Métacommunauté

La métacommunauté est un concept écologique qui définit un ensemble de communautés locales liées par la dispersion de plusieurs espèces potentiellement en interaction.

L’étude des métacommunautés décrit l’abondance, la distribution, les interactions et l’évolution des organismes à une échelle régionale et locale[1],[2].

L’idée du concept de métacommunauté

Historique de l’écologie des (méta)communautés

Les expériences réalisées par G. F. Gause [3](1935) sur les interactions de compétition entre Paramecium, le mèneront, entre autres, vers la formulation du concept de métacommunauté.

Il montre dans ses expériences que P. bursaria et P. caudatum, deux espèces de Paramecium, peuvent coexister au sein du même milieu et que cette situation résulte de la division de l’habitat (perspective spatiale) entre les deux espèces. Cette situation sera plus tard interprétée par Leibold [2] comme la coexistence de deux espèces au sein d’une métacommunauté hétérogène à deux localités (la colonne d’eau et le fond du bocal).

Les travaux de MacArthur [4] se rapprochent encore un peu plus de l’écologie des métacommunautés par le développement de deux théories qui serviront de bases à deux des quatre paradigmes qui circonscrivent aujourd’hui le concept de métacommunauté.

D’une part, ses recherches sur la coexistence à l’équilibre d’espèces en compétition le mènent à considérer que des forces déterministes s’appliquent à une espèce en fonction de son adaptation aux conditions environnementales et des interactions interspécifiques (paradigme du tri des espèces).

D’autre part, on peut voir dans le modèle le plus simple de la théorie de la biogéographie insulaire (MacArthur & Wilson [4]), une base théorique au paradigme neutre formulé plus de trente ans après par Hubble. En effet, si l’on ne considère pas de différence et d’interaction entre les espèces, alors la dispersion et les forces stochastiques d’extinction et de colonisation jouent un rôle majeur dans ce modèle.

Cependant, le concept n’est vraiment défini qu’en 1992 par David Sloan Wilson dans son étude des interactions complexes au sein des métacommunautés [1]. Une métacommunauté est selon ses mots “une communauté rompue en une mosaïque de patchs”.

Les résultats des modélisations de D. S. Wilson amènent d’une part la preuve que la métacommunauté est un système pouvant contenir une diversité d’espèce bien supérieure à celle contenue par une localité[1]. Par ailleurs au-delà des implications en termes de diversité, il en vient à considérer une métacommunauté comme un système fonctionnel et pose les bases théoriques de l’application de la sélection naturelle à un nouveau niveau : celui du patch.

Il peut y avoir évolution dans une métacommunauté si les compositions spécifiques ou génétiques des localités diffèrent et conduisent à des taux de productivité et d’extinction locale différents.

Une démarche explicite de synthèse

Dans leur ouvrage “Metacommunity Ecology” (2017)[5], Leibold et Chase voient en l’écologie des métacommunautés, un cadre théorique capable d’unir les processus spatiaux et interactifs étudiés en écologie des communautés.

Le nouveau champ disciplinaire permettrait d’étudier simultanément des processus ayant lieu de l’individu à l’écosystème sans avoir à définir spatialement et fonctionnellement une communauté.

Théorie des méta-communautés

En 2004, à partir de ces travaux, Leibold[2] a permis de définir, de comprendre et donc de mieux appréhender le concept de métacommunauté ainsi que sa dynamique relative au travers de différentes échelles spatiales et structurales.

La métacommunauté, un concept spatial multi-échelle

Représentation spatiale d'une métacommunauté

La théorie méta-communautaire permet d'appréhender les processus écologiques à une nouvelle échelle spatiale, la région. Concrètement, elle consiste en l’étude simultanée de ces processus à des différents niveaux d’imbrication : région - localité - microsite - individus.

Une région est une vaste zone d’habitat capable de supporter une métacommunauté.

Elle est composée de plusieurs localités (ou patchs) connectées par la dispersion et pouvant être séparées par une matrice inhabitable (métacommunauté sensu stricto) ou par un habitat continu (métacommunauté sensu lato). Ces localités peuvent être hétérogènes suivant des variables biotiques et abiotiques.

