Libanios

Libanios (en grec ancien Λιϐάνιος / Libánios et Libanius pour les latinophones) est un rhéteur syrien[1] de culture grecque de l'Antiquité tardive (314-393).

Biographie

Libanios est né en 314 à Antioche de Syrie, métropole de l'Orient pendant l'Antiquité tardive. Il est issu d’une famille curiale plutôt appauvrie. Il perd son père vers l’âge de onze ans et devient orphelin. Sa mère et ses deux oncles Panolbios et Phasganiois veillent sur sa jeunesse studieuse[2]. À l'âge de quatorze ans, il décide de vouer sa vie à l'étude et à la pratique de la littérature et de l'art oratoire. Rejetant l'enseignement de Zenobios d'Elusa (auquel il devait succéder comme sophiste d'Antioche après 354) parce qu'il le trouve de piètre qualité, il suit un parcours d'études atypique en se formant par lui-même tout en continuant de travailler chez un bon grammairien qui pourrait être Didymus Chalcenterus[3], puis va étudier à Athènes entre 336 et 340[4].

En 340, Nicoklès, un grammatiste de Sparte, lui offre un poste de professeur (sophiste) à Constantinople, mais il manque l'occasion d'obtenir ce poste et doit s'installer à son compte. Professeur libre, il est entretenu uniquement par ses élèves (jusqu'au nombre de quatre-vingts). Mais grâce à sa renommée grandissante, l'empereur décide de le garder à Constantinople par une nomination à un titre surnuméraire. Néanmoins ses rivaux profitent des émeutes entre ariens et nicéens et de la répression de 342 pour le chasser de la ville. Après un bref passage par Nicée, Libanios se réfugie alors à Nicomédie, de l'autre côté des détroits, où il devient un personnage célèbre par son art de la rhétorique. C'est une période heureuse pour lui et très productive. C'est à cette même époque qu'il aurait pu avoir dans son auditoire Basile de Césarée et que le futur empereur Julien se fit passer clandestinement ses cours. Rappelé à Constantinople par l'empereur Constance II vers 347/348, il s'y déplaît et finit par rentrer dans sa ville natale d'Antioche en 354, d'où il ne semble guère avoir bougé jusqu'à sa mort.

Peu après son retour, il prend une concubine d’origine servile avec laquelle, il a un fils Arabios (rebaptisé Cimon). Il acquiert rapidement une grande réputation de rhéteur dans la ville. De plus, il développe de très bons contacts avec les dirigeants municipaux ainsi qu'avec les fonctionnaires de la cour de l'empereur Constance II. L'empereur suivant, Julien, pour préparer une expédition contre la Perse, installe un temps son palais à Antioche. À cause de son paganisme affiché et de sa rigueur morale, il entre en conflit avec la population de la ville. Ce qui n'est pas pour déplaire à Libanios qui entretient avec ce dernier une relation amicale[5]. La mort de l'empereur, à la suite de la bataille de Ctésiphon, a la double conséquence d'affecter personnellement Libianos et d'éloigner pour toujours l'idée d'un retour à l'empire païen d'Auguste, Trajan et Marc Aurèle[6]. C'est vers cette époque qu'il dut avoir pour élève le futur évêque Amphiloque d'Iconium ; les auteurs chrétiens ultérieurs lui ajoutent Jean Chrysostome vers cette époque.

L'époque qui suit la mort de Julien, est plus difficile pour Libanios. La tentative de Coup d'État mené par Procope contre le nouvel empereur Valens vers 365, à laquelle bon nombre de cités de Syrie se sont associées, et surtout la conspiration menée par Théodore d'Antioche alors que Valens venait d'y établir sa capitale dans le cadre d'opérations militaires (371/372) ont entraîné des représailles sévères à l'égard des cités d'Orient et la persécution de beaucoup d'intellectuels païens. Même si, en raison de l'influence qu'il conserva à la cour, il ne fut pas directement touché par les persécutions, cette affaire le marqua, bien que ses écrits ne manifestent pas d'hostilité particulière à l'égard de cet empereur.

