John Roselli

Filippo Sacco, connu sous le pseudonyme John Roselli, quelquefois écrit John Rosselli, né le à Esperia, dans la province de Frosinone, Latium, et mort le à Miami, en Floride, était un gangster italo-américain influent de l'Outfit de Chicago qui contribua au contrôle du show-business hollywoodien et des casinos de Las Vegas. Roselli a été impliqué dans le projet d'assassinat de Fidel Castro au début des années 1960 avec la Central Intelligence Agency (CIA). Certains théoriciens lui prêtent une implication dans l'assassinat de John Fitzgerald Kennedy en 1963. Son surnom dans le milieu mafieux était "Handsome Johnny".

Entre le et le , Roselli utilisa le pseudonyme de John F. Stewart.

Jeunes années

Né, Filippo Sacco à Esperia, Frosinone en Italie le . Son père, Vincenzo Sacco, immigra aux États-Unis. Roselli le suivit avec sa mère, Mariantonia Pascale Sacco et avec Catarina Palazzo à Somerville dans la Massachusetts, près de Boston en 1911.

En 1922, Roselli commit un meurtre et s'expatria à Chicago changeant son nom de Filippo Sacco en John Roselli. Son nouveau nom est en fait un hommage au sculpteur de la Renaissance italienne Cosimo Rosselli. Il devint membre de la mafia de Chicago et il se fit connaître sous le surnom "Handsome Johnny".

La date exacte et la raison de l'installation de Roselli à Los Angeles sont inconnues. Certaines sources expliquent qu'Al Capone ou Frank Nitti l'envoyèrent à l'ouest pour superviser l'activité des courses et l'extorsion des studios de cinéma. Cependant Roselli partit à Los Angeles en 1924, avant qu'Al Capone ne devint patron du Chicago Outfit. Il plaida coupable pour avoir passé en contrebande de la bière en 1924. Roselli commença sa carrière criminelle à Los Angeles sous la direction du parrain local Jack Dragna.

Roselli devint un ami proche du producteur de film Bryan Foy, qui introduisit Roselli dans le business du cinéma comme producteur dans la petite entreprise de Foy, Eagle Lion Studios, où Roselli est cité comme producteur (sous le nom de James Roselli) dans de nombreux premiers films de gangster. Dans les années 1940, Roselli fut impliqué dans la vaste campagne d'extorsion de plusieurs millions de dollars dans l'industrie du cinéma.

Dans les années 1940

En 1942, Roselli est accusé de charges fédérales de racket de travailleurs avec Georges Brown, ancien président du syndicat de the International Alliance of Theatrical Stage Employees et Willie Bioff, racketteur et un ancien proxénète. Le , Roselli farouche patriote, s'engagea dans l'armée américaine. Il servit sous les drapeaux jusqu'à son arrestation le .

En 1943, après un an de procès pour les accusations de racket, Roselli et plusieurs mafieux de Chicago sont reconnus coupables et condamnés à 10 ans de prison. Cependant, en 1947, ils bénéficient d'une libération conditionnelle après avoir effectué seulement trois ans et demi de prison. C'est partiellement assumé qu'un politicien sous influence de l'Outfit, Murray "The Camel" Humphreys, utilisa son influence sur le président du tribunal, Tom C.Clark, pour faire libérer Roselli et les autres patrons de l'Outfit. Après sa libération, Roselli retourna à Los Angeles avec l'espoir de redevenir producteur avec Bryan Foy.

L'influence grandissante de l'Outfit sur toute l'industrie hollywoodienne s'illustre en 1948 lorsque Tony Accardo ordonne à Roselli de forcer le puissant patron de la Columbia Pictures, Harry Cohn, de signer avec une actrice, alors inconnue, Marilyn Monroe, un contrat d'une valeur de plusieurs millions de dollars. Il accepta rapidement, principalement parce que Cohn avait obtenu le contrôle de la Columbia par des fonds mafieux provenant à la fois de Accardo et Roselli.

Dans les années 1950

Vers le milieu des années 1950, Roselli ne s'intéressa plus à Hollywood mais il jeta son dévolu sur le mécanisme beaucoup plus profitable des jeux de Las Vegas dans le Nevada. En 1956, Roselli devint le représentant officieux de l'Outfit de Chicago et de Los Angeles à Las Vegas. Son travail consistait à ce que les patrons de la mafia de Chicago reçoivent leurs parts égales sur les revenus des casinos, le terme employé est celui "d'écremage" (skimming). Cependant, selon les bureaux du FBI à Los Angeles, Roselli était employé comme producteur de films chez Monogram Studios.

