Linus Torvalds

Linus Benedict Torvalds, né le à Helsinki en Finlande, est un informaticien américano-finlandais[1],[2].

Il est notamment connu pour avoir créé en 1991 (à 21 ans) le noyau Linux, dont il continue de diriger le développement, étant considéré comme le « dictateur bienveillant à vie » (Benevolent Dictator for Life) de celui-ci. Il a également créé le logiciel de gestion de versions décentralisée Git et le logiciel d'enregistrement et de planification des plongées Subsurface (en).

En 2012, il a été honoré avec Shinya Yamanaka du prix Millennium Technology, décerné par la Technology Academy Finland (en) « en reconnaissance pour sa création d'un nouveau système d'exploitation open source pour les ordinateurs ayant conduit au noyau Linux, largement utilisé[3] ». Il est également lauréat en 2014 du Computer Pioneer Award, décerné par l'IEEE Computer Society[4].

Biographie

Jeunesse

Linus Torvalds fait partie de la communauté des Finlandais suédophones (Finlandssvensk), une population représentant 6 % des habitants de la Finlande. Son père, Nils Torvalds, est journaliste de télévision et de radio et aussi membre actif du Parti populaire suédois (le parti des suédophones finlandais), élu député européen en 2012. Sa mère, Anna, est également journaliste[5],[6], et il compte parmi ses grands-parents le statisticien Leo Törnqvist[7] et le poète Ole Torvalds[8].

Le prénom de Linus lui vient de Linus Pauling, chimiste américain récipiendaire du prix Nobel, mais Torvalds lui-même explique qu’il « pense avoir aussi été nommé d’après Linus, le personnage des Peanuts », ce qui le rend « à moitié chimiste nobélisé et à moitié personnage de BD portant une couverture »[9].

Il découvre l'informatique vers l’âge de 11 ans grâce à l'ordinateur de son grand-père, un Commodore VIC-20[10].

Un Commodore VIC-20.

Études

Torvalds étudie à l’université d’Helsinki entre 1988 et 1996[11], où il obtient un diplôme de master en informatique, auprès du groupe de recherche NODES. Sa carrière académique connaît une interruption lorsqu’il part effectuer son service militaire (obligatoire en Finlande). Il rejoint la brigade d’Uusimaa de l’armée finlandaise à l’été 1989, et sert onze mois, au rang de sous-lieutenant, chargé des calculs balistiques[12].

En reprenant ses études en 1990, il est amené à travailler avec un ordinateur DEC MicroVax sous Ultrix, ce qui constitue ses premiers contacts avec Unix[13]. Après le Commodore VIC-20, il utilise un ordinateur Sinclair QL, dont il modifie le système d’exploitation ; il écrit un éditeur, un assembleur[14], et quelques jeux[15] (ainsi que des bibliothèques graphiques pour Pac-Man)[14].

Inspiré par le système Minix développé par Andrew S. Tanenbaum, il développe un noyau de système d'exploitation pour tirer pleinement parti des fonctionnalités de son nouvel ordinateur personnel, un compatible PC doté d'un microprocesseur Intel 80386[16]. Ce noyau est celui du système d'exploitation GNU/Linux, sous licence GPL, et constitue sa thèse de master, intitulée Linux: A Portable Operating System[17].

Carrière

Après avoir quitté l'Université d'Helsinki, il travaille de à chez Transmeta, une société de la Silicon Valley qui fabrique des microprocesseurs à faible consommation électrique. Chez Transmeta, il était autorisé à consacrer une partie de son temps au développement du noyau Linux.

Il entre en 2003 aux Open Source Development Labs (intégrés en 2007 à la Fondation Linux) et s'installe à Beaverton dans l'Oregon (États-Unis)[18] avec sa famille.

Depuis, il se consacre principalement à diriger l'équipe de développement du noyau de Linux, en tant que « Dictateur bienveillant ». Son comportement notoirement intransigeant, franc et direct, s'il est évoqué comme une raison de la qualité du projet, le conduit toutefois à faire des excuses publiques et faire une pause en 2018[19].

Contrairement à la majorité des adeptes du logiciel libre, Linus Torvalds reste relativement discret et refuse généralement de commenter les avantages et inconvénients des autres systèmes d'exploitation, comme le système Windows de Microsoft. Il réagit en revanche avec vigueur lorsque l'on remet en cause les qualités techniques du noyau Linux. Sa discussion houleuse avec Andrew S. Tanenbaum, opposant les noyaux Minix et Linux sur un choix de conception central (micro-noyau contre noyau monolithique), est d'ailleurs restée un exemple célèbre[20].