Après la catastrophe de la bataille d'Andrinople et la mort de Valens en 378, Libanios put de nouveau obtenir les faveurs de la cour de Théodose Ier. Il interpelle ce dernier en faveur des sanctuaires paiens[7] et pour dénoncer divers abus des puissants. Vers 383/384, il reçoit le titre de questeur honoraire. La date de sa mort reste l’objet de discussion ; sans doute entre 393 et 394. Bien qu'il fût païen et grand admirateur et ami de l'empereur Julien, les auteurs chrétiens du siècle suivant (Socrate de Constantinople, Sozomène) lui ont attribué pour élèves Jean Chrysostome, Basile le Grand, Grégoire de Naziance et Grégoire de Nysse.

Libanios, le rhéteur, le sophiste

Libanios exerce le métier de professeur, dispensateur de la Paideia et de la tradition culturelle grecque classique ; seule culture noble à ses yeux. En particulier face à la perte d'importance de cette tradition dans la romanité, surtout dans l'empire occidental où la latinité s'affirme tant avec le christianisme et l'église.

« La Grèce vaincue, a conquis à son tour, son sauvage vainqueur et a apporté la civilisation au barbare latin. »

 Horace

Pour Libanios l'éloquence rhétorique n'est pas qu'une profession où il veut exceller, c'est un art de vivre, un élément fondamental de l'homme bien fait[8]. En cela, il s'inscrit dans la tradition isocratique, cette tradition pédagogique de la rhétorique où « l'art oratoire apprend à bien penser, à bien agir en même temps qu'à bien écrire » (Isocrate)[9]. De la même manière, on peut aussi y trouver les racines de sa pensée réactionnaire et de son « nationalisme » hellénique :

« Nous appelons grecs ceux qui ont en commun avec nous la culture, plutôt que ceux qui ont le même sang. »

 Isocrate

Conscient de l'évolution de son siècle, il combat tous les adversaires à ses yeux de la culture grecque et de ses traditions païennes comme les empereurs Constantin et surtout Constance II, auteur d'une politique de répression contre le paganisme. Et soutient les hommes favorables à la réaction païenne tel l'empereur Julien[10].

Il combat aussi l'évolution centralisatrice du pouvoir et l'interventionnisme croissant des empereurs dans la cité en ce IVe siècle, qui s'opposent à l'idéal libéral de la civilisation hellénique.

Œuvre

Il est l'auteur d'une œuvre immense, qui fit l'admiration de ses contemporains et qui servit de modèle pendant toute l'histoire de Byzance. Sa notoriété fut grande aussi en Europe pendant la Renaissance. Après une période de mise en réserve ou de défaveur, il fait de plus en plus parler de lui à la fin du XXe siècle et au début du XXIe.

Son œuvre est l’une des plus importantes que l’Antiquité nous ait transmises. Cela représente 11 volumes dans l'édition de Richard Forster[11] :

  • une soixantaine de discours sur des thèmes tels que l’art oratoire, la justice ou les problèmes relatifs à la vie des écoles et des grandes cités d’orients. On peut citer :
    • Autobiographie, en deux parties écrites entre 374 et 392
    • Le panégyrique de Constance II (Basilikos logos) (346)
    • L'éloge d'Antioche (356) (Antiochikos)
    • Discours de bienvenue à Julien (Prosphonétikos) (362)
    • Aux Antiochiens sur la colère de l'Empereur (363)
    • L'éloge funèbre de Julien (Epitaphios logos) (365)
    • Pour les sanctuaires (Pro templis) (386)
  • 51 déclamations portant essentiellement sur des sujets historiques et mythologiques
  • plus de mille cinq cents lettres adressées aux empereurs, aux préfets, à des rhéteurs, des philosophes ou des évêques.

