La Révolte des élites et la trahison de la démocratie
La Révolte des élites et la trahison de la démocratie (titre original : The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy) est un essai de l'historien et sociologue américain Christopher Lasch, écrit juste avant sa mort et publié de façon posthume en 1995 (1996 pour l'édition française).
Divisé en trois parties, ce livre-testament défend l'idée que la démocratie n'est plus menacée par les masses, mais par ceux qui sont au sommet de la hiérarchie.
Première partie : L'intensification des divisions sociales
Dans cette première partie, l'auteur en réfère explicitement au philosophe espagnol Ortega y Gasset et à son ouvrage La révolte des masses (1930), pour en prendre le contre-pied.
« Du point de vue d'Ortega, point de vue largement partagé à l'époque, la valeur de l'élite culturelle réside dans sa disposition à assumer la responsabilité des normes astreignantes sans lesquelles la civilisation est impossible. Elle vivait au service d'idéaux exigeants. [...] L'homme de la masse, de son côté, n'avait ni obligations, ni compréhension de ce qu'elle sous-entendait, « ni sensibilité pour les grands devoirs historiques ». Au lieu de cela, il affirmait les droits du trivial. À la fois plein de ressentiment et satisfait de lui, il rejetait tout ce qui est excellent, individuel, qualifié et choisi. [...] Il ne se souciait que de son bien-être personnel et envisageait avec confiance un avenir de « possibilités illimitées » et de « liberté complète ». Parmi ses nombreux défauts, figurait un « manque de romanesque dans ses rapports avec les femmes ». [...] Ce qui caractérisait par-dessus tout l'esprit de la masse, toutefois, c'était « la haine mortelle de tout ce qui n'était pas elle-même ». [...] Ma thèse est que toutes ces attitudes mentales sont davantage caractéristiques aujourd'hui des niveaux supérieurs de la société que des niveaux inférieurs ou médians. »
— Christopher Lasch, [1]
Plus spécifiquement, Lasch défend l'idée que les classes dites supérieures n'ont jamais vécu aussi isolées de leur environnement. Il attribue cette attitude en partie au fait que la mobilité sociale est devenue affaire de mobilité géographique. Et une conséquence majeure de l'isolement de l'élite est que « les idéologies politiques perdent tout contact avec les préoccupations du citoyen ordinaire[2] ».
Deuxième partie : Le déclin du discours démocratique
La deuxième partie de l'ouvrage s'ouvre sur ces mots : « Si l'élite ne fait que se parler à elle-même, une des raisons en est qu'il n'existe pas d'institutions qui promeuvent une conversation générale, transcendant les frontières de classe[3]. » Il applique ce constat à toutes les sphères de la vie publique, y compris le système éducatif, en dénonçant notamment « la quasi-monopolisation des collèges et universités les plus célèbres, aussi bien publics que privés, par la grande bourgeoisie[4] ». Le journalisme moderne est également visé qui favorise la diffusion d'informations prétendant à l'objectivité plutôt que le débat. Or il n'y a que la perspective du débat, nous dit Lasch, qui rende l'information pertinente et attrayante pour le citoyen.
Troisième partie : L'âme dans sa nuit obscure
La troisième partie est consacrée à une analyse critique de la psychanalyse et de la religion, ainsi qu'à une discussion des thèses de Philip Rieff (en) et de sa défense de « la religion de la culture » comme source nécessaire de l'ordre social.
Le dernier chapitre, « L'âme humaine sous le règne de la laïcité », propose également une discussion des positions d'Oscar Wilde, Karl Marx et Carl-Gustav Jung. Face à ceux qui commentent la perte supposée d'« assurance intellectuelle et émotionnelle » entraînée par le déclin de la religion, Lasch écrit : « Ce qu'il faut mettre en cause ici, c'est le postulat selon lequel la religion a pu à un moment fournir un ensemble de réponses complètes et sans équivoque aux questions éthiques [...] ou qu'elle a pu bloquer les spéculations sur le sens de la vie et sa finalité, ou que les croyants du passé ne savaient pas ce qu'était le désespoir existentiel. »
L'ouvrage se conclut par une interrogation sur l'avenir de « l'illusion de la maîtrise » à l'heure où l'humanité commence à réaliser les limites de sa maîtrise sur le monde naturel.
Notes
- Christopher Lash (trad. de l'anglais par Christian Fournier), La révolte des élites et la trahison de la démocratie, Paris, Flammarion, , 269 p. (ISBN 978-2-08-120716-5, SUDOC 118852663), p. 38
- op. cit., p. 89
- op. cit. p. 125
- op. cit., p. 181
Voir aussi
Article connexe
Liens externes
- Nicolas Rousseau, « Christopher Lasch : La révolte des élites et la trahison de la démocratie », sur Actu Philosophia, (consulté le )
- Bruno Odier, « « La révolte des élites / Et la trahison de la démocratie » par Christopher Lasch », sur Polémia, (consulté le )
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