Il a également créé en [21] le logiciel de gestion de versions Git, initialement prévu pour le développement du noyau Linux.

En , évoquant lors d'une intervention à la LinuxCon (en) le développement du noyau Linux, il déclare : « Nous n'avons certainement pas le noyau léger et hyper efficace envisagé lorsque j'ai commencé à développer le noyau Linux »[22].

En 2017, lors de l'Open Source Leadership Summit organisé par Jim Zemlin, le dirigeant de la Fondation Linux, il affirme que « Les discours sur l’innovation de l’industrie sont des conneries [bullshit] […] n’importe qui peut innover, "penser différemment", c’est vide de sens. 99 % de l’innovation provient du travail réalisé […] Tout ce tapage est loin du travail réel. Ce dernier se mesure dans les détails […] les projets qui réussissent, c’est 99 % de transpiration et 1 % d’innovation »[23].

Vie personnelle

Linus Torvalds en décembre 2002.

Linus Torvalds est marié à Tove Torvalds (née Monni), sextuple championne nationale finlandaise de karaté, qu'il a rencontrée pour la première fois à l'automne 1993. Linus faisait des exercices préliminaires en laboratoire informatique pour les étudiants et demandait aux participants du cours de lui envoyer un courriel comme test, auquel Tove répondit par un courriel demandant un rendez-vous[24].

Tove et Linus se marient plus tard et ont trois filles, Patricia Miranda (née en 1996), Daniela Yolanda (née en 1998) et Céleste Amanda (née en 2000)[25], dont deux sont nées aux États-Unis[2]. L'appel système de redémarrage du noyau Linux accepte leurs dates de naissance (écrites en hexadécimal) comme des valeurs magiques.

En , il obtient la nationalité américaine[1],[26].

Travail sur le noyau Linux

Débuts du développement

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Le développement du noyau Linux trouve son origine au début des années 1990. Linus Torvalds est alors étudiant à l'université d'Helsinki, et par pur plaisir, s'est procuré une machine dotée d'un processeur Intel 80386[16], l'un des premiers à avoir un jeu d'instruction 32 bits accessible au grand public. Il a acquis la documentation relative à ce processeur et le système d'exploitation Minix avec le livre d'Andrew Tanenbaum sur les systèmes d'exploitation pour profiter des performances de sa machine et acquérir de nouvelles compétences sur les systèmes Unix. Cependant, Linus Torvalds trouvait l'émulateur de terminal de Minix trop rudimentaire, comme d'autres choses dans ce système. Il décida donc d'écrire un émulateur de terminal, notamment pour accéder aux machines de l'université.

Cet émulateur de terminal prend de l'importance et commence peu à peu à remplacer Minix au sein de son ordinateur. Cependant, à la suite d'une erreur de manipulation, il détruisit la partition contenant Minix et prit la décision de tout continuer sur cet émulateur de terminal. Au bout de quelques mois, ce logiciel devint un véritable noyau de système d'exploitation. Il décida de l'appeler Freax : freak pour sa bizarrerie et x pour Unix. Il diffusa le code de son travail à quelques privilégiés au début, dont Ari Lemmke, qui lui ouvrit un compte FTP sur le site de l'université pour diffuser quand il voudrait son travail. Cependant, ce dossier de stockage fut nommé « Linux » et ce nom a été conservé depuis[27].

Torvalds publie les premiers prototypes de Linux en 1991[9], et diffuse le un message sur Usenet, désormais célèbre, annonçant la naissance d'un OS de sa part et qu'il souhaitait à terme des contributions[28]. À la diffusion quelques semaines plus tard, le noyau Linux n'était pas un logiciel libre, juste un logiciel dont Linus Torvalds permettait la distribution gratuite et le report de bogues. Ce n'est que quelques années plus tard que Linus Torvalds rendit Linux libre, quand il sentit que la popularité du noyau Linux le rendait indissociable de son créateur et qu'il ne courrait pas le risque de « perdre » son bébé. Les rapports de bogues donnèrent à Linus une raison de poursuivre le développement du noyau Linux jusqu'à aujourd'hui car il aime les énigmes posées par le développement logiciel.

