Maison Carrée

La Maison Carrée est un temple romain hexastyle édifié au début du Ier siècle à Nîmes, dans le Gard.

Pour les articles homonymes, voir Maison Carrée (homonymie).

Maison Carrée de Nîmes

Maison Carrée de Nîmes.
Localisation
Pays France
Lieu Nemausus (Nîmes)
Type Temple romain
Protection  Classé MH (1840)
Coordonnées 43° 50′ 17″ nord, 4° 21′ 22″ est
Géolocalisation sur la carte : France
Maison Carrée de Nîmes
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Maison Carrée de Nîmes
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Maison Carrée de Nîmes
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Maison Carrée de Nîmes
Histoire
Époque Ier siècle

Lors de sa construction, la Maison Carrée est dédiée pour Auguste à la gloire de ses deux petits-fils : les consuls et chefs militaires Lucius Caesar et Caius Julius Caesar. Au fil des siècles, le temple est notamment devenu une maison consulaire, une église puis un musée des arts antiques. Il s'agit aujourd'hui du temple romain le mieux conservé au monde.

La Maison Carrée fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques par la liste de 1840[1].

Historique

Époque romaine

La Maison Carrée, temple du forum de la ville, était le second lieu dédié au culte impérial avec le sanctuaire de la Fontaine. Il s’agit du temple le mieux conservé du monde romain[2]. Cet édifice a été bâti entre 10 av. J.-C. et l’an 4, à l’extrémité sud du forum, sous le règne d’Auguste.

La place du forum où a été édifié le temple s’étendait sur 80 m de long et était encadrée par deux portiques. Au nord, la place était fermée par un bâtiment rectangulaire de 18 par 14 m, que l’on identifie aujourd’hui comme étant la Curie.

Le plan de l’ancien temple.

La Maison Carrée est un édifice hexastyle corinthien et pseudo-périptère, qui mesure 13,54 m de large sur 26,42 m de long[3]. Trente colonnes de neuf mètres de haut chacune enserrent la structure intérieure. Celle-ci est formée d’une cella précédée d’un pronaos dont le plafond est moderne. À l’origine, on devait pénétrer dans la cella par une grande porte de près de sept mètres de haut.

Ce temple a été édifié sur un haut podium lui donnant une position dominante sur son environnement. L’accès à la cella se fait par un escalier unique de quinze marches (le nombre de marches est toujours impair). Cet accès était réservé aux prêtres. La cella a pour fonction d'abriter la statue du ou des dieux honorés. Les cérémonies se déroulaient autour d'un autel placé devant l'entrée. Ces deux façons de faire sont directement issues de la tradition étrusque, encore présente à Rome et en Italie. La structure du plan et l’utilisation de l’ordre corinthien dénotent quant à eux une influence grecque. Enfin, la disposition pseudo-périptère, présente en Italie depuis le début du Ier siècle av. J.-C., permet d’animer et de rythmer la façade. Cette architecture s’inspire directement du temple d'Apollon à Rome, dont la Maison Carrée se veut un modèle réduit. Le temple d'Auguste et de Livie à Vienne semble aussi être une variante de ce type d’organisation. Sa fonction religieuse était par ailleurs très comparable à celle de Nîmes, puisqu’on y célébrait aussi le culte impérial[4]. En ce qui concerne le décor, il est essentiellement formé par l’entablement et les chapiteaux des colonnes qui le soutiennent. Sa composition comprend une architrave divisée en trois bandeaux et ornée d’une frise à rinceaux. À l’intérieur, on n’a conservé aucune trace du décor d’origine, bien qu’il ait été reconstitué.

Construire un édifice cultuel suppose une autorisation du pouvoir, ici d'Auguste. Son exécution même si elle est confiée à des équipes régionales est strictement encadrée. Seuls les modèles inspirés des créations officielles de Rome pouvaient être édifiés. Le plan pseudo-périptère de la Maison Carré est analogue au temple d'Apollon au sud du champs de Mars à Rome. Le décor d'ordre corinthien de la colonnade engagé, les chapiteaux sont fidèles au modèle du temple de Mars Ultor à Rome. La frise est composée d'enroulement de rinceaux d'acanthe, elle imite la frise de l'Ara Pacis de Rome.

Illustration à la critique de Dissertation sur l'ancienne inscription de la Maison-Carrée de Nismes publiée sur les Acta Eruditorum, 1760.

