et d'autres persécutions contre les manichéens ont lieu dans l'empire perse qui l'a vu naître à partir de 287[1].

Peintre de grande qualité ainsi que ses disciples et successeurs les plus habiles, Mani créa une tradition d'illustration des manuscrits religieux, qui a bien pu avoir sa part dans la naissance de la miniature persane.

Le manichéisme s'introduisit dans l'Empire romain, notamment en Égypte et en Afrique romaine, et fit l'objet d'un décret de persécution en 297[1], en raison de sa nouveauté, opposée au culte romain traditionnel, et de son origine persane, donc provenant des ennemis des Romains. Les décrets de tolérance religieuse de 311 et 313 (édit de Milan), principalement énoncés pour arrêter la persécution contre les chrétiens, mirent fin à cette période de persécution.

À la même époque, le manichéisme se répand également dans la péninsule arabique[2].

Les Ouïghours du Khaghanat de l'Orkhon (744-840), protecteurs de la Chine des Tang à la suite de la rébellion d'An Lushan qui s'acheva en 762, se convertirent au manichéisme à l'exemple de leur qaghan Bögü, et leur religion s'épanouit dans ce qui est la Mongolie moderne et le bassin du Tarim jusque vers la fin du Ier millénaire.

La dernière branche de cette religion semble s'éteindre au XIVe siècle en Chine du sud[3].

Jusqu'au XXe siècle, le manichéisme était une religion connue principalement à travers les écrits de ses adversaires (comme saint Augustin). Mais la découverte de plusieurs manuscrits en Algérie et en Chine (cf. manichéisme en Chine) permit de mieux connaître cette religion.

Fondements

La création du monde

On raconte comment, un jour, les esprits des Ténèbres voulurent donner l'assaut au royaume de la Lumière. Ils parvinrent en effet jusqu'à la frontière de ce royaume nitescent (lumineux, rayonnant) et voulurent en faire la conquête. Mais ils ne pouvaient rien contre le royaume de la Lumière étant donné sa suprasensibilité. Les esprits du royaume de la Lumière prirent alors une partie de leur propre royaume et la mêlèrent au royaume matériel des Ténèbres.

Grâce à ce mélange d'une partie du royaume de la Lumière avec le royaume des Ténèbres, il y eut, dit-on, en quelque sorte dans le royaume des Ténèbres comme un levain, une sorte de substance provoquant la fermentation qui plongea le royaume des Ténèbres dans une danse tourbillonnante chaotique par quoi il reçut un nouvel élément, à savoir la mort — relevant pour l'homme d'une sorte de transsubstantiation.

Cela a lieu tant et si bien que le royaume des Ténèbres se consume constamment lui-même et porte ainsi en lui le germe de son propre anéantissement — ou pour l'homme, d'une transmutation en lumières passant par la formidable coruscation de la mort.

La pensée profonde qui réside dans ce récit est que le royaume des Ténèbres doit être surmonté par le royaume de la Lumière, non par le châtiment, mais par la douceur et l'amour ; non pas en s'opposant au Mal ni en le combattant, mais en se mêlant à lui ; afin de rédimer le Mal en tant que tel.

Deux mondes distincts

Un des fondements du manichéisme est de séparer le monde en deux :

  • le royaume de la Lumière, le royaume de la Vie divine, où s'exprime ce qui est de l'éternité ;
  • le royaume des Ténèbres, le royaume de la matière, le royaume des « morts », où s'exprime ce qui est de l'espace/temps.

L'Homme est double

Selon le manichéisme, la Lumière et les Ténèbres coexistaient sans jamais se mêler. Mais à la suite d'un événement catastrophique, les Ténèbres envahirent la Lumière. De ce conflit est né l'homme (naturel), son esprit appartient au royaume de la Lumière et son corps appartient au royaume des Ténèbres — ce qui peut transformer la mort non plus en processus destructif mais en processus d'élévation suprême, de libération de l'esprit.

Selon le manichéisme, l'homme naturel est donc double. Il possède :

  • un esprit appartenant au royaume de la Lumière — c'est la partie immortelle de l'humain;
  • un corps appartenant au royaume des Ténèbres — c'est la partie mortelle de l'humain.

Le Bien et le Mal

Selon le manichéisme, le Bien est associé au royaume de la Lumière, alors que le Mal est associé au royaume des Ténèbres[4]. Ce combat entre le Bien et le Mal est un des fondements du manichéisme.

