Mami Wata

Mami Wata (ou Mamy Wata, Mami Watta ou Mama Wata) est une divinité aquatique du culte africain vodoun, dont la pratique est répandue en Afrique de l'Ouest, du centre et du Sud, dans la diaspora africaine, les Caraïbes, et dans certaines régions d'Amérique du Nord et du Sud.

Cette chromolithographie de l'entreprise hambourgeoise Adolph Friedlander (années 1880) est devenue une image couramment utilisée en Afrique et dans la diaspora pour représenter Mami Wata[1],[2],[3].

Attributs

Mami Wata est généralement décrite comme une femme extraordinaire, et très puissante[4].

Elle est décrite comme une femme d'une grande beauté, aux cheveux noirs, bouclés ou crépus[5] qu'elle coiffe avec un peigne d'or[4]. Elle a la peau noire, les yeux grands et brillants, ses vêtements sont à la dernière mode et ses bijoux aveuglants[4]. Ces signes de richesse sont le signe de la nature dangereuse de Mami Wata[4].

Parfois elle est décrite sous les traits d'une sirène mi-femme mi-poisson ou mi-femme mi-serpent[4],[6].

Un grand serpent (symbole de la divination et de la divinité) l'accompagne souvent. Il s'enroule autour d'elle en posant sa tête entre ses seins[5].

Eau

Selon les traditions des deux côtés de l'Atlantique, l'esprit enlève ses adeptes ou des gens au hasard alors qu'ils nagent ou qu'ils sont en bateau. Elle les emmène dans son royaume paradisiaque, qui peut être sous l'eau, dans le monde des esprits, ou les deux[5]. Si elle leur permet de partir, les voyageurs reviennent souvent dans des vêtements secs et avec une nouvelle intelligence spirituelle qui se reflète dans leur regard, souvent ils s'enrichissent, deviennent plus séduisants et plus faciles à vivre[4].

Promiscuité sexuelle

Selon Bastian[4], l'association de Mami Wata à la promiscuité sexuelle et à la luxure est paradoxalement liée à la fidélité. Selon une tradition nigériane, un homme adepte du culte peut rencontrer Mami Wata sous la forme d'une belle prostituée. Après l'acte sexuel, elle lui apparaît et lui demande la fidélité et le secret. S'il accepte, la fortune et la santé lui sont accordées, sinon, la ruine s'abat sur sa famille, ses finances et son travail.

Van Stipriaan[5] rapporte d'autres histoires dans lesquelles des voyageurs (souvent des hommes) la rencontrent sur la rivière. Mami Wata est immanquablement à sa toilette, se coiffant les cheveux en se regardant dans un miroir. Quand elle remarque l'intrus, elle s'enfuit dans l'eau en laissant ses affaires derrière elle, dont le voyageur s'empare. Plus tard elle lui apparaît en rêve et lui demande la restitution de ses affaires et qu'il lui soit sexuellement fidèle. S'il accepte, la fortune lui est accordée, sinon il a le mauvais œil.

Culte

Marmite rituelle pour le culte de Mami Wata (Porto-Novo, Bénin).

Son culte varie selon ses initiés, prêtres et adorateurs[7], cependant des grandes lignes se dégagent. Des réunions peuvent avoir lieu, mais la déité est plus encline à des rapports individuels avec ses suiveurs. Elle a de nombreux prêtres et médiums en Afrique, en Amérique et aux Caraïbes, qui sont spécifiquement initiés.

Au Nigeria, ses adeptes portent des vêtements rouges et blancs, car ces couleurs représentent la nature double de Mami Wata : dans l'iconographie igbo, le rouge représente la mort, la destruction, la chaleur, la masculinité, la physicalité et le pouvoir alors que le blanc symbolise également la mort, mais aussi la beauté, la création, la féminité, le renouveau, la spiritualité, la translucidité, l'eau et la santé[6]. Les sanctuaires de Mami Wata peuvent être décorés de ces couleurs et avec des cloches, des sculptures, des icônes chrétiennes ou indiennes, des poupées, de l'encens et des restes de sacrifices précédents[6],[7].

Le culte de Mami Wata consiste en des danses accompagnées de musique. Les adeptes dansent jusqu'à entrer en transe. Elle les possède alors et leur parle[5]. Les offrandes sont également importantes : elle préfère de la nourriture et de la boisson, de l'alcool, des objets odorants (pommade, poudre, encens, savon, etc.) ou des biens précieux comme les bijoux[7]. Les adorateurs modernes offrent couramment des biens manufacturés (Coca-Cola, bijoux de créateurs, etc.)[5].

Nom

Le nom de cette déesse pourrait être une adaptation en pidgin de l'anglais mammy water, mais des étymologies purement africaines sont aussi possibles, oui car mamy en langue éwé veut dire « lèpre », et au Togo l'expression mami wata nè signifie que « la personne a la lèpre et que ses membres se sont transformés ». Par ailleurs, wa signifie « a fait » et ata, « la jambe ». Mami Wata est aussi appelée Iemanja dans la tradition du vaudou haïtien, un culte spécial lui est même consacré. C'est la (déesse) mère des Eaux, déesse crainte des Pêcheurs, elle symbolise aussi bien la mer nourricière que l'océan destructeur.

Mami Wata est aussi une divinité éwé, dont le culte est très présent sur la côte atlantique du Togo (mais aussi au Nigeria, au Cameroun, au Congo-Brazzaville)[8], où elle symbolise la puissance suprême (comme la déesse Durga du panthéon hindouiste symbolise la shakti).

