Johann Heinrich von Schmitt

Johann Heinrich von Schmitt, né en 1743 et mort le à Dürnstein, fut un officier général autrichien au service de la monarchie des Habsbourg. Il se forgea une solide réputation de géomètre, de cartographe et de stratège lors des guerres menées par l'Autriche contre l'Empire ottoman. Participant à la guerre de la Première Coalition au sein de l'état-major, puis en tant que feld-maréchal-lieutenant, il fut l'un des plus proches conseillers de l'archiduc Charles pendant la campagne de celui-ci au sud-ouest de l'Allemagne dans le cadre de la Deuxième Coalition.

Johann Heinrich von Schmitt

Le général Johann Heinrich von Schmitt. Gravure sur cuivre de Blasius Höfel (1792-1863).

Naissance 1743
Pest en Hongrie ou Bavière selon les sources
Décès 11 novembre 1805 (à 62 ans)
Dürenstein, Autriche
Mort au combat
Allégeance Monarchie de Habsbourg
Grade Feldmarschall-Leutnant
Années de service 1761 – 1805
Conflits Guerre de Succession de Bavière
Guerres austro-turques
Guerres de la Révolution française
Guerres napoléoniennes

En 1799, sa renommée fut ternie par l'assassinat des plénipotentiaires français au congrès de Rastatt, bien que son implication ne fut pas prouvée. Il fut mis à la retraite l'année suivante en raison de sa mésentente avec le nouveau commandant en chef de l'armée impériale. Lorsque la guerre reprit à nouveau en 1805, Schmitt fut néanmoins rappelé à l'armée et affecté aux forces austro-russes regroupées sur le Danube ; il fut tué le à la bataille de Dürenstein, probablement par un tir ami.

Biographie

Famille et éducation

Johann Heinrich von Schmitt naquit en 1743, à Pest en Hongrie ou en Bavière selon les sources[1],[2]. Oleg Sokolov le dit « originaire de la ville de Krems »[3]. Il était le fils de Johann Sebastian von Schmitt, Rittmeister (équivalent de capitaine de cavalerie) dans le régiment de cuirassiers autrichiens Comte Cordova[1]. En 1742, le régiment de son père prit part à la bataille de Sahay puis au siège de Prague, avant de servir en Bavière et en Rhénanie pendant l'année 1743[4]. Son père meurt en 1752, et le , Schmitt, alors âgé de 14 ans, entra à l'École impériale d'ingénierie de Gumpendorf. Il y reçut une formation technique approfondie en ingénierie ainsi qu'une éducation assez vaste à l'instar des autres officiers[5].

Trois ans plus tard, le , Schmitt fut affecté comme Fähnrich (enseigne) au régiment d'infanterie no 15 Pallavicini. Au sein de cette unité, il participa aux dernières années de la guerre de Sept Ans, de 1763 à 1765, sur le théâtre de Bohême[5]. L'absence de cartes précises ayant entravé la conduite des opérations lors de ce conflit, Schmitt fit partie en 1764 d'une commission chargée d'améliorer la cartographie militaire. Le concept de « soldat scientifique », c'est-à-dire d'un militaire formé aux spécificités de la guerre, incita les autorités impériales à consacrer davantage de moyens à la formation et à l'éducation des officiers. L'initiation à la cartographie fut intégrée aux programmes, notamment sous l'impulsion de Carlos Pallavicini[6]. Ayant révélé ses capacités en la matière, Schmitt est promu au grade de lieutenant le et est transféré à l'état-major du quartier-maître général, tout juste réorganisé[1],[2].

Carrière militaire

Promotions [5],[2]

De 1769 à 1778, Schmitt fut envoyé à la frontière turque et déploya une activité particulièrement intense à Temesvar, dans le Banat. Nommé capitaine en 1778, il fut mobilisé durant la courte guerre de Succession de Bavière avant d'être transféré dans les Balkans où il resta jusqu'en 1782. Sa profonde connaissance du pays lui permit de réaliser toute une série de cartes et d'effectuer des missions de renseignement en Bosnie, alors occupée par les Ottomans, afin de recueillir des informations en vue d'une nouvelle guerre avec la Sublime Porte. Il communiqua notamment des documents sur la situation militaire des Turcs. Son évaluation des effectifs turcs présents à Osijek et Alt Gradiska fut appréciée par ses supérieurs. Lorsque la guerre éclata officiellement en 1787, Schmitt fut affecté à l'état-major général du corps de Slavonie. Il participa à la prise de la forteresse de Šabac en Serbie, le  ; à la suite de ce fait d'armes, il fut promu au grade de major le par l'empereur Joseph II. L'année suivante, il fut présent au siège de Belgrade et fut fait lieutenant-colonel le . Il fut transféré en Bohême au mois de mars, sous les ordres du feld-maréchal Ernst Gideon von Laudon, dans le cadre d'une guerre préventive contre le royaume de Prusse. Le conflit ayant finalement été évité, Schmitt fut envoyé dans les Pays-Bas autrichiens en 1791 pour aider à réprimer une révolte locale[5].

