La Servante (film, 1960)

La Servante (titre original : Hanyo) est un film sud-coréen de Kim Ki-young sorti en 1960. Ce film a fait l'objet d'un remake (The Housemaid) sortie en 2010 et réalisée par Im Sang-soo.

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La Servante
Réalisation Kim Ki-young
Pays d’origine Corée du Sud
Genre Drame psychologique
Durée 108 minutes
Sortie 1960


Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution

Synopsis

Professeur de piano, Kim Dong-sik enseigne la musique aux jeunes ouvrières d'un atelier de tissage. Avec sa petite famille, celui-ci ne va pas tarder à emménager dans une plus grande maison, et, pour soulager sa femme des travaux domestiques, cherche à employer une servante. Une de ses élèves lui présente alors Myeong-sook, jeune fille un peu simplette mais courageuse, qui ne tarde pas à montrer un comportement trouble et ambigu une fois intégrée dans la maison. Folle amoureuse de Kim Donk-sik, cette dernière va alors s'adonner à un petit jeu démoniaque promis à détruire cette famille banale et sans histoire...

Fiche technique

  • Titre du film : La Servante
  • Titre original : Hanyo
  • Réalisation et scénario : Kim Ki-young
  • Photographie : Kim Deok-jin
  • Directeur artistique : Park Seok-in
  • Montage : Oh Young-keun
  • Musique : Han Sang-ki
  • Production : Kim Young-cheol pour Korean Munye Films Co. Ltd.
  • Format : 35 mm ; Noir et blanc - 1.66
  • Durée : 108 minutes
  • Pays d'origine : Corée du Sud
  • Genre : Drame psychologique
  • Date de sortie : Corée du Sud,
  • Date de reprise : France, (version restaurée inédite)

Distribution

  • Lee Eun-shim : Myeong-sook, la servante
  • Kim Jun-kyu : Kim Dong-sik, le professeur de piano
  • Joo Jung-nyeo : La femme de Kim Dong-sik
  • Eom Aeng-ran : Cho Gyeong-hee, l'ouvrière et élève de Kim
  • Ahn Sung-ki : Chang-soon, le fils
  • Ko Seon-ae : Ae-soon, la fille

Production

Restauration

Le négatif original est découvert en 1982, mais les bobines 5 et 8 sont manquantes. En 1990, une copie originale comportant des sous-titres anglais écrits à la main est retrouvée et utilisée pour compléter la copie originale. En 2008, la World Cinema Foundation décide de restaurer le film. Pour restaurer le film, il a fallu travailler à partir de bobines sous-titrées en anglais. Le travail a consisté à éliminer les sous-titre et reconstituer l'image cachée par les sous-titres[1],[2],[3].

Analyse

Contexte

Pour le critique Hubert Niogret, le film doit absolument être replacé dans le contexte politique de son époque. Peu avant sa sortie, le dictateur Park Chung-Hee arrive au pouvoir en Corée du Sud à la suite d'un coup d'État, et installe un régime militaire qui, au prétexte de moraliser la vie publique, met en place une politique de répression[4]. C'est lors de la seule et unique année de liberté d'expression ayant eu lieu dans le pays entre 1948 (date de sa création) et 1987 (date des premières élections libres[3]) que La Servante paru dans les salles.
Selon Thomas Sotinel, critique, « la nécessité d'exprimer tout ce qui avait été refoulé pendant la guerre et la dictature explique sans doute en partie l'incroyable violence du film. Celle-ci tient aussi au caractère provocateur de son réalisateur, Kim Ki-young. (...) Sans vouloir se risquer à la psychanalyse de toute une nation, les séquelles de la guerre ne sont pas étrangères au climat délétère qui règne de bout en bout. »

Scénario

Clément Graminiès, critique sur le site Critikat.com, remarque que le scénario est très classique : Un étranger, la servante, est introduit dans le quotidien d'une famille apparemment structurée et y introduit ou y révèle le désordre[2].

Mise en scène

Clément Graminiès souligne que Kim Ki-young multiplie les zooms suivis de fondus enchaînés pour précipiter la fin de chaque plan et montrer ainsi le caractère inéluctable de la destinée des personnages[2]. Par ailleurs, il remarque que le réalisateur choisit souvent des plans en contreplongée pour « écraser » les personnages et rendre le cadre « étouffant »[2].

