Jean de Saisy de Kerampuil

Jean de Saisy de Kerampuil est un entrepreneur régionaliste et un militant de la culture bretonne, né le au château de Kerampuil à Plouguer (actuellement commune de Carhaix-Plouguer) et mort le d’un accident de la route à Leuhan[1]. Il était titulaire de la croix de guerre 1914-1918 et chevalier de la Légion d'honneur.

Famille

Son père, Paul Césaire Emmanuel, est issu d’une vieille famille noble établie à Kerampuil depuis le XIVe siècle. Il avait commandé les zouaves pontificaux chargés de défendre les États du Pape contre l’armée du Piémont, puis a été élu maire de Plouguer, puis député du Finistère en 1885. La mère de Jean était Marie-Élisabeth du Plessis de Grenédan qui disparut en 1884 en laissant six jeunes enfants. Son oncle, Hervé de Saisy de Kerampuil, a été député des Côtes-du-Nord, puis sénateur.

L’entrepreneur audacieux et social

Suite à des sondages, il est informé que, dans le nord de Riec-sur-Bélon et à proximité immédiate d’une ligne de chemin de fer à voie métrique du Réseau breton (Quimperlé-Pont-Aven), le sous-sol contient un gisement important de kaolin. Il entreprend donc de rassembler des fonds auprès des banques et de plusieurs investisseurs, dont des membres de sa famille.

En est créée à Quimperlé, la Société anonyme des terres réfractaires, grès et kaolins du Finistère. L’exploitation est entreprise immédiatement et le tonnage expédié à Quimperlé, puis envoyé plus loin par le réseau de chemin de fer de l’État, devient important.

Les débouchés principaux sont l’industrie papetière, l'industrie du tissage et les emplâtres médicaux, mais les espoirs que Jean de Saisy a mis dans la fabrication locale de porcelaine disparaissent, car le kaolin de Riec n’a pas la finesse requise pour les services de table.

Privée de cette perspective, la société ne parvient pas à équilibrer ses comptes et il faut trouver de l’argent frais. Sa sœur, Jeanne, veuve du comte Anatole Joseph de Brémond d’Ars, ne souhaite pas poursuivre, les banques et les autres investisseurs potentiels non plus. Parallèlement, il est directeur de la Société anonyme « Les Forces motrices de l’Ellé » qui exploite une centrale hydroélectrique au Moulin de la Motte à Quimperlé et une centrale thermique à Riec. Il regroupe ses entreprises dans le Consortium breton qui fonde en la société « Chaux et ciments du Poher », puis « Les Fours à chaux de Scrignac » créés pour exploiter les gisements calcaires de Scrignac et, enfin, les «Produits Céramiques de Cornouaille ». Il veut développer une électrification décentralisée dans laquelle un barrage hydroélectrique est construit avec le ciment et les briques locales, tandis que la centrale thermique associée pour pallier les faibles étiages serait alimentée avec la tourbe des Monts d’Arrée. Il a laissé le souvenir d’un patron soucieux des bonnes conditions de travail de ses employés et d’une grande générosité. En 1926 est créée une caisse civile ouvrière, commune aux sociétés dont il était président ou directeur et qui tenait lieu de comité d’entreprise et de société de logement.

Dès la première année, le Consortium est l’objet d’attaques plus ou moins voilées concernant ses résultats financiers réels. En à Saint-Pol-de-Léon, Jean de Saisy s’efforça d’y répondre en attaquant une « certaine Banque rennaise (qui) a vu son bilan passé au crible d’une critique sévère, mais juste ».

Il avait le projet d'établir à Saint-Pol-de-Léon une usine pour produire des oignons au vinaigre (des pickles), afin de transformer sur place un produit à vendre en Grande-Bretagne.

L’homme engagé dans l’économie et la culture bretonnes

Étant membre d’honneur et bienfaiteur du Gorsedd de Bretagne, il a des relations avec François Jaffrennou, druide-héraut de cette association néodruidique et marchand de boissons à Plouguer et c’est avec lui qu’il met sur pied, en , une société à participation limitée regroupant ses entreprises, avec un capital de 3 millions de francs, qu’ils appellent le Consortium breton (Ar C’hevre breizek en breton). Jaffrennou, après avoir été administrateur, en prend la direction.

La devise est Ober gant hon bro unan binvidik (Rendre riche notre pays). Le Consortium veut rassembler plusieurs entreprises complémentaires pour éviter de s’approvisionner à l’extérieur de la Bretagne. Il veut donner un exemple aux autres agents économiques pour qu’ils puisent en premier lieu dans les ressources locales et qu’ils développent une conscience d’être dans un pays riche de: son histoire, de ses traditions et sa langue.