Pour que l'esprit d'un homme puisse, une fois mort, se libérer du cycle des incarnations et arrive donc à rejoindre le royaume de la Lumière, il faut qu'il se détache de tout ce qui est matériel de son vivant.

Selon le manichéisme, la mort matérielle a deux facettes. L'homme qui reste attaché à sa vie matérielle, ne permet pas à son esprit de se libérer du royaume des « morts » ; alors que l'homme qui offrira sa vie matérielle à l'esprit en lui par le chemin de l’Évangile, pour celui-là, l'esprit en lui retournera au royaume de la Vie divine. Certains théologiens trouvent une parenté à ce concept dans la phrase que Jésus prononce dans l’Évangile selon Marc (ch 8 verset 35) : « Car celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de la bonne nouvelle la sauvera. »

La philosophie complète

Diagramme manichéen de l'Univers (en) dépeignant la cosmologie manichéenne. Peinture chinoise de la dynastie Yuan, XIIIe ou XIVe siècle.

L’essence même de la philosophie manichéenne est basée sur deux concepts dogmatiques : la division du monde en trois temps et deux entités. Ces théories sont issues du mythe fondateur énoncé par Mani.

D’abord, la division du monde en deux entités. D’un côté, Mani place les Ténèbres, gouvernées par Satan ou « le Prince des Ténèbres » et de l’autre, la Lumière, gouvernée par Dieu. Ce concept si drastique s’applique évidemment au monde des idées. En effet, dans la loi manichéenne, il n’y a pas de zone grise, un acte est bon ou mauvais, tout simplement.

Ensuite, la division du monde en trois temps. Elle est intimement liée avec la précédente.

En lieu de premier temps, le moment antérieur. Il est caractérisé par la division absolue et non mélangée du monde entre les Ténèbres et la Lumière. Ces dernières semblent presque ignorer leur existence mutuelle. Puisque les Ténèbres (ni la Lumière d’ailleurs) ne peuvent être anéantis, l’état antérieur est considéré comme un état parfait du monde.

En lieu de deuxième temps, le moment médian ou présent. Celui-ci commence avec la création de l’humanité (voir mythe fondateur). Il est caractérisé par un mélange instable des Ténèbres et de la Lumière.

En lieu de troisième temps, le moment postérieur. Il est en tout point identique au moment antérieur : les âmes humaines (provenant de l’essence de l'homme primordial) reposent au royaume de la Lumière en un immense « karma » lumineux représentant l’homme primordial.

Ces divisions du monde ont pour effet que le manichéen tente constamment d’atteindre un idéal : il doit rétablir la division entre Ténèbres et Lumière. D’après le mythe fondateur, l’âme humaine est faite de la Lumière et son corps, des Ténèbres. La relation avec Dieu s’en retrouve donc très intime, celle avec Satan aussi. Le croyant met en contexte l’idéal premier manichéen en le suivant : il doit séparer son esprit de son corps, maximiser l’expansion de celui-là et réduire celle de celui-ci. Pour ce faire, il suivra des règles précises réduisant le plus possible toute forme de matérialisme et de sensualité dans sa vie. Il considérera aussi la matière comme quelque chose de mauvais mais ne la détruira pas puisqu’elle contient la lumière dans le cas des êtres vivants et contient les armes de l’homme primordial dans le cas des éléments non biologiques comme l’eau, l’air etc.

Si le manichéen provoque une rupture entre son esprit et son corps, il espère accéder au royaume de la Lumière et fondre sa particule lumineuse aux autres en un immense « karma » (Mani a été fortement influencé par diverses religions préexistantes à la sienne comme le bouddhisme. Par ailleurs le manichéisme est issu d'une communauté elkasaïte, elle-même produit d'une fusion entre des « osséens »[5] et des Nazôréens de la région de Mésène). Sinon, il renaîtra en un autre corps et devra continuer son cheminement jusqu’à ce que la dissociation soit faite.

La vie des manichéens

Deux groupes de manichéens existaient :

  • les élus : qui passaient leur temps à prêcher, pratiquaient le célibat et étaient végétariens. Après leur mort, les élus étaient assurés d'atteindre le royaume de la Lumière ;
  • les auditeurs : ils devaient servir les élus, pouvaient se marier (mais il leur était déconseillé d'avoir des enfants) et pratiquaient des jeûnes toutes les semaines. Après leur mort, les auditeurs espéraient être réincarnés en tant qu'élus, mais ils devaient passer, pour se purifier, par des cycles plus ou moins longs de réincarnations, « transvasements » (métaggismoï)[6],[7].

