Koursk, un sous-marin en eaux troubles

Jean-Michel Carré, documentariste français, mène une contre-enquête sur le naufrage du K-141 Koursk, un sous-marin nucléaire de la marine russe, en étudiant des faits qui contredisent selon lui la thèse officielle. Sa thèse fait l'objet d'un documentaire controversé monté en 2004, intitulé Koursk, un sous-marin en eaux troubles diffusé sur France 2 le et d'un article dans le quotidien Libération, dans la même semaine[1].

Koursk, un sous-marin en eaux troubles
Réalisation Jean-Michel Carré
Sociétés de production Les Films Grain de Sable
Pays d’origine France
Genre Documentaire
Durée 71 minutes
Sortie 2005


Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution

Éléments invoqués

Localisation du naufrage.

Pour sa théorie, Jean-Michel Carré invoque les éléments suivants dont plusieurs n'ont pas été démontrés :

  • La présence sur le site de deux sous-marins nucléaires américains USS Memphis et Toledo ;
  • L'accélération du Koursk après la première explosion, comme s'il était l'objet d'une attaque (non prouvé);
  • Le largage, après la première explosion, de grenades sous-marines par les navires russes aux abords du Koursk, comme pour donner la chasse à un hypothétique sous-marin ennemi;
  • Le refus de la Russie d'une aide étrangère pour remonter le Koursk, dans les heures qui suivirent son naufrage ;
  • Les allégations fallacieuses sur l'état de la mer pour justifier le retard des secours ;
  • Les premières déclarations des responsables militaires russes, mettant en cause les États-Unis ;
  • Présence de fragments d'une torpille américaine Mk.48 trouvés à proximité du Koursk[réf. nécessaire] (aucune preuve matérielle n'a jamais été produite);
  • Un trou circulaire dans l'épave du Koursk , soi-disant "caractéristique d'un trou de torpille" (provoqué par l'entrée d'un objet extérieur), cependant les images montrent un orifice largement plus grand que le diamètre d'une torpille Mk.48 et parfaitement net, comme découpé au chalumeau;
  • L'apparition, trois jours après le drame, du Toledo soi-disant dans le port de Håkonsvern en Norvège, avec son éjecteur de bouée de détresse couvert d'une bâche (en réalité sans aucun dommage apparent et l'emplacement couvert correspondant à une trappe d'accès de l'équipage);
  • Le refus des autorités américaines de le laisser inspecter par des non-Américains (procédure normale pour un SNA) ;
  • La visite à Moscou, le , du directeur de la CIA George Tenet ;
  • La décision de laisser au fond de la mer le compartiment des torpilles, puis de le détruire, sans que l'enquête ne l'examine ;
  • La censure des messages issus des cadavres de sous-mariniers (la partie secrète du manuscrit du sous-marinier Kolesnikov) ;
  • La destruction des restes du Koursk après son renflouage et l'inspection, et le torpillage, ensuite, de l'avant resté sous l'eau ;
  • L'annulation d'une dette russe de dix milliards de dollars à l'égard des États-Unis, peu après l'accident, et l'autorisation donnée à la Russie de contracter un nouveau prêt[2] ;
  • La rumeur concernant la récupération d'une bouée de détresse venant d'un sous-marin américain, bien que cette information n'ait pas été confirmée.

Documentaire expliquant cette thèse : Koursk, un sous-marin en eaux troubles[3] (CARRE Jean-Michel)

La thèse de la collision avec un sous-marin américain et d'une torpille reçue du sous-marin USS Memphis

Dimensions comparées d'un Oscar II et d'un Los Angeles.

La catastrophe a lieu pendant des manœuvres navales et aériennes de la flotte du Nord russe dans la mer de Barents, où aurait été présentée la dernière version de la torpille à hyper-cavitation VA-111 Chkval. Cette torpille de deux tonnes pourrait filer à 500 km/h sous l'eau, alors que les torpilles traditionnelles ont une vitesse d'environ 70 km/h. Une explication alternative serait qu'il aurait été question de faire la démonstration d'une torpille à propulsion MHD encore plus rapide, surnommée « la Grosse » par les services de renseignement militaires occidentaux[réf. nécessaire].

L'armée américaine s'intéresse donc de près à cette opération, d'autant plus que des officiels haut-placés de l'Armée populaire de libération chinoise auraient été invités à assister à la démonstration. Les deux sous-marins américains de classe Los Angeles USS Memphis et Toledo, présents dans la mer de Barents au contact de la marine russe, auraient eu pour rôle d'espionner ces manœuvres. Ils auraient également eu pour mission de gêner le Koursk, en le frôlant de près, afin qu'il se retrouve obligé de renoncer à tirer cette fameuse torpille. Le HMS Splendid, un sous-marin d'attaque britannique, aurait également été dans les parages. Il est à noter que la veille de cette tragédie, Edmond Pope, un agent des renseignements américain, avait été condamné par un tribunal russe à vingt ans de prison pour avoir tenté d'acheter des informations sur les torpilles utilisées par la marine russe. Il sera gracié à la mi- par Vladimir Poutine, pour des raisons humanitaires médicales.

