Joseph Conrad

Joseph Conrad, de son vrai nom Józef Teodor Konrad Korzeniowski, né le à Berditchev, en Ukraine, alors province de l'Empire russe, et mort le à Bishopsbourne, est un écrivain polonais et britannique, écrivant en langue anglaise.

Pour les articles homonymes, voir Joseph Conrad (homonymie) et Conrad.

Joseph Conrad
Joseph Conrad par George Charles Beresford (1904).
Nom de naissance Józef Teodor Konrad Korzeniowski
Naissance
Berdytchiv, Gouvernement de Kiev
Empire russe
Décès
Bishopsbourne, Angleterre
 Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande
Nationalité polonaise et britannique
Activité principale
Auteur
Langue d’écriture Anglais britannique
Mouvement Littérature moderniste
Genres

Œuvres principales

Monument dédié à Joseph Conrad à Gdynia (Pologne).
Plaque commémorant "Joseph Conrad-Korzeniowski", Singapour

Biographie

Né en 1857 à Berdytchiv, Józef Korzeniowski est issu de la noblesse polonaise. En 1861, sa famille déménage à Varsovie. En octobre de la même année, son père Apollo Korzeniowski, qui participe aux préparatifs de l'insurrection polonaise contre la Russie tsariste, est arrêté et emprisonné à la citadelle de Varsovie, puis condamné à l'exil à Vologda, puis à Tchernihiv. Sa famille le suit. La mère de Józef meurt de la tuberculose en . Gravement malade lui-même, Apollo Korzeniowski est autorisé à rentrer en Pologne en 1868. Il emménage avec son fils à Lviv, puis l'année suivante à Cracovie, mais il meurt en , laissant Józef orphelin à l'âge de onze ans[1]. Celui-ci est alors confié à son oncle maternel, Tadeusz Bobrowski (en), qui demeurait à Cracovie, et à qui il devait rester très attaché, entretenant avec lui une correspondance suivie jusqu'à la mort de ce dernier en 1894.

Carrière maritime

À la fois pour raisons de santé et parce qu'il est attiré par la carrière maritime, Józef part en 1874 pour Marseille, où il embarque comme mousse sur un voilier. Il fait ainsi pendant près de quatre ans son apprentissage en France pour entrer ensuite dans la marine marchande britannique, où il va demeurer plus de seize ans. Il obtient son brevet de capitaine au long cours le , prend la même année la nationalité britannique, sous le nom de Joseph Conrad et commence à écrire. Conrad parle avec une égale facilité le polonais, l’allemand, le français et l’anglais ; mais il décide d’écrire dans la langue de sa nouvelle patrie.

En 1887, après un séjour à l'hôpital de Singapour pour une blessure reçue en mer, Conrad embarque comme second sur le Vidar et effectue au moins quatre voyages à Bornéo et des séjours à Berau.
En 1888, il embarque sur le voilier Otago qui est son premier et unique commandement comme capitaine. En 1890, recommandé auprès du capitaine Albert Thys, administrateur de la Compagnie du Commerce et de l'Industrie du Congo, il part travailler comme capitaine de steamer pour la Société du Haut-Congo officiant dans l'État indépendant du Congo. Il est engagé pour trois ans, mais ne réalise qu'un aller-retour en steamer entre Stanley-Pool et Stanleyville avant d'être rapatrié en Europe pour dysenterie[2].

En 1891, après une hospitalisation à Londres et une convalescence à Champel en Suisse, il embarque, le , comme second sur le clipper Torrens pour l'Australie. Après un deuxième voyage à Adélaïde et une visite à son oncle Tadeusz Bobrowski (en) en Pologne, il est rayé des rôles du Torrens et en embarque sur le vapeur Adowa comme second, pour le Canada, avec escale à Rouen. En , l'Adowa retourne à Londres où débarque Conrad. C'est la fin de sa carrière maritime[3].

Carrière littéraire

Caricature par David Low, 1923.

Se consacrant désormais à son travail littéraire, Conrad achève La Folie Almayer qui paraît en , écrit Un paria des îles publié en . Désespérant de retrouver un commandement, il écrit à un ami « il ne me reste que la littérature comme moyen d'existence » et déclare clairement écrire pour l'argent… La même année, il épouse Jessie George et séjourne en Bretagne de mars à septembre — la vie est moins chère à Lannion et l'Île-Grande qu'à Londres — et y écrit certains de ses textes. De retour en Angleterre, il s'installe à Stanford-le-Hope, Essex, puis, en , à Ivy Walls, Essex (publication du Nègre du Narcisse). Son fils Boris naît en 1898 (publication du recueil de nouvelles Inquiétude), et en octobre, la famille Conrad s'installe à Pent Farm, Kent, maison louée par l'écrivain Ford Madox Ford.
En , après la naissance du deuxième fils, John, les Conrad séjournent à Montpellier, puis à Genève. Il publie le Miroir de la mer.

