Le Sceptre d'Ottokar

Le Sceptre d'Ottokar est le huitième album de la série de bande dessinée Les Aventures de Tintin, créée par le dessinateur belge Hergé. L'histoire est d'abord pré-publiée en noir et blanc du au dans les pages du Petit Vingtième, supplément hebdomadaire du journal Le Vingtième Siècle, avant d'être éditée en album aux éditions Casterman. La première version en couleur du récit, pour laquelle Hergé reçoit la collaboration d'Edgar P. Jacobs pour la colorisation et les décors, parait en 1947. Cette aventure est également la première de la série à paraître au Royaume-Uni, en Allemagne, en Espagne et en Italie.

Pour les articles homonymes, voir Ottokar.

Le Sceptre d'Ottokar
8e album de la série Les Aventures de Tintin

Titre en couverture de l'édition originale et des rééditions de Le Sceptre d'Ottokar.

Auteur Hergé
Genre(s) Franco-Belge
Aventure

Personnages principaux Tintin
Milou
Dupond et Dupont
Bianca Castafiore
Lieu de l’action Syldavie
Bordurie

Langue originale Français
Éditeur Casterman
Première publication 1939 (noir et blanc)
1947 (couleur)
Nb. de pages 108 (noir et blanc)
62 (couleur)

Prépublication Le Petit Vingtième
Albums de la série

Comme il l'avait fait pour L'Oreille cassée, Hergé crée un pays imaginaire pour en faire le théâtre de son intrigue : la Syldavie, petite monarchie de la péninsule balkanique, est menacée d'annexion par la Bordurie voisine, elle aussi fictive. Découvrant le complot qui se trame, Tintin cherche à en avertir le roi, avant de partir à la recherche de son sceptre qui a été volé et sans lequel il ne peut régner.

Le contexte géopolitique européen de la fin des années 1930 influence fortement la création du Sceptre d'Ottokar, considéré comme l'album le plus politique de la collection. Le récit, dont les premières planches paraissent quelques mois seulement après l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne nazie, dénonce la montée des totalitarismes en Europe, mais il est également présenté comme une défense de la monarchie constitutionnelle belge, elle aussi menacée au tournant de la Seconde Guerre mondiale. Outre son inscription dans l'Histoire, l'album développe un certain nombre de thèmes philosophiques, comme la question de la légitimité et de la permanence du pouvoir, le dilemme moral ou encore la problématique de l'identité.

L'album marque la première apparition dans la série de la cantatrice Bianca Castafiore, tandis que les détectives Dupond et Dupont occupent une place plus importante que dans les précédentes aventures, faisant le plus souvent rire le lecteur à leurs dépens.

Le Sceptre d'Ottokar est salué pour la qualité de ses dessins, qui s'appuient sur une documentation très riche et détaillée. Hergé utilise de nombreuses références historiques, géographiques et culturelles des pays balkaniques et d'Europe centrale, mais aussi des monarchies belge et britannique, pour apporter à la Syldavie et à son récit un réalisme sans pareil. Dans les années 2010, plusieurs planches originales de l'album alimentent le marché des enchères, établissant notamment des records de vente pour ce type de pièces.

L'histoire

Synopsis

Les éléments de l'intrigue décrits ci-dessous concernent l'édition en couleur du Sceptre d'Ottokar.
Un sceau.

Tintin trouve sur un banc public de Bruxelles une serviette oubliée. Il décide de la rendre à son propriétaire, le professeur Nestor Halambique, un sigillographe qui, après avoir découvert le sceau du roi Ottokar IV lors d'un congrès à Prague, doit se rendre en Syldavie pour y étudier d'autres sceaux[H 1],[A 1]. En le quittant, Tintin découvre que le professeur est surveillé par des ressortissants syldaves[H 2]. Il est lui-même repéré par ces individus et subit des intimidations, dont un attentat à la bombe qui échoue grâce à l'intervention des détectives Dupond et Dupont[H 3]. Tintin décide alors d'accompagner le professeur Halambique en Syldavie, en qualité de secrétaire[H 4],[A 1].

Un Savoia-Marchetti S.73 utilisé par Tintin de Bruxelles à Prague.

À la veille du départ, Tintin entend le professeur crier à l'aide lors de leur échange téléphonique. Il se précipite chez lui mais le retrouve en train de faire sa valise, comme si de rien n'était[H 5]. Le trajet en avion attise sa méfiance : le professeur ne fume plus et se montre capable de distinguer un troupeau de moutons à travers le hublot alors qu'il est myope. Lors d'une escale, Tintin feint de tomber à la descente de l'avion pour décrocher la barbe de celui qu'il considère comme un imposteur, mais celle-ci est vraie. Il abandonne alors ses soupçons[H 6].

Tintin est pourtant éjecté de l'appareil qui survole la Syldavie, mais s'en tire sain et sauf en atterrissant dans une meule de foin[H 7]. Pensant avoir découvert un complot de grande ampleur qui vise le roi Muskar XII en personne et l'imposture par le jumeau nommé Alfred Halambique, Tintin se rend à la gendarmerie avant de prendre la route de Klow, la capitale. Le chemin est semé d'embuches : Tintin réchappe de peu à un guet-apens tendu par les conjurés et parvient à s'évader[H 8].

À Klow, il rencontre le colonel Boris, aide de camp du roi, qui s'avère être un membre de la conspiration et cherche lui aussi à empêcher Tintin de rencontrer le roi[H 9]. Après une tentative infructueuse de pénétrer dans le palais royal, Tintin est arrêté. Un accident de la route lui permet néanmoins de s'échapper puis de rencontrer le monarque. L'ayant averti du complot, Tintin se rend avec Sa Majesté jusqu'au château Kropow où est gardé le sceptre royal. Pendant ce temps, et malgré la garde spéciale qui officie devant la salle du trésor, le sceptre est dérobé[H 10]. La monarchie est en péril : si le roi se présente sans sceptre lors de la Saint-Wladimir, qui se tient trois jours plus tard, il devra abdiquer[H 11]. Avec l'aide des Dupondt, Tintin découvre que les conspirateurs ont utilisé un appareil photographique truqué, muni d'un ressort, pour lancer le sceptre à l'extérieur du château[H 12].

Tintin retrouve la trace des voleurs et les arrête juste avant qu'ils aient pu franchir la frontière bordure. La vraie nature du complot éclate : la Bordurie voisine prévoit d'envahir et d'annexer la Syldavie après l'abdication du roi[H 13][A 1]. Tintin s'empare d'un avion militaire bordure, est abattu par la DCA syldave, puis rejoint Klow à pied et restitue le sceptre, avec l'aide de Milou[H 14]. Les complices sont arrêtés, notamment le frère jumeau du professeur Halambique qui avait usurpé son identité, et le vrai Nestor Halambique est délivré. Reconnaissant, le roi Muskar XII décore Tintin de l'ordre du Pélican d'Or[H 15].

Personnages

Moulage du squelette d'un diplodocus au Musée d'histoire naturelle de Berlin, semblable à celui de l'album.

Tintin est un jeune reporter au visage adolescent, neutre et impersonnel, bien que son âge soit inconnu. Il est seulement reconnaissable à la houppe qu'il porte sur la tête et à ses pantalons de golf[A 2]. Il est accompagné de son chien Milou, qu'Hergé présente comme un fox-terrier à poil dur, dont la gourmandise et la curiosité sont caractéristiques[A 3], ce qui le conduit notamment à subtiliser un grand os de diplodocus dans le musée d'histoire naturelle de Klow[H 16]. S'il est doté de la parole[A 3], il est cependant moins loquace que dans les premières aventures et au fil des albums, il devient « moins le complice de Tintin que son compagnon »[1]. Sermonné par Tintin après le vol du musée, Milou se rattrape en rapportant au palais le sceptre que son maître avait égaré en route, ce qui fait de lui le véritable sauveur du trône[H 17].

Les détectives Dupond et Dupont, inséparables, sont facilement reconnaissables à leur chapeau melon et leur costume noir[2]. Seule la moustache permet de les différencier : celle de Dupond est taillée droite tandis que celle de Dupont est recourbée vers l'extérieur[3]. Dans Le Sceptre d'Ottokar, ils tendent à devenir des personnages centraux de la série. De fait, ils sont très présents dans cette aventure où ils ne cessent de se ridiculiser, comme à leur habitude[2]. Par leur maladresse, ils aident néanmoins Tintin à comprendre comment le vol du sceptre a pu se commettre et se lancent comme lui à la poursuite des bandits qui s'en sont emparés. L'album s'achève sur un des nombreux gags qui les met en scène : ils tombent à l'eau à leur descente de l'hydravion qu'ils prennent au retour, en compagnie de Tintin. Apparus en 1932 pour Les Cigares du pharaon sous le nom d'agents X33 et X33bis, leur véritable patronyme est révélé aux lecteurs dans la première version du Sceptre d'Ottokar[2],[note 1].

