Logique intuitionniste

La logique intuitionniste est une logique qui diffère de la logique classique par le fait que la notion de vérité est remplacée par la notion de preuve constructive. Une proposition telle que « la constante d'Euler-Mascheroni est rationnelle ou la constante d'Euler-Mascheroni n'est pas rationnelle » n'est pas démontrée de manière constructive (intuitionniste)[1] dans le cadre de nos connaissances mathématiques actuelles; car la tautologie classique « P ou non P » (tiers exclu) n'appartient pas à la logique intuitionniste. La logique intuitionniste établit, entre autres, un distinguo entre « être vrai » et « ne pas être faux » (formulation plus faible) car ¬¬P → P n'est pas non plus démontrable en logique intuitionniste.

Histoire

L'intuitionnisme a d'abord été une position philosophique vis-à-vis des mathématiques proposée par le mathématicien hollandais Luitzen Egbertus Jan Brouwer[2] comme une possibilité différant de l'approche dite classique ; cela l'a conduit à ne pas inclure certaines formes du raisonnement mathématique traditionnel, qu'il jugeait contre-intuitives :

  • Le tiers exclu, qui consiste à dire qu'étant donnée une proposition , on a soit ou alors non  ;
  • L'existentiel non constructif. Brouwer veut que quand un mathématicien affirme il existe tel que , il donne aussi un moyen de construire qui satisfait .

Brouwer a prôné une mathématique qui rejetterait le tiers exclu et n'accepterait que l'existentiel constructif. Cette attitude a été assez violemment critiquée[3] par des mathématiciens comme David Hilbert tandis que d'autres comme Hermann Weyl y ont souscrit.

Elle a été ensuite formalisée, sous le nom de logique intuitionniste, par ses élèves V. Glivenko[4] et Arend Heyting, ainsi que par Kurt Gödel[5] et Andreï Kolmogorov[6]. L'interprétation de Brouwer-Heyting-Kolmogorov ou simplement interprétation BHK est essentiellement la mise en évidence du caractère constructif de l'implication intuitionniste : Quand un mathématicien intuitionniste affirme , il veut dire qu'il fournit un procédé de « construction » d'une démonstration de à partir d'une démonstration de . Autrement dit, une preuve de est une fonction qui transforme une preuve de en une preuve de .

Cette interprétation calculatoire trouvera son aboutissement dans un des plus importants résultats de l'informatique théorique : la correspondance de Curry-Howard dont le leitmotiv est « prouver, c'est programmer ». Il y a isomorphisme entre les règles de déduction de la logique intuitionniste et les règles de typage du lambda-calcul. En conséquence, une preuve d'une proposition est assimilable à un (lambda-)terme de type .

Dès lors, la logique intuitionniste (couplée à la théorie des types) acquiert un statut prépondérant en logique et en informatique théorique, en faisant d'elle historiquement la première des logiques constructives. Ce résultat fondateur engendrera de multiples travaux dérivés[7] ; notamment son extension à la logique d'ordre supérieur qui nécessite l'emploi de types dépendants (le calcul des constructions, par exemple, est la base théorique du logiciel Coq qui est donc, à la fois, un assistant de preuves (constructives), et un outil de création de programmes certifiés[8]).

Syntaxe du langage de la logique intuitionniste

La syntaxe de la logique intuitionniste propositionnelle est la même que pour la logique propositionnelle classique. La syntaxe de la logique intuitionniste du premier ordre est la même que la syntaxe de la logique classique du premier ordre.

