Le Meurtre du Commandeur

Le Meurtre du Commandeur (騎士団長殺し, Kishidanchō-goroshi) est le quatorzième roman de l'écrivain japonais Haruki Murakami, publié au Japon en 2017. La traduction française, parue en , aux Éditions Belfond, en deux tomes[1] - Une Idée apparaît (顕れるイデア編, Arawareru idea hen) et La Métaphore se déplace (遷ろうメタファー編, Utsurou metafā hen) -, est due à Hélène Morita.

Le Meurtre du Commandeur
Auteur Haruki Murakami
Pays Japon
Version originale
Langue japonais
Titre 騎士団長殺し
(Kishidanchō-goroshi)
Éditeur Shinchōsha
Lieu de parution Tokyo
Date de parution 24 février 2017
ISBN 978-4103534327
Version française
Traducteur Hélène Morita
Éditeur Belfond
Lieu de parution Paris
Date de parution 11 octobre 2018
Nombre de pages 456
ISBN 978-2714478382

Personnages

Le narrateur et personnage principal, anonyme, 36 ans, donc né vers 1970 (si l'action se déroule vers 2010), peintre, portraitiste de talent, faute de mieux, vient d'être quitté par son épouse, Yuzu, 33 ans, après six ans de mariage. Après une errance automobile (en vieille Peugeot 205), il trouve refuge dans la maison de montagne du père d'un ami d'université, près d'Odawara (Préfecture de Kanagawa, Honshū). Il est resté attaché à sa jeune sœur Komi, de trois ans plus jeune, morte à 12 ans, d'arythmie cardiaque. Cette mort est sans doute liée à ses crises de claustrophobie (à 18 ans) et à son choix de l'abstraction en peinture.

Le père de cet ami d'études, Tomohiko Amada, célèbre peintre, né vers 1915, est désormais placé en résidence médicalisée. Il a été autrefois peintre de yōga (style occidental), a suivi une formation à Vienne, en 1935-1938. Il est ensuite revenu au Japon, où il a renouvelé la peinture nihonga (traditionnelle). Son atelier a souvent été cette maison de bois, discrète, bien installée, vide de tout tableau, pleine de romans et de disques de musique classique européenne. Son fils n'a guère apprécié ce père distant.

À proximité relative, en haut de cette vallée encaissée, une construction moderne est la seule trace (visible depuis son ermitage) de présence humaine. Cette résidence luxueuse est habitée par un homme seul, Wataru Menshiki, énigmatique, secret, mécène, se déclarant ancien entrepreneur informatique, peut-être spéculateur en bourse, résidant là depuis trois ans seulement.

Une troisième construction, visible seulement depuis chez Menshiki, est habitée par un entrepreneur veuf, Akikawa, sa sœur célibataire Shôko, et sa fille, Marié, dont la mère est morte de piqûres de frelons.

Intrigue

Quand Yuzu lui signifie la fin de leurs relations de couple en cohabitation, le narrateur décide de lui laisser le logement. Il emporte quelques affaires dans sa voiture, et il erre, principalement à Hokkaidō. Un soir, au restaurant, une jeune femme s'impose à sa table, apparemment poursuivie par un homme en Subaru blanche. Leur nuit violente en Love Hotel semble surveillée par ce mystérieux traqueur.

Sur la recommandation du jeune Amada, le narrateur obtient quelques demi-journées d'ateliers de peinture, pour enfants et pour adultes, à Odawara (assez près de Tokyo à vol d'oiseau), ce qui lui permet de mieux supporter la fin de toute autre rentrée financière, et de ne pas sombrer dans l'isolement, et l'absence de toute inspiration (pour peindre).

Un soir ou un matin, il est intrigué par un bruit étrange au grenier. Il découvre difficilement un accès, s'y introduit, observe un hibou résident et en rapporte l'unique objet, un rouleau qui pourrait être un tableau dissimulé, qu'il descend dans la chambre d'ami. C'est Le Meurtre du Commandeur, un tableau nihonga, de Tomohiko Amada, qui représente manifestement une scène de l'opéra Don Giovanni, qu'il écoute justement.

Son épouse lui transmet le dossier de divorce à contresigner. Son agent lui transmet la proposition très généreuse d'un voisin qui souhaite son portrait, à sa convenance, avec pose, contrairement à toute ses habitudes d'excellente mémoire visuelle. Il accepte de le rencontrer, discute avec lui, et finit par accepter, sous conditions, de tenter un portrait, avec pose. Après quelques semaines, le portrait, d'un style tout nouveau, très inspiré, réputé achevé, et seulement alors montré au modèle, lui convient. Ce rebond d'inspiration le mène même à tenter le portait de l'homme à la Subaru blanche.

