Jean-Pascal Couraud

Jean-Pascal Couraud (né à Poitiers en 1960 - 16 décembre 1997 à Tahiti), surnommé JPK, est un journaliste français, qui a disparu à Tahiti dans la nuit du 15 au .

Pour les articles homonymes, voir Couraud et JPK.

Biographie

Jean-Pascal Couraud arrive avec sa famille en Polynésie française à l'âge de cinq ans. Il réalise ses études supérieures en métropole à l'Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence avant d'entamer en 1984 sa carrière de journaliste dans le journal Les Nouvelles de Tahiti dont il devient rédacteur en chef en 1986. Il s'y révèle opposant déclaré, parfois de manière obsessionnelle, à Gaston Flosse, Président de la Polynésie française. En 1988, à la suite d'un article contre lui qui fait scandale, Gaston Flosse fait saisir le journal et JPK doit démissionner. Il se lance dans l'engagement politique notamment au côté de Boris Léontieff, tout en continuant à enquêter sur le pouvoir en place et l'utilisation de fonds publics. En 1996, il participe avec son frère aîné Philippe à la création du parti politique Fetia Api[1].

Il a eu deux enfants de deux femmes différentes[1].

Disparition

Le , après avoir reçu un appel téléphonique qui le trouble énormément, Jean-Pascal Couraud sort de la mairie d'Arue où il travaillait à 15 h 35. Il existe à partir de cet instant un trou dans l'emploi du temps, la seule certitude est qu'il se trouve à son domicile dans la soirée[2].

Selon Vetea Guilloux, un ancien membre du Groupe d'Intervention Polynésien (GIP)[3], Jean-Pascal Couraud se rend en voiture à Taunoa où habite alors Boris Léontieff et où lui est fixé un rendez-vous. Vetea Guilloux, qui a reçu l'ordre par radio de le suivre discrètement, en reçoit un autre lui demandant d'arrêter la filature. Constatant qu'aucune autre personne ne prend le relais, il décide de la continuer. JPK étant arrivé sur les lieux sort de son 4x4 et prend une pile de dossiers et de classeurs situés dans son habitacle. Il a à peine le temps de s'avancer qu'une fourgonnette blanche arrive. Il est alors 16 h 30. Plusieurs personnes en sortent et enlèvent le journaliste et ses documents. L'agent du GIP Vetea Guilloux se lance alors à leur poursuite. Étant toujours suivi, le fourgon arrive à la flottille de Motu Uta où Jean-Pascal subit un premier interrogatoire. Quant à Vetea, ne pouvant les suivre dans les locaux de la flotte administrative; c'est plus tard le lendemain qu'il saura les circonstances de la mort du journaliste. Il en ressort libre à 17 h, sa documentation ayant été confisquée. Il est alors raccompagné jusqu'à sa Suzuki grise par les GIP qui l'ont kidnappé précédemment. Couraud rentre en voiture chez lui où il restera jusqu'à 21 h.

Il a alors une explication orageuse avec sa compagne polynésienne Miri Tatarata, une biologiste engagée dans la protection de l'environnement[4]. Cette dernière découvre dans la nuit un crâne humain dans le lit conjugal et un mot « Quoi que je fasse, où que j'aille, je continuerai à t'aimer »[5], ce qui conduira l'enquête à privilégier comme autre piste la thèse du suicide, JPK ayant fait plusieurs tentatives de suicide dans le passé[2]. Sa compagne Miri appelle sa belle-mère et dit que son fils s'est jeté dans le ravin. Un enlèvement (deuxième si la thèse du premier enlèvement est privilégiée) se serait produit et il sera de nouveau emmené jusqu'à la flottille où attend une embarcation et où auraient déjà été mis les autres documents saisis en milieu d'après-midi (16 h 30). Ils auraient alors constaté qu'il leur manquait un dernier document. Malgré un interrogatoire musclé pendant plus d'1 h 30 min en plongeant et torturant le journaliste à plusieurs reprises (JPK refusant de le leur donner), ils auraient décidé à 23 h après avoir donné un dernier coup de fil de confirmation (et alors qu'il est évanoui) de le noyer. Il aurait donc été lesté de parpaings de 15 aux pieds et plongé aux environs de 2 000 mètres de fond entre Tahiti et Moorea au large de Papeete. Son corps n'a jamais été retrouvé.

Enquête

Selon certains témoignages, il enquêtait sur des transferts de fonds suspects entre Robert Wan, homme d'affaires tahitien proche de Gaston Flosse, président du Gouvernement de la Polynésie française, et du président de la République française Jacques Chirac, lui-même ami intime de ce dernier[6].