Une autre paire de jumeaux tient une place centrale au cœur de cette aventure : les frères Nestor et Alfred Halambique. Nestor, sigillographe de métier, est l'élément déclencheur de l'intrigue : c'est en lui rapportant sa serviette que Tintin fait sa connaissance, avant de s'engager avec lui dans son voyage vers la Syldavie[H 1]. Enlevé la veille du départ, il est séquestré dans une cave et dépouillé de ses papiers. Son frère jumeau Alfred usurpe son identité et c'est en fait lui qui accompagne Tintin en Syldavie. Il travaille pour le Zyldav Zentral Revolutzionär Komitzät (Z.Z.R.K., Comité central révolutionnaire syldave), son rôle étant de pénétrer dans la salle du trésor pour subtiliser le sceptre[H 18]. Les jumeaux Halambique sont représentés avec une longue barbe blanche, reprenant le stéréotype de la figure du savant[4].

Une galerie de personnages syldaves intervient également au cours de l'album, au premier rang desquels le roi Muskar XII qui figure au centre d'un complot tramé par la Bordurie voisine pour le renverser et ainsi procéder à l'annexion du pays. Son aide de camp, le colonel Boris, est en réalité un traître et cherche à empêcher Tintin de rencontrer le roi. Ce personnage effectue son retour dans un autre album de la série, On a marché sur la Lune, où il tient un rôle majeur. Graphiquement, il est représenté avec « une coiffure minimale caractéristique du vilain, affichant le stéréotype du malfrat à la nuque rasée »[4].

Chef du parti La Garde d'Acier et du Z.Z.R.K., Müsstler est l'instigateur du complot. Si son nom est plusieurs fois cité, il n'est jamais représenté dans cette histoire, au contraire de nombreux autres complices, comme le photographe officiel de la cour Czarlitz, les commandants de gendarmerie Wizskizsek et Sprbodj, un membre du Z.Z.R.K., Trovik, qui coordonne les actions des membres du complot et ordonne à plusieurs reprises de liquider Tintin, Sirov, chargé de l'exécuter, ainsi que plusieurs révolutionnaires syldaves résidant en Belgique, parmi lesquels Sporowitch, qui photographie Tintin à la sortie de l'appartement du professeur Halambique.

Enfin, la cantatrice Bianca Castafiore, l'un des personnages récurrents de la série, fait ici sa première apparition[5]. Sa voiture prend Tintin en autostop tandis qu'il essaye d'échapper aux gendarmes syldaves. Elle interprète pour lui le célèbre Air des bijoux de Faust, opéra de Charles Gounod, avant de figurer sur scène dans la planche suivante. Lors de ce récital, Hergé l'habille en bourgeoise allemande de la Renaissance[6], blonde et opulente, afin d'accentuer son aspect ridicule[5]. Son pianiste et accompagnateur, Igor Wagner, est à ses côtés dans la voiture, mais il n'est pas nommé et ne parle pas[H 19]. C'est aussi le cas de Mme Pinson, la concierge de Tintin, qui apparaît brièvement dans une planche[H 20].

Lieux visités

Les villages et paysages syldaves sont inspirés de ceux des Balkans au début du XXe siècle.

La majeure partie de l'intrigue se déroule en Syldavie, un pays imaginaire qui fait là sa première apparition dans Les Aventures de Tintin[note 2]. Dans la 7e planche, Tintin apprend en lisant une encyclopédie qu'il s'agit d'un des États de la péninsule des Balkans[H 21]. Plus loin, le héros consulte une brochure touristique dans l'avion qui le conduit, en compagnie du professeur Halambique, jusqu'à Prague. De nombreux détails historiques, géographiques ou culturels y sont donnés pour permettre au lecteur de mieux connaître cet État surnommé le « royaume du Pélican noir ». Il y est indiqué que la Syldavie est un petit pays d'Europe orientale, ayant subi au cours de son histoire l'invasion des Slaves puis des Turcs[H 22]. Il s'agit d'un État difficile d'accès et relativement peu développé. Chutant de son avion, Tintin atterrit dans un char à bœuf rempli de paille, puis est convoyé dans une petite carriole paysanne, qui est le moyen de transport le plus utilisé par la population locale. Hergé confère ainsi une certaine lenteur à la logistique syldave, qui s'oppose à la puissante voiture étrangère de Bianca Castafiore ou à celle du roi[7]. Peuplé de 642 000 habitants, ce petit État dont la capitale est Klow, possède au sud une façade maritime[H 23]. Les paysages dessinés par Hergé sont caractéristiques des paysages montagneux et des villages des Balkans[7]. Malgré ces quelques indications, la localisation précise de la Syldavie demeure une énigme et suscite le débat au sein de la communauté tintinophile depuis sa première apparition[8].

Auparavant, le premier temps de l'intrigue se déroule à Bruxelles[9], mais les principaux lieux évoqués sont inventés par Hergé : c'est le cas du domicile du professeur Halambique, situé au no 24 de la rue du Vol à Voile, où Tintin se rend dès la première planche[H 24], ou du « Klow », le restaurant syldave où le héros déjeune[H 2].

Ensuite, l'avion qui conduit Tintin et le professeur en Syldavie fait une première escale à Francfort[H 25], puis une autre à Prague[H 26]. Vers la fin de l'album, alors qu'il vient de prendre possession du sceptre d'Ottokar aux dépens des conspirateurs, Tintin franchit la frontière bordure, pour y trouver de la nourriture et s'emparer d'un avion militaire qui lui permettra de rejoindre Klow[H 27]. Dans les deux dernières planches, Tintin et les Dupondt sont à bord d'un hydravion qui « assure la liaison régulière Douma-Marseille ». L'album s'achève sur une scène cocasse qui voit les deux détectives tomber à la mer alors que l'hydravion vient d'amerrir[H 28],[10].

Création de l'œuvre

Contexte d'écriture

L'arrivée des unités blindées allemandes à Vienne lors de l'Anschluss en mars 1938.

L'écriture du Sceptre d'Ottokar est fortement influencée par le contexte géopolitique européen de la fin des années 1930. Quand Hergé en débute la rédaction, « les signes annonciateurs du second conflit mondial sont […] innombrables. Et ce sont eux que l'auteur va prendre comme point de départ de sa fiction », comme le souligne Benoît Peeters[11]. Après Le Lotus bleu, qui relate les tensions entre Chinois et Japonais à l'époque de l'invasion de la Mandchourie, c'est la deuxième fois qu'Hergé choisit de placer son récit en phase « avec l'Histoire en train de se faire »[A 4].

De l'aveu même de son auteur, Le Sceptre d'Ottokar est le récit d'un Anschluss raté[8],[12],[F 1]. Quand débute la parution des premières planches dans Le Petit Vingtième, en , le sujet est on ne peut plus actuel : au mois de mars précédent, l'Autriche est annexée par l'Allemagne nazie[13]. Les évènements s'accélèrent tout au long de la publication du récit : la crise des Sudètes secoue l'Europe à la fin du mois de septembre suivant, tandis que l'invasion de l'Albanie par l'Italie fasciste débute en [14]. La publication des dernières planches de l'aventure s'achève même quelques jours avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale[A 5]. À cela s'ajoute, quelques mois auparavant, en 1938, le coup d'État du roi Carol II de Roumanie qui installe un pouvoir autoritaire[15]. Ainsi, selon Marc Angenot, « Le Sceptre d'Ottokar est le récit uchronique d'une tentative d'Anschluss d'un paisible royaume des Balkans par la fasciste Bordurie voisine[15] ».

Conscient que cette actualité peut porter le succès de son nouveau récit, Hergé adresse une lettre à son éditeur le , le pressant de publier l'album dans les meilleurs délais : « La Syldavie, c'est l'Albanie. Il se prépare une annexion en règle. Si l'on veut profiter du bénéfice de cette actualité, c'est le moment ou jamais.[A 6] »

Écriture du scénario

Dans ses entretiens avec l'écrivain Numa Sadoul, Hergé confie qu'un ami lui a donné l'idée de cette histoire[12], probablement Philippe Gérard, son ancien camarade de classe du collège Saint-Boniface, d'après les recherches de Benoît Peeters[P 1]. La première ébauche de scénario consignée par Hergé dans ses carnets préparatoires est bien différente de ce que deviendra finalement Le Sceptre d'Ottokar. Elle mêle en réalité des éléments du scénario final avec d'autres qui figureront dans le scénario de L'Étoile mystérieuse quelques années plus tard : c'est pour la possession d'un métal rare et très léger, le « callistène », qui permettrait de révolutionner les méthodes de guerre, que deux pays s'affrontent. À la mort du roi de « Syldurie », un prétendant en exil, soutenu par les puissances centrales qui veulent s'accaparer le métal précieux, revendique le trône, tandis que le neveu du défunt roi fait valoir ses droits en prenant possession du sceptre royal. Dès cette première esquisse, l'objet figure donc au centre d'une intrigue qui doit s'articuler autour de son vol[P 2]. Dans ses notes, Hergé envisage également de dépeindre une « bande internationale d'anarchistes faisant sauter l'un après l'autre tous les grands bâtiments d'Europe »[P 1].

Sous l'influence des évènements politiques en cours, l'écriture du scénario glisse finalement vers la transposition de l'Anschluss, la quête du sceptre s'accordant à une tentative d'annexion[P 2].