Chaque localité contient des microsites définis théoriquement comme des sites capables de renfermer un individu seul.

Dynamiques communautaires

Une métacommunauté est également définie selon les différentes dynamiques qui la composent. La spatialité est une donnée centrale dans la compréhension des métacommunautés.

Une dynamique spatiale englobe tout mécanisme par lequel la distribution ou le mouvement d’individus à travers l’espace influence la dynamique de la population locale ou régionale. Parmi ces mécanismes, on retrouve :

  • L’effet de sauvetage dans lequel il y a prévention de l’extinction locale de l’espèce par immigration
  • L’effet de masse où l’on retrouve un flux net d’individus créé par des différences de tailles (ou de densité) de populations dans différentes parcelles
  • La colonisation, lorsque les populations s’installent sur des sites où elles étaient absentes auparavant
  • La dispersion qui est le mouvement d’individus d’un site (émigration) à un autre (immigration).

Il existe également deux processus d’extinction importants dans les dynamiques métacommunautaires indépendamment de la dynamique spatiale.

  • L'extinction stochastique qui est un mécanisme dans lequel des espèces, au sein de populations locales, disparaissent pour des raisons indépendantes des autres espèces présentes ou de changements déterministes dans la qualité des patchs.
  • L'extinction déterministe est un mécanisme dans lequel des espèces, au sein de la population locale, disparaissent en raison de la "qualité" des patchs ou de la composition de la communauté locale.

Paradigmes

Les modèles méta-communautaires diffèrent dans leur prise en compte de l’importance relative des interactions biotiques et abiotiques, de l'hétérogénéité environnementale et des contraintes de dispersion dans la régulation et la persistance des espèces locales.

Actuellement, les travaux théoriques et empiriques[6] sur les métacommunautés s’inscrivent dans 4 paradigmes complémentaires (patch-dynamique, tri des espèces, effet de masse et modèle neutre).

Patch-dynamique

Ce paradigme suppose qu’il existe plusieurs patchs identiques et que chacun de ces patchs est capable de contenir des populations. De plus, les populations au sein des patchs subissent des extinctions stochastiques et déterministes potentiellement causées par des interactions interspécifiques, et qui sont contrecarrées par la dispersion. Par conséquent, la dynamique spatiale décrite par ce paradigme est dominée par l’extinction et la colonisation locales.

Dynamique de Patch

Dans cet exemple, l'espèce orange, meilleure compétitrice, exclue compétitivement l’espèce bleue qui s’éteint localement. L’espèce bleue ayant une capacité de dispersion plus élevée colonise de nouvelles localités.

Tri des espèces

Dans cette perspective, les patchs sont considérés homogènes et le résultat des interactions entre espèces locales dépendent donc des conditions, notamment abiotiques, de leur environnement.

Ce paradigme met donc l’accent sur les gradients de ressources : les différents types de parcelles induisent des différences très marquées de densité de population des espèces locales en fonction de leur niche écologique. Cette perspective met en valeur la séparation spatiale au-delà de la dynamique spatiale. La dispersion est ici importante car elle permet d’observer des changements de composition des patchs par rapport aux changements locaux de conditions environnementales.

Tri des espèces

Dans cet exemple, l’espèce orange comme l’espèce bleue sont présentes dans les localités au sein desquelles elles sont meilleures compétitrices.

En cas de changement des conditions abiotiques des localités (brutale ou périodique), une recomposition de la métacommunauté peut avoir lieu grâce à la dispersion d’individus de chaque espèce.

Effet de masse

Le paradigme effet de masse met en avant la dispersion, c’est-à-dire l’effet de l’immigration et de l’émigration sur la dynamique de la population locale. Ici les espèces peuvent être sauvées de l’exclusion compétitive locale dans les communautés où elles sont de «mauvaises compétitrices» par immigration dans une communauté où elles sont de «bonnes compétitrices». Cette perspective montre l’influence de la dynamique spatiale sur les densités de populations locales.

