Jeanne Tunica

Jeanne Tunica est une femme politique française, née dans le département de l'Hérault en 1894, morte à Nouméa (Nouvelle-Calédonie) en 1972[1]. Co-fondatrice du Parti communiste calédonien, elle relaie les revendications sociales et politiques des Kanaks et des travailleurs vietnamiens de Nouvelle-Calédonie dans l'immédiat après-guerre. Forcée de s'exiler en raison des pressions politiques qu'elle subit, elle finira sa vie dans l'oubli.

Biographie

Jeanne Bernard naît en France métropolitaine en 1894[1] au sein d'une famille protestante des Cévennes. Son père, médecin, séjourne un temps en Nouvelle-Calédonie, ce qui explique sans doute le départ ultérieur de Jeanne Tunica pour ce qui est alors une colonie française lointaine. Divorcée, elle se met en couple à partir de 1924 avec Francisco Tunica y Casas, un mécanicien espagnol[2]. Le couple s'installe en Nouvelle-Calédonie en 1929, y ouvre un garage et se marie en 1935[1]. Ils ont un fils en 1936[2].

Engagement communiste

C'est au cours de la Seconde Guerre mondiale que son engagement politique naît. Elle participe au ralliement de la colonie à la France libre, alors que la lutte entre pétainistes et gaullistes divise la population locale[2]. En , elle fonde avec le conseiller général Florindo Paladini l'association des amis de l'URSS qui collecte 109 000 francs pour les Francs-tireurs et partisans. À partir de 1943, son bar-restaurant à Nouméa devient le principal lieu de rassemblement des sympathisants communistes de l'archipel, soit aussi bien des soldats américains, des Caldoches ou encore des engagés indochinois ou des Kanaks[1]. Puis elle co-fonde le Parti communiste calédonien en et en devient secrétaire générale[3]. Cette création est une initiative locale qui va à l'encontre de la ligne du Parti communiste français qui est opposé à la création de sections coloniales du parti à base européenne.

À cette même époque, un fort mouvement syndical apparait chez les travailleurs vietnamiens de l'industrie du nickel en Nouvelle-Calédonie, qui sont inspirés par l'idéologie Viêt Minh. Ils forment une association et sont syndiqués à la CGT. Jeanne Tunica soutient leurs mouvements de grève aux hauts fourneaux de Doniambo () et à la mine de Thio ()[2]. Elle appuie aussi le syndicat des ouvriers agricoles vietnamiens des Nouvelles-Hébrides. Parallèlement, elle soutient les revendications des Kanaks qui réclament le droit de vote et la fin de la tutelle du service des affaires indigènes. Ces revendications sont vigoureusement combattues par certaines personnalités caldoches de Nouvelle-Calédonie. Le , la maison des Tunica, où Jeanne Tunica et son fils sont présents, est touchée par un attentat qui ne provoque que des dégâts matériels. Les coupables ne seront pas retrouvés[2]. Immédiatement après l'attentat, le 25 mai, les missions catholiques suscitent la création de l'Union des indigènes calédoniens amis de la liberté dans l'ordre (UICALO) pour faire pièce à l'influence communiste dans les tribus[4].

Exil et oubli

Pour fuir les menaces, la famille Tunica décide de partir pour l'Australie en [2]. Dénoncée comme une agente du Komintern au parlement australien, elle décide de rentrer en Métropole en 1950. Mais son mari, qui n'a pas acquis la nationalité française, se voit interdire l'entrée du territoire jusqu'en 1953. Dans une lettre datée du donnant un avis défavorable à l'entrée de son mari en France, le gouverneur de Nouvelle-Calédonie Pierre Cournarie indique : « MME Tunica [...] ne cachait pas ses sentiments et fut une ardente propagandiste communiste, ayant fait de son domicile le quartier général des militants indochinois et autochtones »[2]. Elle part donc avec sa famille pour Luganville sur l'île d'Espiritu Santo aux Nouvelles-Hébrides[5]. Là, on lui refuse l'emploi administratif qu'elle sollicite en raison de son engagement communiste passé. Elle réside pendant un temps au camp vietnamien autogéré de la Sarakata sur cette même île[6]. Après le décès de son mari en 1965, elle est admise en à l'hospice des Petites sœurs des pauvres à Nouméa. Elle y décède dans la solitude le [5].

Notes et références

  1. Emmanuel BELLANGER, Julian MISCHI, Les territoires du communisme : Élus locaux, politiques publiques et sociabilités militantes, éd. Armand Colin, 2013, p. 1899
  2. Jean Suret-Canale, « Nouvelle Calédonie Une page oubliée de l'histoire », Révolution, no 453, , p. 44-49
  3. Jean Le Borgne, Nouvelle-Calédonie, 1945-1968 : la confiance trahie, L'Harmattan, , 598 p. (ISBN 978-2-7475-8563-7), p. 20
  4. Marc Coulon, L'irruption kanak, Messidor, , p. 118
  5. Ismet Kurtovitch, La vie politique en Nouvelle-Calédonie (1940-1953) (thèse), Université française du Pacifique, , p. 315-316
  6. Hua Dong Sy, De la Mélanésie au Vietnam : itinéraire d'un colonisé devenu francophile, L'Harmattan, , 181 p. (ISBN 978-2-7384-2072-5, lire en ligne), p. 177
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