On retrouve une divinité similaire dans le tjenbwa martiniquais et guadeloupéen sous le nom de 'Manman dlo'. En Guyane, cette divinité ce fait appeler Manman dilo. Ce qui rapprocherait de l'adaptation anglaise ou pidgin de l'anglais.

Œuvres de fiction faisant référence à Mami Wata

  • La Cage (Mamy Watta), 1963 film de Robert Darene
  • Flora Nwapa : Mammywater, 1979, Enugu: Flora Nwapa Company, 1984, 47 pages avec illustrations (OCLC 14346311).
  • Véronique Tadjo : Mamy Wata et le monstre. Edicef / Hachette Livres (2000) (ISBN 978-2850699092)
  • Mamy Wata. Film nigérien de Moustapha Diop (1989).
  • Mami Watta (1998) est aussi le nom d'un film avec Akissi Delta.
  • Marc Trillard, Les Mamiwatas, Actes Sud, 2011.
  • Anselme Djeukam, Sibo et la petite Mami Wata, Jeunesse L’harmattan, 2011.
  • Ange Djoky, N'dimo au pays des Mami-Watas, 2016 (ISBN 978-2-343-09568-4)
  • Silvia Venegas et Juan Antonio Moreno, Les enfants de Mama Wata, L'Harmattan, 2010, (ISBN 9782296135215), vidéo, 55'
  • La mère des eaux de Rod Marty. Éditions Scrinéo, 2017. (ISBN 978-2367405032)
  • Atome Carbone de Océane WODZYNSKI et Stanislas WODZYNSKI, chez Independently published, 2019 (ISBN 9781082573675)

Annexes

Notes et références

  1. (en) Henry Drewal, « Mami Wata Arts for Water Spirits in Africa and Its Diasporas », African Arts, , p. 70-71
  2. (en) Sabine Jell-Bahlsen, « EZE MMIRI DI EGWU, The Water Monarch is Awesome : Reconsidering the Mammy Water Myths », Annals of the New York Academy of Sciences, New York, no 810 « Queens, Queen Mothers, Priestesses and Power: Case Studies in African Gender », , p. 103-134 (DOI 10.1111/j.1749-6632.1997.tb48126.x, résumé)
  3. (en) Henning Christoph et Hans Oberländer, Voodoo : secret power in Africa, Cologne, Londres, Taschen, , 240 p. (ISBN 3-8228-8649-1 et 978-3-8228-8649-6, OCLC 35209059), p. 255
  4. Bastian 1987.
  5. Van Stipriaan 2005, p. 325.
  6. Higgins 1833, p. 105-106, 113, 117.
  7. « Modernity and mystery: Mami Wata in African art », sur Arcy Art
  8. Abdourahman Waberi et Alain Mabanckou, Dictionnaire enjoué des cultures africaines, Fayard, , « Mami Watta », p. 223-224

Bibliographie

  • (en) Henry John Drewal, Sacred Waters : Arts for Mami Wata and Other Divinities in Africa and the Diaspora, Indiana University Press, , 708 p. (ISBN 978-0-253-35156-2 et 0-253-35156-1)
  • Lucie Touya (préf. Bogumil Jewsiewicki), Mami Wata la Sirène et les peintres populaires de Kinshasa, L’Harmattan, , 221 p. (ISBN 2-7475-4472-9)
  • (en) Mami Wata : Arts for Water Spirits in Africa and Its Diasporas, Fowler Museum at UCLA, , 227 p. (ISBN 978-0-9748729-9-5 et 0-9748729-9-7)
  • (en) Alex V. Van Stipriaan, « Watramama/Mami Wata : Three Centuries of Creolization of a Water Spirit in West Africa, Suriname and Europe », Matatu - Journal for African Culture and Society, Rodopi, vol. 27, no 1, , p. 223-37 (résumé)
  • Oluwagbemiga Ogboro-Cole, Mami Wata : Short Stories in Nigerian Pidgin English, Allemagne, Athena-Verlag, coll. « Literaturen und Kulturen Afrikas » (no 7), , 73 p. (ISBN 978-3-89896-354-1 et 3-89896-354-3, OCLC 535304283)
  • (en) Misty L. Bastian, Nwaanyi Mara Mma : Mami Wata, the More Than Beautiful Woman, Lancaster, Pennsylvania, Department of Anthropology, Franklin & Marshall College, (lire en ligne)
  • (en) Godfrey Higgins, Anacalypsis : An Attempt to Draw Aside the Veil of the Saitic Isis or an Inquiry into the Origin of Languages, Nations and Religions, , 1436 p., 2 tomes in-quarto
  • Pierre Campredon (préf. Luc Hoffmann, photogr. Jean-François Hellio et Nicolas Van Ingen), Mami Wata, mère des eaux : nature et communautés du littoral ouest-africain, Arles, Actes Sud, , 220 p. (ISBN 978-2-7427-9328-0 et 2-7427-9328-3, OCLC 681871799, notice BnF no FRBNF42312632)
  • (en) Brian Siegel, Water Spirits and Mermaids : The Copperbelt Case, Cullowhee, NC, (lire en ligne)
    Retranscription d'une conférence donnée dans le cadre de la réunion du 14-15 avril 2000 du Southeastern Regional Seminar in African Studies à Western Carolina University (en).
  • (en) Misty L. Bastian, « Mami Wata », dans Encyclopedia Mythica, (lire en ligne)

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