Syntaxe de la logique intuitionniste propositionnelle

Construction Lecture intuitive en logique classique Lecture intuitive en logique intuitionniste
est vraie est prouvable
est vraie ou est vraie est prouvable ou est prouvable
est vraie et est vraie est prouvable et est prouvable
Faux Faux
Si est vraie alors est vraie Si est prouvable alors est prouvable
(abréviation de ) est fausse est contradictoire

Syntaxe de la logique intuitionniste du premier ordre

Construction Lecture intuitive en logique classique Lecture intuitive en logique intuitionniste
il existe un élément tel que est vraie on peut construire un élément tel que est prouvable
pour tout élément , est vraie en prenant un élément quelconque , est prouvable

Non-interdéfinissabilité des opérateurs

La négation peut se définir à partir de l'implication : se définit comme . En logique propositionnelle classique, on peut définir la disjonction (le « ou ») à partir du « et » et de la négation grâce aux lois de Morgan. Par exemple, peut se définir comme un raccourci d'écriture pour . En logique propositionnelle intuitionniste, ce n'est plus le cas et chaque opérateur a une interprétation différente (cf. tableau ci-dessus)[9]. De même, on ne peut pas définir comme .

Règles de déduction naturelle

En logique intuitionniste, les connecteurs ne sont pas inter-définissables[10]. C'est pourquoi nous allons donner des règles pour chaque connecteur binaire, pour le connecteur unaire qu'est la négation et pour le symbole ⊥ représentant le faux ou absurde. Nous donnons une (ou des) règle(s) d'élimination et une (ou des) règle(s) d'introduction pour chaque connecteur, typique de la déduction naturelle classique. En déduction naturelle, se lit « de l'ensemble de propositions on déduit la proposition  ».

La logique implicative

La logique minimale implicative a pour seul connecteur l'implication . En déduction naturelle, ses règles, outre la règle axiome :

sont :

où la lettre désigne un ensemble fini de formules, et la notation désigne , où peut être ou non présent dans .

La règle s'appelle la règle d'élimination de l'implication. Elle se lit comme suit : si de l'ensemble d'hypothèses on déduit et si de plus de l'ensemble d'hypothèses on déduit alors de l'ensemble d'hypothèses on déduit . L'élimination de l'implication est aussi appelée modus ponens.

La règle s'appelle la règle d'introduction de l'implication. Elle se lit comme suit : si de l'ensemble d'hypothèses et de l'hypothèse on déduit alors de l'ensemble d'hypothèses on déduit ( peut appartenir ou ne pas appartenir à ).

La loi de Peirce ou la proposition , qui sont des tautologies de la logique classique, ne sont pas démontrables dans ce système de déduction. En lui ajoutant, par exemple la loi de Peirce, on obtient un système déductivement complet au sens de la logique classique pour les formules purement implicationnelles (voir Calcul propositionnel implicationnel (en)).

La logique propositionnelle intuitionniste

La logique intuitionniste comporte les règles de l'implication, de la logique minimale, plus les règles ci-dessous régissant les autres connecteurs.

L'absurde

Le faux ou absurde, ⊥, est un connecteur zéro-aire, c'est-à-dire qui n'a pas de proposition en argument, il est régi par la règle :

Cette règle est nommée principe d'explosion, ou en latin, ex falso quodlibet. Le principe d'explosion signifie que si un ensemble de propositions Γ conduit à l'absurde ⊥, alors de Γ, on peut déduire n'importe quelle proposition .

La négation

Traditionnellement, on considère la négation comme l'abréviation et on ne donne donc pas habituellement de règles correspondant à la négation. Cependant on pourrait en donner, pour simplifier des démonstrations et elles seraient :

Il est à noter que ces règles pour la négation intuitionnistes sont plus faibles que celles de la négation classique, car pour exemple on ne peut pas y déduire de .

La conjonction

Au connecteur (conjonction), on associe deux règles d'élimination, et , et une règle d'introduction.

se lit « A et B ».

La disjonction

Au connecteur (disjonction), on associe une règle d'élimination et deux règles d'introduction :

.

On remarque que la règle d'élimination de la disjonction est une règle tryadique : elle a trois prémisses.

Le calcul des prédicats intuitionniste

En plus des règles du calcul propositionnel intuitionniste, le calcul des prédicats intuitionniste contient de nouvelles règles d'introduction et d'élimination pour les quantificateurs « quel que soit » et « il existe ».

Remarque : Nous rappelons que A[t/x] signifie le remplacement de toutes les occurrences librement substituables de la variable x par le terme t ; voir calcul des prédicats pour les notions de « variable », « terme », « substitution » et de « librement substituable ».

