Lazes

Les Lazes ou Tchanes (en géorgien : ლაზები ou ჭანები « Lazebi » ou « Tchanebi » ; en turc Lazlar) sont un peuple caucasien, parlant le laze et de confession musulmane ou chrétienne, qui vit majoritairement dans le nord-est de la Turquie (région du Pont) et dans l'ouest de la Géorgie, régions formant le Lazistan historique ; une communauté laze chrétienne est également présente en Grèce. Leur culture, leur langue, leur musique et leur gastronomie les différencient nettement des autres peuples d'Anatolie et du Caucase. Malgré leurs différences culturelles avec le reste du peuple turc, les Lazes sont bien intégrés dans ce pays.

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Lazes

Populations significatives par région
Turquie environ 220 000 ou entre 500 000 et 1 million[1]
Géorgie 30 000
Russie 160
Population totale 260 000 à 1 500 000[2],[3],[4],[5]
Autres
Régions d’origine Géorgie
Langues Laze
Religions Islam sunnite, Christianisme orthodoxe géorgien
Ethnies liées Svanes, Mingréliens et autres peuples Géorgiens

Géographie

Les Lazes formaient autrefois un peuple avec une langue unique sur un territoire montagneux allant de Rize (Turquie) à Poti (Colchide, Géorgie), zone parfois appelée Lazistan. En outre, il existe des minorités lazes dans la province voisine d'Erzurum et dans toutes les grandes villes de Turquie (Ankara, Istanbul, Izmir). Il y a également une importante communauté laze en Europe occidentale (due à l'émigration) et une population significative installée depuis 1976 à Chypre (Chypre du Nord).

La zone d'implantation des Lazes est le sud-ouest de la Géorgie et surtout le nord-est de la Turquie.

  • province d'Artvin :
    • district de Arhavi (las.: Ark'abi),
    • district de Borcka (las.: Borçxa),
    • district de Hopa (las.: Xopa),
  • province de Rize :
    • district d'Ardesen (las.: Art'ašeni),
    • district de Çamlıhemşin (lire .: Vijadibi),
    • district de Findikli (las.: Vic'e / Vitze),
    • district de Pazar (las.: Atina)
  • autres districts : Çamlıhemşin (Vijadibi) et Borçka,
  • Géorgie :

Le pays côtier qui longe la mer Noire au nord des monts Pontiques monte rapidement jusqu'à la hauteur de 3932 m au Kaçkar Dağı (le mont Cauron de l'Antiquité). Le paysage est formé de nombreux glaciers, lacs, forêts et sources chaudes. Le climat dans les zones subtropicales à feuillage persistant est doux et se caractérise par de fortes précipitations et une forte humidité.

Les rivières sont des ruisseaux de montagne invariablement courts, puisque la crête de la chaîne côtière est à une moyenne de 20 km de la mer. La côte est riche en thé, tabac, maïs, et fruits divers : noisette, raisin, cerise, poire, pomme et actinidie (d'introduction récente).

La population totale d'origine laze serait de 400 à 500 000 personnes dans la zone. S'y ajouteraient 50 000 hors de la zone, principalement en Europe (surtout en Allemagne et en Russie). En Turquie la majeure partie de la population vivant dans la région pontique est considérée comme d'origine laze (une minorité étant d'origine pontique), mais les Lazes décomptés comme tels sont minoritaires dans toutes les provinces de la Turquie, du fait de la turcisation. La langue laze continue à être utilisée, mais n'a pas de statut officiel et son usage recule. Elle fait partie du groupe méridional des langues caucasiennes avec les langues géorgienne, mingrélienne et svane. Plusieurs dialectes lazes ont été étudiés par Georges Dumézil. En Turquie les Lazes sont aujourd'hui tous musulmans malgré un passé préchrétien et chrétien qu'ils partagent avec les descendants des pontiques.

Histoire

Zone historique de présence laze

Antiquité

Les Lazes ont leurs racines dans l'ancienne Colchide, connue par le mythe de Jason et des Argonautes. Leur histoire remonte au moins au VIe siècle av. J.-C., lorsque le premier état à l'ouest du Sud-Caucase est le royaume de Colchide, qui couvrait l'actuel ouest de la Géorgie, et les actuelles provinces turques de Rize et Artvin.

Le Royaume de Colchide devient vite, comme les pays voisins, une arène de conflits entre les grandes puissances locales (empire Perse, royaume du Pont, empire romain, Arménie…). La conséquence des campagnes romaines des généraux Pompée et Lucullus est que le Royaume du Pont est annexé par les Romains, y compris la Colchide, réorganisée par les Romains en province de Lazicum, dirigée par des légats romains.

Empire byzantin et Royaume de Lazique

Durant la période byzantine, le mot Colchoï (Colches) cède la place à l'expression Lazoï (Lazes). L'Antiquité, à la suite de la colonisation grecque sur la côte, et la période byzantine sont marquées par l'hellénisation des populations surtout côtières et urbaines en termes de langue, d'économie et de culture. Par exemple, depuis le début du IIIe siècle, l'Académie philosophique gréco-latine de Phasis, est connue dans tout l'Empire romain. Les populations de l'intérieur montagneux, en revanche, gardent leur langue laze.

Au début du IIIe siècle, le Lazicum romain reçoit un certain degré d'autonomie, qui à la fin du siècle aboutit à une pleine indépendance, avec la formation d'un nouveau Royaume de Lazique, couvrant les régions actuelles de Mingrélie, Adjarie, Guria et Abkhazie, outre de petites principautés comme celles des Zanes, Svanes, Apsyles et Sanygues.

