Jules Crépieux-Jamin

Jules Crépieux-Jamin (1858-1940) est un des premiers graphologues français, qui contribua au développement de cette pratique.

Pour les articles homonymes, voir Crépieux et Jamin.

Biographie

Il fut élevé par sa mère à Arras, dans le nord de la France, et se destinait à devenir horloger. Le développement de l’industrie menaçait toutefois ce métier et Crépieux-Jamin se dirigea alors vers la dentisterie. En 1889, il déménage à Rouen, ouvre un cabinet de dentiste et se marie avec une femme qui lui donne plusieurs enfants. Crépieux-Jamin s’avoue franc-maçon, antimilitariste et anticlérical. Il découvre les écrits de Michon et développe un intérêt croissant pour la graphologie. En 1897, il est mandaté pour participer à l’expertise du « bordereau » dans l’affaire Dreyfus. Dressant d’abord un profil psychologique en défaveur de l’accusé, le graphologue change d’avis et affirme que l’auteur du texte compromettant n’est pas Alfred Dreyfus. Son implication dans cette affaire ne le laissera pas indemne. En défendant Dreyfus, il subit des pressions et des menaces. Les clients désertent son cabinet de dentiste. Il se consacre alors principalement à son occupation de graphologue.

Système Crépieux-Jamin

Du point de vue théorique, les positions de Crépieux-Jamin sont à placer dans la continuité de celles de Michon. Le vocabulaire des deux hommes est similaire. Crépieux-Jamin amène toutefois une série de lois (dont certaines qui contredisent celles de Michon) ainsi qu’une nouvelle classification des signes graphiques.

Les signes graphiques sont regroupés en genres.

Regroupement des espèces graphiques en 6 genres selon Crépieux-Jamin (1889/1951, p. 90).
Genres Espèces
Intensité des mouvements Écriture accélérée, appuyée, blanche, dynamogéniée, exagérée, ferme, filiforme, fine, floue, lâchée, lancée, légère, lente, molle, mouvementée, nette, pâteuse, posée, rapide, en relief, spasmodique, spontanée.
Forme Écriture anguleuse, arrondie, artificielle, banale, bizarre, calligraphique, claire, compliquée, confuse, crénelée, distinguée, gracieuse, grossière, jointoyée, harmonieuse, inharmonieuse, informe, ornée, simple, simplifiée, typographique.
Dimension Écritures espacée, étalée, exagérée, grande, petite, prolongée en haut ou en bas, serrée, sobre, surélevée
Direction Ecriture centrifuge, centripète, chevauchante, descendante, dextrogyre, inclinée, montante, rigide, renversée, serpentine, sinistrogyre, verticale.
Continuité Écriture automatique, barrée inutilement, brisée, calme, combinée, désorganisée, discordante, égale, gladiolée, grossissante, hachée, hésitante, inachevée, inégale, inhibée, inorganisée, instable, juxtaposée, liée, monotone, nuancée, organisée, retouchée, tremblée, saccadée, suspendue
Ordonnance Écriture croisée, enchevêtrée, désordonnée, ordonnée, soignée, soulignée


L’auteur apportera quelques modifications à cette classification (il scindera notamment le premier genre en deux) mais insistera principalement sur la définition des nombreuses espèces graphique. L’ABC de Graphologie (1930) en dénombre 177. Il s’agit, pour lui d’attribuer à chaque espèce une signification caractérielle. La coexistence, dans une même écriture, d’espèces différentes permet de déduire des caractéristiques psychologiques plus complexes par le biais des résultantes. Crépieux-Jamin développe ainsi abondamment ce concept qui permet de déduire des traits de personnalités à partir d’indices graphiques plus élémentaires. Car l’ambition de l’auteur est bien de saisir un portrait caractériel le plus exhaustif, notamment renseignant sur la qualité de l’écrivain. En effet, Crépieux-Jamin recherche les signes de supériorité et d’infériorité des êtres humains dans une optique moraliste. Ainsi écrit-il en 1923 un essai sur « Les éléments de l’écriture des canailles », c'est-à-dire des « gens de peu de valeur »[1]. Des résultantes possibles (il y en a théoriquement une infinité), il en dégage deux qui lui semblent les plus importantes : l’organisation et l’harmonie. Il les appelle des synthèses d’orientation car elles orientent le diagnostic. Concernant l’organisation de l’écriture, il dit ceci :