Dans les années 1960

Après la révolution cubaine en , Castro ferma tous les casinos de la mafia à Cuba et expulsa tous les mafieux. Plateforme tournante du trafic de drogue en direction des États-Unis, le jeu et la prostitution, les pertes pour le syndicat du crime se chiffra à plus de 100 millions de dollars[1] et également pour la CIA qui percevait un pourcentage[1]. Ayant été victime de l'expérience, Roselli, le parrain du Chicago Outfit, Sam Giancana et le parrain de la mafia de Tampa, Santo Trafficante se montrèrent réceptifs au projet d'assassinat de Castro.

En 1960, la CIA recruta un ex-agent du FBI Robert Maheu, qui devint plus tard le bras droit du milliardaire Howard Hugues à Las Vegas, pour approcher Roselli. Maheu se fit passer pour le représentant d'une corporation international qui voulait tuer Castro parce qu'il avait essuyé d'énormes pertes avec la fermeture de leurs casinos. Roselli introduisit Maheu auprès de deux hommes qui se présentaient sous le pseudonyme de "Sam Gold" et "Joe". "Sam Gold" était Giancana, "Joe" était Santo Trafficante Jr de Tampa en Floride. Trafficante était un des parrains les plus puissants de l'ère pré-révolutionnaire cubaine. L'agence donna aux mafieux six pilules pour assassiner Castro. Durant plusieurs mois, des anti-castristes cubains en lien avec la mafia tentèrent, sans succès, de mettre les pilules dans la nourriture de Castro. En 1961, après l'échec de la CIA lors de l'invasion de la baie des cochons, les tentatives d'assassinat continuèrent, lesquelles inclurent celle d'une équipe de tireurs d'élite, entrainés par Roselli dans une base secrète à Florida Keys. Une des légendes du FBI, William "Wild Bill" King Harvey, prit la suite des efforts de Roselli. Beaucoup d'historiens affirment que l'obsession des Kennedy pour éliminer Castro continua jusqu'à la crise des missiles cubains en ou les responsables politiques de la maison blanche prirent conscience que la diplomatie devait impérativement prendre le pas sur l'action clandestine pour éviter tout risque d'un conflit généralisé et ce, afin d'obtenir un climat de détente cordiale avec l'URSS [2].

Ces tentatives d'assassinats par Roselli furent publiées en 1971 par Jack Andreson, un journaliste du Washington Post et confirmées par la CIA en 2007 quand les fameux documents intitulés "Family Jewels" (les joyaux de famille) furent déclassifiées.

En 1963, le chanteur Frank Sinatra sponsorisa Roselli pour devenir membre du club exclusif Los Angeles Friar. Peu de temps après son entrée, Roselli découvrit une escroquerie très élaborée sur le jeu des cartes tenu par un de ses amis de Las Vegas, Maury Friedman et il demanda à y participer. L'escroquerie fut finalement découverte en par des agents du FBI en lien avec Roselli. Un nombre très important d'hommes riches (incluant le millionnaire Harry Karl, le mari de l'actrice Debbie Reynolds, plus l'acteur Zeppo Marx) furent dévalisés de plusieurs millions de dollars. Grant B. Cooper représenta quelques-uns des accusés dans cette affaire, dont Roselli. Roselli fut condamné à une amende de 55 000 $. Durant son procès, des retranscriptions audio des délibérations du grand jury furent découvertes en possession de la défense. Cooper dut plaider coupable pour la possession de ces documents.

En 1968, Roselli est accusé et condamné pour résidence illégale aux États-Unis (il n'avait jamais acquis la carte de résidence ou la citoyenneté américaine). Il fut déporté vers l'Italie par le Service d'Immigration et de Naturalisation. Cependant, l'Italie refusa d'accepter Roselli et il fut renvoyé vers les États-Unis.