Au milieu du IVe siècle, la Lazique adopte le christianisme comme religion officielle. Cet événement a été précédé par l'arrivée de l'apôtre Simon le Cananéen, ou Kananaios en grec, qui prêche partout en langue laze, et meurt à Suaniri (Lazique occidentale). La première conversion importante au christianisme serait due à Tzath, roi des Lazes régnant sur l'ancienne Colchide, qui se fait baptiser à Constantinople en 522, recevant les insignes royaux de la main de Justin Ier en reconnaissance de sa suzeraineté sur le royaume de Lazique.

Au début du Moyen Âge (VIe siècle), le royaume de Lazique, dans cette région de la mer Noire sur l'actuelle frontière turco-géorgienne, joue un rôle non négligeable de tampon ou de rempart dans les conflits entre l'Empire romain d'Orient (dit « byzantin »), désormais de religion chrétienne, et la Perse sassanide. Le roi perse Chosroês Anoushirvan (531-579) envahit la Lazique en 541, prenant Apsaros, Bathys et Petra. Le Royaume de Lazique survit cependant encore plus de 250 ans, jusqu'en 562, lorsqu'il est absorbé par l'Empire byzantin. L'incorporation du Lazique, avec le royaume d'Abkhazie, dans l'Empire byzantin, est suivie par 150 années de stabilité relative, qui cesse en début du VIIe siècle, quand les Arabes apparaissent dans la zone comme une nouvelle puissance régionale.

Royaume de Géorgie

Au VIIIe siècle, la Lazique, ou Egrisi, se sépare du regroupement régional, qui va parvenir à la puissance dirigeante en Géorgie. Au Xe siècle, les Lazes intègrent le royaume de Géorgie.

Empire ottoman

La chute de l'Empire de Trébizonde en 1461, huit ans après la chute de Constantinople, devant l'« Empire des béliers blancs » dirigé par le sultan turc Mehmed Uzun II Hassan Der, place les Lazes sous domination turque. Vers la fin du XVe siècle, les Lazes abandonnent progressivement la foi orthodoxe géorgienne, pour passer à l'islam, comme d'autres peuples chrétiens de la région, en partie pour ne plus avoir à payer de haraç, double-capitation sur les non-musulmans.

À l'issue de la guerre russo-ottomane de 1878, au traité de San Stefano, le , l'Empire ottoman doit céder à l'Empire russe le district de Kars, et un échange de populations entre chrétiens et musulmans a lieu : les premiers partent vers l'Empire russe, les seconds vers l'Empire ottoman. Dans ce cadre, des Lazes musulmans ont été chassés de leurs terroirs caucasiens vers les provinces turques…(les derniers chrétiens restés sur place ont été chassés vers la Grèce en 1923, en même temps que les Pontiques, en application du traité de Lausanne : un nombre indéterminé mais important de lazes et de pontiques passa alors à l'islam et au turc pour pouvoir rester).

Turquie

En 1920, le traité de paix de Sèvres, qui « liquide » l'héritage ottoman, accorde le contrôle de l'est du Lazistan à la Géorgie. Mais cette partie du traité n'est pas appliquée par Mustafa Kemal Atatürk, et la révision par le Traité de Lausanne se fait en faveur de la république de Turquie, nouvellement formée. En 1921, un accord soviéto-turc rend le district de Kars à la Turquie, pour la remercier d'avoir aidé l'Armée rouge à conquérir la Géorgie. Seule l'Adjarie avec Batoumi restent géorgiennes soviétiques.

Au début de l'ère stalinienne, les Lazes vivant sous domination soviétique ont, en Union soviétique, une certaine autonomie culturelle, mais pendant la Seconde Guerre mondiale, ils sont déportés, comme suspects de sympathies pour l'Allemagne nazie, au Goulag, où des milliers périssent (la Wehrmacht n'a pourtant jamais atteint le Lazistan).

Depuis la dislocation de l'Union soviétique, les Lazes chrétiens (mais aussi des musulmans, autour de Batoumi, en Adjarie) vivent principalement en République de Géorgie, les autres en Turquie. De nos jours, la langue laze est en train de disparaitre, surtout sous sa forme écrite, et le peuple laze est scindé en deux par la frontière linguistique, religieuse et politique entre la Géorgie et la Turquie.

Personnalités lazes

  • Birol Topaloğlu[6],[7], chanteur et joueur de lyra tente de sauver la culture de son peuple de l'oubli par la musique et la tradition orale : « Les Turcs ont du mal à admettre que nous avons vécu sur cette terre de toute éternité. Ils sont convaincus que nous avons suivi le même parcours qu'eux, depuis l'Asie centrale. Pourtant, nos cousins ne sont pas des Ouzbeks ou Turkmènes, ce sont les Megrels et les Svans de Géorgie. »
Kâzım Koyuncu chanteur. Il a chanté pour le peuple laze et a énormément contribué à la promotion de sa culture.
  • Ali Şükrü - homme politique (ottoman)
  • Besim Tibuk - homme politique, fondateur du Parti libéral démocrate
  • Sopho Chalwaschi - chanteuse
  • Tolga Zengin - gardien de but
  • Fuat Saka - chanteur, guitariste, chansonnier, né en 1952 à Trabzon
  • Recep Tayyip Erdoğan, président de la République turque.
[réf. nécessaire]

Annexes

Bibliographie

  • Georges Dumézil, Contes lazes (Institut d'Ethnologie, vol. 27) Contes et légendes des Oubykhs (Institut d'Ethnologie, vol. 60)
  • Alexandre Toumarkine, Les Lazes en Turquie (XIXe – XXe siècles), Les éd. Isis, Istanbul, 1995, 163 p. (ISBN 975-428-069-X)

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

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