Le quantificateur universel

Le quantificateur existentiel

Sémantique de la logique intuitionniste

Modèles de Kripke

Un modèle de Kripke pour la logique intuitionniste. Plus on avance dans le temps, plus on apprend des variables propositionnelles.

On peut donner une sémantique à la logique intuitionniste qui est une sémantique de Kripke[11]. Un modèle de Kripke est un graphe où :

  • les nœuds sont des mondes possibles. Selon Kripke, ces mondes représentent des contenus d'information fondés sur des preuves (evidential situations)[11]. Chaque monde est muni d'une valuation classique : intuitivement, pour chaque variable propositionnelle p, p est vraie dans un monde si on a assez d'information pour prouver p et p est fausse sinon ;
  • une relation d'accessibilité de préordre sur les mondes : une relation réflexive et transitive hiérarchise les mondes. Pour Kripke, un arc m → m' signifie que m' est dans le « futur »[11],[12] de m ;
  • la valuation est telle que si une variable propositionnelle p est vraie dans m et que m' est dans le « futur » de m, p est aussi vraie dans m' (on ne perd pas d'information et donc on peut toujours prouver p).

Pour dire qu'un monde satisfait une formule , on dit aussi que le monde force[11],[12] une formule . La relation forçage de (ou de réalisabilité) est définie par induction structurelle par :

  • le monde force une variable propositionnelle si est vraie dans le monde m ;
  • le monde force si force et force  ;
  • le monde force si force ou force  ;
  • le monde force si pour tout monde accessible depuis , si force alors force (certains auteurs appellent l'ensemble des mondes accessibles depuis un monde un cône[réf. nécessaire]).

Une formule est valide si pour tout monde de tout modèle , force .

Exemple

Un modèle de Kripke où le monde de gauche ne force pas le tiers-exclu et ne force pas la loi de Peirce .

Considérons le modèle de Kripke à droite. Il ne satisfait pas le tiers exclu . En effet, d'une part, le monde initial ne force pas (intuitivement, n'est pas prouvé car est fausse donc cela signifie que l'on n'a pas encore assez d'informations). D'autre part, le monde initial ne force pas n'est pas contradictoire car en fournissant un peu plus d'effort, on peut « gagner plus d'informations » et arriver dans le monde de droite et prouver . Le tiers-exclu n'est pas valide. Aussi :

  • (loi de Peirce) n'est pas valide : le monde de gauche du modèle de Kripke à droite ne force pas  ;
  • n'est pas valide.

Correction de la logique intuitionniste

La logique intuitionniste est correcte vis-à-vis des modèles de Kripke[13], c'est-à-dire que toute formule démontrable (par exemple avec les règles de déduction naturelle de la section précédente) est valide. On peut utiliser ce résultat pour montrer qu'une formule n'est pas démontrable en logique intuitionniste. Par exemple, comme le tiers-exclu ou la loi de Peirce ne sont pas valides, elles ne sont pas démontrables.

Complétude de la logique intuitionniste

Toute formule valide est démontrable[13]. La démonstration se fait de la façon suivante : si n'est pas démontrable alors on peut construire un contre-modèle (infini) de c'est-à-dire un modèle contenant un monde qui ne force pas .

Relations avec la logique classique

Exemples de différences avec la logique classique

Les opérations ne sont pas définies l’une par rapport à l’autre (voir plus loin), et ne sont définies qu’en elles-mêmes. Elles sont définies par l’interprétation qui doit en être faite. Pour cette raison, en plus des règles de calcul, sont données les interprétations qui doivent être faites des expressions de chaque opérateur[9].

Quelques validités

Le tableau suivant donne quelques validités de la logique intuitionniste.

