Justice réparatrice

La justice réparatrice est un modèle éclectique de justice, où se retrouvent la « justice relationnelle, participative, communautaire, positive[1] ou réformatrice voire restaurative[2]. »

La justice réparatrice envisage le crime plus comme un acte contre une personne ou une communauté que contre l’État. La victime y joue un rôle majeur et peut y bénéficier de la part de l’auteur de certaines formes de réparation. La justice réparatrice prend différentes formes mais tous les systèmes ont quelques aspects en commun. Dans les crimes, les victimes ont l’occasion d’exprimer l’impact détaillé de l’acte criminel sur leur vie, de recevoir des réponses aux questions qui les hantent sur les faits et de participer à la mise en responsabilité du criminel pour ses faits et gestes. Les criminels peuvent raconter l’histoire du pourquoi du crime et quel effet il a eu sur leur vie. On leur donne une occasion de remettre les choses droites avec les victimes –dans la limite du possible- par certaines formes de compensation.

Histoire

On attribue les premières traces de justice réparatrice aux peuples premiers d'Amérique du Nord. La notion de réparation est mentionnée dans plusieurs textes historiques : la Torah précise la restitution des biens aux victimes par les criminels, le Code d'Ur-Nammu requiert la réparation pour les actes de violence, le Code de Hammurabi prescrit la restitution comme sanction pour les infractions de propriété, la Loi des Douze Tables ordonne au voleur de payer le double des biens volés.

Le choix du terme «restorative justice» est attribuée à Albert Eglash qui, dans un texte publié en 1977, envisage l'existence de trois modèles de justice : la justice réparatrice, centrée sur la réparation, la justice punitive, centrée sur la punition et la justice distributive, centrée sur le traitement des délinquants. À cette époque, la justice réparatrice est davantage envisagée dans une conception plus matérielle (on parle de restitution ou de réparation des dommages). Il faut attendre la fin des années 1980 pour que la justice réparatrice élargisse son spectre en y englobant une conception plus symbolique et psychologique. L'un des pères fondateurs du modèle de justice réparatrice est le mennonite Howard Zehr (en)[3]. En Europe, c'est le criminologue Lode Walgrave[4] qui représente l'un des chefs de file de ce mouvement de justice.

L’émergence de ce modèle au Canada peut s’expliquer par l’incapacité de leur système judiciaire à traiter la criminalité des communautés autochtones, qui sont surreprésentées dans les prisons [2].

Chaque année un colloque se tient sur ce sujet (par exemple : « Semaine internationale de la justice restaurative 2020 »).

Introduction de la « justice restaurative » dans la justice française en 2014

Dans l'article 18 de la loi du 15 [5], la loi française introduit la notion de « justice restaurative »[6] : « Art. 10-1.-A l'occasion de toute procédure pénale et à tous les stades de la procédure, y compris lors de l'exécution de la peine, la victime et l'auteur d'une infraction, sous réserve que les faits aient été reconnus, peuvent se voir proposer une mesure de justice restaurative. »

« Constitue une mesure de justice restaurative toute mesure permettant à une victime ainsi qu'à l'auteur d'une infraction de participer activement à la résolution des difficultés résultant de l'infraction, et notamment à la réparation des préjudices de toute nature résultant de sa commission. Cette mesure ne peut intervenir qu'après que la victime et l'auteur de l'infraction ont reçu une information complète à son sujet et ont consenti expressément à y participer. Elle est mise en œuvre par un tiers indépendant formé à cet effet, sous le contrôle de l'autorité judiciaire ou, à la demande de celle-ci, de l'administration pénitentiaire. Elle est confidentielle, sauf accord contraire des parties et excepté les cas où un intérêt supérieur lié à la nécessité de prévenir ou de réprimer des infractions justifie que des informations relatives au déroulement de la mesure soient portées à la connaissance du procureur de la République. »

Un décret du 21 décembre 2020[7] précise la mise en œuvre de la justice restaurative, désormais codifiée aux articles D1-1-1 du code de procédure pénale, sous le titre " Chapitre Ier bis de la justice restaurative" : elle peut être proposée par le procureur de la République ou le délégué du procureur de la République, lors de la mise en œuvre d'une alternative aux poursuites ou d'une composition pénale, à tout moment de la procédure ; par le juge d'instruction, à tout moment de l'information, par le président de la juridiction de jugement, à tout moment de l'audience et après avoir rendu la décision sur l'action publique et sur l'action civile ; par le juge de l'application des peines.