Parcours durant les guerres de la Révolution française

À l'époque où la Première Coalition se noua contre la France révolutionnaire en , Schmitt servit comme officier d'état-major au sein de l'armée impériale stationnée dans les Pays-Bas autrichiens. Il se distingua lors de la défense du col de la Croix-aux-Bois () et à la bataille de Raismes le . Après sa promotion au grade de colonel le suivant, il fut placé sous les ordres du prince de Saxe-Cobourg-Saalfeld. À l'automne 1794, Schmitt organisa la retraite du gros des forces impériales, désormais commandées par le successeur de Cobourg, le comte de Clerfayt, depuis leur position devenue intenable dans les Pays-Bas autrichiens jusqu'à l'est du Rhin[1],[2].

Il fit la campagne de 1795 aux côtés de Clerfayt avant d'être incorporé en à l'état-major de l'archiduc Charles par l'empereur François II. Assisté de son adjoint Anton Mayer von Heldensfeld, Schmitt planifia en grande partie la campagne de 1796 qui fut marquée par des victoires impériales à la bataille d'Amberg le et à la bataille de Wurtzbourg le , ce qui lui valut les épaulettes de général-major le [5].

La confiance dont Schmitt bénéficiait auprès de l'archiduc se détériora brièvement en 1799 lorsqu'il fut soupçonné par la rumeur d'être à l'origine de l'assassinat des plénipotentiaires français au second congrès de Rastatt le . La commission officielle chargée d'enquêter sur ce crime mit une pression considérable sur Schmitt à tel point que ce dernier démissionna temporairement de ses fonctions de chef d'état-major auprès de l'archiduc Charles ; il fut finalement réintégré peu après. Le , Schmitt fut élevé au grade de Feldmarschall-Leutnant. L'archiduc Charles ayant été remplacé peu après en tant que commandant en chef par le maréchal Pál Kray, Schmitt, bien que maintenu à l'état-major de Kray, sollicita de nouveau sa mise à la retraite, se disant fatigué et incapable de continuer à soutenir le rythme et les exigences de son poste. Les relations tendues qu'il entretenait avec le quartier-maître général de Kray, le général Jean-Gabriel du Chasteler, pesèrent toutefois certainement dans sa décision. Sa demande fut refusée une première fois, mais le , l'empereur François II finit par donner son accord sur l'insistance de Kray. Schmitt se retira alors à Kremsier, près de Brno, jusqu'en 1805[5].

Remise en activité

Schmitt fut rappelé à l'armée au moment où débuta la guerre de la Troisième Coalition en 1805. Muni d'une lettre d'approbation de l'empereur François II au général en chef russe Mikhaïl Koutouzov, Schmitt arriva au quartier-général russe et fut nommé chef de l'état-major général de l'armée alliée. Réunis à l'abbaye de Melk, sur le Danube, lui et les autres commandants élaborèrent une stratégie visant à encercler les troupes françaises du maréchal Édouard Mortier près de Dürenstein. Pour ce faire, ils firent appel à leur propre expérience militaire mais également à un capitaine originaire de la région dont la connaissance de la géographie locale devait se révéler précieuse dans l'exécution du plan[7].

Mort à Dürenstein

Le maréchal Mortier à la bataille de Dürenstein. Schmitt fut tué, peut-être de manière accidentelle, dans la confusion et l'obscurité de la fin de la bataille.

Mortier, venu de Linz et de Passau, se dirigea vers Vienne en empruntant la rive nord du Danube. Son corps, de formation récente, se composait de trois divisions étirées sur un front de 56 km le long du fleuve entre Marbach et Dürenstein. La trop grande distance entre les unités françaises exposait dangereusement le flanc nord du corps de Mortier, en dépit des instructions précises de Napoléon. Cette erreur fut mise à profit par Schmitt : le , l'armée de Koutouzov prit au piège l'une des divisions de Mortier, sous le commandement du général Honoré Théodore Maxime Gazan. Les Russes parvinrent d'abord à attirer Gazan dans une attaque contre un petit contingent, puis l'encerclèrent avec deux colonnes dans la plaine alluviale de Dürenstein, sans possibilité pour les Français d'avancer ou de reculer. Une deuxième division française arriva en milieu d'après-midi et tomba sur le flanc des Russes, mais elle fut elle-même prise par surprise par Schmitt qui débouchait des montagnes à la tête d'une autre colonne[8].