Validités en logique intuitionniste Explications pour Explications pour
✔ Si A est prouvable, alors il est prouvé que A n'est pas contradictoire. ✗ Par exemple, il est prouvé que « il pleut » n'est pas contradictoire (on n'obtient pas de contradiction en supposant « il pleut »). Pourtant, « il pleut » n'est pas prouvable, sauf si on sort et qu'on se fait mouiller.
✔ Si A est contradictoire, alors une preuve que n’est pas contradictoire donne une contradiction. ✔ Si on a une preuve que n’est pas contradictoire donne une contradiction, alors A est contradictoire.
✔ Si A est contradictoire ou B est contradictoire, alors « A et B » est contradictoire. ✗ Par exemple, être grand et petit est contradictoire. Pourtant, être grand n'est pas contradictoire et être petit n'est pas contradictoire.
✔ Si on obtient une contradiction d'une preuve de A ou d'une preuve de B, alors A est contradictoire et B est contradictoire. ✔ Si A est contradictoire et B est contradictoire, alors d'une preuve de A ou d'une preuve de B, on obtient une contradiction.
✔ Si A est contradictoire ou alors B est prouvable, alors si j'ai une preuve de A (ce qui n'existe pas !), j'ai une preuve de B. ✗ Par exemple, je construis une preuve de « x>0 » qui utilise une preuve « x>1 ». Pourtant, « x>1 » n'est pas contradictoire et « x>0 » n'est pas prouvable.
✔ Si « il existe x tel que A(x) » est contradictoire, alors pour tout x, A(x) est contradictoire. ✔ Si pour tout x, A(x) est contradictoire, alors « il existe x tel que A(x) » est contradictoire.
✔ Si je peux construire un x tel que A(x) donne une contradiction, alors « pour tout x, A(x) » est contradictoire. ✗ Par exemple, « pour tout x, x est pauvre » est contradictoire (car je vois qu'il existe des richesses). Pourtant, je ne peux pas trouver un individu x (riche) tel que x est pauvre soit contradictoire.

En logique classique, les formules obtenues en remplaçant les implications par des équivalences sont des validités (le tableau contiendrait que des ✔).

Négation

On peut interpréter comme : « Il est démontré que est contradictoire ».

On dispose en logique intuitionniste du théorème suivant :

Cependant, on ne peut pas en conclure , car cette équivalence ne peut pas être prouvée en logique intuitionniste.

Double négation

On peut interpréter comme : « Il est démontré qu’il est contradictoire d’affirmer que est contradictoire », c'est-à-dire « Il est démontré que n’est pas contradictoire ». Mais on ne peut pas en déduire que «  est démontrable ».

Le théorème :

peut être démontré en logique intuitionniste. Mais la réciproque ne peut pas l'être. On n'a pas . L’expression peut s’interpréter comme « d'une démonstration de , on peut construire une démonstration de  ». Mais le fait que ne soit pas contradictoire n’est pas suffisant pour établir une démonstration de «  ».

À titre d'exemple, soit x un réel et la proposition x est rationnel. Démontrer , c'est donner deux entiers a et b tels que x = a/b. Si est contradictoire (et donc si on a ), c'est que x est non rationnel, ou irrationnel. Dire que l'on a , c'est dire que supposer x irrationnel conduit à une contradiction, et donc conclure que x n'est pas irrationnel. Mais ce n'est pas suffisant pour établir l'existence effective de deux entiers a et b tels que x = a/b. Ainsi, en logique intuitionniste, ne pas être irrationnel est une propriété différente et plus faible que celle d'être rationnel.

Conjonction

L'interprétation de est : on dispose d'une preuve de et d'une preuve de (comparable à ce qu’il en est en logique classique).

En logique intuitionniste, la proposition suivante est un théorème :

Mais contrairement à ce qu’il en serait en logique classique, n’est seulement qu’une conséquence de , la réciproque étant fausse. En effet, supposer que est contradictoire, est insuffisant en logique intuitionniste pour conclure si seul l'est ou seul ou s'ils le sont tous les deux. Par exemple, supposer qu'un nombre est à la fois rationnel et irrationnel est contradictoire, mais insuffisant pour conclure si ce nombre est irrationnel ou non.

