Malala Yousafzai

Malala Yousafzai ou Malala Yousufzai (en ourdou : ملالہ یوسف زئی) est une militante pakistanaise des droits des femmes[1], née le à Mingora, dans la province de Khyber Pakhtunkhwa, où elle s'est opposée au Tehrik-e-Taliban Pakistan et au Tehrik-e-Nifaz-e-Shariat-e-Mohammadi qui tentaient d'interdire la scolarisation des filles.

Malala

Elle a vécu à Mingora, principale ville du district de Swat, dans le Nord-Ouest du Pakistan, une zone proche de l'influence des talibans. Symbole de la lutte pour l'éducation des filles et contre les talibans pakistanais, elle a reçu plusieurs distinctions nationales et internationales à la suite de ses prises de position alors que sa région était l'objet d'une lutte entre les talibans pakistanais et l'armée. Durant son enfance, Malala a écrit un blog pour la BBC[2], racontant son point de vue sur l’éducation et sa vie sous la domination des talibans pakistanais.

Le , elle est victime d'une tentative d'assassinat la blessant grièvement (tir d'une balle dans la tête pendant qu'elle prenait le bus), un attentat revendiqué par le Tehrik-e-Taliban Pakistan mais condamné par les principales autres formations politiques du pays. Elle est transférée à l'hôpital de Birmingham au Royaume-Uni le pour la suite de ses soins. Cette attaque conduit à médiatisation internationale de Malala Yousafzai.

En 2014, âgée de 17 ans, elle obtient le prix Nobel de la paix avec l'Indien Kailash Satyarthi, ce qui fait d'elle la plus jeune lauréate de l'histoire de ce prix[3].

Biographie

Enfance et prises de position

Une école pour filles dans la province de Khyber Pakhtunkhwa, en 2011.

Malala Yousafzai est en grande partie éduquée par son père, Ziauddin Yousafzai. Elle a deux frères plus jeunes qu'elle, Khushal et Atal[4]. Leur père est un poète et militant pour l'éducation, propriétaire d'une école de filles dans la vallée de la Swat, et proche du parti national Awami, de gauche[5].

Malala Yousafzai se fait connaître du grand public début 2009, à 11 ans, par son témoignage intitulé Journal d'une écolière pakistanaise, sur un blog en ourdou de la BBC. C'est son père, Ziauddin Yousafzai qui la pousse à témoigner[6]. Sous le pseudonyme de Gul Makai, elle dénonce les violences du Tehrik-e-Taliban Pakistan qui, après avoir pris le contrôle de la vallée de Swat en 2007, incendie les écoles pour filles et assassine ses opposants[7],[8]. Elle apparaît alors en larmes dans une vidéo et dit vouloir devenir médecin. Lors de l'occupation talibane, sa famille quitte la région et se sépare.

Après la reprise de la vallée par l'armée pakistanaise, lors de la seconde bataille de Swat en , elle retourne avec sa famille à Mingora. Elle est reconnue comme une héroïne et son nom est attribué à son école. Son père est également connu pour son opposition aux talibans pakistanais et a soutenu une intervention de l'armée dans sa région. Le , il est nommé conseiller spécial de l'ONU pour l'éducation. À travers son combat, elle a créé la fondation Malala. Dès 2013, cette fondation commence à recevoir des dons destinés à la reconstruction d’écoles ou à l’amélioration des conditions de vie dans celles-ci.

À partir de 2013, elle rencontre notamment la reine Élisabeth II et Barack Obama et intervient dans plusieurs régions du monde. Ainsi, elle fait connaitre son histoire et son opinion dans le monde entier. Le , à la tribune de l'Assemblée générale des Nations unies, Malala Yousafzai parle de l'accès à l'éducation pour les filles[9]. Elle y déclare notamment que « Les extrémistes ont peur des livres et des stylos. Le pouvoir de l'éducation les effraie »[10]. Ce plaidoyer est salué par une ovation debout de l'assemblée[11],[12].

Tentative d'assassinat

Un complexe médical de Saidu Sharif, le premier des quatre hôpitaux où Malala a été traitée.

Le , elle est victime d'une tentative d'assassinat par des membres du Tehrik-e-Taliban Pakistan à la sortie de son école[1]. Très grièvement blessée au cou et à la tête, elle est transférée à l'hôpital de Saidu Sharif, puis à l'hôpital militaire de Peshawar par hélicoptère de l'armée. Alors que son transfert à l'étranger pour subir des opérations est évoqué, l'hôpital militaire annonce le vers 17 heures que la balle qui a traversé son crâne et son cou a été retirée avec succès après cinq heures d'opération. Selon un médecin de l'hôpital, la balle a percé le crâne mais n'a pas touché le cerveau[13]. Malala restait alors inconsciente et, vu son état préoccupant, l'armée précise qu'un avion se tient prêt à la transférer vers Dubaï. Le , elle est transférée dans l'hôpital militaire de Rawalpindi, mieux équipé[14].

