M3 Lee/Grant

Le M3, surnommé Lee ou Grant par les Britanniques, est un char moyen de conception américaine utilisé par les Alliés au cours de la Seconde Guerre mondiale. Issu du char M2, le M3 est développé en urgence au lendemain de la bataille de France, les États-Unis ayant alors réalisé que leurs véhicules blindés étaient inadaptés à la guerre moderne. Le M3 est ainsi accompagné d’importants changements de doctrine, avec la création de la composant blindée au sein de l’armée américaine, et de méthodes de production, avec la création du Detroit Tank Arsenal, première usine dédiée à la production de masse de véhicules blindées aux États-Unis.

Cet article concerne le char moyen. Pour le char léger, voir Char M3 Stuart. Pour le half-track, voir M3 Half-track. Pour les autres homonymes, voir M3.

Medium Tank M3
Lee

M3 Lee à l'entrainement à Fort Knox (Kentucky, États-Unis) en juin 1942.
Caractéristiques de service
Type Char moyen
Service 1941 – 1944
Utilisateurs États-Unis
Union soviétique
Royaume-Uni
Australie
Nouvelle-Zélande
Brésil
 France libre
Conflits Seconde Guerre mondiale
Production
Année de conception 1940
Constructeur Rock Island Arsenal
Detroit Tank Arsenal
American Locomotive Co.
Baldwin Locomotive Works
Production Aout 1941 – Décembre 1942
Unités produites 6 230 exemplaires
Variantes M3 Grant (adaptation britannique)
M3A1 Lee (janvier 1942)
M3A2 Lee (janvier 1942)
M3A3 Lee(mars 1942)
M3A4 Lee (juin 1942)
M3A5 Lee (janvier 1942)
Caractéristiques générales
Équipage 7 (Chef de char, pilote, opérateur radio, tireur x2, chargeur x2)
Longueur 6,12 m (avec canon)
5,64 m (sans)
Largeur 2,72 m
Hauteur 3,12 m
Masse au combat 27,9 t
Armement
Armement principal Un canon M2 ou M3 de 75 mm en casemate (50 obus)
Un Canon M5/M6 (en) de 37 mm en tourelle (178 obus)
Armement secondaire Quatre mitrailleuses Browning M1919 A4 de 7,62 mm (9 200 coups) (1 en tourelle, 1 coaxiale au 37mm et 2 sur la caisse)
Mobilité
Moteur Wright (Continental) R975 EC2 à 9 cylindres en étoile (en) à refroidissement par air
Puissance 400 ch (299 kW) à 2 400 tr/min
Transmission Boîte cinq rapports avant, un rapport arrière
Suspension Ressorts hélicoïdaux verticaux
Vitesse sur route 34 km/h
Vitesse tout terrain 26 km/h
Puissance massique 14,34 ch/t
Réservoir 662 L
Autonomie 193 km

Conçu pour l’armée américaine, le M3 est également fourni en grandes quantités au Royaume-Uni, dont l’armée a perdu la majeure partie de son matériel en France et est confrontée à une grave pénurie de véhicules blindés. Les Britanniques obtiennent notamment des États-Unis la création d’une variante spéciale pour leur usage, dotée d’une tourelle différente, qu’ils appellent General Grant, par opposition au General Lee, le M3 avec sa tourelle d’origine.

Le M3 est utilisé au combat pour la première fois pendant la campagne d’Afrique du Nord en mai 1942, il se trouve alors être le char le plus lourdement armé du théâtre d’opération. Il apporte ainsi une bouffé d’oxygène aux Alliés, alors en difficulté face à Rommel, dont les canons antichar surclassaient les chars britanniques. Il est par la suite utilisé en Birmanie, où il apporte un soutien précieux aux Alliés dans la destruction des fortifications japonaises. L’Armée rouge, qui a reçu un millier d’exemplaires via le prêt-bail, l’utilise au combat jusqu’en 1945

À sa mise en service, le M3 compte parmi les meilleurs chars existant alors : il est bien armé, correctement blindé et mécaniquement plus fiable que la plupart de ses équivalents. Il est toutefois loin d’être parfait, souffrant de nombreux défauts. Sa configuration inhabituelle, avec un canon en casemate d’un côté et une tourelle de l’autre, est notamment peu pratique et lui donne une haute silhouette repérable de loin. La protection inadaptée des réservoirs de carburant et des munitions lui confèrent en outre une fâcheuse propension à prendre feu et à exploser lorsqu’un projectile pénètre le blindage, inconvénient qui amène certains équipages à le qualifier de crématorium.