Au-delà du monde judiciaire

La « justice restaurative »[8] est également utilisée pour des conflits dépassant le seul cadre du monde judiciaire : plusieurs groupes de pratique et recherche en Cercles Restauratifs[9] existent dans le monde[10], et visent à développer tout « processus communautaire [apportant] du soutien aux personnes en conflit »[11] et « prendre soin des conflits dans [nos] communauté[s] »[12].

L'Éducation nationale en France, recommande dans un guide intitulé Pour une justice en milieu scolaire préventive et restaurative[13], publié en 2014 via la Mission ministérielle chargée de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire, dirigée par Éric Debarbieux, de faire appel à des pratiques restauratrices, comme les Cercles Restauratifs, et la Communication NonViolente.

Perspectives

Même si elle s’avère être un modèle efficace pour éviter une peine d’emprisonnement, en 2005, la justice réparatrice n’avait pas encore réorienté fondamentalement les perspectives du système pénal[2].

Notes et références

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Restorative justice » (voir la liste des auteurs).
  1. Yvon Dandurand, « Manuel sur les programmes de justice réparatrice », sur Nations Unies,
  2. Texte publié dans les Actes du colloque de l’École nationale de la magistrature, Édition Dalloz, Paris, 2005 Semaine des victimes (en ligne)
  3. Brice Deymié, « Pas de paix sans justice », sur la-croix.com, La Croix, (consulté le )
  4. Lode Walgrave, Au-delà de la rétribution et de la réhabilitation : la réparation comme paradigme dominant dans l'intervention judiciaire contre la délinquance (des jeunes) ? in Centre de recherche interdisciplinaire de Vaucresson. Ministère de la Justice (sous la direction de) La justice réparatrice et les jeunes : 5-28. Vaucresson, Aeres/publications, 1994
  5. LOI n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales, (lire en ligne)
  6. « Justice restaurative — CerclesRestauratifs.org », sur cerclesrestauratifs.org (consulté le )
  7. Décret n° 2020-1640 du 21 décembre 2020 renforçant l'efficacité des procédures pénales et les droits de victimes
  8. « Justice restaurative — CerclesRestauratifs.org », sur cerclesrestauratifs.org (consulté le ).
  9. « Portail:Cercles Restauratifs — CerclesRestauratifs.org », sur cerclesrestauratifs.org (consulté le ).
  10. « Atlas — CerclesRestauratifs.org », sur cerclesrestauratifs.org (consulté le ).
  11. « CerclesRestauratifs.org », sur cerclesrestauratifs.org (consulté le ).
  12. « Les Cercles restaurateurs (CR) pour prendre soin des conflits », Diffusion Focusing (consulté le ).
  13. « Climat scolaire - Justice scolaire », sur Climat scolaire (consulté le ).

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Mylène Jaccoud, Innovations pénales et  justice réparatrice, revue française de criminologie, Champ pénal/Penal Field, vol, 4, mis en ligne le . URL : http://champpenal.revues.org/document9e12.html, 2007.
  • Howard Zehr, Changing Lenses, Scottdale, Herald Press, 2005, p. 74.
  • Howard Zehr, La Justice restaurative, Labor et Fides, Genève, 2012.
  • Les Rencontres détenus-victimes, l’humanité retrouvée, sous la direction de Robert Cario, L'Harmattan, Paris, 2012.
  • La Justice Réparatrice: Quand victimes et coupables échangent pour limiter la récidive, de Stéphane Jacquot, Paris, 2012, Éditions L'Harmattan, coll. « Question comtemporaines », 132 p. (ISBN 978-2-296-55916-5)

Liens externes

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