Le , elle est finalement transférée vers l’hôpital de Birmingham au Royaume-Uni à bord d'un avion médicalisé fourni par les Émirats arabes unis, accompagnée d'une délégation de militaires pakistanais. Les médecins britanniques et internationaux parlent d'un long chemin vers la guérison et mettent en avant leur importante expérience concernant les blessés de guerre, puisque l’hôpital soigne les soldats britanniques grièvement blessés en Afghanistan[15].

Le , Malala Yousafzai quitte l'hôpital Queen Elizabeth de Birmingham afin de poursuivre sa rééducation à domicile, avant un éventuel retour pour une opération de reconstruction du crâne[16].

Réactions au Pakistan

Le chef de l'armée pakistanaise Ashfaq Kayani ainsi que l'un des meneurs de l'opposition Imran Khan se rendent à son chevet, de même que le Premier ministre Raja Pervez Ashraf[17].

L'agression est condamnée par le président Asif Ali Zardari, le gouvernement, le Parti du peuple pakistanais, parti au pouvoir et le principal meneur de l'opposition Nawaz Sharif[18] ainsi que par Imran Khan, qui s'oppose par ailleurs à la lutte armée contre les talibans. Un avis juridique (fatwa) provenant de 50 savants musulmans (ouléma) du Sunni Ittehad Council condamne également l'attaque[19].

L'attaque est revendiquée par le Tehrik-e-Taliban Pakistan qui menace de nouvelles attaques au cas où Malala Yousafzai survivrait[20]. Des théories du complot se répandent néanmoins dans la société et sur Internet, mettant en cause une manipulation de la CIA[21].

Enquête

Son agresseur s'enfuit après l'attaque et des recherches sont lancées peu après. Le ministre de l'Information de la province de Khyber Pakhtunkhwa, Mian Iftikhar Hussain, annonce une récompense de 10 millions de roupies pakistanaises (soit environ 80 000 euros) pour toute personne aidant à sa capture[14]. Au , quatre suspects ont été arrêtés à Mingora.

L’organisateur de l’attaque et coparticipant est identifié par la police comme un homme d'environ 30 ans, du nom d'Attaulah. Il a déjà été arrêté lors de la seconde bataille de Swat par l'armée et a été détenu en prison pendant trois mois, avant d'être libéré. Il serait aujourd'hui en fuite en Afghanistan, selon les autorités. Ces dernières identifient Maulana Fazlullah, chef du TNSM, comme en étant le commanditaire[22].

Hommages et distinctions

Malala Yousafzai à la Maison-Blanche, le 11 octobre 2013.
Martin Schulz remet le prix Sakharov à Malala Yousafzai au Parlement européen de Strasbourg le 20 novembre 2013.

En 2009, elle est nommée au prix international des enfants pour la paix de la fondation[23],[24].

Le , elle reçoit le premier prix national de la jeunesse pour la paix du gouvernement pakistanais, des mains du Premier ministre Youssouf Raza Gilani. Elle évoque alors la création d'un parti politique. Cette distinction est par la suite renommée « prix Malala »[25].

En , Malala Yousafzai reçoit le prix Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes 2013[26].

Le , pour ses 16 ans, l’ONU a créé l’évènement Malala Day pour défendre l’éducation dans le monde et en particulier celle des filles. À cette date, Malala a fait son premier discours en public au siège de l’ONU depuis la tentative d’assassinat. En , à Dublin, elle reçoit le prix Ambassadeur de la conscience, le plus prestigieux décerné par Amnesty International[27]. Le , à Strasbourg, elle reçoit le prix Sakharov pour la liberté de l'esprit du Parlement européen[8],[28],[29].

La même année, elle est citée parmi les favoris pour le prix Nobel de la paix[30] qui est obtenu par l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC)[31]. Avant l'annonce du prix, sur la radio pakistanaise City89 FM, la jeune femme disait elle-même : « Je n’ai pas accompli tant de choses que ça pour gagner le prix Nobel de la paix »[32]. Lors de l'annonce du prix, dans un communiqué, elle félicite l'organisation : « L'OIAC est une organisation importante qui travaille sur le terrain pour débarrasser le monde des armes chimiques. Je voudrais les féliciter pour cette reconnaissance internationale bien méritée »[33].

Cette même année 2013, elle reçoit le Prix des droits de l'homme des Nations unies et le Prix international de Catalogne.

Le , le prix Nobel de la paix lui est co-attribué[34],[35].