Produit à plus de six mille exemplaires, le M3 commence à être retiré de la ligne de front à partir de 1942, étant remplacé par le M4 Sherman. Son châssis trouve néanmoins un second usage pour mécaniser l’artillerie, avec notamment la réalisation des M7 Priest et M12 Gun Motor Carriage, ainsi que pour créer des véhicules spécialisés, comme le char de dépannage M31.

Dénomination

La désignation officielle dans la nomenclature américaine est M3 Medium Tank, généralement simplement abrégé en M3. Le Commonwealth de son côté utilise sa propre désignation, le M3 de série étant appelé General Lee tandis que la version modifiée pour leur usage reçoit le nom de General Grant[1]. La tendance générale au niveau des troupes britanniques était toutefois d’appeler tous les M3 par le nom Grant, sans tenir compte de la version[2]. En URSS, le char est appelé M3S, pour ''sredniy, « moyen », afin de le distinguer du M3 Stuart également en service dans l’Armée rouge[3].

Les différentes versions sont désignées dans le système américain par la lettre A suivie d’un chiffre incrémenté, par exemple M3A1, M3A2, etc. Chez les Britanniques, le versionnage s’effectue avec un chiffre romain suivant le nom, la version de base ayant été rétroactivement appelée General Grant I. Le M3A1 américain correspond ainsi au General Grant II ou au General Lee II, le système utilisée par les États-Unis ne distinguant en effet pas les deux types[4].

Du fait que le M3 est passé directement en production, sans prototype, il n’existe aucune désignation T correspondant à ce projet[5].

Développement

Contexte

Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate en 1939, l’U.S. Army possède peu de chars de conception récente et ceux disponibles sont uniquement des chars légers. Cette situation s’explique par le peu de financements disponibles à la suite de la Grande Dépression, mais aussi par la vision politique, qui ne perçoit l’armée que comme une force défensive. Quelques tentatives sont faites au cours des années trente pour développer un char moyen, le T2 en 1934 et le T4 en 1936-1937, mais ces essais sont infructueux : la doctrine militaire ne concevant le char que comme un moyen d’appui de l’infanterie, ces véhicules sont uniquement armés de mitrailleuses, ce qui les rend peu intéressants par rapport à un char léger plus mobile et moins coûteux[6].

Ce n’est qu’en que la résolution de ce problème est abordée avec le début du développement du T5, qui doit être armé d’un canon de 37 mm, en plus d’un minimum de six mitrailleuses. Il faut encore attendre pour que soit livré le premier prototype, qui réalise dans les mois qui suivent ses essais à Aberdeen[7]. Le T5 est finalement reconnu bon pour le service pendant l’été, sous le nom de M2, mais cette version est déjà obsolète : la guerre civile espagnole a mis en évidence la menace que représente les canons antichar, or, pour des raisons de poids, le blindage du M2 a été considérablement limité, le rendant particulièrement vulnérable au 3,7-cm PaK 36 allemand. Une nouvelle version, dite « T5 phase III », avec un blindage plus épais et un nouveau moteur commence donc à être développée à l’automne 1938, puis entre en production à l’été 1939 sous le nom de M2A1. Parallèlement, le canon de 37 mm étant considéré inutile pour du support d’infanterie, une nouvelle version est mise à l’étude. Le T5E2, se voit ainsi doter d’un obusier de 75 mm installé dans une casemate décentrée, la tourelle étant convertie en observatoire pour le pointage de l’arme[8].

Naissance du M3

Le succès des Panzer III et IV au cours de la campagne de France incite cependant l'armée des États-Unis à repenser sa conception de l’usage des chars, mais lui fait surtout réaliser que le M2A1 est trop légèrement armé et blindé. Les caractéristiques requises pour un nouveau char sont élaborées entre juin et juillet 1940, mais aucune des solutions proposées, qui incorporent toutes un canon de 75 mm en casemate ne convient au général Adna Chaffee, chef de la nouvelle Armored Force, qui exige que le canon soit disposé en tourelle[9]. Le bureau de l’ordonnance se déclarant incapable de fournir en un temps bref un tel véhicule, Chaffee se voit proposer en attendant une adaptation du T5E2, qu’il est contraint d’accepter, bien qu’il la considère comme peu satisfaisante. Le développement du M3 commence ainsi en , le premier prototype sortant du bureau d’étude en [10].

