Maison Picassiette

La maison Picassiette est un exemple d'architecture naïve constitué de mosaïques de faïence et de verre coulées dans le ciment. Elle est située à Chartres et dépend du musée des beaux-arts de la ville[1].

La maison a été construite par un seul homme Raymond Isidore[Note 1] (), dit Picassiette, employé communal de la ville de Chartres pour laquelle il travaillait en tant que cantonnier, puis balayeur du cimetière.

Une fois sa maison construite, il eut l'idée de réaliser des fresques recouvrant tout peu à peu. Sa vie a été totalement consacrée à la construction et à la décoration de sa maison et du jardin, notamment à l'aide de débris de céramiques et de porcelaines, entre autres des assiettes qu'il se procurait dans les décharges publiques, d'où son surnom « pique-assiette ».

Considéré comme un original, Raymond Isidore connaît une médiatisation tardive : dans les années 1950, la presse s'intéresse à lui. Mais sa fin de vie, dans son espace saturé de mosaïques, est tragique. Son inspiration tarie, lui-même épuisé, il connaît des troubles mentaux. Par une nuit d'orage, il s'enfuit de chez lui à travers les champs, en proie à un délire de fin du monde. Retrouvé et ramené chez lui, il meurt peu après.

Description

Intérieur

Les fresques réalisées par Raymond Isidore à l'intérieur de sa maison représentent des vues du Mont Saint-Michel, de Chartres et de ses alentours. Il les a agrémentées de pâquerettes faites de bouts d'assiettes cassées.

Peu à peu, tout l'intérieur des trois pièces d'habitation, murs et plafonds, s'est retrouvé recouvert de fresques rehaussées de mosaïques. Le mobilier, devant quand même être déplacé à l'occasion, a été peinturluré, mais de façon mosaïque. Le sol a été recouvert de mosaïques faites de débris de marbrerie.

Extérieur

C'est lorsque Picassiette n'a plus eu de place pour ajouter quoi que ce soit, à l'intérieur de la maison, qu'il s'est attaqué à l'extérieur et que la fresque a été complètement abandonnée au profit de la mosaïque, plus résistante aux intempéries.

Après les murs de la maison, ce sont les allées et les murs d'enceinte du jardin qui furent l'objet de cet inlassable travail de décoration.

Sources d'inspiration

Selon sa veuve et ses deux beaux-fils, ses rêves nocturnes furent la source de son inspiration. L'interprétation, dans une perspective jungienne, de cette longue série de rêves, révèle un mythe christique de mort et de résurrection.