En , Conrad, qui vient de souffrir d'une grave dépression nerveuse, quitte sa résidence d'Aldington (en), dans le Kent, où il s'est installé l'année précédente, pour Capel House, ferme isolée près d'Ashford, dans le même comté, pour près de dix ans cette fois. En , il publie Sous les yeux de l'Occident.
En 1919, obligés de quitter Capel House, les Conrad s'installent provisoirement à Spring Grove (publication de La Flèche d'or), puis vont habiter à Oswalds où est achevée la rédaction de La Rescousse. Pour faciliter la rédaction de l'Attente, Jessie et Joseph Conrad effectuent en un voyage en Corse puis Conrad, seul, une tournée aux États-Unis en 1923 (publication du roman Le Frère-de-la-Côte).

En 1924, après une crise cardiaque en juillet, Joseph Conrad meurt le à Bishopsbourne. Il est enterré le à Canterbury.
C'est en 1925 que paraissent Derniers Contes et un roman inachevé, L'Attente [4].

Une écriture

En 1895, il publie son premier livre, La Folie Almayer, où il dépeint la perdition d’un Occidental en Malaisie. Dès lors paraissent régulièrement d’autres livres, toujours plus remarqués par les lettrés. Mais Conrad ne connaît que tardivement le succès commercial, avec Chance en 1913, ce dont il eut toujours du mal à comprendre la raison, sans doute la trop grande complexité de son œuvre. Tout au long de sa vie d'auteur, il a affirmé vouloir écrire pour le grand public, et laisse une œuvre considérable, notamment Le Nègre du Narcisse, Lord Jim, Jeunesse, Au cœur des ténèbres, Typhon, Nostromo, Le Miroir de la mer, Sous les yeux de l'Occident, L'Agent secret, Victoire.

Il a été classé parfois comme auteur de « romans de mer », ce qui serait aussi restrictif que pour Herman Melville sous le prétexte que celui-ci est surtout connu pour Moby Dick. De fait, Au cœur des ténèbres, Lord Jim, Nostromo, L'agent secret, Sous les yeux de l'Occident, Victoire, de grands, sombres et profonds romans, ne se passent pas, ou peu, en mer...

Certains regardent Conrad comme un précurseur de l'existentialisme ; ses personnages sont faillibles, désenchantés, mais ne renoncent jamais à affronter la vie.

Conrad parle couramment le français, avec l'accent marseillais, en raison de son séjour dans la cité phocéenne. André Gide est son intercesseur dans le milieu littéraire français et traduit lui-même Typhon. Un Anarchiste, une des nouvelles du recueil A set of six, se passe en Guyane avec, pour personnage principal, un jeune Parisien.

Évocation littéraire

Dans son ouvrage biographique Mon éducation - Un livre des rêves, l'écrivain William S. Burroughs se souvient ou rêve du « passage de l'orage », et en cite un extrait : « ...dans toute cette troupe d'hommes transis et affamés, qui attendaient avec lassitude une mort violente, on n'entendit aucune voix ; ils restaient muets et sombrement pensifs, écoutaient les horribles imprécations de la tempête ... »[5]. Dans le même rêve, il lit Jeunesse.

Joseph Conrad est également évoqué dans le roman Martin Eden de Jack London. Ce dernier y fait allusion en retranscrivant les pensées de son personnage principal, Martin, lequel peine à être publié dans les revues locales : « Il compara sa nouvelle, encore à peine ébauchée, avec celle de plusieurs écrivains de la mer et il en arriva à cette conclusion qu'elle leur était infiniment supérieure. Seul Joseph Conrad, murmura-t-il, pourrait rivaliser avec moi. Et il s'imaginait Conrad lui étreignant la main et lui disant : Bravo, Martin Eden, bravo ! » (chapitre 27).

Œuvres

Romans

Recueils de nouvelles

Textes

Mémoires

Correspondance

  • 1929 : Lettres françaises, avec une introduction et des notes de G. Jean-Aubry, ami, traducteur et biographe de Joseph Conrad (Gallimard)

