Lynx boréal en France

Le lynx boréal en France est un animal protégé et l'un des plus gros prédateurs du pays. Pourtant discret et ne s'attaquant jamais à l'homme, il a été piégé depuis le XIVe siècle puis totalement éradiqué au XIXe siècle. Revenant naturellement ou ayant été réintroduit, le lynx boréal commence à recoloniser la France, provoquant des tensions avec les deux principaux opposants à son retour : les éleveurs de petits ruminants et les chasseurs.

Lynx boréal au parc animalier de Gramat.

Historique

Présence passée

Le lynx était présent partout en Europe, sauf en Grande-Bretagne[1]. La chasse du lynx commence au XVIe siècle en Europe et s’intensifie au XVIIIe. L’intensification de la chasse fut menée par la démocratisation des armes à feu, l’accroissement des populations réduisant l’espace disponible pour le lynx, et la favorisation de la chasse par l’obtention de primes de l’État pour supprimer la vermine[1].

Il disparaît des forêts et des plaines après le Moyen Âge et est éliminé du bassin parisien au XVIe siècle. Son extermination totale survient en France au XIXe siècle, des Vosges en 1650, du massif central en 1875 et du Jura 1885. L'espèce est observée dans les Pyrénées Orientales en 1917, sur le massif du Canigou. Mais ces observations ne constituent pas les dernières réalisées dans cette chaîne. 4 lynx ont été piégés en Béarn par le célèbre chasseur d'ours Toussaint Saint Martin entre 1919 et 1936 (cité par le Dr Couturier). Un lynx fut abattu par des chasseurs d'isards en haute vallée d'Ossau dans le secteur du pic de Lurien (1957) animal identifié par le garde-chasse fédéral Pierre Fourcade. En 1976, Henri Navarre photographie en vallée d'Aspe une empreinte fraîche que le Pr F de Beaufort du MNHN rapporte au lynx. D'autres indices de présence seront trouvés entre 1980 et 1996 et validés. La dernière et finalement la seule étude qui ait été menée sur le lynx pyrénéen le fut par le naturaliste pyrénéen Luc Chazel elle débuta en 1982 et prit fin en 1997. Le lynx paraît avoir disparu des Pyrénées à la fin des années 1990.

Le Lynx commun a été totalement éradiqué de France au XXe siècle. Le lynx a disparu de l’ouest de l’Europe et des Alpes avant l’ours et le loup, bien qu’il ait été chassé moins intensivement. L’explication réside dans une plus grande sensibilité du lynx face à la destruction de son habitat et à la diminution des effectifs de ses proies naturelles.

En France, il est réintroduit dans les Vosges. Mais nombre d'entre eux proviennent sans doute d'Allemagne et de Suisse. Il y aurait environ une centaine d'animaux dans les Vosges et le Jura[2]. Il réapparaît aussi dans les Alpes de manière passive (arrivée d'individus de Suisse) et dans les Ardennes. Le lynx doit faire face à l'hostilité des chasseurs, qui peuvent le voir comme un concurrent, certains chasseurs n'hésitent d'ailleurs pas à tirer des lynx ou encore à les empoisonner[réf. nécessaire]. En 2006, il y aurait moins de deux cents animaux sur les trois massifs[3].

Son aire vitale est étendue et souvent de plus en plus fragmentée par des routes (60 % environ des causes de mortalités connue de cet animal dans les Vosges et le Jura sont dues au collisions avec des véhicules[4],[5].

Présence actuelle

Le lynx en France.

Le Lynx boréal est revenu naturellement dans les Alpes (pour l'instant surtout le Nord des Alpes françaises) et le Jura (à la suite d'opérations de réintroduction effectuées en Suisse) et a été réintroduit dans les Vosges.

À la fin de 2004, la population française était estimée entre 135 et 180 animaux, la tendance étant à l'augmentation à la fois numérique et pour ce qui est des territoires occupés[2].

  • Le Jura représente le noyau principal de population avec 85 à 100 individus. Le dernier décompte de population publié par l'ONCFS pour les années 2002-2004 montre que celle-ci croît plus doucement que sur les périodes 1996-1998 et 1999-2001. La colonisation de nouveaux territoires se produit essentiellement sur la partie Nord de l'aire de répartition, probablement parce que la partie Sud est déjà occupée[2].
  • Dans les Vosges, 30 à 40 animaux ont été décomptés entre 2002 et 2004. Constitué à partir d'un faible nombre de fondateurs, la population se répand vers le nord et l’ouest au même rythme que pour la période 1996-1998. Quelques indices de présence semblent montrer un début de jonction démographique entre les populations vosgiennes et jurassiennes[2].
  • Dans les Alpes, 20 à 40 animaux représentent la colonisation la plus récente. Des contacts avec la population jurassienne sont notés ; la colonisation est active, bien qu'encore incertaine quant à la superficie dans le sud de l'aire de répartition[2].

