Laiton

Les laitons sont des alliages jaunes, très ductiles et malléables, composés essentiellement de cuivre et de zinc, aux proportions variables, dont la fabrication directe à partir de minerais appropriés était déjà maîtrisée par les métallurgistes avant l'Antiquité[1]. Selon les propriétés visées, ils peuvent aujourd'hui contenir d'autres éléments d'addition comme le plomb, l'étain, le nickel, le chrome et le magnésium, dans des proportions très modérées.

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Histoire

Les laitons sont connus depuis la préhistoire et ont été développés et utilisés aussi bien en Afrique, qu'en Chine, ainsi que dans le bassin méditerranéen, surtout à partir de la période antique.

Durant le Ier siècle av. J.-C., le laiton est utilisé pour la monnaie au sein de différentes régions d'Asie Mineure. C'est ultérieurement qu'il sera utilisé partout dans le reste de l'Asie et en Europe, principalement par l'Empire romain avec la création du sesterce en laiton[2]. En Europe quelques pièces ont été trouvées, comme le sanglier-enseigne de Soulac-sur-Mer, artefact gaulois du Ier siècle av. J.-C. On l'utilise en Europe depuis le Moyen Âge[1] pour de multiples usages.

En Europe, il est ainsi produit en masse au Moyen Âge pour la fabrication de chaudrons, de chaudières, d'aiguières et diverses vaisselles qui concurrencent les récipients en céramique. Les ateliers de fonderies de Dinant et de Bouvignes, dans la vallée de Meuse (actuelle Belgique), en produisirent de manière quasi industrielle, faisant la richesse de ces deux cités.

Afin de limiter les coûts de production, le plomb était largement substitué au zinc pour les simples chaudrons de cuisine, le zinc étant plutôt réservé pour les alliages constitutifs des objets de prestige utilisés par l'aristocratie et l'église [1].

Dénominations, laitons simples, catégories actuelles de laitons, confusions

Le terme laiton avec les variantes laton (1180), laiton (1220), etc., est attesté en ancien français, on le trouve communément à la fin du XIIIe siècle par exemple dans des éditions du Roman de Renart. Selon le dictionnaire étymologique publié sous la direction d'Albert Dauzat, le terme est emprunté à l'arabe lāțūn désignant le cuivre. Cet emprunt semble avoir été opéré par le latin médiéval dans le milieu d'échange ibérique du IXe siècle pour décrire précisément un cuivre d'œuvre, le mot arabe provenant lui-même du turco-mongol altun, signifiant « cuivre » ou « or rouge »[3].

Le verbe « laitonner » est attesté plus tardivement, par exemple en 1419 sous la forme verbale latonner au sens de « recouvrir d'une couche de laiton » ou en 1467 sous la forme adjectivée laitonné, qualifiant un fer ou un métal recouvert de laiton protecteur ou décoratif. Vers 1845, le verbe français laitonner signifie au choix soit « recouvrir de laiton » soit « garnir de fils de laiton »[4]. Le laitonnage consiste en un dépôt, déjà le plus souvent à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle par voie électrolytique, d'une couche de laiton à la surface d'une pièce.

Le corps simple métal cuivre est un système cristallin cubique à faces centrées, alors que le zinc est hexagonal compact. Si la structure globale du cuivre monophasé doit être préservée, il ne faut pas que les alliages simples ou binaires CuZn dépassent une teneur en Zn de 35 %. Au-delà apparaît une phase β ou bêta, de maille cubique centrée, elle explique la dureté croissante mais aussi la fragilité catastrophique une fois dépassé 42 % en masse de zinc[5].

Voici l'évolution de la teneur minimale en zinc :

  • un alliage à 5 % en Zn présente une belle couleur or ou dorée, il peut être employé en petite bijouterie ;
  • un laiton simple à 10 % est parfois dénommé « bronze de zinc pur », il est souvent en pratique moins cher que les vrais bronzes à l'étain et peut se substituer à leurs emplois ;
  • un laiton simple à 15 % est un alliage caractérisé par une teinte rouge, soit le « laiton rouge » des Anciens ;
  • autour de 30 % de Zn, un laiton classique, à teinte jaune ou jaunâtre, affiche de bonnes propriétés mécaniques, il peut être mis en forme par pression à froid, par exemple pour obtenir des formes dessinées ou gravures au repoussé. Il peut servir à faire des cartouches ou des caisses d'habillage protectrices pour celles-ci.