Parallèlement, les Britanniques, qui ont perdu la majeure partie de leurs blindés lors de la bataille de France, se rapprochent des États-Unis pour y faire produire leurs chars. Les Américains refusent la demande, ne souhaitant pas produire des véhicules étrangers dans leurs usines, mais proposent le M3 à la place. Celui-ci n’enthousiasme guère les officiers de Sa Majesté, mais, comme Chaffee auparavant, ils sont contraints d’accepter, en négociant toutefois des modifications, notamment une tourelle modifiée pour pouvoir y installer une radio[11].

Production

Chaîne de fabrication des M3 au Detroit Tank Arsenal en 1942.

La première commande du M3 est faite avant même que ne soit créé le char : l’US Army avait commandé le mille M2A1 au Detroit Tank Arsenal de Chrysler, mais, s’étant très rapidement rendu compte que ce véhicule était obsolète, la commande est modifié en mille M3 dès le [12]. Plus tard dans l’année, le gouvernement américain passe une commande pour 2220 exemplaire à l’American Locomotive Company (ALCO) et d’autres sont également commandés à la Baldwin Locomotive Works ainsi qu’à la Lima Locomotive Company[13].

Après la signature des accords de prêt-bail en , les États-Unis prennent à leur compte les commandes de la version Grant à destination du Royaume-Uni, qui sont passées auprès de Baldwin Locomotive Works, Pressed Steel Car Company et Pullmann-Standard Car Manufacturing Company pour un total de 2085 exemplaires[14]. Parallèlement, un projet vise à convertir l’usine de la Montreal Locomotive Works, une filiale d’ALCO basée au Canada, pour qu’elle produise également des M3. Toutefois, les Britanniques préfèrent au final utiliser cette usine pour construire leur propre variante, le M3 Cruiser Tank, plus tard appelée Ram, plus proche du futur M4[15].

Toutes versions confondues, le M3 a été produit à 6258 exemplaires, la majeure partie étant constituée de M3 Lee ou Grant de base, avec 4924 véhicules. De même, plus de la moitié du total des chars produits l’ont été par le Detroit Tank Arsenal, les autres entreprises se partageant le reste[16].

Histoire opérationnelle

Armée britannique

M3 Grant à côté d'un Panzer I détruit le lors de la bataille de Gazala
Ravitaillement d’un M3 Grant en munition en Afrique du Nord, le .

Le 5th Royal Tank Regiment, basé au Moyen-Orient, est la première unité britannique à recevoir le M3, dans sa version Grant, en [16]. Les premiers véhicules sont utilisés pour l’entraînement et les essais, ces derniers conduisant les Britanniques à effectuer de nombreuses modifications sur le terrain au début de l’année 1942[2]. Il est employé au combat pour la première fois en lors de la bataille de Gazala pendant laquelle il obtient de bons résultats, mais ne peut compenser la faiblesse des tactiques de la huitième armée britannique[17].

Pendant la campagne d’Afrique, les Britanniques déploient le M3 en tant que cruiser tank, c’est-à-dire, au sein de leur système de classification, un char destiné à combattre d’autres chars, par opposition à l’infantry tank, dont la vocation est d’appuyer l’infanterie[16]. Les Lee et Grant se retrouvent ainsi dans les unités du Royal Armoured Corps, comme les 1st et 7th Armored Division. Les escadrons de M3 y sont mélangés avec des escadrons de Crusader et de Stuart, le ratio variant selon les divisions[18].

Le M3 fut bien accueilli par les troupes britanniques, auxquelles il offrait le moyen de lutter contre les canons antichars grâce à son propre canon de 75 mm, un calibre lourd faisant cruellement défauts aux chars utilisés jusque là. Ils se montrèrent également satisfaits de la fiabilité du M3, alors que leurs propres chars étaient sujets à de nombreuses pannes[19]. De leur côté, les Allemands notèrent dans leur rapport que ce nouvel opposant pouvait se montrer particulièrement résistant, un char ayant par exemple été touché trente-et-une fois avant d’être mis hors de combat, mais qu’il avait par contre tendance à prendre facilement feu[20].

Armée américaine

Équipage d’un M3 à Souk El Arba, Tunisie, 23 novembre 1942.