Sources d'inspiration et références

Sources d'inspiration

« Hergé a tout mélangé, avec talent, pour donner à la fois une impression de réel et une sensation de dépaysement. »

 Jacques Hiron[16]

Régimes totalitaires européens

L'actualité européenne de la fin des années 1930 influence l'écriture du scénario du Sceptre d'Ottokar. Dans son récit, Hergé « transpose et dénonce l'Anschluss dont l'Autriche vient d'être victime » et de nombreux éléments et personnages de l'intrigue sont inspirés de faits réels[P 2]. Ce n'est pas un hasard si le complice syldave des Bordures, et réel instigateur du complot, est dénommé Müsstler : son patronyme est un mot-valise construit sur les noms des dictateurs italien et allemand Benito Mussolini et Adolf Hitler[8], mais il fait également écho aux dirigeants fascistes britannique Oswald Mosley et néerlandais Anton Mussert[P 2]. Son parti, la Garde d'acier, qui regroupe l'ensemble des conspirateurs syldaves, est une copie de la Garde de fer, un mouvement fasciste et nationaliste roumain des années 1930[17]. Dodo Niță, traducteur de plusieurs aventures de Tintin en langue roumaine, relève même une ressemblance entre le piège tendu à Tintin, visant à l'exécuter lors d'une tentative d'évasion[H 29], et les circonstances de l'assassinat du chef de ce parti, Corneliu Codreanu, en [18].

Œuvres littéraires

L'essai La Technique du coup d'État de Curzio Malaparte influence l'écriture du scénario du Sceptre d'Ottokar.

Hergé avoue s'être inspiré d'un essai de l'écrivain italien Curzio Malaparte, La Technique du coup d'État, pour écrire son scénario[19]. Dans ce livre paru en 1931, l'auteur démontre qu'il suffit d'occuper certains centres stratégiques d'un pays pour s'emparer du pouvoir et de fait, c'est la méthode qu'ont prévue d'employer les conspirateurs dans cette nouvelle aventure[P 3]. Par ailleurs, de nombreux éléments de décor permettent d'identifier les Bordures aux nazis. C'est le cas notamment de leur aviation militaire : dans la première version parue en 1939, la marque du constructeur Heinkel est clairement inscrite sur l'avion dérobé par Tintin aux Bordures[F 2], comme le fait sèchement remarquer à Hergé un officier-censeur allemand pendant la guerre[20], tandis que la peinture de son empennage évoque visiblement le brassard nazi[21]. Dans la version datant de 1947, Tintin s'empare finalement d'un chasseur Messerschmitt Bf 109[13],[F 2].

Toutefois, Hergé ne se contente pas de copier l'actualité, il la « transpose en n'en conservant que la substance »[P 4], et comme il l'avait fait pour L'Oreille cassée, il situe le cadre de son récit dans un pays imaginaire. Bien loin des « représentations mythologiques » de pays réels de ses premières aventures, il parvient à décrire de façon réaliste un pays inventé de manière à « condenser et simplifier l'essentiel des problèmes qui déchirent alors le continent européen »[P 4]. La Syldavie, petit royaume dont les traditions séculaires sont préservées, est imprégnée de références littéraires. Hergé la définit comme un État de la péninsule balkanique et fait ainsi référence au recueil de reportages d'Albert Londres, Les Comitadjis ou le terrorisme dans les Balkans, publié en 1932[A 5]. De même, l'ambiance de l'histoire évoque celle de La Veuve joyeuse, une opérette autrichienne de Franz Lehár créée au début du XXe siècle et adaptée au cinéma par Erich von Stroheim en 1925 et Ernst Lubitsch en 1934[A 7].

Dans un article d'un numéro spécial des Cahiers de la bande dessinée consacré à Hergé en 1973, Georges Laurenceau attribue la création des noms de la Syldavie et de la Bordurie à la lecture par Hergé d'un article du mathématicien Lewis Fry Richardson paru en 1937 dans le British Journal of Psychology[22]. Le scientifique y évoquerait un conflit hypothétique entre le petit royaume de Syldavia et son puissant voisin annexionniste, Borduria[F 3]. Les recherches de Benoît Peeters ont cependant montré que cet article, intitulé « Generalized Foreign Polictics : a study in group psychology », est en réalité paru en 1939 et ne fait pas mention de ces deux États théoriques[P 4].

La Syldavie

Pour composer son petit État, Hergé emprunte à plusieurs pays réels. Dans une lettre adressée à un lecteur datée du mois d', il reconnaît s'être inspiré des pays balkaniques pour forger l'identité de son royaume[8]. Ainsi les armoiries syldaves rappellent celles du Monténégro, l'aigle à deux têtes monténégrine cédant la place au pélican syldave[23], tout comme son drapeau, composé d'un pélican noir sur fond jaune, est proche du drapeau albanais, composé d'une aigle bicéphale noir sur fond rouge[F 4],[16]. Pour autant, l'Europe centrale ne peut être exclue des sources d'inspiration de l'auteur : le philologue Rainier Grutman voit dans le pélican syldave un rappel de l'aigle bicéphale des Habsbourg[24]. L'histoire de la Syldavie est d'ailleurs empreinte de l'histoire de l'Europe centrale : le nom des souverains syldaves, Ottokar, est emprunté à deux rois de Bohême, Ottokar Ier et Ottokar II, qui ont régné au XIIIe siècle. Hergé le souligne lui-même dans la brochure touristique consultée par Tintin[H 30],[note 3].

Zog Ier, roi d'Albanie, l'un des sosies crédibles de Muskar XII.

De nombreux spécialistes de l'œuvre d'Hergé, comme Pierre Assouline ou Philippe Goddin, relèvent également la ressemblance physique entre le personnage de Muskar XII, roi de Syldavie, et le souverain Zog Ier, qui a régné sur l'Albanie de 1928 à 1939, avant l'annexion de cette dernière par l'Italie fasciste de Mussolini[25]. D'autres tintinologues, comme Yves Horeau, estiment que « les uniformes, les casquettes et les moustaches sont communs à trop de jeunes souverains ou prétendants d'avant-guerre » pour que l'on puisse confirmer une quelconque inspiration particulière. Il cite ainsi le cas d'Otto de Habsbourg, le fils de l'empereur d'Autriche Charles Ier, dont une photographie prise en grande tenue à Bruxelles en 1932 se rapproche du portrait de Muskar II inséré par Hergé dans la brochure touristique consultée par Tintin dans l'avion qui le conduit en Syldavie. Alors qu'Yves Horeau cite également Boris III, roi de Bulgarie, comme source d'inspiration potentielle pour dresser le portrait de Muskar XII, Tristan Savin évoque Alexandre Ier ou Alphonse XIII, roi d'Espagne[16], tandis que Dodo Niță avance le nom d'Alexandre Jean Cuza, prince souverain de Roumanie dans la seconde moitié du XIXe siècle[26]. Yves Horeau rappelle également la ressemblance entre Muskar XII et l'acteur Ronald Colman, qui interprète le rôle du roi Rudolf V de Ruritanie dans Le Prisonnier de Zenda, un film de 1937 dont l'intrigue est similaire à celle du Sceptre d'Ottokar[16].

Le costume des beefeaters inspire celui des gardes syldaves dans la première parution.

Tout au long de son album, Hergé entoure la cour syldave d'un faste et d'un décorum qui n'est pas sans rappeler ceux de la cour viennoise et des autres monarchies européennes. Ainsi, la silhouette du palais royal de Klow est inspirée du palais royal de Bruxelles[27],[F 5], tandis que sa grille d'entrée semble être une copie de celle du palais de Buckingham. Le carrosse dans lequel Muskar XII défile à la fin de l'album est semblable à celui du couronnement de George VI, tandis que dans la première édition du Sceptre d'Ottokar, les gardes syldaves du château Kropow sont vêtus du même costume d'apparat que celui des gardiens de la Tour de Londres, les Beefeaters[F 6]. Le costume sera « balkanisé » par Jacobs en 1946[28],[29].

Documentation

Un aérophone semblable à celui reproduit par Hergé dans l'album.

Depuis la conception du Lotus bleu, Hergé prend soin de s'appuyer sur une documentation fournie afin d'apporter plus de réalisme à ses albums. Ainsi, les différents avions empruntés par Tintin ou les autres personnages de l'histoire du Sceptre d'Ottokar sont des copies plutôt fidèles de modèles existants[30]. À titre d'exemple, si l'aspect général du modèle Lioré et Olivier LeO H-242 est conservé pour dessiner l'hydravion que Tintin et les Dupondt empruntent à la fin de l'album, Hergé y ajoute une porte latérale pour les besoins du récit, notamment le gag de la chute à la mer des deux détectives[31].

L'aérophone employé par les deux militaires syldaves qui détectent la position de l'avion de Tintin[H 31] s'inspire des myriaphones inventés par Jean Perrin lors de la Première Guerre mondiale[32].