Les réflexions et les discussions (avec Menshiki) portent en partie sur la musique (Puccini, Schubert, Debussy, Beethoven, Mozart, Monk, Coltrane, Coleman Hawkins), la peinture (Rembrandt, Van Gogh, Matisse, Braque, Delacroix, Warhol), la littérature (Poe, Ueda, Marcel Proust, Kafka), et la cuisine.

Une nuit, il est réveillé par un bruit extérieur de clochette. Loin derrière le petit sanctuaire rustique, à l'entrée des bois, masqué par le grandes plantes, le son semble venir de l'intérieur d'un amas d'énormes pierres. Comme le phénomène se répète, il le signale au seul interlocuteur possible, Menshiki, qui, après une nuit pour observer et confirmer à deux l'événement, décide, avec son accord, et celui du propriétaire, et à ses propres frais, de faire intervenir une entreprise d'aménagement de jardin. Menshiki lui offre, en lecture préparatoire ou confirmatoire, un récit de Ueda Akinari (1734-1806), dont l'action semble préfigurer l'aventure possible : une petite musique, une momie de moine bouddhiste, qui, par régime dendrique, est parvenu à « entrer vivant dans l'immobilité » (p. 269, en version poche).

Les plaques de rochers sont déplacées (et réordonnées en pyramide). En dessous, sous une grille-couvercle en bois, il y a une fosse de près de trois mètres de profondeur, avec des murs très bien construits et sans aspérité, et à l'intérieur Menshiki relève uniquement une simple clochette bouddhiste. Une fois l'entreprise partie, Menshiki obtient du narrateur d'y rester enfermé pendant une heure, échelle métallique repliée, couvercle fermé. Plus tard, l'ami Amada passe, mais refuse de s'impliquer dans cette découverte archéologique, qu'il aurait mieux valu selon lui ne pas provoquer.

Une nuit, le narrateur entend à nouveau le bruit de clochette, cette fois à l'intérieur de l'atelier, où il a déposé la clochette. Manifestement, le tabouret devant le chevalet a été légèrement déplacé. Dans la pièce voisine, se tient un personnage réduit, copie du Commandeur du tableau, avec lequel un début difficile de dialogue s'engage. La remontée de la clochette a été pour lui le sésame lui permettant d'entrer dans cette demeure et d'y observer le peintre et son amante. Il ne demeure visible et audible ou sensible qu'au peintre, qu'il appelle Messieurs. Le désormais Commandeur apparaît, peu, à ses heures, et intervient énigmatiquement : il serait seulement une idée.

Menshiki obtient, après une invitation du peintre à un superbe repas dans sa résidence, après délai conséquent (et demandé par le Commandeur, également invité), que le peintre réalise un portrait, à sa convenance, d'une de ses élèves, 13 ans, Marié Akigawa (Ma-li-yé), qui est peut-être et sans doute sa propre fille (née de son unique amour), avec pose, en présence de sa tante, avec la possibilité de l'approcher enfin, comme accidentellement.

Dès la première séance, alors que le portrait de l'homme à la Subaru blanche est retourné, et que le Meurtre du Commandeur est exposé, Marié parle...

Tome 2

Le tome II se compose des chapitres 33 à 64, relatant des faits qui se déroulent en novembre et décembre.

Dès le deuxième dimanche à séance de pose pour le portrait de Marié, le peintre s'interroge sur la possibilité de rendre « la singularité de l'éclat de ses yeux ». La co-présence de Shôko et sa Toyota bleue à motorisation hybride et de Menshiki et sa Jaquar argentée provoque un rapprochement des deux, inquiétant pour Marié, et sans doute pour le peintre. La clochette disparaît de l'atelier. Le peintre descend dans la fosse, seul, rêve que la fosse (2 mètres de diamètre pour 3 de profondeur) se referme sur lui. De retour à l'atelier, il comprend que dans le tableau inachevé de l'homme à la Subaru blanche « résidait à l'état latent quelque chose qui possédait un dangereux pouvoir ». Et il engage un dessin fouillé de la fosse, qu'il interprète ensuite comme celui du sexe de sa petite amie.