La narration est rythmée par les scènes d'orage, qui font ruisseler l'eau sur les vitres, par les mouvements des portes à glissière, par le bruit de la machine à coudre de la maitresse de maison et le son du piano.

Interprétations

« On peut voir dans la trilogie de La Servante, constituée en fait de quatre films - le film originel de 1960, Woman of Fire (1971), The Insect Woman (1972), The Insect Woman 82 - une mise à mort symbolique du père, de sa déchéance, dans un pays dominé par la corruption puis la dictature », écrit-il plus loin[4].

La Servante peut, aussi, être envisagé comme l'illustration d'un triple conflit : entre tradition et modernité, entre ville et campagne, ou plus encore entre classes plébéiennes et petite-bourgeoisie. « La servante, « la femme fatale », est originaire de la campagne et reflète en cela son époque. [...] Dans un pays profondément rural, qui n'a pas encore connu la révolution des hautes technologies, les jeunes migrantes ne trouvent pas d'emploi dans les usines, qui sont rares » et ne peuvent guère qu'être servantes, prostituées ou occuper - au mieux - des emplois de service, fait remarquer Hubert Niogret[4].

Kim Ki-young rassemble les éléments d'un mélodrame qu'il « fait peu à peu glisser vers le film d'horreur, par la violence des situations et des rapports entre les personnages, l'extrémité des conduites mises en mouvement par la jeune servante qui devient la manipulatrice de la maison. L'ascension sociale dont rêve la servante s'effectue par la séduction : celle du maître de maison. Tout s'exprime dans un décor presque unique (un huis clos) sur deux étages. [...] L'escalier qui relie les deux niveaux exprime à la fois le désir d'ascension et la peur de chuter[4]. »

Autre point de vue exprimé par Kim Dong-ho, responsable du Festival international du film de Pusan (Corée du Sud) : « La Servante constitue une plongée dans la société coréenne d'après-guerre et une étude plus universelle sur la soif de pouvoir. » Le film se concentre sur le conflit entre trois femmes - la servante, l'épouse et l'ouvrière qui étudie le piano auprès du maître de maison. « Toutes les trois luttent pour la possession d'un homme au statut social intéressant. [...] Le personnage masculin est un truchement par lequel les personnages féminins satisfont leurs désirs bourgeois, ou simplement l'objet de leur désir sexuel. Privé de sa volonté de faire des choix ou de résoudre des problèmes, l'homme incarne la vision du cinéaste, celle d'un être à la masculinité plombée par l'inertie, contrastant avec une féminité incarnée par une volonté farouche de suivre ses désirs[5]. »

Réception critique

Pour le quotidien Le Monde, le film est d'une « immense beauté formelle[3]. »
Le magazine Première dit que « au-delà de son contexte historique, le film conserve une force intemporelle qui justifie à la fois sa réputation et la restauration dont il a été l'objet », point sur lequel il est rejoint par le critique d'Excessif : Rarissime, ce joyau a été restauré et sa découverte peut inciter à découvrir la filmographie d'un cinéaste méconnu qui a payé sa prise de risque et osait un mélange des genres très surprenant et audacieux pour l'époque
Selon Les Fiches du cinéma, "le film est à l'Asie ce que Psychose est à l'Occident : la pierre fondatrice du cinéma d'épouvante
.
Enfin, pour Charlie Hebdo, il s'agit là d'un « huis clos étouffant dominé par une femme perverse qui, avec sa longue chevelure ébène, préfigure ces fantômes asiatiques popularisés par Ring ».

Autour du film

The Housemaid réalisé par Im Sang-soo en 2010 est un remake de La Servante[6].

On est évidemment surpris qu'un tel film anticipe de trois années le film The Servant de Joseph Losey[réf. souhaitée].

Notes et références

  1. (en) The Housemaid sur le site de la World Cinema Foundation
  2. Clément Graminiès, « La Servante : Possessions », Critikat, (lire en ligne, consulté le )
  3. Thomas Sotinel, « La soubrette qui scandalisa tout un pays », Le Monde, (lire en ligne)
  4. Hubert Niogret, « La Servante », Positif, nos 617/618, .
  5. in : 100e Prise : le cinéma de demain, Éditions Phaidon, Paris, 2011.
  6. Clément Graminiès, « The Housemaid : Petit guide de la perversité bourgeoise », Critikat, (lire en ligne, consulté le )

Liens externes

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