Mais au début du développement, il monopolisait la partie de USENET dédiée à Minix, ce qui irrita son concepteur Andrew S. Tanenbaum, d'autant qu'il trouvait le noyau Linux techniquement obsolète. En effet, ce professeur de l'université d'Amsterdam était spécialisé dans la conception de systèmes d'exploitation. Minix était prévu pour permettre à un étudiant de comprendre rapidement son fonctionnement, et pour Tanenbaum, les noyaux des systèmes d'exploitation devaient être du type micro-noyau, à l'opposé du noyau dit monolithique autour duquel fut développé Linux à l'origine. Ce débat technique a donné lieu à de nombreuses réponses houleuses des deux créateurs et est resté célèbre.

À la suite d'un dépôt de nom par un particulier, qui menaça les entreprises utilisant le nom de Linux de reverser des royalties. Un accord à l'amiable fut trouvé, dont Linus dit ignorer les détails, et déclare que même s'il les connaissait il ne pourrait pas légalement les révéler. Soucieuse d'éviter qu'une telle mésaventure ne se reproduise, la communauté Linux se tourna vers son créateur d'origine afin qu'il endosse lui-même la responsabilité légale du nom du système d'exploitation [6]. En 1996, la communauté voulait une mascotte pour identifier Linux. Après des semaines de réflexion, Linus proposa un concours de dessin mettant en scène un manchot[29] car c'est un animal qu'il appréciait et qui était vif et robuste[30] (expérience qu'il a faite après avoir été mordu par un manchot dans un zoo en Australie). Le vainqueur fut Larry Ewing qui a fait le dessin à l'aide du logiciel libre GIMP. Le manchot prit le nom de Tux. Tux fut remplacé une seule fois pour le noyau 2.6.29 par Tuz qui est un diable de Tasmanie en guise de soutien financier (lié à une campagne de dons) pour sauver ces animaux d'une épidémie.

Essor de GNU/Linux

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Au milieu des années 1990, la popularité de Linux fut exponentielle parmi les hackers. Les batailles juridiques entre BSD et AT&T et les retards de HURD ont fait de Linux le noyau libre le plus connu et le plus utilisé. Par la même occasion, le succès inattendu de Linux rendit Linus célèbre dans le mouvement des logiciels libres. Ce fut l'une des preuves de la réussite de ce mouvement. Pourtant, contrairement à Richard Stallman, Linus ne met pas en avant les bénéfices "politiques" (en termes de liberté) du logiciel libre, mais les avantages pratiques de cette liberté, à savoir la communauté de développeurs pour produire le meilleur logiciel possible, cela rendant les dialogues avec Richard Stallman très difficiles car ils ne voient pas les choses sous le même angle. Cependant, en 1998, le terme OpenSource popularisé par Eric Raymond convint parfaitement à Linus. La libération du code de Netscape pour donner Mozilla, le support de GNU/Linux par IBM et Oracle, et l'introduction en bourse des entreprises vendant du support pour GNU/Linux en pleine bulle Internet firent de Linus un millionnaire potentiel mais aussi un véritable gourou pour un nouveau système économique et un adversaire des entreprises comme Microsoft. Il fit ainsi la une des journaux économiques comme Forbes.

Durant cette période  en 1997  il déménagea de son pays natal vers la Californie dans la Silicon Valley pour prendre un emploi chez Transmeta. Peu avant le déménagement, il finit ses études à l'université d'Helsinki à l'aide de sa thèse de master qu'il a écrite rapidement concernant la portabilité de Linux. Ce changement d'employeur à savoir d'une université à une entreprise dont on ignorait à l'époque les projets faisait planer le doute sur l'avenir du développement de Linux au sein de la communauté et sur le rapport de Linus avec l'argent. Il refusa les postes des entreprises développant Linux comme Red Hat pour ne pas favoriser le développement de certaines technologies dans le noyau ou une distribution par rapport à d'autres. En , il rejoignit la Linux Fondation pour se consacrer à Linux à plein temps.

Longtemps contre l'utilisation de logiciel de gestion de version, il utilisa en 2002, pour Linux, le logiciel BitKeeper, qui est propriétaire. La communauté, par exemple Richard Stallman ou Alan Cox pour les plus emblématiques, réagit négativement car cela remettait en cause l'éthique du logiciel libre au sein du projet. En 2005, la société qui fournissait BitKeeper ayant retiré la version gratuite, Linus fut forcé de développer un logiciel maison  Git  pour le remplacer rapidement et l'adapter aux besoins du projet.