Dans les années 1970

Du au , Roselli témoigna devant le United States Senate Select Committee on Intelligence (SSCIA) ou Commission Church mené par le sénateur de l'Idaho Frank Church au sujet des opérations élaborées et menées par les agences de renseignement gouvernementales américaines, conséquence directe des révélations du scandale du Watergate. Le comité révéla notamment les plans de la CIA pour assassiner des leaders étrangers dont Fidel Castro et l'Opération Mongoose (mangouste) en vigueur dans les années 1960 avec la Mafia. Quelques jours avant le témoignage de Roselli, un tireur inconnu assassina le parrain Sam Giancana dans sa propriété de l'Illinois qui était pourtant placée sous étroite surveillance par le FBI et ce, à quelques jours de témoigner lui aussi devant le Comité Church. Sam Giancana avait en effet une connaissance très approfondie des opérations para politiques de la CIA menées au sujet de Cuba durant les années 50 et 60 comme l'opération du débarquement de la Baie des Cochons en avril 1961 et toutes les opérations de déstabilisation du régime cubain et d'assassinat de Fidel Castro[3]. L'alliance Mafia-CIA, qui fut confirmée par le Comité Church, prenait sa source dans un intérêt mutuel : élimination du régime et de son leader socialiste et récupération pour la Mafia de l'île de Cuba dont la perte pour la pègre avait été la déroute la plus coûteuse de son histoire (chiffrée en millions de dollars) avec la fermeture des casinos, des lieux de trafic de drogue et de prostitution en .

Toutefois, un coût d'arrêt total fut ordonné aux agents de l'opération Mangouste à partir d'Avril 1963 lorsque, conséquence directe de la crise des missiles d'octobre 1962, John F. Kennedy décida d'apaiser les relations avec Fidel Castro après avoir mesuré les trop grands risques d'une confrontation permanente à l'échelle mondiale. Ce que la CIA, au niveau infrastructurel notamment, et la Mafia n'acceptèrent pas, leurs opérations d'élimination du leader cubain restant encore actives malgré les ordres formels reçus et ce jusqu'à quelques jours avant la mort de John F. Kennedy à Dallas le [4].

Le meurtre de Sam Giancana (abattu de six balles dont une dans la nuque et cinq autour de la bouche)[5] signifiait pour Roselli, avec lequel il avait longuement travaillé (Giancana était l'un de ses plus forts soutiens, et il avait recouru à ses relations pour mener à bien les activités en lien avec la CIA et également pour défendre ses intérêts à Hollywood)[1], qu'il devait quitter de manière définitive Los Angeles et Las Vegas pour Miami en Floride.

Le , Roselli fut appelé à témoigner sur la conspiration au sujet de l'assassinat du président Kennedy. Trois mois après ce premier témoignage, le Comité souhaita réentendre Roselli. Cependant, il ne se présenta pas et fut déclaré disparu depuis le . Le , le sénateur Howard Baker, un membre de la nouvelle SSCIA, requit une enquête sur la disparition de Roselli.

Mort

Le , le corps décomposé de Roselli fut retrouvé dans un bidon de pétrole en métal flottant dans la baie de Dumfoundling, près de Miami en Floride. Roselli avait été étranglé, abattu et ses jambes coupées.

Certains émettent l'hypothèse que Santo Trafficante (ancien parrain de Cuba emprisonné en 1959 par le régime castriste, avant d'être libéré notamment avec l'intervention de Jack Ruby, et de se replier à Miami) ordonna la mort de Roselli. Selon cette théorie, Trafficante pensait que Roselli avait dévoilé beaucoup trop d'éléments sur l'assassinat de Kennedy, celui de Robert F. Kennedy et le projet d'assassinat de Fidel Castro durant son témoignage devant le Sénat, violant ainsi l'Omerta et révélant les implications conjointes de la CIA et de la Cosa Nostra, alors inconnues du grand public, dans ces opérations[1].

À la mort de Sam Giancana, le FBI surprit une conversation dans lequel Santo Trafficante indiquait : « À présent, seules deux personnes sachant qui a tué Kennedy sont encore en vie. Et elles ne parleront pas.[2] »

Voir aussi

Articles connexes

Références

  1. Samuel et Chuck GIANCANA (trad. de l'anglais), Notre homme à la maison blanche, Paris, Robert Laffont, , 365 p. (ISBN 2-221-07340-1), p. 241-366
  2. LENTZ Thierry, L'assassinat de John F. Kennedy Histoire d'un mystère d'Etat : Toile de fond cubaine, Paris, Edition nouveau monde, , 446 p. (ISBN 978-2-84736-508-5), p. 365-391
  3. Lors de son élimination la CIA, avant toute question, publia un communiqué ou elle n'indiquait n'être pour rien dans l'élimination du parrain de Chicago.
  4. LENTZ Thierry, L'assassinat de John F. Kennedy : un mystère d'Etat. : Toile de Fond cubaine, Paris, Éditions Nouveau Monde, , 441 p. (ISBN 978-2-84736-508-5), p. 365-391
  5. Samuel Giancana et Chuck Giancana, Notre homme à la Maison Blanche, Paris, Robert Laffont, , 364 p. (ISBN 0-446-51624-4), p. 213 à 364
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