L’armée américaine reçoit ses premiers M3 à l’été 1941, mais ils ne sont envoyés pour la première fois au combat qu’en lors de l’opération Torch, au sein des 1st et 2nd Armored Division. Ils sont toutefois peu présents lors des combats initiaux contre les forces de Vichy du fait de la difficulté à les faire débarquer, et le premier engagement majeur a lieu le contre les Allemands à Djedeida[21]. À partir de 1943, la majorité des M3 ayant été décimés lors des combats de , il n’en reste que quelques-uns au sein du 2/13th Armored, qui obtient toutefois de bons résultats à Sbeïtla et couvre la retraite des forces américaines à la bataille de Kasserine. Cette bataille marque la fin de l’utilisation régulière du M3, les quelques exemplaires survivants étant remplacés par des M4[22]. Ils restent toutefois épisodiquement employés jusqu’à la fin de la campagne, le manque de Sherman ne permettant pas toujours de remplacer avec ceux-ci les véhicules perdus[3].

Les Américains obtinrent initialement des résultats bien moins satisfaisants avec leurs M3 que les Britanniques : peu expérimentées et mal coordonnés avec leur infanterie d’accompagnement, les troupes américaines subirent de lourdes pertes contre des troupes allemandes usant de tactiques d’embuscade. Le problème fut également aggravé par l’utilisation de munitions inadaptées, des erreurs d’approvisionnement ayant conduit le corps américain à recevoir des obus perforants obsolètes, normalement utilisés uniquement pour l’entrainement[23]. Lorsque les tactiques utilisées par les Américains s’améliorèrent en 1943, les M3 se montrèrent également plus efficaces[24].

Front russe

Une colonne de M3 soviétiques peu avant la bataille de Koursk.

L’URSS reçoit quelques M3 au début de l’année 1942, qui combattent à partir de avec la 114e brigade blindée. Plusieurs dizaines sont toujours en service avec la 48e armée pendant la bataille de Koursk à l’été 1943. Le M3 a également été utilisé dans la guerre contre le Japon en [25].

Le M3 semble avoir été peu apprécié par les soviétiques, recevant des surnoms peu flatteurs, comme « dispositif d’incinération pour sept frères » ou « fosse commune pour sept ». L’historien américain Steven Zaloga met cependant ces témoignages sur le compte de la propagande soviétique de la Guerre froide, qui chercherait à exacerber les défauts des véhicules étranger pour mettre en valeur les chars soviétiques[26],[27].

Campagne du Pacifique

Un M3 à Mandalay en .

Les forces du Commonwealth utilisent également le M3 en grandes quantités en Extrême-Orient contre les Japonais. À Burman, les Lee du 25e Dragon participent à la deuxième attaque de l’Arakan en , puis jouent un rôle important le mois suivant pour repousser l’offensive Ha-gō puis celle de U-Go[28].

L’Australie reçut également des M3, étant même prioritaire pour les expéditions en 1942, du fait du risque d’invasion japonaise. Ils furent cependant peu utilisés et seule une version modifiée avec une lame de bulldozer à l’avant fut envoyée au combat à Balikpapan. De même, les États-Unis n’utilisèrent pratiquement pas le M3 sur le théâtre Pacifique, les Marines n’en étant pas équipé, et ils ne semblent avoir été utilisés au combat qu’une fois, en sur l’île de Butaritari[29].

Les Japonais n’avaient que des chars légers et leur infanterie étant mal équipée en armes antichar : en dehors de quelques canons de 47 mm, ils n’avaient à leur disposition que des mines magnétiques, qui se révélèrent de surcroît efficace uniquement lorsqu’elles étaient appliquées sur le toit du véhicule et pour lesquelles une parade fut rapidement trouvée. Les M3 constituèrent ainsi un atout important pour les forces du Commonwealth : leur canon de 75 mm leur permettait de détruire sans grand risque les fortifications japonaises, qui auraient autrement décimées l’infanterie[30].

Caractéristiques

Motricité

Les M3, M3A1 et M3A2 disposent d’un moteur en étoile à neuf cylindres Continental R-975-EC1 ou EC2[31]. L’emploi de ce moteur était toutefois problématique, dans le sens où il était également utilisé par l’aviation, conduisant à des pénuries fréquentes. Un premier essai pour le remplacer par un moteur Diesel est réalisé sur le M3A1, mais la tentative est abandonnée après seulement vingt-huit véhicules, le moteur Guiberson T-14090-2 se révélant peu fiable[32]. Un autre essai, cette fois couronné de succès, a lieu en , le moteur choisi étant cette fois un General Motors Model 6046, constitué de deux moteurs de bus assemblés. Cette disposition donne naissance à deux versions : le M3A3, lorsque ce moteur est installé sur une caisse soudée, et M3A5 lorsqu’il est installé sur une caisse rivetée[4]. De son côté, le M3A4, entré en production en est doté d’un moteur Chrysler A57, constitué de cinq moteurs de bus assemblés en étoile et développant 425 hp[4].