La division Gazan perdit plus de 40 % de son effectif ainsi que plusieurs canons et drapeaux[9]. La bataille se prolongea une bonne partie de la nuit mais les Français profitèrent de l'interruption des combats pour retraverser le Danube sur des barques[10]. Dans la confusion et l'obscurité, Schmitt fut tué dans un champ entre Wadstein et Heudürrgraben, probablement par des balles russes[5]. Wilhelm von Kotzebue, un Allemand servant dans l'armée russe, déclara plus tard que sa colonne, en quittant le chemin forestier, s'était avancée sur la route principale au bord du fleuve et s'était retrouvée prise sous un feu croisé entre les avant-postes des dragons français de Dupont et la colonne russe de Dokhtourov, et c'est alors que Schmitt aurait été mortellement atteint. Il fut enterré sur le champ de bataille avec les morts de la colonne russe qu'il commandait. Sa sépulture n'a jamais été localisée mais un monument à sa mémoire fut érigé dans un parc à proximité de Krems en 1811[11].

Considérations

Schmitt était célibataire[2]. Réputé pour sa vive intelligence, son sang-froid et son courage naturel, il était reconnu en son temps comme l'un des officiers les plus distingués et les plus capables de l'armée impériale autrichienne[5]. L'historien militaire Digby Smith émet ainsi l'hypothèse que Schmitt aurait été plus efficace à la bataille d'Austerlitz, tout du moins plus efficace que son remplaçant, Franz von Weyrother, en tant que chef d'état-major général de l'armée alliée[9]. Après la mort de Schmitt, Weyrother, un des architectes de la défaite autrichienne à Hohenlinden[12], conçut le désastreux plan de bataille de l'armée austro-russe à Austerlitz. Cependant, l'historien russe Oleg Sokolov estime que la réputation de Schmitt a été surévaluée dans l'historiographie et que les ordres transmis la veille de la bataille de Dürenstein « semblent confirmer un jugement peu flatteur sur les capacités de cet homme »[3]. Il ajoute : « la disposition de Schmidt […] était extrêmement compliquée et ne prenait absolument pas en compte des considérations aussi élémentaires que les embarras possibles dans la marche des colonnes, la mauvaise qualité des routes, la difficulté engendrée par l'absence de moyens de communication efficaces […] pour diriger les unités dispersées »[13].

Notes et références

  1. Egger 1986, p. 28.
  2. (en) Digby Smith et Leopold Kudrna, « Biographical Dictionary of all Austrian Generals during the French Revolutionary and Napoleonic Wars, 1792-1815 », sur napoleon-series.org (consulté le ).
  3. Sokolov 2006, p. 258.
  4. (de) Alphons Wrede, Geschichte der K.u.K. Wehrmacht, vol. 3, Vienne, Seidel u. Sohn, , p. 154.
  5. (de) Jens-Florian Ebert, « Feldmarschall-Leutnant von Schmitt », sur napoleon-online.de (consulté le ).
  6. (en) Erik Lund, War for the every day : generals, knowledge and warfare in early modern Europe, Westport, Greenwood Press, , 242 p. (ISBN 978-0-313-31041-6, lire en ligne), p. 152 à 154.
  7. Goetz 2005, p. 76 et 77.
  8. Goetz 2005, p. 77.
  9. (en) Digby Smith, The Greenhill Napoleonic Wars Data Book : Actions and Losses in Personnel, Standards, Colours and Artillery, 1792-1815, Londres, Greenhill, , 582 p. (ISBN 1-85367-276-9), p. 213.
  10. Sokolov 2006, p. 268.
  11. Egger 1986, p. 28 et 29.
  12. (en) James R. Arnold, Marengo & Hohenlinden : Napoleon's Rise to Power, Barnsley, Pen & Sword, , 301 p. (ISBN 1-84415-279-0), p. 222 ; 253 à 255.
  13. Sokolov 2006, p. 260.

Bibliographie

  • Oleg Sokolov (préf. général Robert Bresse), Austerlitz : Napoléon, l'Europe et la Russie, Saint-Germain-en-Laye, Commios, , 541 p. (ISBN 2-9518364-3-0).
  • (de) Ranier Egger, Das Gefecht bei Dürnstein-Loiben 1805, Bundesverlag, .
  • (en) Robert Goetz, 1805 : Austerlitz, the Destruction of the Third Coalition, Mechanicsburg, Stackpole Books, , 368 p. (ISBN 1-85367-644-6).
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