« Une écriture est organisée lorsqu’elle est tracée couramment et correctement.… Dans la multitude infinie des tracés, l’écriture organisée est aisément reconnaissable parce qu’elle est étrangère aux formes grossières, aux non-sens, aux reprises, à la lenteur accentuée, à la confusion, aux fautes d’orthographe lourdes et répétées ; toutefois, malgré ses caractères nets et précis, son acquisition n’est pas à l’abri des régressions. . »

 Crépieux-Jamin, 1930, pp. 51-53)

Il définit l’harmonie de l’écriture en ces termes :

« L’harmonie de l’écriture est faite de ses proportions heureuses, de sa clarté, de l’accord entre toutes ses parties. Les tracés simples, sobres et aisés, précisent davantage sa valeur. L’harmonie de l’écriture correspond à celle du caractère, c’est la marque de la supériorité. Les disproportions, les discordances et les exagérations suffisent, d’autre part, à caractériser l’écriture inharmonieuse, mais ses plus bas étages sont formés avec l’assistance de la confusion, de la complication, et surtout de la grossièreté. L’inharmonie de l’écriture révèle l’infériorité du caractère. »

 Crépieux-Jamin, 1930, p. 79

Ces deux synthèses d’orientation (et plus principalement celle de l’harmonie) permettent donc à l’auteur de détecter la supériorité ou l’infériorité du scripteur sur les plans de l’intelligence, de la moralité et de la volonté. Dans son livre « ABC de la graphologie », Crépieux-Jamin énonce quinze règles « dont le graphologue doit s’inspirer s’il veut obtenir les meilleurs résultats » (1930, p. 19). Ces règles préconisent notamment qu’il ne faut pas s’engager à fond dans un examen graphologique sur un seul document, qu’il faut classer les caractéristiques graphiques par ordre d’intensité, etc.

Ces principes sont encore cités et utilisés par les graphologues francophones actuels.

Entre 1903 et 1907, Crépieux-Jamin participa aux expériences d’Alfred Binet. À cette époque là, Binet s’intéressait à tout indice éventuel de l’intelligence humaine. Durant ces quelques années, Crépieux-Jamin correspond avec Binet et effectue des analyses graphologiques à l’aveugle. La synthèse de ces expériences est publiée en 1906 (Binet, 1906).

L’œuvre de Crépieux-Jamin a développé le vocabulaire graphologique, a proposé une classification des signes graphiques et a indiqué des pistes d’interprétation psychologique. Il faut toutefois constater l’absence de référence à une quelconque théorie de la personnalité. En quelque sorte, ce n’est pas l’écriture qui est le reflet de la personnalité mais l’inverse : les dynamiques propres de l’écriture induisent de facto les dynamiques de la personnalité. Seule la logique moraliste donne une impression de cohésion dans sa conception de la psychologue humaine.

Bibliographie

  • Les Bases fondamentales de la Graphologie et de l'expertise en écritures (1921)
  • Traité Pratique de Graphologie, Flammarion, Paris
  • L'écriture et le caractère, Paris, Félix Alcan, coll. «Bibliothèque de philosophie contemporaine» (1888), PUF, Paris, 1951, 441 p.
  • L'Age et le sexe dans l'écriture (1924), Adyar, Paris
  • Les éléments de l'écriture des canailles (1925), Flammarion, Paris.
  • La graphologie en exemples (1898), Larousse, Paris.
  • Libres propos sur l'expertise en écritures et les leçons de l'Affaire Dreyfus, Alcan, 1935
  • L'ABC de la graphologie (1929), PUF, 1960, 667 p.

Notes et références

  1. Crépieux-Jamin, 1889/1951, p. 11

Liens externes

  • Portail de l’écriture
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.