Biographies de Joseph Conrad

  • 1914 : Joseph Conrad, a Study, de Richard Curle
  • 1916 : Joseph Conrad, de Hugh Walpole
  • 1922 : Joseph Conrad and his Romantic Realism, de Ruth M. Sauffer
  • 1923 : Joseph Conrad, an Appreciation, d'E. Rendz
  • 1924 : Joseph Conrad, de G. de Voisins (in no 1er mars de la Revue de Paris)
  • 1924 : NRF, numéro de décembre 1924 consacré à Joseph Conrad
  • 1926 : Joseph Conrad in the Congo, de G. Jean-Aubry (Boston, Little, Brown)
  • 1927 : Joseph Conrad Life and Letters, de G. Jean-Aubry (2 volumes, Garden City, New York, Doubleday, Page)
  • 1929 : Joseph Conrad, l'homme et l'œuvre, de Maurice David (Éditions de la Nouvelle Revue Critique)
  • 1947 : Vie de Conrad, de G. Jean-Aubry (Gallimard)
  • 1968 : Les Années de mer de Joseph Conrad, de Jerry Allen (Denoël)
  • 1987 : Joseph Conrad, Trois vies, de Frederik R. Karl traduit de l'anglais par Philippe Mikriammos (Éditions Mazarine)
  • 1992 : Joseph Conrad, Biographie, de Zdzisław Najder traduit de l'anglais par Christiane Cozzolino et Dominique Bellion (Éditions Criterion)
  • 2001 : Joseph Conrad, a Biography, de Jeffrey Meyer (Cooper Square Press)
  • 2003 : Conrad, l'étrange bienfaiteur, d'Alain Dugrand (Fayard)
  • 2003 : Joseph Conrad et le Continent, de Claudine Lesage (Houdiard)
  • 2011 : Conrad, le Voyageur de l'inquiétude, d'Olivier Weber (Arthaud-Flammarion)
  • 2013 : Au bord de la mer violette, d'Alain Jaubert, Gallimard (biographies parallèle de Conrad et Rimbaud)
  • 2016 : La Malle de Joseph Conrad, de Dario Pontuale, Zeraq, Bordeaux
  • 2020 : Le Monde selon Joseph Conrad, de Maya Jasanoff, Albin Michel

Sur...

  • André Green, Joseph Conrad : le premier commandement, Ed. IN PRESS, 2008, Coll. In press edito, (ISBN 978-2-84835-146-9)
  • Au cœur des ténèbres, "Joseph Conrad, fossoyeur du mythe colonial", critique d'Au cœur des ténèbres par Marc Delrez, Politique, revue débats, Bruxelles, n°65, .
  • Alain Finkielkraut, La tragédie de l'inexactitude: lecture de Lord Jim, in Un cœur intelligent, Stock/Flammarion, 2009
  • Horst Gödicke, Der Einfluss Flauberts und Maupassants auf Joseph Conrad (L'influence de Flaubert et de Maupassant sur Joseph Conrad), (Thèse de doctorat, Université de Hambourg), Hamburg, 1969
  • Yves Hervouet, The French Face of Joseph Conrad, Cambridge University Press, 1990 (ISBN 978-0-521-38464-3)
  • Jean-Philippe Stassen et Sylvain Venayre, Cœur des ténèbres précédé de Un avant-poste du progrès, édition illustrée et commentée, Futuropolis/Gallimard, 2006
  • Une revue lui est consacrée : L’Époque conradienne publiée aux Presses universitaires de Limoges par la société conradienne française[7]

Adaptations

Au cinéma

À la télévision

En littérature

  • Sven Lindqvist s'inspire de la nouvelle Au cœur des ténèbres et du contexte dans lequel Joseph Conrad l'a rédigée pour son livre Exterminez toutes ces brutes ! (expression qui conclut le rapport de Kurtz dans la nouvelle de Conrad).

Bande dessinée

  • Kongo : le ténébreux voyage de Josef Teodor Konrad Korzneniowski, scénario de Christian Perrissin, dessin de Tom Tirabosco (Futuropolis, 2013). Roman graphique (plus un dossier explicatif) basé sur le voyage de Joseph Conrad au Congo, qui lui inspirera notamment Un avant-poste du progrès et Au cœur des ténèbres.
  • Le lendemain du monde, scénario de Olivier Cotte, dessin de Xavier Coste (Casterman, 2017). Roman graphique de science-fiction inspiré de Au cœur des ténèbres.
  • Cœur de ténèbres, scénario de Jean-Pierre Pécau, dessin de Benjamin Bachelier (Delcourt, 2019) ; roman graphique inspiré de Au cœur des ténèbres, transposant l'action dans les marais de la Loire, en pleine Révolution française.
  • Amen, bande dessinée de Georges Bess sortie en 2021 transposant la nouvelle dans un monde futuriste, l'action prenant lieu sur une autre planète.

Voir aussi

Notes et références

  1. Chronologie de Joseph Conrad, dans Au Coeur des Ténèbres et autres récits, Paris, Gallimard, coll. "Bibliothèque de la Pléiade", p.XXXI
  2. André-Bernard Ergo, Congo Belge la colonie assassinée, ed L'Harmattan, page 14-31
  3. Joseph Conrad aura passé un peu moins de 10 ans à naviguer effectivement, dont seulement 10 mois comme capitaine. Voir dans le blog Diacritiques : Conrad mis en abyme
  4. Joseph Conrad, le voyageur de l'inquiétude
  5. trad. par Sylvie Durastanti, parue chez Christian Bourgois éditeur (2007) (ISBN 978-2-267-01882-0)
  6. Le Figaro littéraire no 894 du samedi 8 juin 1963, p. 19)
  7. http://www.indexsavant.com/index.php?title=%C3%89poque_Conradienne_%28L%E2%80%99%29
  8. http://vincentthe1.blogspot.com/2007/02/alien-scott.html
  9. Aurora Marion

Liens externes

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