Jeanne Hersch

Jeanne Hersch (née le à Genève et morte le à Genève) est une philosophe suisse, reconnue internationalement, dont l'œuvre a pour centre la notion de liberté et les concepts qui s'y rattachent. Elle a été professeure de philosophie à l'université de Genève, directrice de la division philosophique de l'Unesco, et représentante de la Suisse au conseil exécutif de cette même organisation.

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Elle a été la compagne de l'homme politique et professeur de latin à l'Université André Oltramare.

Biographie

Elle est la fille d'immigrants juifs polonais. Son père, Liebmann Hersch, était professeur de démographie et de statistiques à l'université de Genève ; sa mère, Liba Lichtenbaum, a eu une formation de médecin, sans toutefois exercer cette profession, cette dernière ayant travaillé à la SDN, section du désarmement. Les parents de Jeanne étaient des militants du Bund, mouvement socialiste juif et laïc, et son éducation reste imprégnée des notions de justice sociale, de démocratie et de liberté[2]. Elle passera de nombreuses vacances d'été en Pologne, jusqu'à l'été 1939. Jeanne est l'aînée d'une fratrie de trois: sa sœur Irène (nom d'épouse Châtelain) a vécu à Genève, tandis que son frère Joseph Hersch (1925-2012) a exercé en tant que professeur de mathématiques à l'université de Zürich.

Formation

Après l'école secondaire, elle entre à la faculté des lettres de l'université de Genève en 1928, où elle obtiendra sa licence en 1931 (avec un travail sur la notion d'élan vital chez Henri Bergson), et où elle aura pour professeur André Oltramare, qui deviendra plus tard son compagnon. Pendant quelques années, elle voyagera en Indochine, au Laos, mais aussi pendant une année en Amérique du Sud, plus particulièrement au Chili. Elle complète donc sa formation par plusieurs séjours à l'étranger entre 1930 et 1933, séjournant aussi à Paris à l’École pratique des hautes études et dans deux universités allemandes : celle de Heidelberg où elle étudie la philosophie avec Karl Jaspers qu'elle considérera toujours comme son maître et dont elle traduira les principaux ouvrages pour le faire connaitre du public francophone, puis celle de Fribourg-en-Brisgau dont le recteur à cette époque, n'est autre que Martin Heidegger. Elle assistera en Allemagne, en 1933, à l'avènement du régime hitlérien avant de rentrer précipitamment à Genève. C'est là qu'elle acquiert la nationalité suisse dès 1931.

Carrière

Elle occupe d'abord un poste de professeure de français, latin et philosophie à l'École internationale de Genève de 1933 à 1956.

Dès 1956, elle enseigne la philosophie à l'université de Genève, où elle sera titularisée professeure ordinaire en 1962. Elle est la première femme professeure de philosophie dans cette université.

Elle commence très tôt son œuvre écrite en publiant à 26 ans un ouvrage de philosophie, L'illusion philosophique, où elle raconte sa découverte de la philosophie à travers les thèses existentialistes de Karl Jaspers.

Son rayonnement intellectuel lui vaut une reconnaissance internationale et en 1960 elle est appelée à créer et diriger la division de philosophie de l'Unesco, puis en 1966 elle devient la représentante de la Suisse au conseil exécutif de cette organisation des Nations unies.

En 1968, pour célébrer le 20e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, elle entreprend un ouvrage capital, Le droit d'être un homme, dans lequel elle réunit des milliers de textes de cultures et d'époques différentes qui évoquent la dignité de la personne.

Engagement politique

En 1939, elle adhère au parti socialiste genevois[3]. En tant qu'intellectuelle, elle a souvent pris position sur les problèmes politiques de son temps et sur les droits des femmes, en s'engageant toujours pour la liberté de l'individu contre les pouvoirs qui le menacent, qu'il s'agisse de gouvernements ou d'idéologies. Elle a toujours affiché ses convictions personnelles, même quand celles-ci étaient opposées aux positions du parti socialiste, par exemple sur la politique de la drogue ou sur l'affaire Kopp. Dans un article, Jeanne Hersch, une démocrate, André Gavillet, ancien conseiller d'État vaudois, résume les différentes prises de positions de la philosophe[4]. Elle a fait partie de la P26[5].

Décès

Elle s'éteint à Genève le et est inhumée au cimetière des Rois où reposent les personnalités de la ville qui ont le plus contribué à son rayonnement.

Œuvres

Jeanne Hersch est l'autrice d'une quinzaine d'ouvrages. Malgré sa retraite en 1977, elle a continué à écrire ; c'est même de cette période que datent certains de ces ouvrages les plus importants, notamment Éclairer l'Obscur. Ce titre résume sa démarche telle qu'elle l'a expliquée à la fin du long entretien accordé à la Télévision romande en 1972 : la clarté de la parole est le meilleur moyen de révéler la profondeur et la complexité d'un concept, comme une torche qui éclaire le fond d'un puits, dit-elle[6]. En 1993 parait L'Étonnement philosophique, dans lequel elle refait l'histoire de la philosophie à partir de l'étonnement comme capacité fondamentale d'interroger et de mettre en doute les évidences.

  • 1936 : L'illusion philosophique, Ed. Plon, 1964 [1936].
  • 1940 : Temps alternés, Ed. Metropolis, 1990, (ISBN 2-88340-009-1).
  • 1946 : L'être et la forme, Ed. La Baconnière, 1946.
  • 1956 : Idéologies et réalité. Essai d'orientation politique, Ed. Plon, 1956
  • 1956 : Traduction du polonais en français de Sur les bords de l'Issa, de Czesław Miłosz
  • 1968 : Le droit d'être un homme, Unesco, Payot, 1956.
  • 1978 : Karl Jaspers, Ed. L'Âge d'Homme, poche, 2007 [1978], (ISBN 2-8251-1727-7)
  • 1981 : L'étonnement philosophique (De l'école Milet à Karl Jaspers, Poche, Ed: Gallimard , 1999 [1981], (ISBN 2-07-032784-1))
  • 1981 : L'ennemi c'est le nihilisme, Genève, Georg, 1981.
  • 1985 : Textes, Fribourg, Le feu de nuict (sic), 1985
  • 1986 : Éclairer l'obscur, Lausanne, Ed. l'Age d'Homme, 1986
  • 1986 : Traduction en français de Philosophie, de Karl Jaspers
  • 1986 : Temps et musique, Fribourg, Le feu de nuict (sic), 1986
  • 1991 : La Suisse, État de droit : le retrait d'Elisabeth Kopp, (J. Hersch, Dir.) Lausanne, Ed. L'Âge d'Homme, 1991 (ISBN 2-8251-0186-9).
  • 2008 : L'exigence absolue de la liberté : textes sur les droits humains (1973-1995), Ed. MētisPresses, coll. « Voltiges », 2008 (ISBN 2-940406-06-5)

Références

  1. de Monticelli (dir.) 2003
  2. En Direct avec, émission de la TSR, entretien avec Gaston Nicole et Roland Bahy, le 21 février 1972, archives RTS
  3. « La philosophe Jeanne Hersch célèbre ses 85 ans », Journal de Genève, , p. 21 (lire en ligne)
  4. Domaine public, 16 juin 2000, article d'André Gavillet, « Jeanne Hersch, une démocrate ».
  5. "Il était une fois l'armée secrète suisse", "Temps Présent", RTS.ch, 21 décembre 2017.
  6. En Direct avec, 21 février 1972, entretien avec Gaston Nicole et Roland Bahy, archives RTS

Annexes

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes


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