De même, la sigillographie, une discipline largement méconnue bien qu'étant une science auxiliaire de l'histoire, tient une place importante dans l'intrigue. Elle a pour objet l'étude des sceaux. Dans la deuxième planche de l'édition couleur, le professeur Halambique fait découvrir à Tintin sa collection, qui se compose notamment des sceaux de Charlemagne, de Saint Louis, du Doge de Venise Gradenigo, d'une bague à intaille de l'époque mérovingienne et, bien sûr, du sceau d'Ottokar IV, roi de Syldavie[H 32]. Le dessin d'Hergé s'inspire alors d'une planche du Larousse pour tous consacrée à cette discipline[33].

L'Opel Olympia des espions syldaves.

Le professeur Halambique pourrait être inspiré par Auguste Piccard, personnage ayant ensuite servi d'inspiration à Hergé pour le professeur Tournesol[34]. Comme Halambique, Piccard avait un frère jumeau, Jean Piccard[35]. Enfin, parmi les nombreuses automobiles dessinées dans l'album, l'une d'elles est la même que celle qu'Hergé possédait à l'époque de l'écriture de l'aventure : il s'agit de l'Opel Olympia cabriolet des espions syldaves que Tintin poursuit à moto, au début de l'aventure[36].

Références aux autres albums de la série

Hergé introduit des éléments de cohérence entre ses albums afin de donner à son œuvre une « apparence massive, compacte et cohérente ». Utilisant le même procédé que de grands auteurs de la fin du XIXe siècle, il convoque dans chaque nouvelle aventure des personnages issus de précédentes histoires[A 8]. Ainsi, en dehors de Tintin et Milou, les personnages de la série, les détectives Dupond et Dupont, apparus pour la première fois dans Les Cigares du pharaon, sont présents dans cette nouvelle aventure. Par ailleurs, la figure du professeur Halambique, savant distrait, n'est pas sans rappeler celle de Philémon Siclone, l'égyptologue de ces mêmes Cigares du Pharaon. Pour Pierre Assouline, il constitue également « une nouvelle préfiguration du futur professeur Tournesol »[A 9]. Le personnage syldave nommé Sirov ressemble, dans l'édition de 1947, au capitaine Haddock. Albert Algoud souligne que son nom évoque la cirrhose, d'autant plus qu'il discute avec un certain Wizskizsek (« whisky sec »). Il pourrait s'agir d'un clin d'œil de la part d'Hergé pour la nouvelle édition de l'album, le capitaine Haddock étant apparu entre-temps dans Le Crabe aux pinces d'or (1941)[37].

Certains éléments du scénario du Sceptre d'Ottokar constituent eux aussi des renvois plus ou moins évidents aux anciens albums de la série. En créant de toutes pièces deux nouveaux pays imaginaires, la Syldavie et la Bordurie, Hergé reprend une idée qu'il avait utilisée pour L'Oreille cassée. Dans ce précédent tome, l'intrigue s'inspire de la guerre du Chaco, qui oppose la Bolivie et le Paraguay entre 1932 et 1935. Afin de conserver une totale liberté sur les plans géographiques, historiques et géopolitiques, l'auteur choisit de transposer ces deux États sud-américains dans deux pays imaginaires, le San Theodoros et le Nuevo Rico. Par ce même procédé, la Syldavie permet à Hergé d'inscrire Le Sceptre d'Ottokar en plein cœur du contexte géopolitique européen, brutal et violent, de la fin des années 1930[15].

Dans L'Oreille cassée, toujours, Tintin tire de sa bibliothèque un ouvrage illustré pour y trouver des informations sur la tribu des Arumbayas, après le vol du fétiche commis au musée ethnographique. De même dans Le Sceptre d'Ottokar, c'est de sa bibliothèque que Tintin extrait un dictionnaire dans lequel il obtient ses premières informations sur la Syldavie. Michel Porret, professeur d'histoire moderne à l'université de Genève, relève qu'il s'agit des deux premières représentations de la bibliothèque de Tintin dans la série, à son domicile du 26, rue du Labrador. Cette bibliothèque est de nouveau dessinée dans Le Crabe aux pinces d'or puis dans Le Secret de La Licorne, avant que Tintin ne s'installe au château de Moulinsart avec le capitaine Haddock[38].

Apparitions et clins d'œil

Casimir Delavigne, dont un poème est repris par les Dupondt dans l'album.

Hergé a pris l'habitude de se représenter lui-même ou ses proches parmi les personnages qui peuplent ses albums. Ainsi dans l'édition en couleur du Sceptre d'Ottokar, Hergé et son collaborateur Edgar P. Jacobs se représentent à deux reprises : la première fois, parmi les témoins de l'arrestation de Tintin par les gardes royaux[H 33],[F 7], la deuxième, parmi les hauts dignitaires qui assistent à la décoration de Tintin par le roi Muskar XII[F 7],[H 34],[39]. D'autres proches sont également dessinés dans cette scène : sa propre femme Germaine[P 5], son ami Jacques Van Melkebeke et sa femme Ginette[40],[P 6], le peintre Marcel Stobbaerts[A 10] ou encore Édouard Cnaepelinckx, responsable de la maison de confection Montérob[P 5].

Dans la cinquième case de la planche 44, le détective Dupont promet au roi de lui rapporter le sceptre au plus vite en déclarant : « Trois jours, leur dit Colomb, et je vous donne un monde ![H 35] » Elle est extraite d'un poème de Casimir Delavigne, Trois jours de Christophe Colomb, paru dans Les Messéniennes en 1835[41].

Parution

Prépublication et première édition en album

Le Petit Vingtième assure la première publication du Sceptre d'Ottokar.

La prépublication des planches du Sceptre d'Ottokar commence le dans les colonnes du Petit Vingtième, sous le titre des aventures de Tintin en Syldavie[F 4]. Leur parution dans l'hebdomadaire s'étale jusqu'au , au rythme de deux planches par semaine, en noir et blanc. Au total, 106 planches sont publiées[A 5],[42]. Comme pour les histoires précédentes, ce nouveau récit est ensuite diffusé en France dans les colonnes de Cœurs vaillants (en rouge et noir[43]), puis en Suisse dans L'Écho illustré[A 11].

La première publication en album, aux éditions Casterman, a lieu en et bénéficie d'une critique dithyrambique du poète René Micha dans le Petit Vingtième, qui met en avant « les qualités profondes ou ingénieuses » de l'aventure[P 7]. C'est à ce moment que le titre définitif du récit est adopté. Initialement, Hergé souhaite l'intituler Le Sceptre d'Ottokar IV, mais à la demande de l'éditeur, qui juge que les deux dernières syllabes sont difficiles à prononcer, Hergé opte finalement pour Le Sceptre d'Ottokar. À l'inverse, et pour des raisons budgétaires, l'auteur doit renoncer à certaines de ses exigences, comme la colorisation de certaines planches et le rehaussage en or du sceptre et des armoiries devant figurer sur la couverture[A 12].

À cause de la guerre, il est difficile pour les éditeurs de se procurer du papier en quantité suffisante, ce qui limite les tirages : en 1942, les albums de Tintin dont le Sceptre d'Ottokar sont réimprimés à environ 5 000 exemplaires par titre, et très vite vendus[43]. Hergé profite de cette nouvelle édition pour modifier l'image de couverture : à l'origine, Tintin et Milou se tiennent devant les armoiries syldaves[44] ; désormais, la couverture montre Tintin et Milou sortant du château Kropow , devant deux gardes[45],[46].

Édition en couleurs et traductions

Louis Casterman fait part à Hergé de son souhait d'éditer les albums de Tintin en couleurs, seul moyen selon lui de conquérir le marché européen. Cela concerne aussi bien les futures aventures que celles déjà éditées en noir et blanc. Le dessinateur accepte mais le passage à la couleur implique un certain nombre de contraintes : Casterman veut ramener le nombre de pages totales à 64, afin de conserver un prix de revient compétitif[43]. Dès lors, tous les albums de Tintin adoptent le même format, à savoir 62 planches et une page titre avec un cul-de-lampe en couleur[47]. Pour respecter cette nouvelle pagination, Hergé doit donc revoir entièrement ses albums et réduire de près de la moitié le nombre de planches par rapport à la première édition en noir et blanc[43]. Ce travail de mise en forme et de colorisation est trop imposant pour un homme seul, aussi Hergé entame une collaboration avec Edgar P. Jacobs à partir de 1944. Dès lors, les deux dessinateurs reprennent entièrement les premières productions, dont Le Sceptre d'Ottokar. Outre la réduction du nombre de planches, les décors subissent des modifications dans le but de les rendre plus proches des paysages observés dans les Balkans[48].

La première parution en couleurs de l'album a lieu en 1947[A 13], à 39 500 exemplaires[43]. Il doit sortir en même temps en français et en néerlandais[note 4], mais la traduction prend du retard[49].

L'album est réimprimé à quarante mille exemplaires en 1948 et près de soixante mille exemplaires en 1950[43]. Il est également réédité en 1963[43]. En 1980, Casterman réédite la version en noir et blanc de 1939 dans le quatrième recueil des Archives Hergé (avec les versions noir et blanc de L'Île Noire et Le Crabe aux pinces d'or), et en 1988, un fac-similé de l'édition originale est publié[50].

