L'Heure joyeuse

L'Heure joyeuse est une bibliothèque municipale parisienne destinée à la jeunesse, située dans le 5e arrondissement.

L'Heure joyeuse
Présentation
Coordonnées 48° 51′ 07″ nord, 2° 20′ 42″ est
Pays France
Ville PARIS
Adresse 6-12 rue des Prêtres Saint-Séverin
Informations
Nombre de livres 35 000 (2014)
Géolocalisation sur la carte : 5e arrondissement de Paris

Historique

La bibliothèque L'Heure joyeuse a été inaugurée le , au 3 rue Boutebrie[1] près de la Sorbonne, entre le musée de Cluny et l'église Saint-Séverin. Elle fut la première bibliothèque municipale de France créée spécialement pour la jeunesse.

Il s'agit à l'origine d'une initiative du Book Committee on Children's Librairies, fondation américaine créée à New York le , dont la Présidente était alors Mrs John L. Griffiths[2]. Les États-Unis étaient alors les pionniers des bibliothèques publiques pour la jeunesse, et Mrs Griffiths avait été étonnée de constater combien les enfants de ces deux pays avaient peu de livres à leur disposition. Les pays anglo-saxons avaient en effet de plus en plus de salles de lectures pour enfants comme les « Juvenile Libraries » aux États-Unis, contrairement à la France.

L'objectif était donc de doter la Belgique[3] et la France d'œuvres éducatives qui aideraient les enfants de ces pays à reprendre leur équilibre après la guerre, après quelques années difficiles où ils avaient fait preuve d’un grand courage. Le souhait principal était donc de leur offrir des lieux de culture et de construction de soi en tant que citoyen pacifique du monde, dans un monde lui-même en reconstruction, avec de nouveaux intérêts internationaux, notamment celui du devoir de mémoire.

L'initiative avait été soutenue par des personnalités telles que le bibliothécaire Eugène Morel[4], pionnier de la lecture publique en France, et instituteur dans les bibliothèques françaises du système de classification Dewey[5]. Elle se heurta en revanche à la mauvaise volonté durable de l'administration des Bibliothèques de la Ville de Paris, qui n'en voyait pas l'intérêt. Une initiative similaire, due au Comité américain des régions dévastées, avait pourtant permis d'ouvrir en 1920 rue Fessart, dans le 19e arrondissement, une bibliothèque publique d'adultes avec une section pour enfants, après cinq autres bibliothèques dans l'Aisne, dont un bibliobus. C’étaient alors les premières initiatives de lecture publique en direction des enfants. Le projet de la bibliothèque de L’Heure joyeuse fut néanmoins proposé à la ville de Paris en 1922 et accepté. Cette bibliothèque était alors censée être un modèle qui serait diffusé par la suite dans toute la France, « une expérimentation sans précédent, porteuse d’une modernité durable » et « l’émergence d’une belle utopie », ce qui n’a pas réellement abouti car peu de bibliothèques jeunesses de cet acabit ont ouvert en France depuis (« Il s’agissait, dans l’esprit des fondateurs, de proposer un modèle qui se diffuserait partout en France »)[6].

L'inauguration fut un grand succès, puisqu'il fallut organiser un service d'ordre pour faire entrer les nombreux enfants par petits groupes. Le personnel de la bibliothèque se composait alors de « trois jeunes filles » : la directrice, Claire Huchet, ancienne secrétaire-bibliothécaire de Mrs Griffiths ; Marguerite Gruny, formée par Claire Huchet ; et Mathilde Leriche, qui avait abandonné ses études en Faculté pour se joindre à l'aventure[7].

Plusieurs objectifs étaient alors défendus par les bibliothécaires : offrir un endroit agréable et vivant pour les enfants, mettre en valeur les documents pour inciter les enfants à lire et faire ainsi venir de nouveaux lecteurs, associer l’enfant à la gestion de la bibliothèque pour lui permettre d’acquérir l’autonomie (pédagogie active[8]) et ouvrir des lieux sur l’extérieur notamment en travaillant avec les professionnels du livre et de l’enfance. Un projet de tiers lieu avait notamment été proposé mais n’avait pas abouti, c’est-à-dire l’intégration de cette bibliothèque à un ensemble plus grand comprenant des terrains de jeu, des salles pour jouer et discuter, une scène de théâtre, un cinéma, un buffet, etc.[9]