Pour que le royaume de la Lumière triomphe sur les Ténèbres, il faut que tous les élus et les auditeurs atteignent le royaume de la Lumière. En réalité, ce n'est pas vraiment un triomphe que les manichéens recherchent, mais un retour à l'état originel, la séparation du Bien et du Mal. Car selon le manichéisme, il est impossible de triompher du mal, car le mal est indestructible. Le seul moyen d'être totalement dans le royaume de la Lumière, c'est de fuir les Ténèbres.

Règles

Les principes fondamentaux du manichéen sont de refuser le plaisir de la chair, de ne pas tuer et de ne pas blasphémer. Les manichéens ne possèdent aucune permission, si ce n’est de respecter les rites et les règles qui leur sont imposés. Comme on peut le constater, les règles de cette religion sont à la fois simples et rigoureuses.

Les classes des auditeurs vivent en respectant les « Dix Commandements » de Mani. Ces commandements touchent autant la vie sociale que religieuse des manichéens. Par contre, le mode de vie des deux classes est différent. Ils doivent prier quatre fois par jour, soit pour chacune des quatre positions du soleil, jeûner ainsi que contribuer à l’aumône correspondant environ à un septième des biens qu’ils possèdent. Les manichéens doivent aussi se garder de parler des tentations, celles-ci étant strictement taboues. À travers ces interdits, l’auditeur aura pour objectif d’atteindre un état qui le rendra parfait lors de sa réincarnation. Il sera alors élu.

Les règles des élus, beaucoup plus strictes, se divisent principalement en trois sceaux, soit « celui de la main, de la bouche et du sein ». Le « sceau de la main » est la restriction des gestes pouvant briser la vie tels la chasse et la guerre. Le « sceau de la bouche » représente la discipline de la parole et celle du régime alimentaire. Celui-ci se résume aux herbes. Le « sceau du sein » représente l’abstinence sexuelle de l’élu. Le but de ceux-ci est d’incarner la perfection afin de montrer l’exemple aux religieux des classes inférieures. Cette perfection est le dernier stade précédant l’accès au « karma » du royaume de la Lumière.

Chez les manichéens, un enfant naît élu ou auditeur. Il n’est pas possible de le devenir au cours des années. Le choix se fait par rapport aux ancêtres et aux familles. La seule façon de changer de classe, selon la religion, est de se réincarner en élu dans une vie ultérieure.

Les récompenses des religieux vivant au sein de cette religion sont en fait l’ascension dans la hiérarchie. Par contre, passer d’auditeur à élu ne pourra se faire autrement qu’en se réincarnant. Les pénitences, contrairement aux récompenses, constituent la perte d’un grade ou d’un privilège dans la hiérarchie manichéenne.

Comme on peut le constater, la relation qu’entretient le manichéen avec Dieu (la Lumière) se fait par l’intermédiaire de la prière et dans une optique de sainteté. Pour ce faire, les manichéens doivent tout simplement respecter les règles à la lettre.

Rites

MIK III 4979
Le rituel manichéen avant un autel.
La fête autour du bêma.
La feuille d’un livre manichéen,
le « MIK III 4979 ».

Les manichéens croient en la Lumière, l’image de Dieu et ses serviteurs. Ces entités sont à la fois très près de leur corps et loin de leur réalité. En effet, les manichéens affirment que la Lumière est emprisonnée en eux, mais ne peuvent se la représenter. La prière constitue un des moyens privilégiés du manichéen pour accéder à la Lumière.

La prière quotidienne se pratique individuellement tandis que la confesse a lieu devant les élus. Apparemment, aucun objet n’est nécessaire à l’accomplissement des rites. Les élus se laissent pousser les cheveux, s’habillent en blanc, retranscrivent et étudient les écrits de Mani, chantent sept hymnes par jour, enseignent, s’isolent à la pleine lune et prient sept fois par jour ainsi que durant la majeure partie de la nuit. La plupart des élus sont également nomades.

Les auditeurs, de leur côté, mémorisent les écrits de Mani, chantent quand ils peuvent, prient quatre fois par jour et jeûnent la semaine afin de se préparer à la confesse du lundi. En effet, une confesse a lieu chaque lundi, tandis qu’une autre de plus grande envergure prend place à la fin du mois. Durant celle-ci, les manichéens demandent le grand pardon. Également, à quelques reprises durant l’année, les auditeurs sont appelés à se départir de leurs biens matériels en les offrant à l’Église. Cette pratique est nommée l’aumône. Les élus, ayant fait vœu de pauvreté, se débarrassent systématiquement de leurs biens.