Le Sceptre d'Ottokar revêt la particularité d'être la première aventure de Tintin à paraître dans certains pays. L'histoire est sérialisée au Royaume-Uni dans le journal Eagle dès 1951[51], avant d'être éditée en album chez Methuen en 1958[52], puis en Allemagne à partir du dans les colonnes du Hamburger Abendblatt[53]. En 1958, l'album est le premier à paraître en Espagne, aux éditions Juventud, ce qui est aussi le cas en Italie en 1961, par Cino Del Duca[53],[52]. La même année, il est édité au Brésil, de même que trois autres titres de la série, aux éditions du Flamboyant[52]. En 1959, Le Sceptre d'Ottokar sort aux États-Unis sous le label Golden Press, en même temps que Le Crabe aux pinces d'or, Le Secret de la Licorne et Le Trésor de Rackham le Rouge[54].

L'album bénéficie par ailleurs d'éditions plus confidentielles, comme une traduction en hébreu publiée en Israël en 1964 par Machbarot[52], ou bien plusieurs traductions en langues régionales, comme en alsacien sous le titre Im Ottokar sinner zepter[55] ou en breton sous le titre Bazh-roue Ottokar[56].

Analyse

Analyse critique

Le biographe britannique d'Hergé, Harry Thompson, considère Le Sceptre d'Ottokar comme l'une des trois meilleures aventures de Tintin écrites avant la Seconde Guerre mondiale, aux côtés du Lotus bleu et de L'Île Noire. Il salue notamment la « satire politique mordante » que constitue l'album et souligne la construction ciselée de son intrigue, renforcée par l'énigme en chambre close de la disparition du sceptre[57]. Michael Farr le juge comme « l'une des aventures les plus raffinées et accomplies » de l'œuvre d'Hergé, mettant en avant le rythme et l'équilibre du récit qui mélange avec succès le drame et la comédie[58], quand d'autres y retrouvent les ingrédients d'un « thriller » hitchcockien[59]. Jean-Marie Apostolidès pointe néanmoins une certaine incohérence dans le fait qu'aucun élément du récit ne semble pouvoir indiquer pour quelles raisons la conspiration antimonarchiste qui vise Muskar XII est aussi étendue au sein de la population syldave[60].

Style graphique

Le château d'Olavinlinna a inspiré celui de Kropow dans la première version de l'aventure[27].

L'influence d'Edgar P. Jacobs, qui collabore avec Hergé à partir du début de l'année 1944, est très présente dans le graphisme du Sceptre d'Ottokar. Ce dernier est notamment chargé de « balkaniser » les décors et les costumes[F 6], un « travail de bénédictin » selon Pierre Assouline[A 14]. Comparativement aux précédents albums, le dessin est ici particulièrement riche et détaillé[61]. Pour autant, le passage à la couleur tient plus à l'insistance de son éditeur, Casterman, qu'à la volonté propre d'Hergé, et celui-ci s'efforcera toujours de la maintenir dans un rôle secondaire par rapport[P 8], au point qu'il déclare dans un entretien au journaliste Michel Van der Plas en 1975 : « Je ne sais toujours pas si cela a été un changement salutaire »[62].

La mise en couleurs des Aventures de Tintin est néanmoins l'occasion d'accentuer les détails, et c'est notamment le cas de la brochure touristique que consulte Tintin dans l'avion qui le conduit en Syldavie[H 36]. Cette dernière, au-delà de ses qualités graphiques, agit sur la narration. En la présentant sur trois pages entières, Hergé invite le lecteur à découvrir ce dépliant en même temps que son héros, ce qui consiste, selon Rainier Grutman, en « une focalisation interne qui évite à Hergé de devoir multiplier les analepses explicatives en cours de récit, ce qui en aurait ralenti le débit et alourdi la narration »[63]. Par ailleurs, tout en constituant un récit autonome au sein de l'album, le texte de la brochure anticipe sur la péripétie principale de celui-ci, à savoir le vol du sceptre, en expliquant au lecteur que la monstration annuelle de l'objet sacré assure au roi de Syldavie la légitimité et la continuité de son pouvoir[38].

Jacobs a également corrigé les notes de musique dans les phylactères de la Castafiore lorsqu'elle chante dans un souci de réalisme[64].

Pour atteindre ce niveau de détails dans le graphisme de la brochure comme dans l'ensemble des décors de l'album, particulièrement aboutis, Hergé s'appuie sur une documentation fournie. C'est le cas notamment de la miniature de la bataille de Zileheroum qui semble inspirée des modèles de miniatures persanes du XVe siècle[65],[F 8]. De même, d'autres éléments visuels de l'album sont des copies de sites préexistants. Ainsi, Yves Horeau remarque que les fresques qui ornent la salle du sceptre du château de Kropow reprennent des motifs de la tapisserie de Bayeux et des mosaïques de la basilique Saint-Vital de Ravenne[65] et que le château est lui-même inspiré de la forteresse finlandaise d'Olavinlinna dans la première version de l'aventure, puis du château de Vyborg dans la version en couleurs[27].

Enfin, Hergé agrémente ses dessins d'une série de conventions graphiques « qui dessinent une véritable grammaire de la bande dessinée moderne » et permettent de soutenir le rythme de la narration tout en accentuant la puissance comique de l'album. Parmi les différents signes graphiques utilisés, les gouttelettes de sueurs sont les plus employées et se présentent quasiment à chaque page. Entourant le visage des personnages, elles manifestent le plus souvent leur stupéfaction[66], comme lorsque Tintin et le roi pénètrent dans la salle du trésor du château Kropow et constatent le vol du sceptre[H 37]. Par ailleurs, les étoiles colorées constituent selon Jérôme Dupuis le « symbole d'une violence tempérée par l'humour »[66], comme lorsque Tintin est percuté par la voiture du roi[H 38]. Enfin, les spirales ont pour effet de « souligner l'effet comique [en] introduisant une sensation de vacillement dans l'univers bien ordonné d'Hergé » et traduisent le plus souvent l'étourdissement du personnage[66], comme lors de cette même scène où Tintin se retrouve au sol après l'accident[H 39].

Une structure narrative récurrente dans la série

Le Sceptre d'Ottokar marque une nouvelle étape dans l'œuvre d'Hergé, autant par ses qualités d'invention que pour son inscription dans les évènements historiques en cours[A 5]. Pour autant, il ne se distingue pas de ses prédécesseurs sur le plan narratif. Renaud Nattiez, qui a étudié en détail la structure narrative des œuvres d'Hergé[67], développe l'idée que la majorité des albums de Tintin suivent un même canevas que le lecteur peut retrouver au fil des aventures, ce qui crée pour lui un cadre rassurant. Cette structure canonique, présente dans seize albums consécutifs, allant de L'Oreille cassée aux Bijoux de la Castafiore, se découpe en six temps[67]. En premier lieu, la situation initiale est systématiquement ancrée dans le quotidien. Ainsi dans Le Sceptre d'Ottokar Tintin se promène dans un parc en compagnie de Milou, tandis qu'un fait anodin survient. Ce second temps du récit est à l'origine de l'engagement du héros : la découverte de la serviette oubliée sur un banc par le professeur Halambique lance l'intrigue. Dans un troisième temps, le commencement de l'aventure est signalé par une phrase énoncée par Tintin : après avoir surpris une conversation à son sujet, derrière une porte, il déclare : « Tout cela me semble bien mystérieux… Suivons-le. ») Il s'ensuit un départ, en l'occurrence pour la Syldavie, puis dans un cinquième temps, une ascension vers l'objectif : il s'agit là de retrouver le sceptre du roi Muskar XII. Dernier temps de la structure canonique, le succès final qui se caractérise par la joie du héros, un hommage qui lui est rendu, l'évocation de son retour et un gag final. Le Sceptre d'Ottokar répond une nouvelle fois à cette logique : après avoir rendu son sceptre au souverain, l'annexion de la Syldavie par la Bordurie est évitée et Tintin se voit décoré de l'ordre du Pélican d'Or. Dans une case, son retour est annoncé à la radio, puis deux gags ponctuent l'album, mettant en scène les détectives Dupondt : ceux-ci accrochent un lustre majestueux lors de la cérémonie d'hommage à Tintin, puis tombent à l'eau en sortant de l'hydravion qui les ramène de Syldavie dans la dernière case de l'album[67].