En 2015, elle fait l’objet d’un documentaire de Davis Guggenheim intitulé « Je m’appelle Malala » et évoquant son enfance. Il a été tourné pendant 18 mois, dans différents pays (Kenya, Royaume-Uni, Abu Dhabi et Jordanie)[36],[37].

En 2017, elle est nommée par les Nations unies pour devenir la plus jeune Messager de la paix[38],[39]. Elle est ensuite acceptée comme étudiante au Lady Margaret Hall (Oxford) à la rentrée 2017, après avoir obtenu des notes qui le lui permettent aux A-level[40]. Elle est diplômée d'Oxford en 2020[41].

Une icône médiatique

Malala Yousafzai au Parlement européen en 2013.

Dès 2013, le quotidien Le Monde souligne que Malala Yousafzai est devenue une véritable icône en Occident[6]. Dès son arrivée au Royaume-Uni, elle a bénéficié du soutien de stars internationales comme Angelina Jolie[42] ou d'hommes politiques comme Gordon Brown. Son livre, Moi, Malala, je lutte pour l'éducation et je résiste aux talibans, est lancé dans 21 pays simultanément en . La presse et la télévision britannique et américaine lui consacrent alors des articles et des émissions. De fait, elle a été prise en charge gratuitement par une grande agence de communication britannique, Edelman, dans laquelle cinq agents travaillent pour elle à plein temps[6].

Sa notoriété internationale suscite vite des polémiques dans son pays. Certaines voix au Pakistan dénoncent son « instrumentalisation » par des forces étrangères regrettant que Malala ne parle pas des drones américains tuant des enfants dans les zones pachtounes frontalières. Les sympathisants du Tehrik-e-Taliban Pakistan vont même jusqu'à dire qu'elle a été « kidnappée par les forces anti-islam en Occident ». À l'inverse, les libéraux pakistanais, minoritaires dans le pays, prennent sa défense. Ainsi la romancière Bina Shah s'indigne dans le quotidien Dawn que « les Pakistanais tendent à se retourner contre les personnes dont ils devraient être fiers »[43]. En , reçue à la Maison blanche, Malala demande à Barack Obama de cesser les attaques de drones dans les régions tribales du Pakistan[44],[45].

Cette même année, une pétition au nom de Malala a été lancée pour l’éducation pour tous dans le monde entier avant fin 2015. Malala Yousafzai fait actuellement partie des 100 personnes les plus influentes au monde d’après le magazine Time.

Le , elle reçoit la citoyenneté canadienne honoraire, un honneur attribué à des étrangers de mérite exceptionnel, comme avant elle Nelson Mandela, le dalaï-lama ou l'Aga Khan[46].