En , pendant l'instruction, maître Jean-Dominique des Arcis, l'avocat de Jean-Pascal Couraud, a fait part de ses soupçons que cette enquête pouvait avoir été à l'origine de l'enlèvement supposé du journaliste[7].

En , la police a trouvé au domicile de Gaston Flosse une confession non signée, mais attribuée à Vetea Cadousteau, ancien membre du Groupement d'intervention de la Polynésie (GIP), le service d'ordre personnel de Gaston Flosse lorsqu'il était au pouvoir et qui fut dissous en 2006[8], dans lequel Cadousteau affirmerait avoir assassiné Couraud à la demande de « l'un des deux ex-agents de la DGSE qui dirigeaient un service de renseignement mis en place par Flosse » [7]. Selon ce témoignage, Couraud aurait été torturé puis noyé, son corps étant attaché à des blocs de béton. Mais la lettre s'avère être un faux, dont l'auteur est condamné ensuite dans une affaire similaire le [7],[9].

Deux témoins de l'enlèvement seraient morts de façon suspecte : Vetea Cadousteau en 2004 et Firmin Hauata en 2002. Vetea Cadousteau a été retrouvé mort en montagne, en , dans des conditions suspectes[7].

Vetea Guilloux, ancien membre du GIP, accuse en 2004 deux membres du GIP d'être responsables de la mort de Jean-Pascal Couraud à l'issue d'un interrogatoire musclé en mer. Il se rétracte, puis réitère ses accusations en . D'autres témoignages viennent conforter ses propos[10].

Le , deux anciens agents du GIP, Tino Mara et Tutu Manate, sont convoqués dans le bureau du juge d’instruction Jean-François Redonnet et mis en examen pour meurtre, enlèvement et séquestration en bande organisée[11]. Le suivant, c'est au tour de l'ancien chef des GIP et proche de Gaston Flosse, Rere Puputauki, d'être mis en examen, pour enlèvement, séquestration de personne et meurtre commis en bande organisée[12].

En 2014, de nouvelles preuves seraient apportées quant à la culpabilité des hommes qui auraient enlevé JPK[13]. À l'inverse, la plainte contre le journal Le Monde serait maintenant abandonnée[14],[15]. À la suite de ces écoutes clandestines, l'avocat de Rere Putauki, troisième inculpé dans cette affaire, va déposer une nouvelle plainte contre le Monde vis-à-vis de l'accusation de meurtre[16],[17],[18].

L'audience (nouveau procès) devait avoir lieu le (les écoutes illégales ayant pour l'instant été prises en compte)[19]. Après un nouveau rebondissement, l'audience initialement prévue étant une nouvelle fois reportée (l'avocat des accusés demandant et requérant l'annulation des mises en examen, mais celle-ci ne pouvant se faire et se tenir, plusieurs témoins s'étant manifestés dans cette affaire), elle aura donc lieu le [20],[21].

Après avoir longuement attendu la séance du [22], et malgré de nombreuses preuves trouvées selon l'avocat de la famille Couraud, le parquet a requis la nullité des mises en examen[23]. La chambre d'instruction a mis sa décision en délibéré et rendra son arrêt (peut-être définitif) le [24]. Le , la chambre d'instruction a décidé partiellement la levée de la mise en examen pour meurtre de Tino Mara et Tutu Manate, et les mises sur écoutes sont invalidées par la justice[25],[26]. Malgré un arrêt du rejetant les écoutes téléphoniques, un procès aura tout de même lieu en 2016[27].

Le , cela fait dix-huit ans que Jean-Pascal Couraud a disparu[28]. À cette occasion, le Pacific Freedom Forum réclame la déclassification des documents liés à sa disparition (mais bloqués depuis 2009 par l'État français)[29],[30].

Rebondissement

Le , Miri Tatarata qui fut la compagne de Jean-Pascal Couraud et Francis Stein qui fut son ami sont présentés au juge d’instruction chargé de l’affaire, Frédéric Vue. Ils sont placés en garde à vue puis mis en examen pour meurtre et laissé libres sous contrôle judiciaire[31]. Miri Tatarata et Francis Stein auraient entretenu une relation à l'insu de Jean-Pascal Couraud. La justice a pris en compte des incohérences et des variations dans leurs témoignages à propos de la nuit du 15 au au cours de laquelle le journaliste a disparu.

Cependant deux anciens agents du Groupement d’intervention de Polynésie (GIP), Tino Mara, Tutu Manate et leur chef de service de l'époque, Léonard, dit Rere, Puputauki, sont encore aujourd’hui encore mis en examen pour enlèvement et séquestration en bande organisée, depuis mi-2013, dans le cadre de l'information toujours ouverte pour éclairer ce volet politique de l'enquête sur la disparition du journaliste d'investigation[32].