Notes et références

  1. (en) Edward Gibbon, The History of the Decline and Fall of the Roman Empire, Claxton, Remsen & Haffelfinger, (lire en ligne)
  2. Libanios, Autobiographie, I, 5
  3. Libanios, Autobiographie, I, 8
  4. Libanios, Autobiographie, I, 25
  5. Libanios, Aux Antiochiens sur la colère de l'Empereur (363)
  6. Libanios, L'éloge funèbre de Julien (Epitaphios logos)
  7. Libanios, Pour les sanctuaires (Pro templis) (386)
  8. Libanios, Autobiographie, I, 38
  9. Libanios, Discours, tome 1. autobiographie, discours, trad. J. Martin & P. Petit, Les Belles Lettres, 1979.
  10. Libanios, L'Éloge funèbre de Julien (365).
  11. R. Foerster: Libanii opera 12 Bände, Leipzig 1903–1927. Grundlegende Textausgabe für die Beschäftigung mit Libanios

Bibliographie

Sources primaires

  • R. Foerster: Libanii opera 12 Bände, Leipzig 1903–1927. Grundlegende Textausgabe für die Beschäftigung mit Libanios
  • Libanios, Discours, tome 1. autobiographie, discours, éd. et trad. J.Martin & P. Petit, Les Belles Lettres, 1979; tome 2. discours 2-10, éd. et trad. J. Martin, Les Belles Lettres, 1988 ; tome 4. discours 59, éd. et trad. P.-L. Malosse, Les Belles Lettres, 2003.
  • Libanios, Lettres aux hommes de son temps, textes choisis, traduits et commentés par B. Cabouret, Les Belles Lettres, 2000

Bibliographie secondaire

  • Jacques Cazeaux, Les échos de la sophistique autour de Libanios ou Le style "simple" dans un traité de Basile de Césarée, Paris, Belles lettres, , 126 p. (ISBN 978-2-251-32589-7, OCLC 408355809).
  • Pascal Célérier, L’ombre de l’empereur Julien : Le destin des écrits de Julien chez les auteurs païens et chrétiens du IVe au VIe siècle, Paris, Presses universitaires de Paris, , 527 p. (ISBN 978-2-84016-132-5). (contient un long chapitre sur Libanios)
  • Panagiotis N. Doukellis, Libanios et la terre : discours et idéologie politique, Institut français du Proche-Orient, , 280 p. (ISBN 978-2-7053-0561-1).
  • André-Jean Festugière, Antioche païenne et chrétienne : Libanius, Chrysostome et les moines de Syrie, E. de Boccard, , 540 p..
  • Libanius : discours sur les patronages, texte traduit, annoté et commenté par Louis Harmand, Presses universitaires de France, Paris, 1955, 216 p.
  • Libanios Discours. Tome IV : Discours LIX. Texte établi et traduit par Pierre-Louis Malosse. Paris, Les Belles Lettres, Collection Guillaume Budé, 2003, 431 p.
  • Odile Lagacherie et Pierre-Louis Malosse, Libanios, le premier humaniste. Études en hommage à Bernard Schouler (Actes du colloque de Montpellier, 18-). Alessandria, Edizioni dell’Orso, 2011, 256 p.
  • (en) Margaret E. Molloy, Libanius and the Dancers, Hildesheim, Olms-Weidmann, , 340 p. (ISBN 978-3-487-10220-7)
  • Émile Monnier, Histoire de Libanius : 1re partie. Examen critique de ses mémoires depuis l'époque de sa naissance jusqu'à l'année 355 après J. C., Paris, Ch. Lahure, , 176 p. (OCLC 249183993, lire en ligne)
  • Paul Petit, Libanius et la vie municipale à Antioche au IVe siècle après J.-C., Beyrouth, Presses de l’Ifpo, , 446 p. (ISBN 978-2-35159-484-1, lire en ligne).
  • Paul Petit, Les étudiants de Libanius : Un professeur de faculté et ses élèves au Bas-Empire, Paris, Nouvelles Éditions Latines, , 206 p. (ISBN 978-2-7233-1143-4).
  • Paul Petit, Les fonctionnaires dans l'œuvre de Libanius : analyse prosopographique, Presses Univ. Franche-Comté, , 286 p. (ISBN 978-2-251-60541-8, lire en ligne).
  • Bernard Schouler, La tradition hellénique chez Libanios, Belles Lettres, , 1021 p. (ISBN 978-2-251-32625-2).

Voir aussi

Liens externes

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