La bibliothèque, gratuite, autorisait la lecture sur place et le prêt à domicile pour tous les enfants de 5 à 17 ans. Les bibliothécaires ne voulaient pas ouvrir la bibliothèque à des enfants plus jeunes de peur de faire office de service de garde. La bibliothèque a ensuite été ouverte aux enfants à partir de 3 ans, puis s’est élargi à tous les publics. Néanmoins, la bibliothèque fut fermée, pendant un temps, aux adolescents de plus de 16 ans pour des problèmes de discipline. Le fonds était partagé entre les livres d'imagination (livres d'images, contes, romans) et les livres documentaires, classés selon la classification Dewey. Les acquisitions de fonds furent, durant des dizaines d’années, sévères : les bibliothécaires avaient une exigence de qualité et choisissaient donc leurs ouvrages en refusant ceux qu’elles jugeaient médiocres[10]. Les filles et les garçons étaient reçus dans la même salle, ce qui souleva des réticences à l'époque, mais fut l’un des principes innovateurs qui en firent aussi sa réputation[6]. Le mobilier, fonctionnel, était similaire à celui qui était utilisé aux États-Unis - il fut en effet offert par le Book Committee[11].

L'Heure joyeuse resta à la charge du Book Committee pendant un an, après quoi, le , la Ville de Paris la reprit à sa charge, avec un fonds de 2 000 livres offerts par le Comité. Les premiers ouvrages sont alors prêtés.

En 1933, le nombre des bibliothécaires tombe à deux par suite d'un départ, et restera à ce niveau par mesure d'« économie » de la part de l'Administration.

La bibliothèque eut un aspect expérimental et social, avec la création d'une « Assemblée générale des lecteurs » qui leur proposaient de participer à la gestion de la bibliothèque, une activité de conseil aux enfants dans leurs choix de lecture, l'organisation de « Cercles de poésie », des activités de chant, des expositions préparées par les enfants (la première fut réalisée en 1933 autour de Michel Ange, mais aussi des bateaux)[11], ou un journal des lecteurs, « Le rat joyeux » (1934)[11]. On pouvait aussi assister, et des lectures à haute voix, dont la célèbre « Heure du conte », assurée hebdomadairement par une bibliothécaire et destinée surtout aux enfants de six à onze ans.

Cette activité a été innovante aux débuts de L’Heure joyeuse, car elle a vu le jour avant même que la bibliothèque n’ouvre, dans les parcs de Paris, dans les années 1920[11].

Des bibliothèques « L’Heure joyeuse » ouvrent à Belfort en 1934, et à La Rochelle, Toulouse et Versailles en 1935, qui ne forment pas réellement de réseau mais plutôt une « communauté de pensée »[12].

À partir de 1939, des classes scolaires commencent à fréquenter la bibliothèque avec leur maître[13]. Pendant l'Occupation, la bibliothèque fonctionne cependant au ralenti, fermant notamment de à . En 1943, seulement 22 ouvrages sont achetés. Les lectures publiques reprennent à la suite de cette année-là[11].

Peu à peu s'organise aussi une activité de formation de stagiaires, tandis que l'aspect de centre documentaire prend lui aussi de l'importance.

En 1969, alors qu'elle s'apprêtait à emménager dans de nouveaux locaux, L'Heure joyeuse disposait d'un fonds de plus de 20 000 livres.

Pour ses 50 ans, la bibliothèque déménage au 6, rue des Prêtres-Saint-Séverin, dans le 5e arrondissement de Paris, car les locaux étaient exigus. Le nouveau bâtiment, sur trois étages, accueille alors le fonds de la bibliothèque, son fonds de livres anciens et un fonds audiovisuel gérés par 12 bibliothécaires[11].

La bibliothèque fut informatisée en 1996.

La bibliothèque actuelle

La bibliothèque actuelle se situe 6-12 rue des Prêtres-Saint-Séverin (Paris 5e, métro Saint-Michel), à proximité de son emplacement originel. Elle constitue l'un des 57 établissements de prêt de la Ville de Paris.

Elle est organisée en trois niveaux sur une superficie de 815 m2. Il y a 50 places assises, 8 postes multimédia et 1 poste informatique pour consulter le catalogue.

Leurs collections comprennent 35 000 livres pour la jeunesse, 3 000 CD, 60 titres de revues en prêt sur les 75 abonnements. L’Heure joyeuse prête aussi des liseuses et met à disposition des tablettes pour consulter des applications pour enfants (chiffres 2014)[14].

La bibliothèque organise de nombreuses animations, expositions, lectures et ateliers. Elle possède également le deuxième fonds de livres anciens en France après la Bibliothèque nationale et attire des chercheurs et des professionnels qui travaillent sur le livre pour enfants[15],[16]. Ces fonds sont, depuis 2014, disponibles à la consultation à la nouvelle médiathèque Françoise-Sagan (8, rue Léon Schwartzenberg, Paris 10e, métro Gare de l'Est). La collection, de plus de 100 000 documents (livres, périodiques, disques, produits dérivés originaux du XVIIe siècle à nos jours), avait été déplacée à cause de la menace centennale d’une crue de la Seine et ainsi stockés hors de Paris pendant 10 ans[14].

