Jules Supervielle

Jules Supervielle, né le et mort le , est un poète et écrivain franco-uruguayen[2].

Né à Montevideo, il perd ses parents à l'âge de huit mois. Élevé par son oncle et sa tante, il fait ses études à Paris et, sans perdre contact avec l'Uruguay, fréquente les milieux littéraires de l'avant-garde parisienne à partir des premières années du XXe siècle.

Biographie

Jules Supervielle vient d'une famille très unie : Bernard, son oncle, fonde en Uruguay une banque avec sa femme Marie-Anne de 1880 à 1883[3]. Cette entreprise devient rapidement familiale : Bernard demande à son frère Jules, père du poète, de venir le rejoindre en Uruguay. Jules fait du trio un parfait quatuor en épousant Marie, sœur de Marie-Anne et future mère du poète. Le poète naît à Montevideo, en Uruguay, d'un père béarnais et d'une mère basque. La même année, le petit Jules et ses parents rentrent en France pour rendre visite à leur famille. C'est à Oloron-Sainte-Marie que se produit un tragique accident : son père et sa mère meurent brutalement, sans doute empoisonnés par le vert-de-gris d'un robinet en cuivre, ou victimes du choléra. L'enfant est d'abord élevé par sa grand-mère[3]. En 1886 son oncle Bernard ramène le petit Jules en Uruguay, où il l'élève avec sa femme comme s'il était son propre fils[3].

Les débuts d'une vocation littéraire

À l'âge de neuf ans, le petit Jules apprend par hasard qu'il n'est que le fils adoptif de son oncle et sa tante. Il commence la rédaction d'un livre de fables sur un registre de la banque Supervielle. Son oncle et sa tante s'installent à Paris en 1894. Jules y fera toutes ses études secondaires. Jules découvre Musset, Hugo, Lamartine, Leconte de Lisle et Sully Prudhomme. Il commence à écrire des poèmes en cachette. Il publie à compte d'auteur une plaquette de poèmes intitulée Brumes du passé en 1900[3]. Il passe ses vacances d'été en Uruguay en 1901, 1902 et 1903. De 1902 à 1906 : Jules poursuit ses études, depuis le baccalauréat jusqu'à la licence de lettres. Il fait aussi son service militaire mais, de santé fragile, il supporte mal la vie de caserne.

L'entrée dans la vie adulte

Il épouse Pilar Saavedra (1885-1976) à Montevideo en 1907. De cette union naissent six enfants, entre 1908 et 1929[3]. En 1910, il dépose un sujet de thèse sur le sentiment de la nature dans la poésie hispano-américaine. Des extraits paraîtront dans le Bulletin de la bibliothèque américaine. Il publie Comme des voiliers, son second recueil de poèmes[3]. Après de nombreux voyages, il s'installe à Paris, dans un appartement, 47, boulevard Lannes[3], où il demeurera pendant vingt-trois ans. Mais, très souvent, il traversera l'Atlantique pour se rendre en Uruguay, sa seconde patrie.

Durant la Première Guerre mondiale, Jules est mobilisé de 1914 à 1917[3]. Il exercera notamment des activités au ministère de la Guerre, en raison de ses compétences linguistiques. Dès 1917, il lit beaucoup et découvre Claudel, Rimbaud, Mallarmé, Laforgue et Whitman. En 1919, son troisième recueil Poèmes de l'humour triste est envoyé à plusieurs écrivains déjà connus, notamment Gide et Valéry, qui lui répondent favorablement et le mettent en contact avec La Nouvelle Revue française (NRF)[3].