Effet de Masse

Dans cet exemple, l’espèce orange comme l’espèce bleue sont principalement présentes dans les localités au sein desquelles elles sont meilleures compétitrices.

Mais elles sont également présentes dans les localités où l’autre espèce est meilleure compétitrice par dispersion.

Neutre

Dans ce cas, toutes les espèces sont similaires dans leurs capacités compétitrices, leurs mouvements et leur formes physiques. Sans spéciation ni immigration, le modèle neutre conduit à l’extinction de toutes les espèces. Ainsi, contrairement aux autres points de vue décrits ci-dessus, ce modèle ne peut expliquer comment la diversité locale et régionale diffère sans faire appel à d’autres processus. Par conséquent, la dynamique de diversité des espèces est dérivée à la fois des probabilités de perte d’espèces (extinction, émigration) et de gain d’espèces (immigration, spéciation).

Modele Neutre

Dans cet exemple, les espèces orange et bleue sont considérées comme identiques dans toutes les localités. Les populations locales peuvent éventuellement disperser dans d’autres localités et sont soumises à des processus démographiques stochastiques.

Caractéristiques d’une métacommunauté

Rôles et modes de dispersions

  • La dispersion peut être vue comme étant un déplacement définitif d’individus ou de propagules entre une zone de naissance ou de reproduction et une autre zone de reproduction. C’est un élément clé de la structuration de la  métacommunauté. Elle varie en fonction de la stratégie et de la capacité des individus à disperser. Un individu peut être mené à se déplacer pour plusieurs  raisons, par exemple pour la recherche de ressources ou pour éviter des conditions défavorables de l’habitat. Certains de ces déplacements sont liés à la reproduction et ont pour conséquence des flux de gènes au sein d’une métacommunauté. Ces flux de gènes vont constituer un processus démographique essentiel mais aussi une force évolutive [7].

Dans le cadre des métacommunautés, les communautés locales sont ouvertes et connectées les unes aux autres par la dispersion des espèces en interaction. La dispersion entre communautés locales peut réduire l’effet de risque d’extinction du fait que les individus ayant connu le déplacement verrons leur valeur sélective nulle en cas de perturbation de l’habitat ou d’un événement extrême. En revanche, le fait que les communautés soient composées d’espèces ayant une variabilité de stratégies et de capacités à disperser, rend la dispersion complexe. Ce fait peut être illustré par l’étude de la structuration des métacommunautés dans les réseaux de cours d’eau de macro-invertébrés. Cette étude a montré que la métacommunauté pouvait être affectée par une augmentation de la mortalité des espèces lors de la dispersion et par l’extinction des espèces locales[8].

L'augmentation du taux de dispersion signifie qu’une grande proportion d’individus se déplace à travers les parcelles et subit lors de ce déplacement une mortalité accrue. Lorsque la dispersion est globale, une grande proportion d’individus vont disperser sur des distances de plus en plus longues avec un taux de mortalité dépendant de la qualité des parcelles traversées.

  • On distingue classiquement deux modes de dispersion : la dispersion active et la dispersion passive. La dispersion active concerne uniquement des organismes qui se dispersent en utilisant leur propre énergie (pouvoir) dépendante de leur comportement. Il s’agit notamment des organismes capables de voler tels que les oiseaux ou les chauves souris ou encore capables de nager tel que les poissons. Par contre la dispersion passive, concerne les organismes qui se dispersent à travers les forces extérieures le vent, l’eau ou grâce à d’autres organismes).