Comme à leur habitude, les Dupondt portent en grande partie la puissance comique de cette œuvre, notamment à travers leurs lapsus répétés. À titre d'exemple, à la 42e planche, Dupond qui salue pour la première fois le roi Muskar XII, s'exclame : « Majesté, votre sire est bien bonne… », ce qui est d'autant plus cocasse qu'à la vignette précédente, les deux détectives ont glissé puis chuté sur le sol bien ciré du château[68],[H 40]. Dans un autre registre, la scène où les deux détectives, pleins d'assurance, tentent d'expliquer le vol du sceptre constitue l'un des moments comiques les plus forts de l'album. Après que Dupont échoue à montrer comment le sceptre a pu être lancé à travers la fenêtre grillagée, en envoyant le bâton qui fait office de sceptre dans la tête de Dupond, celui-ci le traite de maladroit. Pour autant, il ne se dissocie pas de l'hypothèse de son jumeau et entend prouver qu'elle est plausible. Il échoue de même, et c'est Dupont qui reçoit cette fois le bâton dans le visage[69]. Autre thème récurrent des Aventures de Tintin, les chapeaux des Dupondt se retrouvent écrasés à de multiples reprises[70], que ce soit par un camion sur la piste de décollage de l'aéroport à Bruxelles[H 41], ou par la chute du lustre qu'ils ont eux-mêmes causée lors de la cérémonie où Tintin est décoré au palais royal de Klow[H 42].

La conclusion de l'aventure est marquée graphiquement dans la dernière case de la planche 59, par une perspective linéaire, lorsque Tintin s'avance vers le monarque alors que la cour le regarde : « Tintin se dirige, de dos, vers des personnages […] qui bloquent la dynamique même du récit, lui offrent un terme, une borne contre laquelle il butte, bref, c’est une fin de l’histoire. »[71].

Par ailleurs, Tintin brise le quatrième mur dans la dernière planche de l'album en adressant un clin d'œil au lecteur comme pour le rendre témoin de la bêtise des Dupondt[H 43]. Ce procédé ne se retrouve qu'à deux autres reprises dans l'ensemble de la série, à la fin du Secret de La Licorne, pour inviter le lecteur à découvrir la suite de l'histoire dans l'album suivant, et sur la couverture des Bijoux de la Castafiore, où Tintin, un doigt sur la bouche et tourné vers le lecteur, l'incite à ouvrir l'album pour découvrir les secrets qui se cachent derrière la scène de tournage représentée[72].

Un exemple de romance ruritanienne

En créant la Syldavie, Hergé situe son aventure dans une petite monarchie imaginaire d'Europe centrale, avec la simplicité de ses paysages ruraux et ses décors d'opérette, qui inscrivent de fait son album dans la tradition de la romance ruritanienne. Ce genre littéraire, très en vogue au tournant du XXe siècle, met en scène de petits États germaniques ou balkaniques qui peuvent évoquer les micro-États précédant la construction de l'unité allemande, nés des décombres du Saint-Empire[73]. Ce genre est parfois repris en bande dessinée, comme dans l'un des albums des aventures de Spirou et Fantasio, QRN sur Bretzelburg, dont l'intrigue et le décor font directement référence au Sceptre d'Ottokar[74].

L'historien Jean-Arnault Dérens explique ce succès du fait que les Balkans constituent un « objet de projection imaginaire et symbolique » à l'époque où les grandes puissances occidentales colonisent le monde : « La particularité des Balkans, c'est qu'ils ne seront pas colonisés mais les puissances occidentales vont tout de même les placer sous influence. Cela met la région dans une position intermédiaire : les Balkans sont perçus comme un Occident avorté, qui est resté bloqué dans son développement. Dans le même temps, cet archaïsme fascine. Les valeurs d'hospitalité, de convivialité y seraient préservées. C'est une sorte d'Occident primitif.[75] »

Si le répertoire historique, géographique et culturel utilisé par Hergé pour concevoir la Syldavie lui confère un certain degré de réalisme, le fait d'utiliser un cadre imaginaire permet à l'auteur de se libérer des limites narratives que susciteraient un réalisme total[P 4].

Une aventure inscrite dans l'Histoire

Si le Sceptre d'Ottokar est considéré comme l'album le plus politique d'Hergé[76], c'est qu'il recouvre plusieurs dimensions historiques. D'une part, en faisant le récit d'un « Anschluss raté », l'album concorde parfaitement, au moment de sa sortie, avec « l'Histoire en train de se faire »[A 5]. Les volontés expansionnistes de l'Allemagne nazie et de l'Italie fasciste résonnent dans son intrigue et dans la volonté bordure d'annexer la Syldavie[77].

Benoît Peeters voit dans la Syldavie une métaphore de la monarchie belge.

Par ailleurs, en déjouant le complot qui vise le roi, Tintin assure la permanence de son pouvoir légitime. Comme d'autres souverains présents dans la série, Muskar XII est d'ailleurs présenté comme un bon monarque, soucieux du bien-être de son peuple[78]. Ainsi pour Benoît Peeters, « plus encore qu'un album antifasciste, Le Sceptre d'Ottokar propose donc une exaltation de la monarchie constitutionnelle à la belge ». Il y voit « une métaphore de la Belgique menacée dans son neutralisme » par l'invasion allemande en 1940 et relève également « une prémonition de [la] « question royale » qui allait secouer [le pays] après la guerre »[P 9]. En faisant de son héros le défenseur d'un trône multiséculaire, Hergé témoigne de son propre attachement à la monarchie belge en des temps où elle se trouve elle aussi menacée, par la volonté expansionniste de l'Allemagne d'une part, et par la montée du mouvement rexiste, dont la fascisation progresse au cours des années 1930, ou des mouvements ultra-nationalistes flamands, la Ligue nationale flamande et le Verdinaso, d'autre part[15].

L'album en couleurs paraît en 1947, au plus fort de la crise qui entoure la Question royale. Quand la plupart des Bruxellois et des francophones s'opposent à la fin de l'exil du roi Léopold III, considérant que ce dernier s'est compromis avec les Allemands pendant la guerre[77], Hergé se prononce en faveur de son retour. Dans le même temps, la première traduction en néerlandais de l'album est publiée dans les pages du Nieuwe Gids, un journal catholique flamand favorable à la monarchie et qui publie de nombreux récits inspirés de la crise, dont certains écrits par Bob de Moor, futur collaborateur d'Hergé[P 10],[79].

Pour autant, bien des années plus tard, Hergé semble réfuter lui-même cette théorie en mettant en avant la neutralité de son personnage. Dans une lettre adressée à Jean-Paul Chemin en 1973, il explique : « Tintin n'est pas le défenseur de l'ordre établi, mais le défenseur de la justice, le protecteur de la veuve et de l'orphelin. S'il vole au secours du roi de Syldavie, ce n'est pas pour sauver le régime monarchique, c'est pour empêcher une injustice : le mal, ici, aux yeux de Tintin, est le rapt du sceptre[A 15]. »

Portée philosophique

Le sceptre (ici celui du roi de Bulgarie Boris III) est le symbole du pouvoir royal.

Bien qu'il s'adresse en priorité à un jeune public, l'univers de Tintin aborde de nombreux thèmes philosophiques et donne à son lecteur des clés pour comprendre le monde, ce que résume Jean-Luc Marion, « Tintin m'avait donné à l'avance les concepts pour nommer et penser ce dont je n'avais encore aucune intuition. […] La chose est vraie pour tous les albums : je ne savais pas ce qu'étaient le trafic d'esclaves ou l'Anschluss, mais j'ai reçu du Sceptre d'Ottokar et de Coke en stock d'avance les mots pour le dire »[80].

Entre autres thèmes, celui du devoir et du dilemme moral est parfaitement mis en lumière par le comportement de Milou lorsqu'il rapporte le sceptre au palais après que Tintin l'a égaré. Il tombe par hasard sur un os et se retrouve alors confronté à deux instances décrites par Freud : le Ça, représenté par la pulsion orale de manger l'os, et le Surmoi, illustré par Hergé en faisant apparaître dans les pensées de Milou un Tintin menaçant, le poing levé prêt à abattre sa colère foudroyante[81]. Dans ce cas présent, le devoir n'est pas intériorisé par Milou, il s'impose à lui de l'extérieur[82].

Par ailleurs, l'album interroge la question du pouvoir, de sa légitimité et de sa permanence. En Syldavie, le pouvoir « fait l'effet d'une grande comédie fondée sur la tradition plus que la raison ». Il est matérialisé par le sceptre, « un objet matériellement anodin qui concentre, cependant, toute la symbolique de pouvoir », sans lequel le roi ne peut se maintenir sur le trône. En ce sens, Hergé se rapproche de Blaise Pascal pour qui le pouvoir est avant tout une mise en scène. L'illusion de pouvoir et le faste qui l'entoure apparaît comme essentiel au maintien de l'ordre, sans lequel la société dans son ensemble s'effondre[83]. Néanmoins, Tintin finit par démystifier le sceptre en le traitant comme un simple objet à mettre dans sa poche, et le perd bêtement avant que Milou ne le récupère : « le rôle de Tintin consiste à révéler, de façon plutôt involontaire, l'inanité des mythes vénérés dans son propre camp »[84].

La symbolique chrétienne est également présente dans les trois jours séparant le vol du sceptre de l'apparition du roi lors de la fête de Saint Wladimir, à l'instar de la résurrection de Jésus-Christ, montrant un lien très fort entre le politique et le sacré[85].