Sources

  • Mathilde Leriche, 50 ans de littérature de jeunesse, Magnard – L’École (Coll. Lecture en liberté), 1979
  • L'Heure joyeuse, 1924-1994 : 70 ans de jeunesse (Collectif : Viviane Ezratty, Françoise Lévèque, Françoise Tenier & al., avec documents photographiques) (ISBN 978-2906869639)
  • Ezratty, Viviane et Valotteau, Hélène. « La création de l'Heure Joyeuse et la généralisation d'une belle utopie ». Bulletin des bibliothèques de France, n° 1, 2012.
  • Sites de la Bibliothèque L'Heure Joyeuse sur Paris.fr, et de Ricochet Jeunes.

Notes et références

  1. Décrite par Mathilde Leriche comme étant à l'époque « une laide petite rue », comprenant « des hôtels meublés douteux et des maisons tristes et pauvres ». La bibliothèque était installée dans l'ancien préau d'une école désaffectée.
  2. Mina Bouland, Être bibliothécaire jeunesse aujourd'hui, Paris, Association des bibliothécaires de France, , 207 p. (ISBN 978-2-900177-45-7 et 2-900177-45-6, OCLC 967940651, lire en ligne), p. 11
  3. La première Heure joyeuse avait été ouverte en septembre 1920, rue de la Paille à Bruxelles.
  4. Mary Niles Maack, « L'Heure Joyeuse, the First Children's Library in France: Its Contribution to a New Paradigm for Public Libraries », The Library Quarterly: Information, Community, Policy, vol. 63, no 3, , p. 257–281 (ISSN 0024-2519, lire en ligne, consulté le )
  5. Lydie Ducolomb, « Eugène Morel et la section des Bibliothèques modernes », sur bbf.enssib.fr, (consulté le )
  6. Viviane Ezratty et Hélène Valotteau, « La création de l'Heure joyeuse et la généralisation d'une belle utopie », Bulletin des bibliothèques de France, no 1,
  7. Gaetan Benoit, « Eugène Morel and Children's Libraries in France », The Journal of Library History (1974-1987), vol. 20, no 3, , p. 267–286 (ISSN 0275-3650, lire en ligne, consulté le )
  8. Les trois premières bibliothécaires ont mis en application les théories pédagogiques des méthodes actives. Pour Claire Huchet, l’éducation nouvelle est «loin de faire bon marché du livre [...] Il nous est apparu qu’il fallait laisser s’épanouir toutes les possibilités contenues dans cet effort de mettre en commun le livre, et l’une des plus immédiates nous a paru être la collaboration des lecteurs à la marche de la bibliothèque. » Voir référence [3].
  9. « […] Créer une bibliothèque, centre du groupe auquel seraient joints un terrain de jeu, une salle pour converser, une salle pour jouer, avec une scène pour théâtre et cinéma, un buffet sans alcool. » Voir référence [3].
  10. « La sévérité de choix des premières bibliothécaires et leur refus de retenir des ouvrages jugés faciles ou vulgaires ont souvent été critiqués et moqués sans comprendre leur volonté de défendre une littérature de qualité à une époque où l’édition pour la jeunesse était dans l’ensemble médiocre, limitée et peu accessible aux enfants. » Voir référence [3].
  11. Mairie de Paris, Direction des affaires culturelles, Bibliothèque de l'Heure Joyeuse, L'Heure Joyeuse, 1924-1994 : 70 ans de jeunesse : témoignages réunis par Viviane Ezratty, Françoise Lévèque et François Tenier, Paris, Agence culturelle de Paris,
  12. « Les articles critiques », sur www.ricochet-jeunes.org (consulté le )
  13. Le corps enseignant s'était lui aussi montré plutôt hostile à l'initiative, peut-être parce qu'elle concurrençait « l'étude payante ». M. Leriche mentionne le cas d'un instituteur qui « allait jusqu'à se cacher sous les portes cochères » pour surprendre ses propres élèves auxquels il interdisait la fréquentation de la bibliothèque...
  14. « Bibliothèque L'Heure joyeuse - Paris.fr », sur equipement.paris.fr (consulté le )
  15. Le Petit Futé
  16. Nic Diament par exemple a beaucoup utilisé ce fonds pour réaliser son Dictionnaire des écrivains français pour la jeunesse 1914-1991.

Voir aussi

Liens externes

  • Sciences de l’information et bibliothèques
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