Les rites sont foncièrement positifs à l’exception de la célébration du Bêma, soit la nouvelle année chez les manichéens fêtée en été (le jour de la fête de Mani). En effet, un jeûne d’un mois presque entier (26 jours) la précède et met en carence de certains éléments nutritifs les élus et les auditeurs, déjà restreints par des habitudes alimentaires pauvres en protéines.

En ce qui concerne les symboles, le manichéisme n’en possède que très peu. Cette carence repose en partie sur le fait qu’un des Dix Commandements manichéens indique clairement que la représentation de Dieu est proscrite. Malgré tout, quatre symboles évidents et connus de tous font partie du manichéisme. Les deux premiers symboles sont ceux de la Lumière et des Ténèbres représentées par des teintes contrastantes de noir et de blanc. Le troisième, est la croix de Jésus-Christ, empruntée au christianisme. Néanmoins, elle n’a pas exactement la même signification. Elle signifie l’incarnation de Jésus sous forme humaine pour faire le lien entre l’Homme et Dieu. La souffrance du Christ semble considérée comme le fruit d’une illusion chez les manichéens. Le quatrième est le serpent, représentant la chair, chose mauvaise.

Mythe fondateur

Ce mythe est celui de la Création, celui racontant la naissance de l’Homme et de la matière. Il s’agit d’un mythe cosmogonique avec substrat préexistant. En effet, la création du monde réside non seulement en l’action d’un dieu supérieur mais aussi en celle de personnages secondaires.

Le mythe fondateur commence dans la période antérieure du temps (voir philosophie). La Lumière (le royaume de Dieu) et les Ténèbres (le royaume du Prince des Ténèbres) sont donc séparés. Résultat du chaos dans ce second royaume, une partie de celui-ci se rapproche assez du royaume de la Lumière pour en apercevoir l’éclat, et désire aussitôt y pénétrer. Dieu mandate alors l’« homme primordial » — engendré par la Mère de la Vie, elle-même issue du sein de Dieu, afin de protéger son royaume. Pour aider l’Homme dans sa tâche, Dieu le pourvoit de cinq auxiliaires puissants : le feu, l’eau, le vent, la lumière et la matière (terre).

Malgré tous les efforts de la Lumière, les Ténèbres l’emportent sur l’Homme. Ce sont cinq archontes qui affrontèrent l’Homme (sans doute à cause du fait qu’il disposait de cinq armes). Les Ténèbres s’emparent alors de l’Homme, et l’enferment en elles-mêmes. Désespéré, l’Homme fait appel à Dieu qui envoie, pour l’aider, l’Esprit de vie. Ce dernier tente de ramener l’Homme vers le royaume de la Lumière par le biais du soleil, de la lune, des plantes qui montent vers le ciel, etc. Mais avant que l’opération s'achève, le Prince des Ténèbres commande à deux démons de s’unir et ainsi de former une contrefaçon de l’Homme primordial, pour y enfermer la dernière parcelle de lumière non aspirée par l’Esprit de vie. L’Homme existe ainsi ; son corps est mauvais, son esprit est bon.

Divers

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Le manichéisme se répandit dès le IIIe siècle de notre ère à travers le monde romain et au-delà vers l'est, de manière totalement pacifique, des Balkans à la péninsule Arabique, et à travers l'Asie centrale par la route de la soie, jusqu'à la Chine, où il sera toléré quelque temps comme religion pratiquée essentiellement par des populations étrangères. Finalement, il laissa très peu de traces : sauf par ses détracteurs (persécution de Rome de 297 à 313).

Saint Augustin, qui étudie la rhétorique, suit alors l'enseignement du manichéisme pendant quelques années, puis le délaissera. Il est nommé professeur de rhétorique à Milan, avant de se convertir au christianisme. Il critiquera alors férocement le manichéisme.

Au XIXe siècle, le philosophe, occultiste et penseur social Rudolf Steiner parlera de Mani (ou Manès) comme d'un grand initié, dont la tâche principale aurait été de transformer le Mal en Bien.