La gémellité et la problématique de l'identité

La gémellité est doublement présente dans Le Sceptre d'Ottokar : d'une part avec les personnages récurrents de la série que sont Dupond et Dupont, d'autre part avec les frères Nestor et Alfred Halambique. C'est sur l'inversion de leur identité que repose l'intrigue. Faisant référence aux héros du roman de Robert Louis Stevenson, Benoît Peeters considère que Nestor « est une sorte de Dr Jekyll dont Alfred constituerait le Mr Mister Hyde, la face sombre et maléfique »[P 9]. De fait, cette problématique de l'identité se retrouve à travers leur nom, qui incarne à lui seul le conflit né de leur gémellité. Ainsi pour Samuel Bidaud, « l'onomastique contient virtuellement tout le programme narratif du Sceptre [d'Ottokar]. » D'une part, le patronyme « Halambique » est tiré de l'adjectif « alambiqué », comme pour souligner l'incertitude qui entoure leur identité. D'autre part, le nom « frère » et le verbe « frauder » résonnent dans le prénom « Alfred », faisant écho à l'usurpation d'identité que ce dernier commet pour parvenir à ses fins[86],[87].

Le psychanalyste Serge Tisseron est l'auteur d'une théorie selon laquelle Hergé livre dans Les Aventures de Tintin, de manière inconsciente, des éléments relatifs à un lourd secret familial : Alexis et Léon Remi, son père et son oncle, tous deux jumeaux, seraient nés d'un père inconnu mais probablement de famille illustre[88]. Dans son sillage, Samuel Bidaud avance que la gémellité des frères Halambique peut être vue comme une forme abstraite de dédoublement de la personnalité, qui renvoie à la question de l'origine. Les deux frères incarneraient les deux faces d'un seul et même personnage, confronté à la fois au désir de dire son origine et à la peur de la connaître. Il voit dans le sceptre, enjeu de leur conflit, un témoignage du secret d'Alexis et Léon Remi qui ont vécu dans le fantasme d'une ascendance royale : « Il s'agit pour Alfred de prendre le sceptre du père et de faire par là même connaître son origine royale. Par contraste avec Nestor, son frère passif, qui a pour but d'aller en Syldavie étudier les sceaux royaux et qui ne veut pas se confronter à la figure du géniteur royal mais simplement lui rendre hommage, Alfred, qui représente la part refoulée de Nestor, veut faire reconnaître son ascendance royale. L'objet du conflit de la gémellité, donc, est bien le père royal[86]. »

De même, Serge Tisseron relève que les sons /k/, /a/ et /ʁ/ sont omniprésents dans l'œuvre d'Hergé, à travers les noms données aux personnages. Hergé lui-même révèle, dans la brochure touristique fictive qu'il compose pour la Syldavie, que le signifiant /kar/ se traduit par « roi » en syldave, ce qui permet à Serge Tisseron d'affirmer que l'utilisation de ces sons dans les différents patronymes trahit la présence de la figure paternelle supposée royale[88],[87]. Jean-Marie Apostolidès note que cette figure paternelle est récurrente dans les premiers albums de la série, et qu'elle est le plus souvent menacée : ainsi la figure de Muskar XII peut être rapprochée de celle du maharadjah de Rawajpoutalah dans Les Cigares du pharaon, de Monsieur Wang dans Le Lotus bleu et du général Alcazar dans L'Oreille cassée[89]. À l'inverse, pour sa première apparition, Bianca Castafiore n'est « qu'un exemple de ces grosses dames encombrantes que Tintin croise sur sa route et qu'il ne supporte pas, tant elles incarnent à ses yeux une dimension maternelle qu'il cherche à fuir »[90].

Le syldave, un écho de la question linguistique en Belgique

Rainier Grutman étudie les rapprochements entre la langue syldave et le parler bruxellois traditionnel.

Selon Rainier Grutman, la « présence cryptée et travestie du parler bruxellois » dans la langue syldave construite par Hergé fait écho au dualisme belge sur le plan linguistique entre wallons francophones et flamands néerlandophones. Au moment de la création des Aventures de Tintin, dans les années 1930, une série de lois entérine ce dualisme[77]. Bien que francophone, Hergé grandit dans un milieu linguistique non homogène et le marollien, parlé par sa grand-mère, le marque durablement au point d'influencer son écriture. Comme il l'avait fait avec la langue des Arumbayas dans L'Oreille cassée, Hergé s'appuie sur ce patois pour donner corps au syldave, une langue de construction germanique slavisée par l'ajout de consonnes. En raison de cette nature germanique, le bruxellois « reste opaque pour un francophone unilingue » tout en étant « plus accessible au néerlandophone […] à condition de bien connaître le français ». Mais si, comme le rappellent Daniel Justens et Alain Préau, les Bruxellois de souche qui maîtrisent les mêmes codes qu'Hergé tirent le plus grand profit des jeux de mots que l'auteur a glissé dans les langues qu'il invente, « l'inscription [du bruxellois] est trop discrète pour qu'on puisse y voir quelque programme idéologique que ce soit[91]. » Selon Rainier Grutman, chez Tintin, « le bruxellois est une langue de contact (et non pas de conflit) ; il ne sert pas à exclure des lecteurs, mais à les réconcilier[92]. » Les langues imaginaires conçues par Hergé peuvent donc « faire l'objet de deux lectures qui ne sont pas mutuellement exclusives : 1) une lecture bilingue, qui joue sur la connivence et l'identité que partage Hergé avec les lecteurs de sa communauté d'origine ; 2) une lecture unilingue qui, en exagérant les effets d'altérité, devient une source d'exotisme[93]. »

Dans son récit, Hergé joue sur le sens réel de ces emprunts, c'est notamment le cas de la devise « Eih bennek, eih blavek », qui figure sur le blason syldave. L'auteur en explique l'origine et la signification dans la brochure touristique que consulte Tintin dans l'avion qui le conduit vers la Syldavie[F 8] : traduite par « Qui s'y frotte s'y pique », elle aurait été prononcée par Ottokar IV, le fondateur de la dynastie régnante, après avoir assommé de son sceptre le baron qui le défiait. La célèbre devise royale, portée notamment par Louis XII, permet ainsi de transposer l'image de la « piqûre » du sceptre. Mais en réalité, la phrase « Eih bennek, eih blavek » n'est pas imaginaire. Formulée dans une variété dialectale du néerlandais Hier ben ik, hier blijf ik, elle est elle-même tirée de l'allemand Hier bin Ich, hier bleibe Ich, qui signifie littéralement « J'y suis, j'y reste »[F 8]. De fait, la devise syldave fait référence au trône sur lequel le roi entend rester plutôt qu'à son symbole[63].

Dans la planche 24, alors que Tintin chute d'un avion, un dialogue entre deux paysans qui aperçoivent la scène offre un bel exemple de présence cryptée du wallon et du marollien dans la langue syldave[94]. Hergé emprunte des mots et expressions à ces deux dialectes et leur ajoute plusieurs consonnes, comme pour leur conférer une sonorité slave[F 9]. Ainsi, montrant le parachute dans le ciel, le premier paysan dit au second « Zrälùkz », dans lequel on retrouve le wallon « rëlouke » qui signifie regarde. Son camarade lui répond « czesztot on klebcz », qui peut s'interpréter comme « c'est un chien », une contraction d'élément wallon (« c'èstot on » qui signifie « c'était un ») et d'argot (« clebs »)[95]. De la même manière, dans la suite du dialogue, la phrase « czesztot wzryzkar nietz on waghabontz ! » révèle le texte dialectal 't Es toch zieker niet een vagabond qui signifie « Ce n'est quand même pas un vagabond ! »[96].

Autour de l'album

Adaptations

René Clermont prête sa voix au roi Muskar XII pour un enregistrement audio de l'aventure en 1961.

En 1957, les studios Belvision, créés par Raymond Leblanc, l'un des fondateurs du Journal de Tintin, lancent la production d'une série animée dont le premier volet est consacré à une adaptation du Sceptre d'Ottokar. Il en est tiré huit épisodes d'environ treize minutes, dont la diffusion commence au mois de novembre de la même année sur la RTF[97],[98]. L'album est ensuite repris en 1991 dans la série animée Les Aventures de Tintin, un ensemble de trente-neuf épisodes dont les n° 10 et 11 sont consacrés au Sceptre d'Ottokar[99].

Entre 1959 et 1963, la radiodiffusion-télévision française présente un feuilleton radiophonique des Aventures de Tintin de près de 500 épisodes, produit par Nicole Strauss et Jacques Langeais. L'adaptation du Sceptre d'Ottokar est distribuée en 1961 sous la forme d'un disque 33 tours aux éditions Pathé Marconi, réalisé par René Wilmet et Jean Jusforgues, sur une musique de Vincent Vial. La narration est assurée par Yves Furet, tandis que le personnage de Tintin est interprété par Maurice Sarfati. Jean Carmet et Jean Bellanger campent la voix des Dupondt, René Clermont celle du roi Muskar XII et Caroline Cler celle de Bianca Castafiore[100],[101].