Publications

  • Linus Torvalds, David Diamond : Just for Fun: The Story of an Accidental Revolutionary, New York, HarperBusiness, 2001, (ISBN 978-0-06-662072-5). Ce livre a été traduit en français :
    • Linus Torvalds avec David Diamond : Il était une fois Linux : L'extraordinaire histoire d'une révolution accidentelle, OEM, 2001, (ISBN 978-2-7464-0321-5).
  • Linus Torvalds, David Diamond : Linux, c'est gratuit ! Mais aidez-moi à l'installer, 2010, (ISBN 978-2-211-09589-1)

Distinctions

Notes et références

  1. Antoine Duvauchelle, « Linus Torvalds devient citoyen américain », sur Clubic.com, .
  2. (en) Mike Rogoway, « Linus Torvalds, already an Oregonian, now a U.S. citizen », sur Oregon Live, .
  3. (en) « Stem cell pioneer and open source software engineer are 2012 Millennium Technology Prize laureates », sur technologyacademy.fi (lien archivé) (consulté le ).
  4. (en) « Linus Torvalds Named Recipient of the 2014 IEEE Computer Society Computer Pioneer Award », sur IEEE Computer Society (consulté le ).
  5. Il était une fois Linux, Linus Torvalds, Osman Eyrolles Mulmtimedia, 2001, page 38.
  6. Linus Torvalds, Just for fun : the story of an accidental revolutionary, HarperBusiness, (ISBN 0-06-662072-4, OCLC 45610395, lire en ligne).
  7. (en) Maury Peiperl, Michael Bernard Arthur et N. Anand, Career Creativity : Explorations in the Remaking of Work, Oxford University Press, , 351 p. (ISBN 978-0-19-924872-8, lire en ligne)
  8. (en) Mohammad Bahareth, Kings of the Internet : What You Don't Know About Them ?, iUniverse, , 228 p. (ISBN 978-1-4697-9842-4, lire en ligne)
  9. (en) Moody Glyn., Rebel code : the inside story of Linux and the open source revolution, Perseus Pub, (ISBN 0-7382-0670-9, OCLC 45771410, lire en ligne), p. 336
  10. Il était une fois Linux, Linus Torvalds, Osman Eyrolles Mulmtimedia, 2001, page 29.
  11. Torvalds et Diamond 2001, p. 38, 94
  12. Torvalds et Diamond 2001, p. 29
  13. Torvalds et Diamond 2001, p. 53
  14. (en) Ellen Ko, « Geek Time with Linus Torvalds », sur Google Open Source Blog, (consulté le )
  15. Torvalds et Diamond 2001, p. 41-16
  16. (en) « Linux News », (consulté le )
  17. « Staff | The Linux Foundation » (version du 19 avril 2009 sur l'Internet Archive),
  18. « Linus Torvalds, Incognito Inventor | OregonLive.com », archive.is, (lire en ligne[archive du ], consulté le )
  19. « Linux : Linus Torvalds fait une pause pour corriger son attitude », sur zdnet.fr, (consulté le ).
  20. (en) « Linux is obsolete », Andrew S. Tanenbaum, groups.google.com, 29 janvier 1992.
  21. « Index of /pub/software/scm/git/ », sur www.kernel.org (consulté le ).
  22. « Torvalds : « Linux est devenu énorme et effrayant » », Clubic.com, 22 septembre 2009.
  23. « Linus Torvalds remballe les discours sur l’innovation », Jacques Cheminat, Silicon.fr, 17 février 2017.
  24. (en) Moody Glyn, Rebel code : the inside story of Linux and the open source revolution, Perseus Books Group, (ISBN 0-7382-0670-9), p. 336.
  25. (en) « Linus Torvalds », sur nndb.com (consulté le ).
  26. (en) « Linus Torvalds, already an Oregonian, now a U.S. citizen », sur oregaonlive.com,
  27. (en) « The Greatest OS That (N)ever Was », Wired.com, (lire en ligne)
  28. (en) « Annonce sur comp.os.minix (Usenet) », sur groups.google.com, (consulté le )
  29. « Linux-Kernel Archive: Re: Linux Logo prototype. », archive.is, (lire en ligne[archive du ], consulté le )
  30. « Linux Online - Why Linus Chose a Penguin » (version du 13 janvier 2007 sur l'Internet Archive),
  31. « Linus Torvalds reçoit le prix Millennium Technology pour Linux », Alexandre Salque, 01net.com, 15 juin 2012.

Annexes

Articles connexes

Liens externes


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