Critique augustinienne du manichéisme

Pour saint Augustin, le manichéisme est directement issu du gnosticisme. Il n'y a donc rien de vraiment nouveau dans la secte des manichéens. Saint Augustin a été manichéen à une période de sa vie, il connaît donc assez bien la doctrine de Mani, par différents témoignages et écrits qui ne sont peut-être pas tous parvenus jusqu'à nous. Il a rencontré Fauste de Milève et écrira contre lui le Contre Faustus en 402 environ.

De plus, le gnosticisme est directement en relation avec les religions païennes ou cultes à mystères.

Une critique philosophique brève et riche du manichéisme se trouve dans les Confessions de saint Augustin, livre VII, chapitre 3. L'argument contre les manichéens est le suivant :

« Les manichéens posent deux substances opposées, le Bien et le Mal, et les font se combattre. Or, si Dieu est incorruptible (au sens métaphysique du terme, pur de tout mélange, et incapable d'être mêlé à une autre substance), le Mal n'a aucun moyen de le combattre. Donc, soit les Manichéens conçoivent que Dieu est imparfait (ce qui va contre la définition de Dieu), soit Dieu est bien incorruptible pour les manichéens, mais il a alors engagé de lui-même un combat gagné d'avance contre le Mal. Que Dieu soit l'auteur d'une agression gratuite est aussi inacceptable que son imperfection. La conclusion est que le manichéisme est inapte à donner une bonne conception de Dieu. »
Pourtant cette critique si elle porte pour le manichéisme ne touche en rien l'enseignement premier de Mani qui ne parle ni de Bien ni de Mal et qui nous enseigne que, justement parce qu'il est incorruptible, Dieu laisse à l'homme lui-même la responsabilité et la gestion de l'univers où Bien et Mal n'ont plus de sens en eux-mêmes car ils sont étroitement mêlés en tout et partout.

Cet argument de saint Augustin a été repris par Nimfridius.

Publications

Anthologies

  • anthologie en anglais : Mary Boyce, A Reader in Manichaean Middle Persian and Parthian, Téhéran et Liège, Bibliothèque Pahlavi, 1975, 196 p. ; rééd. Peeters, coll. Acta Iranica, 1978, 196 p.

Ouvrages de Mani : le canon

Neuf œuvres, en araméen oriental : Shâbuhragân, Évangile vivant, Trésor de la vie, Mystères, Légendes (Pragmateia), Image, Géants, Lettres, Livre des psaumes et prières.

  • Shâbuhragân, en pehlevi (moyen-perse), édi. et trad. D. N. McKenzie, « Mani's Shabuhrâgân », BSOAS (Bulletin of the School of Oriental and African Studies), vol. 42, 1979, p. 500-534 ; vol. 43, 1980, p. 288-310. Première œuvre de Mani, dédiée à l'empereur sassanide de Perse Shâbuhr Ier (241-272).
  • Pragmateia (Livre des légendes) : cf. Théodore Bar Koni, Livre des scolies (792), IX, trad. R. Hespel, Peeters, 1981, 305 p.
  • Géants, en syriaque. Édi. par Walter Bruno Henning, « The Book of the Giants », BSOAS, vol. 11, no 1, 1943, p. 52-74. Liste de prophètes (Seth, Zoroastre, le Bouddha, Jésus).
  • Livre des psaumes et prières. Trad. an. Gnostic Society Library

Textes de manichéens

  • Codex manichéen de Cologne (Sur la naissance de son corps), en grec (déb. Ve siècle). The Cologne Mani Codex (P. Colon. inv. nr. 4780) « Concerning the Origin of His Body », Edited and translated by Ron Cameron and Arthur J. Dewey, Society of Biblical Literature Texts and Translations, Series 15, Missoula, MT: Scholars Press, 1979. Compilation de témoignages dont certains remontent à Mani.
  • Homélies coptes. Éd. et trad. all. Hans Jakob Polotsky, Manichäische Homilien, Stuttgart, 1934, XX-117 p.
  • Kephalaia (Sommaires, Chapitres), en copte, éd. I. Ibscher et A. Böhlig, Suttgart, 1935-1940, 2° éd. 1966, 2 t. Trad. an. Iain Gardner, The Kephalaia of the Teacher, Leyde, Brill, 1995, 307 p. Somme théologique du manichéisme.
  • Un traité manichéen retrouvé en Chine (traité Chavannes-Pelliot), éd. E. Chavannes et P. Pelliot, Journal asiatique, vol. 18, nov.-déc. 1911, p. 499-617 ; vol. 20, 1913, p. 99-392 ; Imprimerie nationale, 1912-1913, 360 p.
  • Compendium chinois (Compendium des doctrines et règles de la religion du bouddha de lumière, Mâni, 731), trad. Nahal Tajadod : Mani, le Bouddha de Lumière. Catéchisme manichéen chinois, Cerf, 1990, 362 p. Catéchisme manichéen.
  • Psaumes des errants. Écrits manichéens du Fayyûm, en copte, trad. André Villey, Cerf, coll. Sources gnostiques et manichéennes, 1994, 527 p. 38 psaumes écrits en grec à l'origine, vers 300, découverts vers 1930.