Naissance d'un poète

Il publie son premier recueil important de poèmes, Débarcadères, en 1922. L'année suivante, c'est le début d'une longue amitié avec Henri Michaux, qui deviendra son ami intime et lui dédicacera ses Énigmes dans son premier recueil Qui je fus. C'est aussi cette année-là qu'il publie son premier roman : L'Homme de la pampa. Sa première nouvelle importante, La Piste et la Mare, paraît en 1924 dans la revue Europe. Il se lie avec le grand poète autrichien Rainer Maria Rilke en 1925 et publie un des recueils poétiques majeurs du XXe siècle : Gravitations. Il devient l'ami intime de Jean Paulhan en 1927 et lui soumet désormais tous ses textes. Son premier recueil important de nouvelles fantastiques, L'Enfant de la haute mer, qui rassemble cinq textes publiés entre 1924 et 1930 et trois inédits, sort en 1931. À cette époque, il s'adonne à de nombreuses activités littéraires et acquiert la reconnaissance de la critique, y compris en Uruguay. Sa première pièce importante, La Belle au bois, voit aussi le jour à cette époque. Par ailleurs, il ne cessera de remanier ses textes, donnant lieu à de multiples rééditions, et les fait passer souvent d'un genre littéraire à un autre. En 1934, il signe avec Louis Cattiaux et Louis de Gonzague-Frick le manifeste du Transhylisme[4]. En 1938, il se lie avec Etiemble.

Les années d'exil

Avec la déclaration de guerre en 1939 commencent des années difficiles : la tension internationale, des difficultés financières et des ennuis de santé (problèmes pulmonaires et cardiaques) conduisent Jules Supervielle à s'exiler pour sept ans en Uruguay[3]. Il est nommé officier de la Légion d'honneur. La banque Supervielle fait faillite en 1940 ; le poète est ruiné.

Mais son activité littéraire est toujours aussi intense. Il écrit de nombreuses pièces de théâtre qui seront par la suite montées par de grands metteurs en scène, tel Louis Jouvet. Il continue par ailleurs de s'adonner à des traductions (Guillen, Lorca, Shakespeare...) et recevra plusieurs prix littéraires tout au long de ces années de la maturité. En 1944, il fait une série de conférences à l'université de Montevideo sur la poésie française contemporaine.

La consécration

En 1946, Supervielle rentre en France, nommé attaché culturel honoraire auprès de la légation d'Uruguay à Paris. Il publie ses premiers contes mythologiques sous le titre Orphée, édité en 1950 chez Gallimard sous le titre Premiers pas de l'univers. Il publie un récit autobiographique intitulé Boire à la source en 1951, ainsi que quelques pages précieuses sur sa conception de la poésie : en songeant à un art poétique, à la suite de son recueil poétique Naissances. À cette époque, il souffre d'arythmie et des séquelles de son infection pulmonaire. Il fait paraître son dernier recueil poétique, Le Corps tragique en 1959. Supervielle est élu prince des poètes par ses pairs en 1960. Le 17 mai, il meurt dans son appartement parisien ; il est inhumé à Oloron-Sainte-Marie. En octobre, la NRF fait paraître un numéro spécial qui lui rend hommage. De 1966 à 1987 : parution aux éditions Gallimard (collection « Poésie ») de ses principaux recueils poétiques. Pilar meurt à son tour en 1976 ; elle est enterrée aux côtés de son mari. En 1990, la ville d'Oloron-Sainte-Marie crée le prix Jules-Supervielle ; parmi ses lauréats, on relève les noms de poètes contemporains majeurs : Alain Bosquet, Eugène Guillevic, Henri Thomas, Jean Grosjean et Lionel Ray. En 1996 : parution des œuvres poétiques complètes de Jules Supervielle dans la Bibliothèque de La Pléiade, aux éditions Gallimard.

Plaque au no 7 quai Louis-Blériot.

Il vit entre 1953 et 1960 au 7 quai Louis-Blériot. Une plaque lui rend hommage.

Influences

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Supervielle s'est tenu à l'écart des surréalistes. Désireux de proposer une poésie plus humaine et de renouer avec le monde, il rejetait l'écriture automatique et la dictature de l'inconscient, sans pour autant renier les acquis de la poésie moderne depuis Baudelaire, Rimbaud et Apollinaire, ainsi que certaines innovations fondamentales du surréalisme.

