Laura Codruța Kövesi

Laura Codruța Kövesi, née Laura Codruța Lascu le à Sfântu Gheorghe (Transylvanie), est une juriste et procureure générale roumaine.

Rattachée à la Haute Cour de cassation et de justice (en), puis procureure en chef de la Direction nationale anticorruption (DNA) de son pays de 2013 à 2018, elle critique les réformes du système judiciaire du gouvernement Dăncilă, qu'elle accuse de menacer l'indépendance de la Justice. Elle est destituée en par le ministre de la Justice Tudorel Toader.

En , elle est désignée pour devenir la première procureure générale du Parquet européen, un organisme européen destiné à la coopération dans la lutte contre la fraude fiscale qui voit le jour en septembre 2020.

Biographie

Famille et formation

Laura Kövesi est la fille du procureur Ioan Lascu, qui occupe de 1980 à 2010 les fonctions de chef du parquet au tribunal de Mediaș. Elle est sélectionnée dans l'équipe nationale de basket-ball féminine junior avec laquelle elle est vice-championne d'Europe en 1989[1],[2].

De 1991 à 1995, elle étudie à la faculté de droit de l'université Babeș-Bolyai de Cluj-Napoca.

En 2002, elle épouse Eduárd Kövesi, dont elle conserve le nom de famille après leur divorce en 2007.

Procureure au tribunal de Sibiu

De 1995 à 2006, elle est procureure au tribunal de Sibiu, d'abord au parquet, puis au Bureau de lutte contre la corruption et le crime organisé, et enfin au sein de la direction d’investigation des infractions de criminalité organisée et de terrorisme[3].

Procureure générale de Roumanie

Le , elle est nommée procureure générale rattachée à la Haute Cour de cassation et de justice (en)[3] par le président Traian Băsescu. Elle est alors, à 33 ans, la plus jeune procureure générale de Roumanie, et la première femme à être nommée à ces fonctions[4]. C'est alors la première fois qu'un procureur général accomplit son mandat de trois ans jusqu'au bout, alors que ses prédécesseurs avaient été changés pour des raisons politiques[5].

Le , elle est réinvestie dans ses fonctions pour un autre mandat de trois ans[5].

Elle s'attache alors à moderniser et réorganiser le parquet. On lui reconnaît des qualités d'intégrité et de moralité qui peuvent se retourner contre certains de ses collègues, entre autres quand, en 2009, elle accuse publiquement l'ancien procureur militaire Dan Voinea de nombreuses irrégularités dans le traitement des dossiers concernant la révolution roumaine de 1989 et les minériades des années 1990[6].

Procureure en chef de la Direction nationale anti-corruption

En 2013, elle est nommée à la tête de la Direction nationale anticorruption. Dès lors, la DNA fait d'importants progrès dans sa lutte contre la corruption de haut niveau en Roumanie, poursuivant avec succès des maires (comme Sorin Oprescu, maire de Bucarest), des parlementaires, des ministres, et même l'ex Premier ministre Victor Ponta, alors en exercice[7]. En 2014, plus de 9 000 dossiers de corruption ont été traités, un millier de personnes ont été traduites en justice y compris d'anciens juges et procureurs, 90 % d'entre eux étant condamnées[4]. 300 millions d'euros ont été récupérés, ce qui ne représenterait toutefois que 10 % des sommes détournées[4].

Le , le président Klaus Iohannis a renouvelé le mandat de Laura Kövesi à la DNA pour trois ans[8]. En trois ans, la DNA a en effet, sous sa direction, poursuivi 3000 élus et fonctionnaires, dont deux ex-Premiers ministres du PSD (Parti-social-démocrate)[9]. Lors des grandes manifestations de réclamant le départ de Liviu Dragnea, leader du PSD, Laura Kövesi a déclaré au Guardian, le  : « Je crois vraiment que la DNA aide à créer une nouvelle Roumanie. »[9]

Le , le ministre de la Justice, Tudorel Toader lance une procédure de destitution à son encontre. Il lui reproche d'avoir « enfreint la constitution » et d'avoir nui à l'image de la Roumanie[10]. Le président Klaus Iohannis, à qui il revient de mettre fin à ses fonctions s'il le souhaite, affirme qu'il s'est déclaré « à plusieurs reprises content de l’activité du DNA et de sa direction, un point de vue qu'il maintient »[11]. Le , une manifestation est organisée pour la soutenir[12]. Kövesi reçoit aussi le soutien du Conseil supérieur de la magistrature[13].