Notes et références

  1. Catherine Virlouvet (dir.) et Claire Sotinel, Rome, la fin d'un empire : De Caracalla à Théodoric 212 apr. J.-C - fin du Ve siècle, Paris, Éditions Belin, coll. « Mondes anciens », , 687 p. (ISBN 978-2-7011-6497-7, présentation en ligne), chap. 4 (« La reconstruction d'un empire cohérent (270-306) »), p. 189-190.
  2. Catherine Saliou, Le Proche-Orient : De Pompée à Muhammad, Ier s. av. J.-C. - VIIe s. apr. J.-C., Belin, coll. « Mondes anciens », , 608 p. (ISBN 978-2-7011-9286-4, présentation en ligne), chap. 3 (« Polythéisme, monothéismes : multiplicité des cultes et innovations religieuses »), p. 177.
  3. Jason David BeDuhn The Manichaean Body: In Discipline and Ritual Baltimore: Johns Hopkins University Press. 2000 republished 2002 p.IX
  4. Ce serait l'origine de l'expression « une pensée ou une vision manichéenne », dans le sens où le Bien et le Mal sont clairement séparés.
  5. L'appellation de ce groupe varie selon les manuscrits et son identification est incertaine : certains y voient la survivance de communautés esséniennes après la restructuration pharisienne du judaïsme après la destruction du Temple de 70 ; cf. Simon Claude Mimouni, Les chrétiens d'origine juive dans l'Antiquité, Albin Michel, coll. « Présence du judaïsme », (ISBN 978-2-226-15441-5), p. 254.
  6. Henri-Charles Puech, Sur le manichéisme : Et autres essais, Flammarion, (lire en ligne), p. 94.
  7. Materne Pendoue, La Réincarnation, lulu.com, 55 p. (ISBN 9780244138387, lire en ligne), p. 17

Annexes

Bibliographie

  • Henri-Charles Puech, Sur le manichéisme : Et autres essais, Flammarion, .
  • Henri-Charles Puech, Le Manichéisme : Son fondateur. Sa doctrine, Civilisations du Sud (Musée Guimet), .
  • Michel Tardieu, Le Manichéisme (1977), PUF, coll. Que sais-je ?, 1981, 128 p.
  • François Decret, Mani et la tradition manichéenne, Seuil, coll. Points Sagesses, 2005, 178 p.
  • Nahal Tajadod, Mani le bouddha de lumière, catéchisme manichéen chinois, Cerf, 1991 (ISBN 2-204-04064-9).
  • Amin Maalouf, Les jardins de lumière (roman), Lattès, 1991 (ISBN 2-253-06177-8).
  • François Favre, Mani, Christ d'Orient, Bouddha d'Occident, Éditions du Septénaire, 670 p.  (ISBN 2-915172-00-5).
  • Article « manichéisme », Encyclopédie Universalis.
  • Franz Cumont, « Notes de mythologie manichéenne: I. La séduction des archontes; II. L'omophore », dans Revue d'histoire et de littérature religieuses, 1907, tome 12, p. 134-149 (lire en ligne)
  • Paul Pelliot, « Les influences irianiennes en Asie Centrale et en Extrême-Orient », Revue d'histoire et de littérature religieuses, 1912, nouvelle série tome 3, p. 97-119 (lire en ligne)
  • Prosper Alfaric, « Un manuscrit manichéen », dans Revue d'histoire et de littérature religieuses, 1920, nouvelle série tome 6, p. 62-98 (lire en ligne)
  • William Seston, « De l'authenticité et de la date de l'édit de Dioclétien contre les Manichéens », dans Publications de l'École Française de Rome, 1980, tome 43, p. 551-560 (lire en ligne)
  • Madeleine Scopello, Femme, gnose et manichéisme, Brill, 2005.

Articles connexes

Individus

Textes et images

Liens externes

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