Le temple portait sur son frontispice, inscrite en lettres de bronze scellées dans la pierre, une dédicace expliquant le rôle de l'édifice. Cette dédicace a aujourd'hui disparu, mais grâce à la disposition des trous de scellement encore visibles, le grand érudit nîmois Jean-François Séguier est parvenu en 1758 à recomposer le texte original : « À Caius Caesar consul et Lucius Caesar consul désigné, fils d'Auguste, princes de la jeunesse[5]. » Le temple est dédié aux héritiers d’Auguste, Caius et Lucius Caesar, qui sont les petits-fils et héritiers désignés d’Auguste avant qu’ils ne meurent prématurément. Caius et Lucius sont les fils d'Agrippa et Julie (fille d'Auguste). Agrippa fut le plus proche conseiller et auxiliaire d'Auguste. il est le patron de la ville de Nemausus : il est le défenseur officiel des intérêts de la cité et de la communauté des citoyens devant le Sénat de Rome. À sa mort, il transmet le patronage à son fils aîné Caius. À la mort de Caius et Lucius, les Nîmois avec l'accord du pouvoir à Rome décident de leur dédier ce temple. Grâce à la première ligne de cette dédicace, il est possible de dater l’achèvement de la Maison Carrée entre les ans 2 et 3, d’après la date du consulat de Caius et Lucius. La seconde ligne, placée postérieurement, date des ans 4-5. Le temple, comme le sanctuaire de la fontaine, restera dédié à l’empereur en place bien des générations après la mort d’Auguste. Il en sera ainsi pour tous les temples impériaux gallo-romains de cette époque. Dans la réalité des faits, on continue de vénérer l’empereur de chaque époque sous le titre d’Auguste, ce qui permet de conserver l’idée de départ.

Moyen Âge

La Maison Carrée avant sa restauration.

L'histoire post-romaine de l’édifice est mouvementée. Il est quasi miraculeux que celui-ci soit parvenu à ce jour en si bon état.

Du XIe au XVIe siècle, la Maison Carrée fut utilisée comme maison consulaire de Nîmes, c'est-à-dire une sorte d'hôtel de ville : on appelait consuls au Moyen Âge certains échevins du Midi de la France[6]. On connaît alors le bâtiment sous le nom de Capitole ou Cap-duel[7].

L'édifice subit alors de nombreuses transformations pour l'adapter aux besoins de ses nouveaux occupants. L’historien nîmois Léon Ménard donne une description de ces transformations imposées à l'ancien temple romain :

« D’abord on divisa l’intérieur en plusieurs pièces, et même en deux étages ; on y forma des voûtes, on y construisit une cheminée, qui fut adossée contre le mur du levant, et un escalier à vis contre celui du couchant. De plus, pour éclairer ces nouveaux appartements, on y fit plusieurs fenêtres carrées. Les consuls ajoutèrent dans la suite quelque chose à cet ordre. Ils firent fermer le vestibule par une muraille, qui allait d’une colonne à l’autre, alors, on ouvrit d’autres fenêtres et l’on fit une cave de la voûte souterraine du vestibule. On abattit aussi le perron. »

Il devint par la suite une maison d'habitation, une écurie, puis une église, l'église des Augustins. Propriété des ecclésiastiques, il fut convoité par la duchesse d’Uzès pour en faire un tombeau pour son mari, Antoine de Crussol.

Révolution française

Il fut le lieu de réunion du Directoire pendant l’époque révolutionnaire, puis devint la préfecture du département du Gard entre 1800 et 1807[6].

Restaurée, comme les autres monuments nîmois, au XIXe siècle, la Maison Carrée porte, gravé en lettres romaines sur le flanc ouest, un court texte en latin : « Réparé par la munificence du roi et l'argent offert par les citoyens, 1822. ».

En 1824, la Maison Carrée devint un lieu d'exposition d'objets antiques.

Aujourd'hui

La Maison Carrée pendant et après sa restauration (2006-2011).

En 1992, la Maison Carrée a reçu une nouvelle toiture, reproduction fidèle de l'original antique, composée de grandes tuiles plates (tegulae) et de tuiles-canal (imbrices) moulées à la main.

En 1993, l'architecte britannique Norman Foster construisit face à la Maison Carrée un bâtiment appelé Carré d'Art, prévu pour accueillir un musée d'art contemporain, et pensé comme le pendant moderne de la Maison Carrée. Il réaménagea également la place attenante afin d'assurer une harmonie entre les deux édifices.

Plafond de la façade principale.

En 2006-2007, la façade sud de la Maison Carrée a bénéficié d'une rénovation qui lui permit de retrouver une blancheur parfois contestée (badigeon au lait de chaux afin de recréer un calcin sur la pierre et, donc, de mieux protéger celle-ci des agressions du temps). Ce long travail se poursuivit en 2007-2008 par la façade ouest, en 2008-2009 par la façade est et enfin, en 2009-2010 pour ce qui est de la façade principale, sur laquelle il fut envisagé de restituer les lettres de bronze de la dédicace originale[8].

Mise en lumière.

Le , la ville de Nîmes a fêté la fin de la restauration de la Maison Carrée. Une exposition intitulée Maison Carrée restaurée l'a relatée au Carré d'Art. Il aura fallu pas moins de quatre ans et plus de 44 000 heures de travail aux équipes de l'architecte des monuments historiques, Thierry Algrain, pour venir à bout de la restauration de ce patrimoine exceptionnel.