Il existe trois catégories de laiton (chaque catégorie englobe les propriétés des précédentes) :

  • les laitons simples ou alliages binaires déjà décrits : ils ne contiennent que du cuivre et du zinc. L'ajout de zinc abaisse la température du point de fusion de l'alliage ainsi que sa conductivité électrique, mais en augmente la dureté et la résistance mécanique ;
  • les laitons au plomb (environ 60 % de cuivre, 40 % de zinc, 1 à 3 % de plomb) : le plomb améliore l'usinabilité en se disséminant en fins globules qui permettent une meilleure fragmentation des copeaux ;
  • les laitons spéciaux : ils ont pour but d'augmenter les propriétés mécaniques par l'addition d'éléments d'alliage (étain, aluminium, arsenic, magnésium, nickel, fer, silicium, etc.) ; le nickel est utilisé dans les pièces de monnaie ou pour le plaquage du laiton, en raison de sa résistance à l'oxydation et à la corrosion.
Gabarits en laiton utilisés pour la fabrication de cloches.

Les laitons ductiles et malléables sont aussi appelés « cuivre jaune » par les plombiers, qui l'utilisent pour la robinetterie courante (tubes, tuyaux, raccords, bondes, etc.)[6]. Selon leurs compositions, ils peuvent aussi être appelés abusivement ou pratiquement : tombac, archal, bronze florentin (ou bronze vénitien), similor ou pinchbeck. Par exemple, le bronze florentin (ou bronze vénitien) est composé de 85 % de cuivre et 15 % de zinc.

Suivant la composition, les laitons présentent donc une gamme de malléabilité, de ductilité, de résistance à la corrosion, de couleur et d'adhérence des patines, vernis, revêtements métalliques et/ou d'adaptation à des traitements de surface. Beaucoup d'objets peuvent être fabriqués en laiton, mais un grand nombre sont ensuite enduits d'une couche fine de métal plus noble (argent, or, platine, etc.), de laques noires, blanches ou diversement colorées (laitons laqués).

En dehors des laitons, il existe d'autres familles différentes d'alliages cuivreux dont les principales sont les cuproaluminiums, les cupronickels, les maillechorts (cuivre, nickel et zinc) et les bronzes qui sont des alliages de cuivre et d'étain.

Il ne faut pas le confondre avec le cuivre rouge, par exemple constituant le fer à souder des zingueurs.

Propriétés physiques et chimiques

Les laitons sont des alliages amagnétiques. La corrosion atmosphérique fait apparaître à la surface du laiton, une couche appelée vert-de-gris, du fait de la présence majoritaire de cuivre.

Le laiton est très facile à usiner mais relativement fragile en comparaison avec les autres alliages[7].

Diagramme binaire cuivre-zinc.

Les propriétés physiques de l'alliage dépendent fortement de sa composition. Par exemple, pour un laiton contenant 90 % de cuivre et 10 % de zinc, la masse volumique est 8 800 kg·m−3, la conductivité thermique est environ 121 W·m−1·K−1, et la température de fusion est environ 900 °C.

Les planches de laiton les plus communes ont une densité d'environ 8,6 pour un point de fusion caractéristique de 940 °C[8].

Son module de Young est compris entre 100 et 130 GPa. Son coefficient de Poisson est de 0,37.

Masse volumique

Voici une table de masse volumique du laiton simple en fonction de la teneur en cuivre et zinc.
Les proportions sont en masse.

La masse volumique du cuivre est 8 920 kg/m3, celle du zinc est 7 140 kg/m3.

Masse volumique d'un laiton composé uniquement de ces deux corps (kg/m3)
 % de cuivre  % de zinc

100

0

8 920

95 5 8 831
90 10 8 742
85 15 8 653
80 20 8 564
70 30 8 386
60 40 8 208

La formule classique :

    (en kg/m3)
avec x, le pourcentage en masse de cuivre

n'est pas correcte, car l'arrangement des atomes de cuivre et de zinc change lors du mélange de ces deux métaux.