Le train de roulement est composé de trois boggies comptant deux petites roues de route, amorties par des ressorts à volutes, et une roue de retour dans la partie supérieure. Les chenilles mesurent 46 cm de large et comptent 158 maillons, sauf sur le M3A4, sur lequel elles sont plus longues avec 166 maillons[33].

Protection

Le M3 a été assemblé selon différentes techniques selon les versions : les M3, M3A4 et M3A5 sont construits à base de plaques d’acier rivetées et les M3A2 et M3A3 de plaques soudées, tandis que la coque du M3A1 est coulée d’une seule pièce[34]. Les véhicules à coque rivetée étaient par conséquent les plus fréquents, mais présentaient un inconvénient de taille : lors de l’impact de projectiles sur le blindage, la face intérieure des rivets avaient tendance à sauter, se transformant en éclats dangereux pour l’équipage[27].

En dehors de ce défaut, le blindage était correct en comparaison avec la plupart des blindés rencontrés au début de la campagne d’Afrique du Nord ou dans le Pacifique. Malgré un blindage latéral assez faible, l’avant était bien protégé, l’épaisseur étant équivalente à 11,11 cm en prenant en compte l’inclinaison du glacis, suffisant pour protéger des petits canons antichars allemands. La faiblesse majeure du M3 venait de sa propension à prendre feu et à exploser lorsqu’il était pénétré par un projectile. Cette vulnérabilité était liée à l’abondance de munitions stockées sans protection particulière partout dans le compartiment de combat, ainsi qu’à la minceur du blindage supposé protéger le moteur et les réservoirs de carburant[27].

Armement principal

L’équipage d’un M3 présentant les obus utilisés.

L’armement principal du M3 est son canon de 75 mm installé dans une casemate décentrée à droite de la caisse[13]. À l’origine, il s’agissait d’un canon M2, une arme d’infanterie n’ayant pas été prévue pour les combats de char et dont les projectiles manquaient donc de vélocité. Afin de corriger ce problème, une version améliorée, le M3, est adoptée le . Cette nouvelle arme dispose d’un canon plus long, augmentant donc la vitesse de sortie de bouche des obus et d’un mécanisme de culasse amélioré, celle-ci s’ouvrant tout seule après le tir et se verrouillant automatiquement lorsqu’un nouvel obus y est inséré. Du fait du nombre limité de canons M3 disponibles, le M2 continua toutefois d’être installé sur certains nouveaux véhicules jusqu’à la fin de la production[35].

Initialement dépourvu de stabilisateur, le M2 en reçoit un permettant la stabilisation sur un axe à partir de . Ce dispositif requiert cependant l’installation d’un contrepoids à l’extrémité du canon pour mieux équilibrer l’arme. Le M3 est stabilisé dès l’origine et n’a pas besoin de contrepoids du fait de la longueur plus importante du tube déportant le point d’équilibre vers l’avant[36]. La monture est la même pour les deux versions et permet une élévation de +20°, une dépression de -9° et une traverse de 15° de chaque côté de l’axe[35].

Le M3 est également équipé d’un canon de 37 mm disposé dans une tourelle décentrée sur la gauche de la caisse. Ce canon aurait dû être sur tous les véhicules la version M6, adoptée le et doté d’une culasse automatique, mais les pénuries firent que, là encore, certains exemplaires furent dotés de l’ancien M5, moins performant[35],[36]. De même, le M6 est stabilisé dès l’origine, tandis que l’ajout d’un stabilisateur sur le M5 a nécessité l’addition d’un contrepoids en dessous du tube. Le pointage en élévation est assuré manuellement entre +60° et -7° tandis que la traverse de la tourelle s’effectue par un système hydraulique, avec un dispositif de secours manuel en cas de panne[37].

La disposition de l’armement principal se révéla problématique : alors qu’un char classique peut s’abriter derrière une élévation de terrain en laissant juste sa tourelle dépasser, le M3 était obligé de se dévoiler sur les trois-quart de sa hauteur pour pouvoir utiliser son canon de 75 mm, le rendant alors particulièrement visible et vulnérable du fait de sa haute stature. Cela contribuait également à rendre le véhicule peu manœuvrant et représentait un danger majeur en cas d’attaque par les flancs, le char devant pivoter pour affronter la menace, ou lors d’un repli, le canon principal ne pouvant pas être utilisé, sauf à faire marche arrière à l’aveugle[33].