Ces modes et leurs capacités de dispersions (fort, faible ou aucun) vont affecter la structuration des métacommunautés. Par exemple, une étude a été menée sur les macro invertébrés, catégorisés par ces trois modes de dispersion (capacité à voler, à nager et à être transporté). Il a été mis en évidence que la structure de la communauté était étroitement liée au type de l’habitat et que les communautés composées de forts nageurs présentaient une similitude inter-sites plus élevée que les communautés pauvres ou non. Il a été ainsi déduit que les nageurs forts ont une plus grande similitude entre les sites que les nageurs pauvres ou non nageurs. Leurs résultats suggèrent bien que le micro-habitat a fortement influencé la structure de la communauté en général, le mode de dispersion et la capacité de dispersion ont affecté l'organisation spatiale[9]. De plus la structure des communautés de macro invertébrés varie pendant la saison de croissance et en fonction du type d’habitat. En ce qui concerne la dispersion passive, les effets spatiaux sont plus importants pour les organismes avec des petits propagules dans la mesure où ils sont transportés facilement. D'autres études ont montré que la diminution de la taille de propagule augmente la capacité de dispersion. Ainsi les propagules auront tendance à se disperser sur de longues distances et cette dispersion sera plus stochastique. La particularité du mode actif est le fait qu’au cours de cette dispersion, les organismes suivent potentiellement la variabilité environnementale[10].

Notes et références

  1. Wison, 1992, Complex Interactions in Metacommunities, with Implications for Biodiversity and Higher Levels of Selection
  2. M. A. Leibold & al, The metacommunity concept: a framework for multi-scale community ecology, 4 June 2004
  3.  Georgii Frantsevich Gause, The Struggle For Existence, 1934
  4. Robert H. MacArthur & Edward O. Wilson, The Theory of Island Biogeography, 1967
  5. Leibold, M. and Chase, J., Metacommunity ecology. Princeton: Princeton University Press. CHAPTER ONE Introduction: The Rise, Fall, and Rise Again of Metacommunity Ecology. pp.1-22, 2017.
  6. Mark C. Urban, DISTURBANCE HETEROGENEITY DETERMINES FRESHWATER METACOMMUNITY STRUCTURE, 1 november 2004
  7. livre Ecologie : Claire Tirad et al., 2016
  8. Mira Gronroos et al., 2013
  9. Anna Eklôf et al, 2012
  10. Jani Heino et al.,2011

Bibliographie

  • (en) Mark C. Urban, DISTURBANCE HETEROGENEITY DETERMINES FRESHWATER METACOMMUNITY STRUCTURE, 1 november 2004
  • (en) M. A. Leibold & al, The metacommunity concept: a framework for multi-scale community ecology, 4 June 2004
  • (en) David Sloan Wilson, Complex Interactions in Metacommunities, with Implications for Biodiversity and Higher Levels of Selection, Decembre 1992
  • (en) Christopher J. Patrick & Matthew J. Cooper &Donald G. Uzarski, Dispersal mode and ability affect the spatial turnover of a wetland macroinvertebrate metacommunity, Août,2014
  • (en) Mira Gronroos, Jani Heino, Tadeu Squeira, Metacommunity structuring in stream networks: roles of dispersal mode, distance type, and regional environmental context, Octobre, 2013)
  • (en) Jani Heino, Mira Gronroos, Janne Soininem, Risto Virtanen Timo Muotka, Context dependency and metacommunity structuring in boreal headwater streams, Novembre, 2011)
  • (en) URBAN, M., LEIBOLD, M., AMARASEKARE, P., DEMEESTER, L., GOMULKIEWICZ, R., HOCHBERG, M., KLAUSMEIER, C., LOEUILLE, N., DEMAZANCOURT, C. and NORBERG, The evolutionary ecology of metacommunities. Trends in Ecology & Evolution, 23(6), pp.311-317 , 2008
  • (en) Urban, M., DISTURBANCE HETEROGENEITY DETERMINES FRESHWATER METACOMMUNITY STRUCTURE. Ecology, 85(11), pp.2971-2978, 2004
  • (en) Leibold, M. and Chase, J., Metacommunity ecology. Princeton: Princeton University Press. CHAPTER ONE Introduction: The Rise, Fall, and Rise Again of Metacommunity Ecology. pp.1-22, 2017.
  • (fr) Claire Tirad, Luc Abbaddie, David Laloi, Philippe Koubbi, Livre Ecologie Licence. Master. CAPES P116-118, 2016
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