Chronologie

  • [réf. nécessaire] : Raymond Isidore, balayeur au cimetière de Chartres, achète une parcelle de terre en friche rue des Rouliers (actuellement rue du Repos) et entreprend aussitôt, et seul, la construction d'une maisonnette sans étage, sans eau courante ni commodités.
  •  : il y emménage avec sa femme et les deux fils de celle-ci. Sa vie se confond désormais avec la décoration de la maison et du jardin attenant.
  • 1938 : début de l'aménagement de la maison. Ses matériaux de prédilection sont les débris de vaisselle récupérés dans les décharges des alentours, d'où le sobriquet donné par le voisinage de « Picassiette », c'est-à-dire « Picasso de l'assiette ».
  • 1964 : mort de Raymond Isidore.
  • 1981 : la ville de Chartres acquiert la maison.
  • 1983 : la maison Picassiette est classée monument historique[2].
  • 1989 : l'association départementale pour la sauvegarde de l'enfant à l'adulte d'Eure-et-Loir (ADSEA 28), recrute un éducateur spécialisé, ethnologue de formation pour assurer le développement du quartier des Hauts de Chartres et animer la maîtrise d'œuvre urbaine et sociale (MOUS). Il crée, au sein de l'association les 3R (Rénover, Restaurer, Réhabiliter), une régie de quartier, une structure d'insertion par l'économique destinée à soutenir sa réhabilitation et plus tard un centre social. La démarche emprunte largement au balayeur sa philosophie d'exclu, à la régie sa symbolique théâtrale, pour associer les habitants à la reconstruction de cette ancienne cité de transit, proche de la maison Picassiette, et située derrière le cimetière municipal. Une démarche qui s'inspire, principalement, des écrits et recherches de Fernand Deligny [3], et de Saül Alinsky [4].
  • 1994 : L'association les 3R et l'association de gestion de la maison pour tous créent ensemble l'union pour le Centre Social des Hauts de Chartres et obtiennent conjointement l'agrément de la caisse d'allocations familiales au titre de l'animation globale du quartier, deux ans plus tard, en 96.
  • 1996 : à Chartres, les Rencontres Internationales de Mosaïque[5], organisées tous les deux ans par la régie des 3R, créent le prix Picassiette. La structure poursuit la réalisation de nombreuses mosaïques sur le quartier des Hauts de Chartres (mais aussi rue des Petites Filles Dieu et rue Georges Fessard). Un jalonnement de mégalithes partiellement recouverts de mosaïques permet d'y accéder[6].
  • 2003 : la ville confie à la régie des 3R la gestion de la chapelle Saint-Éman, espace dévolu à la mosaïque contemporaine situé en contre-bas de la cathédrale. La régie des 3R installe au sol un jalonnement de petites mosaïques qui relie la chapelle à la Maison Picassiette. Il traverse le cimetière municipal où est enterré Picassiette. Le Centre Social, créateur de l'espace petite enfance, des secteurs d'animation et des centres de loisir du quartier, des actions scolaires et des fêtes est municipalisé avec l'ensemble des centres sociaux par décision de l'équipe municipal élue en 2001. La régie se redéploye sur l'ensemble des quartiers d'habitat social de la ville. Elle se concentre sur des actions d'insertion par l'économique et maintient, avec le soutien des habitants, sa référence à Picassiette.
  • 2014 : l'association les 3R, fête le 25e anniversaire de la création de la régie de quartier, la dixième édition du prix Picassiette, le 50e anniversaire de la disparition de Raymond Isidore à la chapelle du lycée Fulbert, à la chapelle Saint-Éman, sur les boulevards de la ville.
  • 2015 : la régie des 3R, inaugure la décoration en mosaïque d'un poste électrique aux allures de sémaphore. Situé à l'entrée du quartier aux abords de la rue de Sours, proche de la Maison Picassiette, il en est autant le témoin que la vigie.
  •  : la maison Picassiette subit un acte de vandalisme. La nuit, un individu y entre par effraction et brise la maquette de la cathédrale de Chartres édifiée par Picassiette dans le jardin[7]. Le suspect est ensuite appréhendé. La mairie de Chartres décide de prendre en charge la restauration de cette partie du monument, évaluée à environ 10 000 euros[8].
  • 2017, décembre : les éditions italiennes Girasole, soutenues par les villes de Chartres, de Ravenne et par les associations de jumelage publient la traduction du livre de Patrick Macquaire, un essai de transformation sociale, le quartier Picassiette à Chartres : « Il quartiere Picassiette. Arte del mosaico e transformazione sociale a chartres ».
  • 2018 : Gérard Brand, mosaïste d'Obernai, achève le portrait de Picassiette, auquel il consacre un important manuscrit musif[à définir], (livre objet, mosaïque sertie de métal et constituée de tesselles, de pierres, d'objets, d'images, de textes). Le manuscrit a pris place dans une bibliothèque consacrée aux artistes et acteurs de la mosaïque contemporaine qui à terme comprendra une centaine d'ouvrages . Il a été réalisé pour le congrès annuel de l'association internationale de mosaïque contemporaine (AIMC).
  • 2018 : " Le Picasso de l'assiette" célébré à Chartres, route de Sours, sur un poste électrique décoré de mosaïques, fait l'objet d'une présentation illustrée dans : Postes Électriques - Enedis - Street art.
  • 2018 : Le XVIe congrès de l'AIMC organisé en France pour la première fois, à Paray-Le-Monial, par des artistes venus de 35 pays, a élu Raymond Isidore membre d'honneur, à titre posthume, sur proposition de Patrick Macquaire et du président Grec de l'AIMC, Nikos Tolis.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Edgardo Franzosini, Monsieur Picassiette : Raymond Isidore et sa cathédrale (trad. de l'italien par Philippe Di Meo), JC Lattès, Paris, 1998, 159 p. (ISBN 2-7096-1825-7). Réédité: La Baconnière, Genève, 2021, 144 p. (ISBN 978-2-889600-49-6)
  • Paul Fuks, Picassiette : le jardin d'assiettes (photogr. de Robert Doisneau, Jacques Verroust et Paul Fuks), Ides et Calendes, Neuchâtel, 1992, 125 p. (ISBN 2-8258-0042-2)
  • Caroline Holmes, « La maison Picassiette, Chartres » in Folies et fantaisies architecturales d'Europe (photographies de Nic Barlow, introduction de Tim Knox, traduit de l'anglais par Odile Menegaux), Citadelles & Mazenod, Paris, 2008, p. 194-197 (ISBN 978-2-85088-261-6)
  • Maarten Kloos, Le Paradis terrestre de Picassiette, Encre, Paris, 1979, 102 p. (ISBN 2-86418-017-0)
  • Patrick Macquaire, Le quartier Picassiette : un essai de transformation sociale à Chartres, L'Harmattan, Paris, [2008], 2018, 184 p. Traduction italienne : Il quartiere Picassiette, Arte del mosaico e transformazione sociale a Chartres, Edizioni Girasole, Ravenna 2017. (ISBN 978-2-296-07268-8)
  • Patrick Macquaire, Picassiette ou le complexe d'Isidore, Cultures et Sociétés, , Ed Téraèdre Paris (ISBN 978-2-36085-017-4)
  • Patrick Macquaire, " L'esprit Picassiette", Mosaïque Magazine, N°12-13-14-15, , janvier et , , Mosaïque Magazine, Paris, {{ISSN:2114-2793}}
  • Clovis et Claude Prévost, Raymond Isidore, dit Picassiette, de Chartres, Chêne, Paris, 1978, 75 p. (ISBN 2-85108-164-0)
  • Maïthé Vallès-Bled, Picassiette : guide du visiteur, Association des amis du Musée des Beaux-arts de Chartres, 2002, 34 p. (ISBN 2-9518542-0-X)