Une formule empirique donnant de bons résultats pour des proportions de cuivre allant jusqu'à 40 % est :

    (en kg/m3)
avec x, le pourcentage en masse de cuivre.

Des formules empiriques donnent la masse volumique du laiton en fonction de la fraction massique du cuivre ou de la fraction massique du zinc, la fraction volumique du cuivre en fonction de la fraction massique du cuivre, la fraction volumique du zinc en fonction de la fraction massique du zinc, la fraction volumique du laiton en fonction de la fraction massique du cuivre ou du zinc.

La masse volumique du laiton (exprimée en g/cm3) en fonction de la fraction massique x du cuivre est donnée par :

La masse volumique du laiton (en g/cm3) en fonction de la fraction massique x du zinc est donnée par :

La fraction volumique (sans dimension) du cuivre dans le laiton en fonction de la fraction massique x du cuivre est donnée par :

La fraction volumique du zinc dans le laiton en fonction de la fraction massique x du zinc est donnée par :

La fraction volumique du laiton en fonction de la fraction massique x du cuivre ou du zinc est donnée par :

Utilisations

Le laiton est le plus utilisé des alliages de cuivre. C'est l'un des principaux alliages utilisés dans la fabrication de petites pièces tournées en très grandes séries (CuZn39Pb2 ou Pb3, le plomb facilitant l'usinage) . Les laitons servent à faire des tubes et tuyaux, des pièces de fonderie, des pièces mécaniques comme les engrenages, de la boulonnerie, de la robinetterie, des pièces de serrurerie, de quincaillerie, des pièces d'apparat, des instruments de précision, des pièces d'horlogerie, des éléments décoratifs pour le mobilier, des instruments de musique, des objectifs photo de qualité, des ustensiles décoratifs en dinanderie, etc. Il est également utilisé dans certaines pièces soumises à l'usure ou aux chocs (capot, semelle) des appareils photos. Le laiton peut aussi être utilisé en couches protectrices ou de décoration.

Voici quelques exemples précis d'utilisations :

  • en papeterie, pour l'embossage des toiles en bronze qui serviront à former les filigranes dans le papier ;
  • dans la fabrication des douilles d'armes à feu (obus, balles, étuis) ;
  • en décoration, les laminés (plaques) de laiton sont utilisés pour la gravure et le guillochage. Vernis, ils deviennent par exemple les plaques sur les portes des médecins ;
  • utilisé dans la fabrication de monnaies (pièce de dix francs) ;
  • comme base à la fabrication des alliages à mémoire de forme ;
  • en confection d'outils à destination des mines et pour les robinetteries à gaz, car ce métal ne produit pas ou très peu d'étincelles.
  • fabrication de bijoux

Notes et références

  1. D. Bourgarit et N. Thomas, « Le laiton produit en masse au Moyen Âge », La Recherche, no 468, , p. 62 (lire en ligne, consulté le ) (voir archive).
  2. « Le laiton », Etna-mint.fr, .
  3. Le laiton décrit par le TLF.
  4. Ce sont encore les deux principales définitions proposées par le Larousse du XXe siècle. La première proposition ou signification est « effectuer le laitonnage ».
  5. Diagramme de phase cuivre zinc (initiation avec diagramme à la fin) [PDF]. En pratique, le métallurgiste chevronné en jouant sur le contrôle thermique des structures peut obtenir des laitons à deux phases jusqu'à 46 % en masse de zinc.
  6. Henri Charlent, Traité de plomberie, Dunod technique, 1984, 884 p. (ISBN 978-2-10-003861-9). En particulier, p. 48.
  7. « Tout savoir sur le laiton », Laiton.eu, .
  8. Henri Charlent, Traité de plomberie, ibidem, p. 48.

Annexes

Bibliographie

  • Jacques Toussaint (dir.), Art du laiton, dinanderie, Société archéologique de Namur, 2005, 392 p.

Liens externes

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