Variantes

M31 TRV avec canon factice

Véhicules de dépannage et d’ingénieur

Les combats de 1942 mettent en évidence que l’armée américaine manque d’un véhicule permettant de récupérer les chars endommagés sur le champ de bataille. Un programme de conversion est lancé en , étant donné que les M3 sont en cours de remplacement et qu’un important stock de ceux-ci est donc disponible. D’abord appelé T2 TRV, pour Tank Recovery Vehicle, il reçoit à partir d’ différentes désignations selon le châssis : M31 pour les véhicules construits à partir du M3 de base, M31B1 pour ceux utilisant le M3A3 et M31B2 pour ceux dotés du châssis du M3A5. la conversion commence chez Baldwin en et la demande est tellement élevé qu’après avoir convertis 659 anciens chars, l’entreprise doit produire 150 châssis neufs pour y répondre[38]. Le M31 voit le canon de 37 mm remplacé par une grue dotée d’un treuil de 30 t. Afin de disposer de meilleures performances, le canon de 75 mm est retiré, mais un faux canon est installé à la place afin de ne pas montrer que le véhicule est inoffensif et ainsi dissuader un éventuel assaillant[39].

L’armée américain conduit également des essais à partir de 1943 pour convertir des M3 en véhicule de déminage. Ces tests aboutirent T1E1 Earthworm, un dispositif constitué de rouleaux se montant à l’avant du char. Quelques chars furent équipés et prirent le nom de M32, mais le concept se révéla peu efficace et les troupes sur le terrain eurent plutôt recours à des solutions improvisées utilisant des explosifs pour dégager un chemin à travers les champs de mines[40].

Les Britanniques procédèrent également de leur côté à des conversions en véhicule de dépannage, en retirant la tourelle pour la remplacer par un treuil, ce véhicule étant alors appelé Grant ARV I, même lorsque le châssis d’origine est celui d’un Lee. Le M31 a lui aussi été employé par l’armée britannique sous le nom de Grant ARV II[41]. Le déminage n’est pas en reste, avec le Grant Scoprion III, un M3 doté d’un fléau à l’avant, qui a servi à la fin de la campagne d’Afrique du Nord et au début de celle d’Italie, avant d’être remplacé par des dispositifs équivalents montés sur le M4[40].

Artillerie autopropulsée

M12 dans la région de Bayeux le .

L’armée américaine commence à développer en un obusier sur châssis de char de M3, dans le but de mécaniser l’artillerie destinée aux divisions blindées. Deux véhicules d’essais, nommés T32 105mm HMC, débutent leurs essais en et, après quelques modifications mineures, comme l’ajout d’une mitrailleuse M2, l’engin est accepté pour le service en . Véhicule d’artillerie autopropulsée le plus employé par les États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale, le châssis du M7 est peu à peu modifié en cours de production pour se rapprocher de celui du M4, faisant du M7 une variante à la fois du M3 et du M4[42].

Avant le M7, le développement d’un autre engin de ce type avait débuté en en utilisant une pièce plus lourde, le canon de 155 mm GPF français de la Première Guerre mondiale. Nommé T6 155mm GMC, le prototype débute ses essais en et entre en production en septembre à la Pressed Steel Car Company, sous le nom de M12. En complément, un transporteur de munitions, le M30, est également développé sur la base du M3. Étant donné le peu de canons de ce type disponibles et le manque d’intérêt exprimé par les différentes branches de l’armée, la production est arrêté en . Les forces d’artillerie s’y intéressent finalement en en prévision du débarquement en France et une partie des véhicules produits est modernisée par Baldwin, rapprochant le châssis de celui du M4[43].

Yeramba exposé au Royal Australian Armoured Corps Tank Museum.

Une tentative de réaliser un chasseur de chars sur la base du châssis du M3 est lancée en . Nommé T24 3-inch GMC et composé du canon antiaérien M1918 de trois pouces monté au centre du châssis, le prototype commence ses essais en novembre. Ceux-ci amènent à monter le canon différemment pour abaisser le centre de gravité et le deuxième véhicule d’essai, nommé T40, est accepté pour le service en sous la désignation M9 3-in GMC. Il n’entrera toutefois jamais en production du fait du manque de canons de ce type et de l’arrivée entretemps du M10, à la conception bien plus pratique[40]. Les essais pour réaliser un véhicule antiaérien sur la base du M3 n’ont pas plus de succès, le T26 75mm GMC échouant du fait des mauvaises performances de son canon et le T36 40mm GMC en raison des difficultés dans le développement des optiques de visée[43].