Plus pittoresque, le Consortium breton affrète un bateau chargé de chasser les belugas sur la côte de Riec, afin de protéger les captures des pêcheurs.

Jean de Saisy résume ainsi son programme : «découvrir, rénover, développer et vulgariser, toutes les richesses … de notre Bretagne…Nous devons montrer que nous sommes un pays riche, instruit, en progrès et le prouver en créant chez les industries pour lesquelles notre sol est fait». Il appelle à utiliser les richesses minérales locales pour fertiliser le sol et à transformer sur place les productions agricoles. À l’occasion du congrès de l'Union régionaliste bretonne, le à Quintin, lors d’un banquet offert par le Consortium, il développe une pensée régionaliste encore plus claire :

«.. Fi des régimes et foin des partis ! Soyons nous-mêmes et nous serons forts, c’est-à-dire, lorsque nous serons riches, le Gouvernement, quel qu’il soit, entrera en composition avec nous, et ces droits de la Bretagne, cet Enseignement bilingue, cette décentralisation, vous l’obtiendrez tout de suite quand on saura en haut lieu que, comme disent les Américains, vous valez tant de dollars».

Il se lance dans la politique: il obtient, lors des législatives de 1924, dans le Finistère, 3,1 % du total des suffrages exprimés. La déception le conduit à rejeter la démocratie et prôner une oligarchie élitiste, système dans lequel le pouvoir serait confié "aux meilleurs" issus de toutes les classes sociales.

La revue mensuelle « Le consortium breton »

À partir de est éditée une « revue encyclopédique mensuelle illustrée », le Consortium breton, dans laquelle on trouve de nombreuses études plus ou moins savantes sur l’histoire de Bretagne et sa littérature, mais aussi des études économiques. Les sociétés de Jean de Saisy sont mises en valeur par les compte-rendu des assemblées et une chronique boursière.
Jaffrennou, comme il l’avait fait pour Ar Bobl, obtient la collaboration des meilleures plumes engagées dans le mouvement régionaliste. Cela ne permet pas à la revue d’atteindre l’équilibre et quand l’entreprise de kaolins fait faillite, elle est arrêtée en juin 1928 après 18 numéros et ayant eu un millier d’abonnés.

Le festival interceltique ou fête du Consortium breton en août 1927

Pour essayer de sauver ses sociétés, Jean de Saisy veut intéresser des investisseurs britanniques et imagine qu’une grand fête internationale à Riec-sur-Bélon, permettra de les atteindre. En , Jean de Saisy, accompagné de Léon le Berre qui lui servait d’introducteur et d’interprète, effectue une grande tournée en Écosse et au Pays-de-Galles, afin de prendre des contacts avec les organismes intéressés par le celtisme.

Le 13 et , le Consortium breton organise un festival interceltique qui inclut une rencontre entre les fraternités druidiques du Pays de Galles et de Bretagne.

Le , la Fédération régionaliste de Bretagne, dont Jaffrennou-Taldir est un des piliers, vient tenir son congrès à Quimperlé. Le est la journée des druides et bardes à laquelle assistent, dans la bruine, 150 délégués d’Outre-Manche et la cérémonie annuelle du Gorsedd de Bretagne est suivie par une foule qui a été estimée à 15 000 personnes (la revue parle de 30 000 pour la fête du lendemain dimanche). A onze heures, sur la lande de Kerco, cinq grosses « colonnes mémoriales » hautes de dix mètres, en moellons, recouvertes de ciment et présentant des cannelures et des hermines sont bénies pour rendre hommage à d’illustres bardes bretons, Gilles de Keranpuil, auteur d’un livre d'heures en breton (1576), Auguste Brizeux, Jean-Pierre Le Scour, Théodore Hersart de la Villemarqué et Théodore Botrel.

Le lendemain est célébrée une messe en plein air, près d’une nouvelle chapelle, puis viennent des concerts et des concours de costumes. Chacun des deux jours a été l’occasion d’un banquet de 2000 à 2500 couverts, suivi d’une fête bretonne avec danses, des chorales, des courses pédestres, des jeux sportifs bretons et celtiques (luttes bretonnes) et autres réjouissances populaires.

L’argent engagé par le Consortium breton ne sera pas compensé par la venue de capitaux et de commandes qu’il espérait. Des « accords en cours » sont annoncés par la revue pour l’exportation de briques et de produits réfractaires en Irlande et en Écosse ne sauveront pas les entreprises. Une tentative d’établir des liens économiques directs avec l’Étal libre d’Irlande, lors d’un voyage en , malgré une réception du vicomte par les plus hautes autorités n’amène pas plus de résultats.

Notes et références

Liens externes

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