Le réalisateur américain Steven Spielberg acquiert les droits cinématographiques de Tintin en 1984. Il confie d'abord à Melissa Mathison la rédaction d'un scénario inspiré de Tintin au Congo puis contacte Roman Polanski, qui préfère quant à lui adapter Le Sceptre d'Ottokar[P 11]. Polanski déclare que cet album est « l'aventure la plus drôle de Tintin », et dont il apprécie « l'atmosphère balkanique. La Syldavie, c'est le royaume de la bêtise stalinienne […] C'est le genre d'idiotie qui nous fait mourir de rire, en Pologne. » Le projet est finalement abandonné[102],[103]. Après le succès de Les Aventures de Tintin : Le Secret de La Licorne, sorti en 2011, le tournage d'un deuxième volet est confirmé au début de l'année 2019 : son réalisateur, Peter Jackson, déclare alors vouloir travailler sur un épisode d'espionnage syldave, qui mêlerait Le Sceptre d'Ottokar et L'Affaire Tournesol, ou bien un scénario adapté du diptyque lunaire Objectif Lune et On a marché sur la Lune[104].

Pièces de collection

Si des dessins originaux d'Hergé sont régulièrement mis aux enchères, c'est le cas particulièrement pour des planches du Sceptre d'Ottokar. En effet, une vingtaine de planches de l'album, mises en sécurité au siège de Cœurs vaillants à Paris pendant la Seconde Guerre mondiale, sont subtilisées au cours de l'année 1946. Depuis lors, elles sont échangées par les collectionneurs et alimentent les ventes aux enchères. En 2015, une double planche montrant Tintin s'échappant de Bordurie en avion avant d'être abattu établit un nouveau record de vente pour une pièce de ce type à 1 563 000 euros[105]. En 2016, la double planche finale de l'album est adjugée à 809 600 euros chez Tajan[106]. En 2019, une autre planche originale, décrivant l'épisode où Tintin et Milou reprennent le sceptre aux ravisseurs, récolte la somme de 394 000 euros[107]. Par ailleurs, une aquarelle réalisée pour la couverture du Petit Vingtième du et montrant Tintin s'enfuyant de Bordurie après avoir dérobé de la nourriture, est adjugée à 629 000 euros chez Christie's en 2018[108].

Postérité

Bruno Podalydès glisse des allusions à Tintin dans ses films.

Grand admirateur des Aventures de Tintin, l'acteur et réalisateur Bruno Podalydès glisse des clins d'œil dans chacun de ses films : ainsi dans Dieu seul me voit (Versailles-Chantiers), en 1998, le héros emmène une amie dans un restaurant syldave, reconstitution du Klow du Sceptre d'Ottokar, avec le même serveur moustachu au gilet à carreaux[109]. De même, dans La Machination Voronov, quatorzième album de la série Blake et Mortimer, scénarisé par Yves Sente et dessiné par André Juillard, l'un des personnages se rend dans un restaurant moscovite qui est une fidèle copie du Klow, tenu par le même patron[110],[111]. Ce dernier bénéficie d'un autre clin d'œil dans la bande dessinée : dans le cinquième tome de la série Lou !, Laser Ninja, le professeur de syldave de la mère de l'héroïne est son sosie[112].

Notes et références

Notes

  1. Même s'ils apparaissent dans Tintin au Congo qui lui est antérieur, il s'agit de la version en couleur datant de 1946, et ils ne figuraient pas dans l'édition originale en noir et blanc de cet album datant de 1931. Dans les versions en couleur des albums, Dupond et Dupont portent leur véritable nom dans Les Cigares du pharaon.
  2. La Syldavie est aussi le théâtre de la majeure partie de l'intrigue d'Objectif Lune, de même que l'album suivant, On a marché sur la Lune. Dans L'Affaire Tournesol, une partie de l'intrigue se déroule sur le territoire de la Bordurie voisine, tandis que la Syldavie est suggérée en fin d'album.
  3. Il est à noter que près de quarante ans après la parution de l'album, un sceptre ayant appartenu à Ottokar II est découvert lors de la restauration de la cathédrale Saint-Guy à Prague (Peeters 1983, p. 102).
  4. Le titre néerlandais est De scepter van Ottokar.

Références

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  3. Le sceptre d'Ottokar, planches 5, 6, 10 et 12.
  4. Le sceptre d'Ottokar, planche 11.
  5. Le sceptre d'Ottokar, planches 15 et 16.
  6. Le sceptre d'Ottokar, planches 18 et 22.
  7. Le sceptre d'Ottokar, planche 23.
  8. Le sceptre d'Ottokar, planches 24 à 33.
  9. Le sceptre d'Ottokar, planches 35 à 36.
  10. Le sceptre d'Ottokar, planches 40 et 41.
  11. Le sceptre d'Ottokar, planche 42.
  12. Le sceptre d'Ottokar, planches 44 et 45.
  13. Le sceptre d'Ottokar, planches 52 et 53.
  14. Le sceptre d'Ottokar, planches 55 à 58.
  15. Le sceptre d'Ottokar, planche 60-61.
  16. Le sceptre d'Ottokar, planche 34.
  17. Le sceptre d'Ottokar, planche 58.
  18. Le sceptre d'Ottokar, planches 60 et 61.
  19. Le sceptre d'Ottokar, planches 28 et 29.
  20. Le sceptre d'Ottokar, planche 12.
  21. Le Sceptre d'Ottokar, planche 7.
  22. Le Sceptre d'Ottokar, planches 19, 20 et 21.
  23. Le Sceptre d'Ottokar, planche 19.
  24. Le sceptre d'Ottokar, planche 1.
  25. Le sceptre d'Ottokar, planche 18.
  26. Le sceptre d'Ottokar, planche 22.
  27. Le sceptre d'Ottokar, planches 53 à 55.
  28. Le sceptre d'Ottokar, planches 61-62.
  29. Le sceptre d'Ottokar, planche 32.
  30. Le Sceptre d'Ottokar, planche 21.
  31. Le sceptre d'Ottokar, planche 55.
  32. Le sceptre d'Ottokar, planche 2.
  33. Le sceptre d'Ottokar, planche 38, dernière case.
  34. Le sceptre d'Ottokar, planche 59, dernière case.
  35. Le sceptre d'Ottokar, planche 44.
  36. Le sceptre d'Ottokar, planches 19 à 21.
  37. Le sceptre d'Ottokar, planche 41, case D2.
  38. Le sceptre d'Ottokar, planche 40, case A1.
  39. Le sceptre d'Ottokar, planche 40, case A2.
  40. Le sceptre d'Ottokar, planche 42, cases A3 et B1.
  41. Le sceptre d'Ottokar, planche 17, case A3.
  42. Le sceptre d'Ottokar, planche 60, case B3.
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Annexes

Bibliographie

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Album en couleurs

Ouvrages sur l'œuvre d'Hergé

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  • Collectif, Le rire de Tintin : Les secrets du génie comique d'Hergé, L'Express, Beaux Arts Magazine, , 136 p. (ISSN 0014-5270). 
  • Collectif, Tintin et le trésor de la philosophie, Philosophie Magazine, , 100 p. (ISSN 2104-9246), chap. Hors-série. 
  • Daniel Couvreur, Frédéric Soumois et Dominique Maricq, Le Roi Muskar, Bruxelles, Éditions Moulinsart, coll. « La Collection officielle », , 16 p. 
  • Philippe Goddin (préf. Raymond Leblanc, éditeur), Hergé et Tintin reporters : Du Petit Vingtième au journal de Tintin, Bruxelles, Éditions du Lombard, , 256 p. (ISBN 2-8036-0581-3).
  • Michael Farr, « Le Sceptre d'Ottokar », dans Tintin : Le rêve et la réalité, Bruxelles, Éditions Moulinsart, , p. 80-89. 
  • Thierry Groensteen, Le rire de Tintin, Moulinsart, , 116 p. (ISBN 9782874241086).
  • Rainier Grutman, « « Eih bennek, eih blavek » : l'inscription du bruxellois dans Le sceptre d'Ottokar », Études françaises, Montréal, vol. 46, no 2, , p. 83-99 (lire en ligne). 
  • Jean Rolin, « Balkans : Où est passée la Syldavie ? », Géo, Paris « Hors-série », no 1H « Tintin, grand voyageur du siècle », , p. 124-138.
  • Tristan Savin, « Mais où est donc la Syldavie ? », dans Tintin : Les arts et les civilisations vus par le héros d'Hergé, Geo, Éditions Moulinsart, , 160 p. (ISBN 978-2-8104-1564-9), p. 94-105. 
  • Frédéric Soumois, Dossier Tintin : Sources, Versions, Thèmes, Structures, Bruxelles, Jacques Antoine, , 316 p. (ISBN 2-87191-009-X).
  • Frédéric Soumois, « Du rififi dans les Balkans », Historia, Paris « Hors-série » « Les personnages de Tintin dans l'histoire : Les événements de 1930 à 1944 qui ont inspiré l'œuvre d'Hergé », , p. 80-81.
  • (en) Jean-Marc Lofficier et Randy Lofficier, The Pocket Essential Tintin [« Tintin [dans éditions Pocket Essential] »], Harpenden, Hertfordshire, Pocket Essentials, (ISBN 978-1-904048-17-6).

Ouvrages sur Hergé

Lien externe

  • Portail Tintin
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