Le peintre évoque, seul ou avec Marié, ses lectures (Emmanuel Kant, T. S. Eliot, F. S. Fitzgerald, Dostoïevski, George Orwell (1984), et son actuel récit de la défaite de l'Invincible Armada), et ses écoutes : Chopin, Haendel, Debussy, Clifford Brown, Billie Holliday, Bob Dylan, les Doors, Bruce Springsteen, Roberta Flack et Donny Hathaway.

De son côté, Menshiki aussi fait des recherches sur Amada, particulièrement son jeune frère, Tsuguhiko Amada, étudiant en musique, soldat conscrit à Nankin en 1937, forcé de participer à des décapitations au sabre, et qui s'est suicidé dans le grenier de la maison isolée. L'ami ignore presque tout de son père (cet homme) et de ses deux frères.

Yoshindsu Akikawa, 58 ans, le père de Marié (et dont la mère aurait 43 ans, si elle n'avait pas été allergique aux guêpes), est devenu depuis cette mort très religieux, et se fait copieusement exploiter par une sorte de secte de religieux charlatans.

Une nuit, le peintre est réveillé : quelqu'un, dans l'atelier, scrute Le meurtre du commandeur, son créateur (ou son double), puis disparaît. L'ami Masahito Amada annonce que Yuzu est enceinte d'un de ses collègues, qu'il lui a présenté, et se sent donc un peu coupable. Le narrateur se souvient, par ses notes, d'un rêve où il a depuis son départ connu sexuellement Yuzu, en rêve : « cet incube, mon double sexuel ».

Marié connaît, trop bien, les passages, les lieux, et (des yeux) le vieux peintre : cette fillette laconique de treize ans a fait de cette maison son terrain de chasse.

Mais Shôko l'informe par téléphone que Marié a disparu, au retour de chez Menschiki. Menshiki averti vient vérifier l'état de la fosse, et en ramène une figurine de plastique pour fillette, un pingouin noir et blanc, talisman (ou amulette) généralement attaché à son téléphone portable, donc perdu ou laissé par Marié. Ils en infèrent que la fosse est un sas, un lieu de transit, et qu'elle laisse passer qui elle veut.

Le Commandeur déclare que les Idées n'ont rien à voir avec le temps, l'espace, les probabilités, et ne peut donc pas intervenir. Menshiki avoue son impression de n'être rien, qu'un « homme creux ». Tout paraît bloqué.

Masahito passe prendre le peintre, qui lui a demandé de l'emmener rendre une visite à son père, même s'il est désormais en coma. Quand, grâce au Commandeur, Masahito est sorti téléphoner, dans la grande chambre d'hôpital, se rejoue la scène du meurtre du Commandeur, seule piste pour espérer faire sortir Long Visage, l'extirper du paysage, et le forcer à indiquer une manière d'exfiltrer Marié du piège où elle s'est enfermée peut-être.

Il s'agit donc de tuer une illusion, à sa demande. Le Commandeur (Je ne suis, en tout et pour tout, qu'un miroir sur lequel se reflète le cœur de chaque personne) délivre non des informations mais des énigmes, rarement des ordres : diffère, ne refuse pas, zigouille-moi... Long Visage, capturé, s'avoue simple greffier, une humble métaphore. Et le chemin des métaphores est particulièrement dangereux, surtout à cause des Doubles Métaphores, celles qu'on porte en soi.

Pour le jeune peintre, il va falloir découvrir et parcourir tout un monde souterrain, colline, rivière à traverser (qui coule entre le rien et l'être), trouver pour cela un embarcadère et une barque à fond plat avec péage à assurer au passeur sans visage, une forêt obscure, une grotte avec Donna Anna à la lanterne, puis un très long boyau qui se resserre, mais « c'est vous-même qui décidez de votre chemin ».

De son côté, Marié aussi pourrait être soumise à un parcours initiatique, tout autre, avec enfermement, etc.

Critiques francophones

Pour Corinne Renou-Nativel, c'est le retour à la meilleure veine de l'auteur[2] avec ce récit qui ensorcelle.

Autres critiques

Le livre a été condamné à Hong-Kong pour l'indécence de quelques scènes sexuelles explicites, dans le premier tome surtout.

Le roman a été désigné "meilleure fiction 2018" (Kirkus Reviews) : bizarre, séduisant, exigeant. D'autres le trouvent décevant à trop évoquer métaphores et idées.

Références

  1. Page du site enfinlivre.blog.lemonde
  2. Corinne Renou-Nativel, « « Le Meurtre du Commandeur » de Haruki Murakami », La Croix, (lire en ligne, consulté le ).

Articles connexes

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