De leur côté, les Britanniques commencèrent le développement d’un véhicule proche du M7, mais utilisant leur canon de 25-pdr. L’avancée des Canadiens dans la mise au point d’un véhicule similaire sur la base du châssis du Ram, le Sexton, mis cependant fin à ce projet. En 1949, les Australiens produisirent une quasi-copie du Sexton en utilisant des châssis de Grant III. Ce véhicule, appelé Yaramba, fut produit à seulement treize exemplaires et ne resta en service que quelques années avant d’être retiré du service en 1956[44].

Annexes

Données techniques

Tableau récapitulatif des dimensions par version[45]
Version Longueur Largeur Hauteur Garde au sol Longueur de contact au sol Masse
M3 5,64 m 2,72 m 3,12 m (Lee)[46]

3,02 m (Grant)[47]

0,43 m 3,73 m 27 896 kg (ordre de combat)

26 036 kg (à vide)

M3A1 28 576 kg (ordre de combat)

26 717 kg (à vide)

M3A2 27 397 kg (ordre de combat)

25 537 kg (à vide)

M3A3 28 576 kg (ordre de combat)

26 762 kg (à vide)

M3A4 6,15 m 2,64 m 0,41 m 4,06 m 29 030 kg (ordre de combat)

27 216 kg (à vide)

M3A5 5,64 m 2,72 m 0,43 m 3,73 m
Tableau récapitulatif des caractéristiques motrices par version[45]
Version Motorisation Puissance[alpha 1] Puissance massique Carburant[alpha 2] Vitesse maximale Autonomie Franchissement
M3 Continental R-975-EC2[alpha 3] 340 hp2 400 t/m) 11,1 hp/t 662,4 l (essence 92 octane) 33,8 km/h (route)[48]

38,6 km/h (route - vitesse d’urgence)[48]

24,1 km/h (hors route)[49]

193 km (route) 1,02 m (profondeur)

0,61 m (hauteur)

2,29 m (largeur)

M3A1 10,8 hp/t 33,8 km/h (route)

38,6 km/h (route - vitesse d’urgence)

M3A2 11,3 hp/t
M3A3 General Motors 6046 375 hp2 100 t/m) 11,9 hp/t 560,2 l (gazole 40 cétane) 40,2 km/h (route)

48,3 km/h (route - vitesse d’urgence)

241 km (route) 0,91 m (profondeur)

0,61 m (hauteur)

2,29 m (largeur)

M3A4 Chrysler A57 370 hp2 400 t/m) 11,6 hp/t 605,7 l (essence 80 octane) 32,2 km/h (route)

40,2 km/h (route - vitesse d’urgence)

161 km (route) 1,02 m (profondeur)

0,61 m (hauteur)

2,44 m (largeur)

M3A5 General Motors 6046 375 hp2 100 t/m) 11,7 hp/t 560,2 l (gazole 40 cétane) 40,2 km/h (route)

48,3 km/h (route - vitesse d’urgence)

241 km (route) 1,02 m (profondeur)

0,61 m (hauteur)

2,29 m (largeur)

Tableau récapitulatif du blindage par version[45]
Version Type Caisse avant Caisse côtés Caisse arrière Tourelle Toit Plancher
M3 Acier moulé (tourelle)

Acier laminé et riveté (caisse)

5,08 cm à 30° 3,81 cm à 0° 3,81 cm de 0° à 10° 5,08 cm

2,22 cm (toit)

1,27 cm de 83° à 90° 2,54 cm à 90°
M3A1 Acier moulé
M3A2 Acier moulé (tourelle)

Acier laminé et soudé (caisse)

M3A3
M3A4 Acier moulé (tourelle)

Acier laminé et riveté (caisse)

3,81 cm de 0° à 20°
M3A5 3,81 cm de 0° à 10°
Tableau récapitulatif des caractéristiques des canons
Type Calibre Longueur du tube Recul Poids Mouvement Cadence de tir
M2 75 mm 232,9 cm[35] +20/-9° (élévation)

±15° (traverse)[35]

20 cpm (maximum)

10-12 cpm (recommandé)[35]

M3 300,7 cm[35] 35,6 cm[35] 412,8 kg[35]
M5 37 mm 182,9 cm[35] +60/-7° (élévation)

360° (traverse)[35]

M6 198,1 cm[35] 15,2−20,3 cm[35] 86,2 kg

317,5 kg (avec monture)[35]