Pendant les manœuvres, à la suite d'une collision accidentelle entre le Toledo et le Koursk, le Memphis aurait lancé une torpille contre le Koursk pour protéger la fuite du Toledo, endommagé. Le Toledo aurait ensuite gagné la Norvège à faible vitesse pour être réparé, tandis que le Memphis rentrait aux États-Unis. Les États-Unis pourraient donc être à l'origine du naufrage du Koursk. Au nom de la raison d'État, Vladimir Poutine aurait volontairement laissé mourir les survivants, car révéler ce qui s'était réellement passé aurait rendu impossible tout rapprochement avec les États-Unis, avec possibilité d'un conflit armé. L'enquête officielle aurait ensuite laissé filtrer des explications en rapport avec une alternative plausible acceptable par les opinions publiques, que les médias institutionnels ont relayées.

La thèse de la collision avec un sous-marin américain

Le Koursk et un sous-marin de la classe Los Angeles seraient entrés en collision le . Le choc aurait provoqué la détonation de munitions située dans le compartiment de proue du sous-marin Russe, et l'aurait fait sombrer. Après cette collision, l'équipage du sous-marin américain se serait éloigné rapidement du lieu de l'accident, sévèrement endommagé. La décision aurait été prise d'opérer une réparation d'urgence dans la base norvégienne de Haakonsvern bien que cette base ne soit pas appropriée à la réparation d'un sous-marin. À cause des dégâts subis, le sous-marin aurait mis sept jours pour aller du lieu de l'accident, en mer de Barents, jusqu'à la côte norvégienne. Après huit jours de réparations, le submersible aurait gagné la base de Southampton à pleine vitesse, pour achever ses réparations dans un dock fermé.

Source du site de M. Jean-Pierre Petit[4],[5]

Contre-arguments

Cette thèse est contredite de manière solide par d'autres observations factuelles, parmi lesquelles :

  • La présence d'une quinzaine de bâtiments de surface et d'au moins trois autres sous-marins russes dans la zone de l'exercice aurait rendu toute approche de sous-marins étrangers très difficile dans ces eaux peu profondes, encore plus une fuite après l'accident ;
  • Les avions représentés comme étant en train de chasser d'hypothétiques sous-marins américains sont des bombardiers Su-24 n’ayant aucune capacité dans la lutte anti-sous-marine, alors que les aéronefs de lutte ASM de la Flotte du Nord sont des Tu-142, complètement différents, et des hélicoptères.
  • Le tonnage d'un sous-marin de type Oscar II est deux fois plus important que celui d'un sous-marin de classe Los Angeles (cas du Toledo), et les SNLE russes sont particulièrement robustes car conçus pour percer la banquise; il est donc fort improbable qu'en cas de choc, ce soit le Koursk qui ait subi le plus de dommages ;
  • l’authenticité des photos d'un SNA américain en Norvège ne fut jamais prouvée[6]. En outre, la tonnelle présente sur le pont du sous-marin se trouve à l'emplacement d'une trappe d'accès et non à celui d'une bouée de sauvetage (contrairement à ce qui a été avancé) et est vraisemblablement présente pour protéger la trappe des intempéries.
  • Les « règles d'engagement » (rules of engagement ou ROE) américaines sont formelles : il n'est pas envisageable qu'un sous-marin américain ouvre le feu sur un sous-marin russe sans avoir été attaqué auparavant ;
  • Si la collision avait eu lieu, il est fort improbable que le Memphis ait lancé une torpille acoustique de classe Mk.48 sur le Koursk, le risque de dégât collatéral sur le Toledo, encore proche, aurait été trop grand ;
  • L'orifice sur le côté droit de la coque n'a pas l'espect typique d'un impact de torpille Mk.48 AdCap: il mesure un bon mètre de diamètre (là où une Mk.48 mesure 533mm), la découpe de la coque est parfaitement nette alors qu'un impact de torpille au nez arrondi l'aurait déchirée (d'autant plus qu'une Mk.48 n'explose pas au contact direct) et d'importantes déformations sur la coque auraient été visibles. Une hypothèse plus probable est que cet orifice a été découpé par les équipes de renflouement pour passer le câble qui a servi à découper la proue, la découpe passant exactement au milieu du trou. Autre hypothèse : ce découpage avant renflouement pourrait avoir comme but de faire disparaître le morceau de coque avec les traces d'impact d'une torpille "perforante" (https://askfrance.me/q/kursk-a-t-il-ete-coule-par-le-uss-memphis-60048181703).
  • Concernant des prêts à la Russie, les négociations avec les organismes internationaux étaient déjà en cours avant cet accident, à la suite des conséquences de la crise financière russe de 1998[7] ;
  • En date de , aucun document officiel n'a été divulgué confortant cette théorie.

Une explication simple et possible des circonstances de l'opération de sauvetage et du manque de réaction des autorités russes réside dans l'état de décrépitude dans lequel se trouvait la marine russe à ce moment. Elle montre aussi le décalage entre une hiérarchie militaire formée à la soviétique et très encline au secret, et une société russe plus avide d'ouverture. Au temps de la marine soviétique, pas moins de vingt sous-marins, dont sept sous-marins nucléaires, ont été perdus en temps de paix entre 1945 et 1991 soit plus que l’ensemble des autres marines mondiales réunis, et d'autres accidents ont eu lieu depuis[8].

Notes et références

Liens externes

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