Attentif à l'univers qui l'entourait comme aux fantômes de son monde intérieur, il a été l'un des premiers à préconiser cette vigilance, ce contrôle que les générations suivantes, s'éloignant du mouvement surréaliste, ont mis à l'honneur. Il a anticipé les mouvements des années 1945-50, dominés par les puissantes personnalités de René Char, Henri Michaux, Saint-John Perse ou Francis Ponge, puis — après la parenthèse avant-gardiste des années 1960-70 — ceux des poètes désireux de créer un nouveau lyrisme et d'introduire une certaine forme de sacré ou, tout au moins, une approche plus modeste des mystères de l'univers, sans remise en cause radicale du langage : Yves Bonnefoy, Edmond Jabès, Jacques Dupin, Eugène Guillevic, Jean Grosjean, André Frénaud, André du Bouchet, Jean Follain, pour ne citer qu'eux.

Ses admirateurs ou successeurs spirituels se nomment René Guy Cadou, Alain Bosquet, Lionel Ray, Claude Roy, Philippe Jaccottet , Jacques Réda , Lionel Mazari ...

Principales œuvres

[5]

Rééditions

  • 1996 : Œuvres poétiques complètes, sous la direction de Michel Collot, Gallimard, collection de la Pléïade, 1 112 p., (ISBN 978-2-07-011-438-2)

Études critiques

  • Claude Roy, Jules Supervielle, Éd. Pierre Seghers, coll. Poètes d'aujourd'hui, 1964
  • Claude Roy, Supervielle, Paris, Poésies P., NRF, 1970
  • Sabine Dewulf, Jules Supervielle ou la connaissance poétique - Sous le soleil d’oubli, coll. Critiques littéraires, en deux tomes, Paris, éd. L’Harmattan, 2001
  • Sabine Dewulf, La Fable du Monde, Jules Supervielle, coll. Parcours de lecture, Bertrand-Lacoste, 2008
  • Collectif dirigé par Sabine Dewulf et Jacques Le Gall, Jules Supervielle aujourd'hui, Actes du colloque des 1er et à Oloron-Sainte-Marie,
  • Sabine Dewulf, Le Jeu des miroirs, Découvrez votre vrai visage avec Douglas Harding et Jules Supervielle, éd. Le Souffle d'Or, 2011
  • Jacques Le Gall, Les Pyrénées, postface, éd. Le Festin, coll. « Les Cahiers de l'Éveilleur », 2006
  • Odile Felgine, L'Ecriture en exil, Dianoïa, PUF, 2014.

Actualités

  • Une émission sur Jules Supervielle a été réalisée par France Culture le dimanche dans l'émission Une vie, une œuvre[6].
  • Les éditions Le Festin (Bordeaux) éditent les textes Saint-Jean-Pied-de-Port et Oloron issus de Boire à la source, livre aujourd'hui quasiment introuvable. Ils évoquent le retour à la terre natale qui fut aussi celle où ses parents moururent tragiquement, alors qu'il n'était âgé que de quelques mois. C'est en 1926 que le poète effectue ce « pèlerinage » dans les rues, les maisons de sa petite enfance. Précision des descriptions, émotions, ces textes plongent le lecteur dans le Pays basque de la fin du XIXe siècle[7].
  • Le Lycée français de Montévidéo porte le nom de Jules Supervielle.
  • L'œuvre La Belle au bois a été mise en scène par le Collectif Quatre Ailes, qui a choisi de saisir l'univers merveilleux de cette pièce dans un décor d'images et de tricot. La création du spectacle a eu lieu en à la Scène Watteau, Théâtre de Nogent-sur-Marne[8].

Notes et références

  1. Extrait de naissance de Jules Supervielle sur la base Léonore.
  2. (es) Ignacio Bajter, « Supervielle en el punto de partida », sur Brecha,
  3. Jules Supervielle, Le forçat innocent / Les amis inconnus, Editions Gallimard, (ISBN 978-2-07-276868-2)
  4. Louis Cattiaux, « Transhylisme », Paris-Soir, (lire en ligne)
  5. « oeuvres principales », sur supervielle.univers.free.fr (consulté le )
  6. Archive de l'émission de Radio France du 29 avril 2007 sur Jules Supervielle.
  7. Les Pyrénées. Saint-Jean-Pied-de-Port. Oloron de Jules Supervielle, Le Festin, 2006 (postface de Jacques Le Gall et photographies de Jean-Christophe Garcia).
  8. « La Belle au bois | Collectif Quatre Ailes » (consulté le )

Voir aussi

Liens externes

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