Jurisprudence en droit français

En droit français, la jurisprudence désigne l'ensemble des décisions de justice relatives à une question juridique donnée[1]. Il s'agit donc de décisions précédemment rendues, qui illustrent la manière dont un problème juridique a été résolu[réf. souhaitée]. La jurisprudence est constituée d'abord des décisions rendues par la haute cour nationale, mais aussi, avec un poids moindre, de celles rendues par des cours.

Limites au pouvoir décisionnel de la jurisprudence en droit français

Par exemple, le Code civil français interdit dans son article 5[2] les arrêts de règlement en disposant : « Il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises ». La décision d'un juge ne peut donc régler à l'avenir le sort d'une question de droit et ne s'applique en principe qu'à l'affaire jugée. Mais c'est malgré tout le rôle des juridictions suprêmes d'uniformiser la jurisprudence afin d'éviter la disparité des jugements et des arrêts des juridictions inférieures dans une matière donnée.

Ainsi, en France, la solution adoptée par la Cour de cassation dans une affaire ne contraint pas les cours d'appel et les tribunaux à statuer d'une manière identique dans des affaires similaires. Toutefois, il demeure que les arrêts de la Cour de cassation, et particulièrement ceux qui font l'objet d'une publication au Bulletin des Arrêts, marquent une tendance qui est généralement suivie par les juridictions de fond pour éviter la multiplication des recours et notamment des pourvois en cassation.

La jurisprudence peut être également définie comme l'habitude de juger des tribunaux, qui, bien que dépourvue de tout pouvoir normatif, n'en constitue pas moins, en pratique, une autre source du droit à l'instar de la doctrine par exemple.

De fait, lorsque cette habitude de juger est établie de longue date, on parle de jurisprudence constante (quieta non movere ; littéralement : ne pas déranger la quiétude) des droits anglo-américains.

L'habitude n'exclut toutefois pas un revirement de jurisprudence, c'est-à-dire un tournant dans l'interprétation d'un point de droit, principalement par les juridictions suprêmes (comme la Cour de cassation et le Conseil d'État en France). Le revirement peut également provenir d'un nouveau courant d'interprétation des juges du fond que les juridictions supérieures consacrent lorsqu'elles sont saisies. Ces revirements de jurisprudence, sauf rares exceptions, ont un effet rétroactif sur l'interprétation de la règle de droit et les situations juridiques[3]. Ils sont parfois difficiles à prévoir, voire à repérer et à identifier, mais les juridictions suprêmes sont attentives à gérer au mieux ces revirements (rôle des publications, des rapports, des colloques).

Critères de formation d'une jurisprudence

L'on pourrait énoncer trois critères théoriques, à l'origine de la formation de la jurisprudence. On dit alors qu'une décision « fait jurisprudence ».

  • Formulation de la décision : une décision peut faire jurisprudence grâce :
    1. à la fermeté du principe : si la formulation de la décision se voit être abstraite, générale et brève ;
    2. à la nature de la juridiction ayant rendu la décision : par exemple, une décision émanant d'un Tribunal d'Instance sera beaucoup moins importante que celle émanant de la Cour de cassation du pays ;
    3. au nombre de décisions similaires rendues par la ou les Cours supérieures (telles la Cour de cassation ou la Cour suprême dans divers pays).
  • Constance de la décision : la répétition d'une décision.
  • Publicité de la décision : la publication de la décision. En effet, la jurisprudence n'aurait pas sa valeur sans la reconnaissance de la communauté des juristes.

Publication de la jurisprudence

La jurisprudence désigne l'ensemble des décisions de justice, même si un petit nombre est réellement publié par les juridictions. Une sélection est opérée soit par la formation qui a rendu l'arrêt ou le jugement, soit par un service de documentation dépendant de l'institution ou du ministère de la justice.

Les arrêts non publiés ou inédits abordent généralement une position constante de l'institution ou ne sont d'aucun intérêt juridique (radiations, mesures d'administration judiciaire par exemple).

À l'ère du tout numérique, les décisions ne sont cependant pas à la disposition des spécialistes immédiatement et il faut généralement un certain délai, qui peut être compensé par la mise à disposition des textes par voie électronique. Ce délai tient à l'anonymisation de la décision.

Quelques exemples :

En France, en 2015, le portail data.gouv.fr dans le cadre de la politique d’ouverture des données publiques met à disposition de tous (en open data, en Licence Ouverte) plusieurs bases de données correspondant à plusieurs centaines de milliers de documents juridiques ; ces données étaient autrefois diffusées par la DILA sur Légifrance pour le compte du Conseil d'État et de la Cour de cassation (fonds documentaire de la base CASS). Le fonds documentaire INCA (décisions inédites de la Cour de cassation ; non publiées au Bulletin depuis 1989) est également disponible, de même que le fonds documentaire JADE[4].

Aucun arrêt d'assises (ni appel d'assises) n'est publié. Les rares jurisprudences de Cassation publiées (seuls quelques arrêts de cassation sont publiés, les autres arrêts sont inconnus du public) laissent deviner le contenu le l'arrêt attaqué et il se peut qu'il s'agisse d'une cour d'assises[5].

Depuis la loi du pour une République numérique, dite « loi Lemaire », les juridictions françaises sont tenues de mettre à disposition du citoyen « dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé » les décisions de justice rendues. L'effet de loi est toutefois atténué par l'absence d'un décret d'application dû à la difficulté d'anonymiser les décisions. La promulgation de la loi Lemaire a entraîné la création d'une multitude de petites entreprises dans le domaine du droit, dites « legaltechs ».

Notes et références

  1. Stefan Goltzberg, Les Sources du droit, Paris, Presses Universitaires de France, , 128 p. (ISBN 978-2-13-074860-1 et 2-13-074860-0)
  2. article 5
  3. Cf. par exemple l'arrêt Cass. soc. du 17 décembre 2004 (Application à l'instance en cours d'une nouvelle jurisprudence)
  4. Etalab (2015) La Direction pour l’Information Légale et Administrative (DILA) ouvre les bases CASS, INCA, CAPP et JADE en open data, publié 10 septembre 2015, consulté 17 septembre 2015
  5. Trouver de la jurisprudence à partir des juridictions, Isabelle Fructus (Professeur documentaliste), Université de Paris, Bibliothèque interuniversitaire Cujas, 24 juillet 2012

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Jean-Paul Andrieux, Histoire de la jurisprudence. Les avatars du droit prétorien, Paris, Vuibert, 2012
  • Oscar Ferreira, Histoire contemporaine des sources du droit, Paris, Ellipses, 2019
  • Nicolas Molfessis (dir.), La Cour de cassation et l'élaboration du droit, vol. 20, Economica, coll. « Études juridiques », .
  • Nicolas Molfessis (dir.), Les revirements de jurisprudence : rapport remis à Monsieur le Premier Président Guy Canivet, Paris, Juris Classeur, .
  • Frédéric Zenati, La jurisprudence, Paris, Dalloz, 1991

Liens externes

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