Données numériques

Tableau récapitulatif des pays utilisateurs
Pays Exemplaires Observations
Australie 757 [50] Grande diversité dans les versions utilisées, auxquelles s’ajoutent des modifications locales. Retirés du service en [29].
Brésil 104 (M3 et M31 TRV) ou 96 selon les sources[51] En service jusque dans les années cinquante, jamais utilisés au combat[52].
Canada Au moins 47[53] En service dans la 5th Armored Division pour compenser le manque de Ram. Jamais utilisé au combat[53].
 Comité français de libération nationale nd Véhicules laissés aux Français par les Américains à la fin de la campagne d’Afrique. Uniquement utilisés pour l’entraînement[3].
États-Unis
Paraguay nd Véhicules obtenus du Brésil dans les années cinquante[52].
Royaume-Uni 2855[53] Ce nombre comprend les véhicules destinés à l’Australie[50].
Union soviétique 1386[53] Seuls 976 sont arrivés à destination, 410 ayant été perdus lors du convoyage[53].

Bibliographie

  • (en) Peter Chamberlain et Chris Ellis, British and American Tanks of World War II : The complete illustrated history of British, American and Commowealth tanks, 1935-1945, New-York, Arco Publishing Company, .
  • (en) Richard Pierce Hunnicutt, Sherman : A History of the American Medium Tank, Presidio Press, (ISBN 0891410805).
  • (en) Gordon L. Rottman, M3 Medium Tank vs Panzer III : Kasserine Pass 1943, vol. 10, Oxford, Osprey Publishing, coll. « Duel », (ISBN 9781846032615).
  • (en) Steven J. Zaloga, M3 Lee/Grant Medium Tank 1941-45, vol. 113, Oxford, Osprey Publishing, coll. « New Vanguard », (ISBN 9781841768892).

Liens externes

Notes et références

Notes

  1. La valeur correspond à la puissance mesurée à l’embrayage, avec le moteur équipé de tous ses accessoires et échappements.
  2. Les sources utilisent comme unité le gallon, sans plus de précision. La conversion est faite sur l’hypothèse qu’il s’agit du gallon américain pour les liquides.
  3. 28 exemplaire du M3A1 produits avec un moteur Diesel Guiberson T-14090-2[32].

Références

  1. Zaloga 2005, p. 9-10.
  2. Zaloga 2005, p. 16.
  3. Zaloga 2005, p. 22.
  4. Zaloga 2005, p. 12.
  5. Rottman 2008, p. 10.
  6. Zaloga 2005, p. 4.
  7. Zaloga 2005, p. 4-5.
  8. Zaloga 2005, p. 5.
  9. Zaloga 2005, p. 6-7.
  10. Zaloga 2005, p. 7.
  11. Zaloga 2005, p. 7-8.
  12. Zaloga 2005, p. 6.
  13. Zaloga 2005, p. 8.
  14. Zaloga 2005, p. 8-9.
  15. Zaloga 2005, p. 8, 10.
  16. Zaloga 2005, p. 14.
  17. Zaloga 2005, p. 17.
  18. Zaloga 2005, p. 16-17.
  19. Zaloga 2005, p. 14-15.
  20. Zaloga 2005, p. 17-18.
  21. Zaloga 2005, p. 19-20.
  22. Zaloga 2005, p. 20-21.
  23. Zaloga 2005, p. 19.
  24. Zaloga 2005, p. 21.
  25. Zaloga 2005, p. 22-23.
  26. Zaloga 2005, p. 23.
  27. Rottman 2008, p. 34.
  28. Zaloga 2005, p. 33-34.
  29. Zaloga 2005, p. 35-36.
  30. Zaloga 2005, p. 34.
  31. Rottman 2008, p. 13.
  32. Zaloga 2005, p. 11.
  33. Rottman 2008, p. 33.
  34. Rottman 2008, p. 31.
  35. Rottman 2008, p. 32.
  36. Zaloga 2005, p. 9.
  37. Rottman 2008, p. 32-33.
  38. Zaloga 2005, p. 39-40.
  39. Zaloga 2005, p. 39.
  40. Zaloga 2005, p. 43.
  41. Zaloga 2005, p. 40.
  42. Zaloga 2005, p. 40-41.
  43. Zaloga 2005, p. 42.
  44. Zaloga 2005, p. 41.
  45. Hunnicutt 1976, p. 528-534.
  46. Rottman 2008, p. 35.
  47. Hunnicutt 1976, p. 529.
  48. Hunnicutt 1976, p. 528.
  49. Zaloga 2005, p. 28.
  50. Zaloga 2005, p. 35.
  51. Zaloga 2005, p. 36-37.
  52. Zaloga 2005, p. 37.
  53. Zaloga 2005, p. 36.
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