Loi du 2 décembre 1945 relative à la nationalisation de la Banque de France et des grandes banques et à l'organisation du crédit

La loi du 2 décembre 1945 relative à la nationalisation de la Banque de France et des grandes banques et à l'organisation du crédit est une loi française votée en dont l'objet est la réorganisation du système bancaire et du système financier français.

Contexte

La Libération permet au nouveau gouvernement en place, le Gouvernement provisoire de la République française, d'acter plusieurs réformes politiques, sociales et économiques. La volonté réformiste de ce gouvernement provisoire est inspirée du programme du Conseil national de la Résistance, qui veut rénover les institutions et l'économie française en la rendant plus forte.

Est ainsi préparé un texte de loi qui remplisse trois objectifs : réformer le statut de la Banque de France, car le Front populaire avait raffermi le contrôle de l’État sur elle sans la nationaliser ; rendre les grandes banques nationales afin de faciliter le financement de la reprise économique ; réorganiser le système bancaire afin de le rendre plus sûr. La loi est justifiée par la volonté de redresser le commerce extérieur de la France[1].

Contenu

La loi a 22 articles. Dans un premier temps, elle nationalise la Banque de France à compter du 1er janvier 1946, et lui donne l'exclusivité de l'impression de la monnaie. Tous les actions de la banque centrale sont transférées à l’État (art. 1)[2].

Trois catégories de banques sont créées afin de limiter les risques de contagion bancaire. La loi énumère les nouvelles catégories de banques : les banques de dépôts ; les banques d'affaires ; les banques de crédit à long terme et à moyen terme (art. 4)[2].

Afin d'éviter tout risque de panique bancaire, les banques de dépôt, qui collectent l'épargne des Français, n'ont plus le droit de « détenir des participations [dans des entreprises] pour un montant dépassant 20% du capital dans les entreprises autres que des banques » (art. 5)[2].

Quelques grandes banques françaises sont nationalisées. Ainsi du Crédit lyonnais, de la Société générale, du Comptoir national d'escompte de Paris, et de la Banque nationale pour le commerce et l'industrie (art. 6). Toutes leurs actions et propriétés sont transférées à l’État (art. 7 et 8)[2].

Les banques sont dirigées par un conseil d'administration composé par des administrateurs désignés par les grandes organisations syndicales, et d'autres nommés par le ministre des Finances (art. 9)[2].

Postérité

La loi du 2 décembre 1945, de manière similaire au Glass-Steagall Act, entérine la spécialisation des banques afin d'éviter le modèle de banque universelle, considéré comme propice aux excès financiers, et comme plus risqué pour le système financier[3]. Elle participe de l'intervention de l’État dans l'économie tout au long des Trente Glorieuses.

Ce système est toutefois progressivement remis en cause à partir des années 1960. Le rapport Lorrain de 1963, par exemple, considère que l'économie française est bridée par « une insuffisance d'investissements liée à une inadéquation des modes de financement offerts par les banques, mettant en avant les handicaps du cloisonnement et la faible mobilisation comme l'insuffisante affectation des cricuits de l'épargne »[4]. En effet, la captation par la puissance publique de l'épargne via le circuit du Trésor conduit à un « effet d'éviction des valeurs publiques sur le marché des emprunts est d'autant plus fort que l'État propose des produits avantageux fiscalement »[5]. Un autre problème majeur est que les banques qui ont la capacité de financer des investissements productifs sont les banques de dépôts, c'est-à-dire celles qui collectent l'épargne ; or, la loi de 1945 limite leurs crédits à deux ans au maximum[6].

Des décrets pris en 1966 et 1967 entament une libéralisation économique avec l'autorisation des banques de dépôt à accorder des crédits de moyen et long terme. Ils facilitent leur prise de participation dans les entreprises. La montée en puissance des banques permet des fusions et des acquisitions : les banques d'affaires passent, de 1946 à 1975, de 43 à 17, et les banques provinciales de 245 à 63[7]. Le secteur public bancaire continue d'être d'une grande importance dans l'économie : en 1981, il représente 10% du chiffre d'affaires des sociétés non financières, 30% des investissements et 25% des importations[8].

Références

  1. France Parlement (1946-) Assemblée nationale, Annales: Documents parlementaires, Imp. des Journaux officiels., (lire en ligne)
  2. République française, « Loi n° 45-15 du 2 décembre 1945 relative à la nationalisation de la Banque de France et des grandes banques et à l'organisation du crédit », sur www.legifrance.gouv.fr (consulté le )
  3. Delphine Pouchain, Lou Dumez, Matthias Knol et Fabrice Tricou, Monnaie et financement de l'économie, dl 2019 (ISBN 978-2-35030-634-6 et 2-35030-634-8, OCLC 1134989408, lire en ligne)
  4. Alain Beitone, Christophe Rodrigues et Estelle Hemdane, Introduction à l'économie monétaire - 2e éd., Dunod, (ISBN 978-2-10-083121-0, lire en ligne)
  5. Laure Quennouëlle-Corre, « Dette publique et marchés de capitaux au xxe siècle : le poids de l’État dans le système financier français », dans La dette publique dans l’histoire : « Les Journées du Centre de Recherches Historiques&nbsp» des 26, 27 et 28 novembre 2001, Institut de la gestion publique et du développement économique, coll. « Histoire économique et financière - XIXe-XXe », (ISBN 978-2-8218-2833-9, lire en ligne), p. 445–472
  6. Marc Montoussé, Économie monétaire et financière, Editions Bréal, (ISBN 978-2-7495-0611-1, lire en ligne)
  7. Marie Delaplace, Monnaie et financement de l'économie : cours complet et synthétique, exemples concrets, dernières actualités 2016 (zone euro, financement, régulation ...), dl 2017 (ISBN 978-2-10-075872-2 et 2-10-075872-1, OCLC 971499941, lire en ligne)
  8. Jean-Paul Valette, Fondamentaux - Droit public de l'économie (6e édition), Hachette Éducation, (ISBN 978-2-01-713899-0, lire en ligne)
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