Le , la Cour constitutionnelle ordonne au président de la destituer, estimant que le président ne possède pas de « pouvoir discrétionnaire »[10]. L'opposition estime que la décision, prise par six juges sur neuf, « porte gravement atteinte à la crédibilité » de la Cour constitutionnelle[14]. Elle est finalement révoquée le [15]. Le , le ministre de la Justice nomme Adina Florea, procureure à la cour d'appel de Constanța et réputée proche des sociaux-démocrates, pour lui succéder[16].

Le 5 mai 2020, la Cour européenne des droits de l'homme juge, à l’unanimité, que cette révocation a violé l’article 6§1 (droit à un procès équitable) et l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention européenne des droits de l'homme[17].

Procureure au ministère public

Le , peu après sa révocation de la direction de la DNA, Codruța Kövesi est nommée procureure au sein du ministère public et chargée de la mise en place de la stratégie anti-corruption pour 2016-2020[18],[19].

Procureure générale européenne

En , sa candidature est pressentie pour diriger le futur Parquet européen, nouvelle agence de l'Union européenne[20].

Le , 3 candidats sont sélectionnés par un jury international : Kövesi, le Français Jean-François Bohnert et l'Allemand Andres Ritter. Kövesi est alors vue comme la favorite. Le , le Comité des représentants permanents II choisit Bohnert en premier avec 50 points et Kövesi et Ritter ex-æquo en seconde position avec 29 points. Le , Kövesi arrive en tête du vote de la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) du Parlement européen avec 26 voix, devant Bohnert qui obtient 22 voix et Ritter qui en obtient une. Kövesi a obtenu au Parlement européen le soutien des groupes du Parti populaire européen, Socialistes et Démocrates et Alliance des libéraux et des démocrates pour l'Europe (ALDE). Elle obtient aussi le soutien marqué de Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne. La Roumanie, qui préside le Conseil de l'Union européenne depuis janvier, fait campagne contre Kövesi et lors de son audition devant la commission LIBE, plusieurs parlementaires roumains de la coalition gouvernementale accusent Kövesi de mensonge et d'abus de pouvoir. Le , elle fait l'objet d'une procédure judiciaire en Roumanie pour « abus de pouvoir, corruption et faux témoignage ». La première audience est prévue le . Ces attaques du gouvernement roumain contre la candidature de Kövesi sont critiquées par de nombreux parlementaires européens dont Guy Verhofstadt, Sophie in 't Veld et Antonio Tajani. En raison des résultats divergents du Coreper II et de la commission LIBE, une négociation aura lieu entre les parties prenantes à partir de juillet, c'est-à-dire quand la Roumanie ne présidera plus le Conseil, mais la Finlande[21],[22],[23],[24],[25].

Fin mars, la justice roumaine inculpe Codruța Kövesi pour corruption. Elle est placée sous contrôle judiciaire et interdite de quitter le pays. Cette inculpation est perçue comme la continuation de la campagne du gouvernement roumain contre la candidature de Codruța Kövesi. Sous pression de l'Union européenne qui souhaite que Codruța Kövesi puisse défendre sa candidature, la Haute cour de Cassation et de Justice roumaine allège son contrôle judiciaire et lui permet de voyager à l'étranger[26],[27].

Le , elle est désignée pour être procureure générale du parquet antifraude européen, qui devrait être mis en place fin 2020[28]. Elle prend ses fonctions le 31 octobre 2019, pour un mandat de sept ans. Le parquet débute ses activités en septembre 2020[29].

Critiques

Laura Kövesi fait régulièrement l'objet d'attaques par des personnalités politiques. En , peu de temps après sa mise en accusation pour blanchiment d'argent, usage de faux et évasion fiscale par la DNA, Victor Ponta, alors Premier ministre du pays, a notamment affirmé sur sa page Facebook que le seul problème du pays est « l'obsession d'un procureur pas du tout professionnel qui essaie de se faire un nom en inventant et imaginant des faits et de fausses situations qui datent d'il y a dix ans »[7].