Dans le Jura, le lynx a reconstitué un noyau de population qui semble pérenne, et il est devenu avec le grand Tétras un des indicateurs de qualité des forêts et parfois le symbole d'une volonté de réparer les dégâts environnementaux[réf. souhaitée].

Dans les Vosges, les derniers lynx auraient été tués au début du XVIIe siècle, ou ont été victimes de la déforestation, de la raréfaction de leur nourriture (les grands mammifères ont fortement régressé après la Révolution française) pour ne retrouver des populations importantes qu'à la fin du XXe siècle. Le projet vosgien de réintroduction a été lancé en 1983, avec la création d'un noyau de population complémentaire de celle qui s'était déjà reconstituée dans le proche Jura. De 1983 à 1993 ce sont 12 mâles et 9 femelles qui ont été relâchés. En 2006, on estime qu'il y aurait 30 à 40 individus dans la région, sur environ 2 000 km2 (densité : 1,5 à 2 lynx/100 km2). La population vosgienne se reconstitue très lentement. Elle semble plus fragile et vulnérable que la population jurassienne, notamment en raison d'un braconnage persistant, des risques liés à la chasse ou à la circulation automobile.

En Moselle, des scientifiques et des naturalistes[6] ont confirmé en 2000 les descriptions faites par des promeneurs depuis les années 1980, établissant la présence de lynx dans l’ouest et le nord-ouest de l’agglomération messine[7]. La réappropriation de ce vaste territoire propice à leur développement (forêts broussailleuses, terrains militaires interdits à la chasse et vallées étroites) riche en gibier (daims et chevreuils) peut être la conséquence directe de la réintroduction menée dans les Vosges en 1983, l'action individuelle d'un naturaliste connaisseur étant aussi tout à fait plausible. D'après les observations, ces félidés, estimés à une cinquantaine d'individus, seraient dans une phase de migration vers l’ouest.

Dans le Beaujolais, une observation visuelle sérieuse d'un lynx était enregistrée le sur la commune de Vaux-en-Beaujolais[8]. Après plusieurs jours d'investigations, en liaison avec un éleveur dont un agneau a été tué et un chasseur, la présence du lynx a été confirmée dans le département du Rhône par la prise de photographies.

Les Pyrénées : le débat sur la présence ou non du félin dans les Pyrénées semble relancé depuis quelques années. Pour certains, l'animal serait encore présent; malgré tout,avec les moyens modernes dont nous disposons aujourd'hui, nous n'avons pas de témoignages sérieux. Des indices de sa présence seraient a prendre au sérieux sur l'Aude et l'Ariège[réf. nécessaire].

Le Massif Central : on sait que l'animal recolonisera tôt ou tard la région, a condition bien sûr que les populations des autres massifs aient une réelle dynamique démographique pour pouvoir entamer une progression vers le Massif Central. Des indices de sa présence sont aussi à vérifier sur l'Ardèche, la Lozère et la Haute Loire. Certains témoignages plaident aussi sur une présence du félin dans l'Allier ou encore sur le plateau de millevaches. Mais là aussi, des témoignages difficilement exploitables qui se basent sur des observations parfois fantaisistes. La confusion avec le genette dorée peut dans certains cas être avancée[réf. nécessaire].

Réintroduction

Dès le début des années 1970, des lynx ont été réintroduits dans le Jura et les Alpes suisses, puis dans les années 1980, dans les Vosges, le Jura et les Alpes françaises. En France, le suivi des populations de lynx est effectué par le réseau Lynx qui relève les indices de présence du félin. En Suisse, des captures ont lieu pour déplacer les individus à problème[9].

Pour capturer des lynx à des fins de réintroduction, les scientifiques utilisent la tendance des félins à emprunter toujours les mêmes passages. Une cage à deux portes coulissantes est placée de telle manière que le félin puisse voir sa piste au-delà du piège, sur un chemin fréquemment utilisé. Le lynx est souvent capturé au début ou à la fin de l’hiver, il subit ensuite une période de quarantaine avant d’être relâché, de préférence en couple, à la belle saison. Les individus capturés sont souvent des jeunes, généralement des mâles[10].