Récompenses

Notes et références

  1. « Malala, militante de 14 ans, survit par miracle à une attaque des talibans », sur Le Monde, .
  2. « "Je m'appelle Malala": un documentaire sur la Prix Nobel de la Paix », sur Le Point, (consulté le ).
  3. « Le prix Nobel de la paix attribué à la Pakistanaise Malala Yousafzai et à l'Indien Kailash Satyarthi », sur Libération.fr, .
  4. (en) Rebecca Thomas, « Malala Yousafzai: Her father's daughter », sur bbc.co.uk, (consulté le ).
  5. (en) M Ilyas Khan, « The antagonism towards Malala in Pakistan », sur bbc.co.uk, (consulté le ).
  6. Eric Albert, « Comment Malala Yousafzaï est devenue une icône », sur Le Monde, .
  7. (en)« Diary of a Pakistani schoolgirl », sur BBC News, .
  8. Hélène Sallon, « La jeune Pakistanaise Malala Yousafzaï obtient le prix Sakharov », sur Le Monde, .
  9. (en) « The text of Malala Yousafzai’s speech at the United Nations », sur A World At School, .
  10. « Malala à l'ONU : « Les extrémistes ont peur des livres » », sur Le Monde, .
  11. Louise Chabot, « Malala Yousafzai et l'accès à l'éducation des filles : une lutte mondiale », sur Le Huffington Post, .
  12. « ONU: vibrant plaidoyer de Malala Yousafzai en faveur de l'éducation pour tous », sur ONU, .
  13. (en) « Malala Yousufzai's brain damaged in Taliban attack in Pakistan, surgeon says », sur CBS News, .
  14. « Pakistan: la militante anti-taliban transférée dans un hôpital près d'Islamabad », sur L'Obs, .
  15. (en) « Bogus ‘family’ turned away from Malala’s UK hospital », sur The Express Tribune, .
  16. « La collégienne pakistanaise blessée par les talibans a quitté l'hôpital », sur Libération.fr, .
  17. « Afghanistan : les élèves prient pour Malala, la jeune militante anti-talibans », sur Le Parisien, .
  18. (en) Malala Yousufzai in critical condition sur The News Tribe, le 9 octobre 2012.
  19. (en) Jon Boone, « Malala Yousafzai: 'fatwa' issued against gunmen », sur The Guardian, .
  20. (en) « If Malala survives, we will target her again : Taliban », sur The Express Tribune, .
  21. « Théorie du complot au Pakistan : Malala, créature de la CIA ? », sur Rue 89, .
  22. (en) « Malala's attacker was held, freed in 2009: Sources », sur The Express Tribune, .
  23. (en) « Kidsrights: International Childrens Peace Prize 2013 adwarded to Malala Yousafzai », sur Kids Rights International, .
  24. (en) « Malala Yousafzai, teen shot by Taliban, gets kids' peace prize », sur CBC News, .
  25. (en) Sumera Khan, « National peace prize named after Malala Yousafzai », sur The Express Tribune, .
  26. « Le prix Simone de Beauvoir à la jeune Malala Yousafzai », sur TV5 Monde, .
  27. « La jeune Malala auréolée du plus prestigieux prix d'Amnesty International », sur RTL.fr, .
  28. « La jeune Pakistanaise Malala Yousafzaï reçoit le prix Sakharov », sur Le Soir, .
  29. Kahina Sekkai, « Malala décroche le prix Sakharov », sur Paris Match, .
  30. « Favorite pour le Nobel de la paix, Malala Yousafzai veut devenir femme politique », sur Le Monde, .
  31. Faustine Vincent, « Nobel de la paix à l'OIAC: «Ce prix récompense un travail mené discrètement depuis des années» », sur 20 Minutes.fr, .
  32. « Les favoris du Nobel de la paix (cherchez l'intrus) », sur Libération.fr, .
  33. « Nobel de la paix : Malala félicite l'OIAC », sur Le Figaro.fr, .
  34. Nathalie Lacube, « Malala Yousafzai, 17 ans, un Nobel pour les droits des enfants », sur La Croix, .
  35. Kahina Sekkai, « Malala reçoit le prix Nobel de la Paix », sur Paris Match, .
  36. (en) Alexandra Topping, « He Named Me Malala released as campaigner chooses university », sur the Guardian, (consulté le ).
  37. (en-US) Jacob Bryant, « Watch: Malala Yousafzai Tells Her Story in ‘He Named Me Malala’ Trailer », Variety, (lire en ligne, consulté le ).
  38. (en) « Malala Yousafzai named youngest UN Messenger of Peace », sur aljazeera.com (consulté le ).
  39. (en-US) « Malala Yousafzai designated UN Messenger of Peace », United Nations Sustainable Development, (lire en ligne, consulté le ).
  40. (en) « A-level results: Malala Yousafzai gets a place at Oxford », sur bbc.com, (consulté le ).
  41. (en) « Malala Yousafzai full of 'joy and gratitude' after graduating from Oxford », The Guardian, (lire en ligne, consulté le ).
  42. « L'hommage d'Angelina Jolie à Malala », sur Gala, .
  43. Frédéric Bodin, « Malala : « Je veux l'éducation pour les fils et les filles de tous les terroristes » », sur Le Monde, .
  44. « Malala reçue par les Obama », sur Paris Match, .
  45. « Malala Yousafzaï accueillie à la Maison-Blanche », sur La Presse.ca, .
  46. « Malala, bientôt canadienne… honoraire », Le Figaro, encart « Le Figaro et vous », samedi 8 / dimanche 9 avril 2017, p. 36.

Annexes

Articles connexes

Bibliographie

  • Christina Lamb et Malala Yousafzai, Moi, Malala, je lutte pour l'éducation et je résiste aux talibans, Calmann-Lévy, , 390 p. (ISBN 978-2-7021-5424-3, lire en ligne)
  • Malala Yousafzai (trad. de l'anglais), Malala : L'histoire de mon engagement pour le droit des filles, Vanves, Hachette, , 157 p. (ISBN 978-2-01-627024-0)
  • Malala Yousafzai (trad. de l'anglais), Le crayon magique de Malala, Vanves, Gautier Languereau, (ISBN 978-2-01-702460-6)
  • (en) Rebecca Rowell, Malala Yousafzai : Education Activist, ABDO, , 112 p. (ISBN 978-1-61783-897-2, lire en ligne)

Vidéographie

Liens externes

  • Portail des droits de l’homme
  • Portail de l’éducation
  • Portail des femmes et du féminisme
  • Portail du prix Nobel
  • Portail du Pakistan
  • Portail de la paix
  • Portail de l'enfance
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.