Disjonction

L'interprétation de est : on a une preuve de ou une preuve de .

On dispose en logique intuitionniste du théorème suivant :

A et B s’excluent mutuellement et ne sont pas simultanément démontrables. Cette situation est comparable à ce qu’il en serait dans la logique classique de Boole et Karnaugh.

Par contre, le théorème suivant :

est valide en logique intuitionniste, mais pas sa réciproque. En effet, si x est un nombre réel, on sait que s'il est rationnel alors il n'est pas irrationnel, mais on n'est pas pour autant capable de conclure si ce nombre est irrationnel ou non.

Quantificateur existentiel

L'interprétation de est : nous pouvons créer un objet et prouver que . L'existence de x est ici effective ou constructive. Il ne s'agit pas d'une existence théorique d'un élément vérifiant .

On dispose du théorème suivant :

S’il n’existe pas de x qui vérifie A(x) alors pour tous les x on ne vérifie pas A(x), d’où l’équivalence (qui correspond à l’intuition et se formule naturellement). Cette propriété est comparable à ce qu’il en serait en logique classique.

Quantificateur universel

L'interprétation de est : on a une preuve que pour chaque x appartenant à l’ensemble spécifié, on peut prouver A(x) (comparable à ce qu’il en est en logique classique).

On dispose en logique intuitionniste du théorème suivant :

Mais contrairement à ce qu’il en serait en logique classique, la réciproque est fausse. En effet, cette réciproque exigerait que, en supposant contradictoire l'universalité de la propriété , on soit capable d'exhiber explicitement un objet x invalidant , ce qui est rarement possible.

On peut aussi dire que, en logique intuitionniste, l'affirmation de est l'affirmation de l'existence effective et constructible d'un objet x validant , alors que n'en est que l'existence théorique, exprimant seulement qu'il est contradictoire que soit universellement contradictoire. La logique classique ne fait aucune distinction entre ces deux existences, alors que la logique intuitionniste considère la deuxième comme plus faible que la première.

Tiers exclu

La proposition suivante

est un théorème de la logique classique, mais pas de la logique intuitionniste. Dans cette dernière, elle signifierait que nous pouvons prouver ou prouver , ce qui n'est pas toujours possible.

Par exemple, en arithmétique munie de la logique intuitionniste (dite arithmétique de Heyting), l’expression est valide, car pour tout couple d'entiers, on peut prouver qu'ils sont égaux, ou on peut prouver qu'ils sont différents. Il en est de même pour deux rationnels. Mais pour deux réels en analyse constructive, on ne dispose pas de méthode générale permettant de prouver que ou de prouver que . Cette situation correspond bien à ce qu'on rencontre en algorithmique, où l’égalité ou l’inégalité entre deux réels peut être non calculable, c'est-à-dire, non décidable.

Relations entre les règles

Pour mieux comprendre, on remarquera dans ce qui précède, que contrairement à ce qu’il en est dans la logique de Boole, la conjonction ne peut pas être reformulée en termes de disjonction et que le quantificateur existentiel ne peut pas être reformulé en termes de quantificateur universel  ; ceci en vertu du principe du constructivisme. Dit d’une autre manière et dans des termes peut-être plus proches de l’informatique : il n’est pas permis de réduire les contraintes d’une expression.

Les interprétations des expressions ne se font pas à l'aide de et , mais grâce aux concepts Prouvable et Contradictoire.

Plongement de la logique classique dans la logique intuitionniste

Kurt Gödel a proposé une traduction de la logique classique dans la logique intuitionniste : la « non-non traduction (en) », qui rend démontrable en logique intuitionniste toute formule démontrable en logique classique. Ainsi, en ce sens précis, la logique intuitionniste ne démontre pas moins que la logique classique.

De manière plus économe que la saturation des formules et sous-formules par des doubles négations, Gödel a remarqué que si on considère une fonction de l'ensemble des formules dans l'ensemble des formules définie par :

  1. , pour une formule atomique différente de ⊥
  2.  ;

et sont des formules quelconques et est une formule ayant comme paramètre ;

alors on a le théorème suivant :

  • .

est la déduction classique et est la déduction intuitionniste.