Le , elle est inculpée pour corruption[30].

Références

  1. Jonas Mercier, « Laura Kovesi, l'intégrité roumaine », La Croix, (lire en ligne).
  2. (en) « Statistiques de Laura Codruta Lascu », FIBA Europe
  3. (ro) « CV KÖVESI LAURA CODRUȚA », sur Direcția Națională Anticorupție (consulté le ).
  4. Damien Roustel, « Roumanie. L’Incorruptible des Carpates », L'Humanité, (lire en ligne).
  5. (ro) Lucia Efrim, « Codruţa Kovesi - singurul procuror general al României care-şi duce mandatul până la capăt », Mediafax, (lire en ligne).
  6. (ro) Ella Moroiu, « Nu trebuia aprobata decizia de pensionare a lui Dan Voinea. Fostul procuror militar va primi o pensie de 18.500 lei, desi a savarsit abateri disciplinare », Hot News, (lire en ligne).
  7. (en) Kit Gillet, « Bringing in the scalps: the woman leading Romania's war on corruption », The Guardian, (ISSN 0261-3077, lire en ligne, consulté le ).
  8. (ro) Radu Eremia, « Iohannis a semnat decretul de reînvestire a Codruţei Kovesi pentru funcţia de şef la DNA: „Nu am niciun semn de întrebare în ceea ce o priveşte“ », Adevărul, (lire en ligne).
  9. David Fontaine, « Liviu Dragnea: Le Roumain dans le sac », Le Canard enchaîné, .
  10. « Roumanie : le président doit révoquer la procureure anticorruption Laura Codruta Kovesi », sur La Croix, (consulté le )
  11. « Roumanie: le gouvernement demande la tête de la cheffe du parquet anticorruption », sur Libération.fr, (consulté le )
  12. « Manifestation anticorruption en Roumanie », sur Le Figaro (consulté le )
  13. « Roumanie: le parquet anticorruption se dit victime d'"attaques sans précédent" », sur L'Orient-Le Jour (consulté le )
  14. « Roumanie : la justice contraint le président à révoquer la procureure anticorruption », sur romandie.com, (consulté le ).
  15. Mirel Bran, « Le gouvernement roumain obtient le limogeage de Laura Codruta Kövesi, à la tête du parquet anticorruption », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
  16. Le JDD, « Roumanie : le pouvoir paralyse la lutte contre la corruption », sur lejdd.fr (consulté le )
  17. Affaire Kövesi c. Roumanie (requête n° 3594/19)
  18. (en) Lydia Osborne, « Romania: Axed Anti-Graft Prosecutor Given New Role », OCCRP,
  19. (en) Irina Marica, « Romania’s former DNA chief prosecutor will continue anticorruption fight at new job », Romania Insider,
  20. Maria Udrescu, « Laura Codruta Kovesi, la "dame de fer" de la Roumanie, se trouverait parmi les cinq candidats retenus pour diriger le futur parquet européen », La Libre Belgique, (lire en ligne, consulté le )
  21. (en) Rikard Jozwiak, « EU Lawmakers Back Romanian Candidate For New European Prosecutor’s Post », Radio Free Europe,
  22. (en) « Romania's Ex-Head Of Anti-Graft Agency Summoned To Bucharest Court », Radio Free Europe, Associated Press, Agerpress,
  23. (en) « Romanian loses lead on top European prosecutor job after EU Council vote », Romania Insider,
  24. (en) « Romanian star prosecutor gets more international support for top EU job amid probe at home », Romania Insider,
  25. Mirel Bran, « Une Roumaine favorite pour diriger le parquet européen anticorruption », Le Monde,
  26. Jean-Pierre Stroobants, « Bruxelles s’en prend à la Roumanie « illibérale » », Le Monde,
  27. (en) Anca Gurzu et Lili Bayer, « Parliament, governments deadlocked over EU prosecutor », Politico,
  28. Georgi Gotev, « Les eurodéputés imposent leur candidate à la tête du nouveau parquet européen » (consulté le )
  29. Charlotte Collin, « Le Parquet européen commence ses activités », sur Dalloz actualité (consulté le ).
  30. Le Point, magazine, « Roumanie: inculpation de Laura Kovesi, favorite pour diriger le parquet européen », sur Le Point (consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

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