Liens externes

Notes et références

Notes

  1. Pour lever toute ambiguïté, Isidore est le nom et Raymond le prénom

Références

  1. « Les amis du musée des beaux-arts de Chartres », sur www.amis-musees.fr (consulté le ).
  2. « Maison Picassiette, actuellement musée Picassiette », notice no PA00097013, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  3. Fernand Deligny, Le croire et le craindre, Stock, Paris, 1978, lire en ligne sur BnF.
  4. Saül Alinsky, Rules for Radicals (Être radical), dernière édition, Aden, Bruxelles, 2011.
  5. Les Rêveurs de mosaïque : Prix Picassiette, premières rencontres internationales de Chartres, éd. Association les 3R, Chartres, 1997, 64 p. (ISBN 2-9514318-0-5) ; Les Nouveaux mosaïstes : Prix Picassiette ; 2e Rencontres Internationales de Mosaïque de Chartres éd. Association les 3R, Chartres, 1999, 83 p. (ISBN 2-9514318-1-3).
  6. Patrick Macquaire, Le quartier Picassiette, édition L'Harmattan, Paris, 2008.
  7. Hélène Bonnet, « Fait divers - La cathédrale de la maison Picassiette saccagée à Chartres », L'Écho républicain, (lire en ligne).
  8. Que devient la cathédrale de Picassiette, vandalisée en février, à Chartres ?, L'Écho républicain, 21 juillet 2017.
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