Traduction en logique modale classique

La logique intuitionniste peut être traduite dans la logique modale classique S4[14] munie d'une modalité . La construction se lit «  est prouvable »[15]. La traduction est définie par :

pour toute variable propositionnelle  ;
 ;
 ;
 ;
.

Une formule est valide en logique intuitionniste si et seulement si est valide dans la logique modale S4 classique (c'est-à-dire valide sur les modèles de Kripke réflexifs et transitifs).

Complexité algorithmique des problèmes de décision en logique intuitionniste

Le problème de la décision de la satisfiabilité et le problème de la décision de la validité en logique propositionnelle intuitionniste sont PSPACE-complets[16]. D'ailleurs, ils demeurent PSPACE-complets même si on restreint les formules à deux variables[17].

Références

  1. Le caractèe non démontré de l'irrationalité de la constante d'Euler-Mascheroni est rappelé dans la conjecture 1.0.1 de (en) Jeffrey Lagarias, Euler's constant: Euler's work and modern developments, 98 pages, 258 références. (2013) [lire en ligne] [PDF]
  2. (en) Stanford Encyclopedia of Philosophy, « Intuitionistic Logic » par Joan Moschovakis.
  3. (en) Brouwer–Hilbert controversy
  4. Glivenko, V., 1928, « Sur la logique de M. Brouwer », Académie Royale de Belgique, Bulletin de la classe des sciences, 14: 225–228.
  5. Kurt Godel, Collected Works, Vol. III, Oxford: Oxford University Press (1995).
  6. Andreï Kolmogorov, « On the principle of the excluded middle » (1925) in Jean van Heijenoort, 1967. A Source Book in Mathematical Logic, 1879–1931. Harvard Univ. Press : 414–37.
  7. Les Métamorphoses du calcul. Une étonnante histoire de mathématiques, Paris, Édition Le Pommier, coll. « Essais », , 223 p. (ISBN 978-2-7465-0324-3)
  8. Il faut comprendre par là, que lorsque le programmeur construit une fonction dont il aura spécifié le type des arguments et du résultat, il s'astreint à respecter cette spécification puisqu'il doit fournir un objet correctement typé. Les types dépendants offrent une typage plus puissant que la plupart des langages, et permettent la spécification complète d'un programme.
  9. Joseph Vidal-Rosset, « Intuitionnisme », Université de Nancy 2, (sur l’interprétation des expressions et la philosophie).
  10. Sauf la négation ci-dessous qui peut se définit via le faux et l'implication. Autrement dit, on ne peut pas définir, comme en logique classique, tous les connecteurs à partir d'un unique connecteur binaire comme la barre de Sheffer ou deux connecteurs comme la négation et l'implication.
  11. Saul A. Kripke, Semantical Analysis of Intuitionistic Logic I, Elsevier, coll. « Formal Systems and Recursive Functions », (lire en ligne), p. 92–130.
  12. R. David, K. Nour, C. Raffalli, Introduction à la logique : Théorie de la démonstration : Cours et exercices corrigés, Dunod, , p. 159 « L'ordre sur le temps ».
  13. Structure and Logic, Springer Universitext, 1980. (ISBN 3-540-20879-8).
  14. Michel Lévy, « Traduction de la logique intuitioniste en logique modele », sur LIG, .
  15. (en) Juliette Kennedy, « Kurt Gödel, 2.5.3 Intuitionistic Propositional Logic is Interpretable in S4 », sur stanford.edu,
  16. (en) Richard Statman, « Intuitionistic propositional logic is polynomial-space complete », Theoretical Computer Science, vol. 9, , p. 67–72 (DOI 10.1016/0304-3975(79)90006-9, lire en ligne, consulté le ).
  17. (en) M. Rybakov, « Complexity of intuitionistic and Visser's basic and formal logics in finitely many variables », Proceedings of Advances in Modal logic, .

Annexes

Ouvrages

Liens externes

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