En raison de ses multiples utilisations depuis 2000 ans, le décor de l'intérieur de la Maison Carrée n'a pas été conservé, seul son aspect extérieur est intact. Jusqu'en 2013, Culturespaces (société gestionnaire du monument par délégation de service public) a projeté un film en 3D à l'intérieur de l'édifice, « Héros de Nîmes », qui plongeait le spectateur dans la vie quotidienne d’un habitant de Nîmes sous l’Empire Romain, au Moyen Âge et de nos jours. Depuis 2014, un nouveau film intitulé « Nemausus - la naissance de Nîmes » y est projeté toutes les trente minutes. Écrit par des professeurs d'histoire spécialistes de l'Antiquité et tourné dans différents lieux du département du Gard et aux studios de Cinecitta à Rome, il reconstitue l'histoire de la romanisation de Nîmes [9]. Des effets spéciaux permettent de reconstituer la construction des principaux monuments antiques de la Ville et de la région (Arènes, Maison Carrée, Tour Magne, Porte Auguste, Aqueduc) et de reconstituer l'intérieur de la Maison Carrée, dont les décors antiques ont aujourd'hui disparu.

La famille d'Auguste

À propos du nom

La Maison Carrée porte ce nom depuis le XVIe siècle. En effet, dans la langue française de cette époque, toute figure géométrique ayant quatre angles droits était désignée par le mot « carré » : le « carré long » était le rectangle et le « carré parfait » notre carré actuel[10]. C'est la raison pour laquelle, malgré sa forme rectangulaire, ce temple a reçu l'appellation de « Maison Carrée ».

Notes et références

  1. Notice no PA00103125, base Mérimée, ministère français de la Culture
  2. Robert Bedon, Raymond Chevallier et Pierre Pinon, Architecture et urbanisme en Gaule romaine, t. 1 : L'architecture et les villes en gaule romaine, Paris, Errance, coll. « Les Hespérides », , 440 p. (ISBN 2-903442-78-9), p. 131.
  3. « Architecture, Forme générale, Podium et sous-sol », sur http://www.maisoncarree.eu/ Ville de Nîmes (consulté le )
  4. collectif, L'empereur romain, un mortel parmi les dieux, Musée de la Romanité - ville de Nîmes, , 240 p. (ISBN 978-2-9571784-0-7)
  5. Robert Amy, « L'inscription de la Maison Carrée de Nîmes », CRAI, 1970, 114-4, p. 670-686 Lire en ligne. La lecture de Séguier fut un temps contestée et Émile Espérandieu proposa une lecture attribuant le monument à Marcus Vipsanius Agrippa (gendre d'Auguste), les recherches récentes ont cependant confirmé la lecture de Séguier.
  6. Histoire de l'hôtel de préfecture du Gard, sur le site de la préfecture du Gard
  7. Carte archéologique de la Gaule, Nîmes 30/1, 1996, p. 278.
  8. « Maison Carrée : la restauration », sur Nîmes.fr
  9. bande-annonce de « Nemausus - la naissance de Nîmes »
  10. « Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CARRÉ - Wikisource », sur fr.wikisource.org (consulté le ).

Voir aussi

Bibliographie

  • Pierre Gros, La Maison Carrée de Nîmes, ouvrage collectif sous la direction éditoriale de Jean-Luc Nito, avec des textes de Gérard Caillat, Olivier Poisson, Dominique Darde, Jean-Claude Golvin et un entretien de Thierry Algrin par Jean-Luc Nito - 178 pages, Éditions Ville de Nîmes, 2012. Diffusion Ville de Nîmes et Errance/Actes sud.
  • Jean-Charles Balty, Études sur la Maison carrée de Nîmes, coll. Latomus, Vol XLVII, Bruxelles 1960 (épuisé).
  • Robert Amy et Pierre Gros, La Maison Carrée de Nîmes, XXXVIIIe supplément à Gallia, Éditions du CNRS, Paris 1979. Deux volumes : I - texte, II - Planches (épuisé).
  • Martial Monteil, Nîmes antique et sa proche campagne. Étude de topographie urbaine et périurbaine (fin VIe s. av. J.-C.-VIe s. ap. J.-C.), Lattès, UMR 154, 1999.
  • Dominique Darde, sous la direction de Michel Christol, L'Expression du pouvoir au début de l'Empire romain autour de la Maison carrée, Éditions Errance, Paris, 2009.
  • Jean-Luc Fiches et Alain Veyrac (dir.), Carte archéologique de la Gaule. Nîmes 30/1, Paris, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, , p. 278-296.
  • Pierre Gros, Le "culte impérial" en Gaule Narbonnaise, in L'empereur romain, un mortel parmi les dieux, ouvrage collectif - 240p, Edition Musée de la Romanité - ville de Nîmes, 2021, p. 131-137.
  • Gilles Sauron, La révolution ornementale augustéenne et son enracinement à Nîmes , in L'empereur romain, un mortel parmi les dieux, ouvrage collectif - 240p, Edition Musée de la Romanité - ville de Nîmes, 2021, p. 139-144.

Articles connexes

Liens externes

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