Protection

En 2009, le lynx boréal en France a été placé dans la catégorie « espèce en danger » par l'IUCN[11].

En France, le Lynx boréal bénéficie d'une protection totale depuis l'arrêté ministériel du relatif aux mammifères protégés sur l'ensemble du territoire[12]. Il est donc interdit de le détruire, le mutiler, le capturer ou l'enlever, de le perturber intentionnellement ou de le naturaliser, ainsi que de détruire, altérer ou dégrader son milieu. Qu'il soit vivant ou mort, il est aussi interdit de le transporter, colporter, de l'utiliser, de le détenir, de le vendre ou de l'acheter.

Le félin fait également partie des « espèces déterminantes » qui doivent être retenues pour l'élaboration du maillage des corridors biologiques à protéger, restaurer et gérer pour construire la trame verte et bleue régionale. Le Lynx est ainsi déterminant en Auvergne[13], en région Centre-Val de Loire[14] ou en Occitanie[15].

Notes et références

  1. Chez nous Le Lynx ? Mythes et réalité, op. cit., « Historique des populations », p. 83-120
  2. E. Marboutin, C. Duchamp, J. Boyer, F. Léger, Y. Léonard, M. Catusse, « Situation du Lynx en France : bilan 2002-2004 », sur oncfs.gouv.fr, ONCFS (consulté le )
  3. Jean-Claude Genot, Vivre avec le Lynx, Saint-Claude-de-Diray, Hesse, , 141 p. (ISBN 978-2-911272-88-2 et 2-911272-88-9, lire en ligne)
  4. Interview de Jean-michel Gaillard , programme Lynx, Ittecop /Ministère des transports, sept 2013
  5. rapport final : Mise au point d’un modèle de diagnostic des interactions entre structures paysagères, infrastructures de transports terrestres et espèces emblématiques Le cas du Lynx dans le massif jurassien Avril 2012 (PDF, 123 pages)
  6. Des lynx aux portes de Metz paru le 10 novembre 2000 sur le journal en ligne Infodujour.com.
  7. Notamment dans les forêts de Châtel-Saint-Germain, de Scy-Chazelles, Plappeville, ou les environs du mont Saint-Quentin et de Lorry-lès-Metz d'après Infodujour.com.
  8. Un lynx repéré dans le Beaujolais
  9. Larousse des félins, op. cit., « La réintroduction du lynx en France », p. 212-213
  10. (fr) C. Kempf, A. Balestri, U. Wotschikowsky et M. Fernex, Chez nous Le Lynx ? Mythes et réalité, Paris, Les guides Gesta, , 149 p. (ISBN 2-903191-01-8), « Écologie du lynx », p. 33-74
  11. Le lynx en danger - site du FERUS.
  12. (fr) « Liste des mammifères protégés sur l'ensemble du territoire », Journal officiel de la République française, (lire en ligne, consulté le )
  13. Conseil scientifique régional du patrimoine naturel de la région Auvergne (2010). Avis N°1-2010 - Séance du 30 juin 2010 du CSRPN Auvergne - Propositions concernant les espèces déterminantes pour l’établissement de la Trame Verte et Bleue. 18 pages.
  14. Conseil scientifique régional du patrimoine naturel de la région centre (2010). Projet de liste d’espèces déterminantes « Trame verte et bleue » pour la région Centre – Proposition du CSRPN de la région Centre. 7 pages
  15. Conseil scientifique régional du patrimoine naturel de la région Midi-Pyrénées (2010). Contribution du CSRPN Midi-Pyrénées aux listes d’espèces déterminantes Trame verte et bleue. 10 pages.

Annexes

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • Patrice Raydelet, Le lynx boréal : histoire, mythe, description, moeurs, protection, Lonay (Suisse)/Paris, Les sentiers du naturaliste, 191 p. (ISBN 978-2-603-01467-7 et 2-603-01467-6)
  • De Wetter (Bernard), Le mystère lynx. Quand le lynx réapparaît en Ardenne…, Bruxelles, Safran (éditions), coll. « Mission nature, 7 », (présentation en ligne)
  • Lynx, le grand retour. Actes du symposium international Orléans, 17 au . Collection "Patrimoines naturels" Muséum nationale d'histoire naturelle. Paris.
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