Notes et références

  1. Biographie, Comité de soutien pour la recherche de la vérité sur la disparition de JPK
  2. « Des contradictions dans la lettre retrouvée chez Gaston Flosse », sur La Dépêche du Midi,
  3. Traduit également par Groupe d'Intervention et de Protection, cette organisation mise en place par Gaston Flosse est destinée à l'origine à aider les populations en cas de catastrophe naturelle, avant de devenir une milice à ses ordres, secondée par un service de renseignement formé par d'anciens de la DGSE, le service d’études et documentation (SED).
  4. Cela conduit l'enquête initialement à la piste du crime passionnel, Miri ayant pour amant Francis Stein, proche de Boris Léontieff. Source : Pascal Riché et David Servenay, « Reporter disparu à Tahiti : pourquoi je crois au meurtre », 19 janvier 2008, Rue89
  5. Marie-Christine Tabet, « Le fantôme, le juge et le compte japonais », sur Le Journal du dimanche,
  6. "Compte japonais" de Jacques Chirac : perquisition à la DGSE, Le Monde, 6 juin 2008.
  7. Pascal Riché, Disparition de JPK à Tahiti : Gaston Flosse sur la défensive, Rue89, 16 janvier 2009.
  8. Nouveaux éléments sur la mort d'un journaliste qui enquêtait sur les comptes de Chirac, AFP et Reuters sur Le Monde, 30 décembre 2008.
  9. www.tahiti-infos.com/Georges-Pater-condamne-en-appel-dans-l-affaire-du-corbeau-de-Moorea_a87023.html Georges Pater condamné en appel dans l'affaire du "corbeau de Moorea", Tahiti Infos, 31 octobre 2013.
  10. Gérard Davet et Fabrice Lhomme, L'homme qui voulut être roi, Paris, Stock, coll. « Essais - Documents », , 192 p. (ISBN 978-2-234-06459-1), p. 110, 117.
  11. Antoine Samoyeau, « Deux GIP mis en examen pour “meurtre” », Les Nouvelles de Tahiti, le 26 juin 2013
  12. « Un proche de Gaston Flosse mis en examen pour le meurtre d'un journaliste », Le Monde, 17 juillet 2013.
  13. Gérard Davet et Fabrice Lhomme, « Disparition de « JPK » à Tahiti : la thèse de l’homicide renforcée », Le Monde, le 3 avril 2014
  14. Flosse mal parti contre Le Monde, lesnouvelles.pf, le 1er avril 2014
  15. (en) Call for Tahiti's Flosse to drop le Monde defamation case, Radio New Zealand International, le 2 avril 2014
  16. Polynésie: les écoutes renforcent la thèse de l'assassinat d'un journaliste, AFP sur LExpress.fr, le 4 avril 2014
  17. JPK/Flosse: la thèse du meurtre renforcée, AFP sur Le Figaro, le 4 avril 2014
  18. Affaire JPK : la piste de l’homicide relancée ?, Polynésie 1re, le 4 avril 2014
  19. Affaire JPK : l'existence des enregistrements prise en compte par la chambre de l'instruction, Tahiti Infos, 22 avril 2014.
  20. Nouveau renvoi dans l'affaire JPK, polynésie 1re, le 27 mai 2014
  21. Affaire JPK : la perspective d'une annulation des mises en examen de Mara et Manate s'amenuise, Tahiti Infos, 27 mai 2014.
  22. Caroline Farhi, « Affaire JPK: les mises en examen seront-elles levées ? », polynésie 1re, le 17 juin 2014
  23. Affaire JPK : nullité des mises en examen requise pour Tino Mara et Tutu Manate, Tahiti Infos, 17 juin 2014.
  24. Affaire JPK : décision de la levée de la mise en examen le 8 juillet, Polynésie 1re, le 17 juin 2014
  25. Affaire JPK: les mises en examen partiellement annulées, La Dépèche.pf, le 8 juillet 2014
  26. Mises en examen partiellement levées dans le dossier JPK, Tahiti Infos, 8 juillet 2014.
  27. Affaire JPK : l'annulation des écoutes de Manate et Puputauki confirmée en cassation
  28. Jean-Pascal Couraud, disparu il y a 18 ans, Tahiti Infos, 15 décembre 2015.
  29. Brèves du Pacifique - vendredi 18 décembre 2015, Radio Australia
  30. (en) France should release top-secret murder papers, Pacific Islands News Association, le 17 décembre 2015
  31. Lucile Guichet-Tirao et Hubert Liao, « Affaire JPK : "On attend que la vérité se fasse" », sur Polynésie la 1ère (MLSF) - France Info, (consulté le )
  32. Jean-Pierre Viatge, « Ce que l'on sait de l'affaire JPK », sur Tahiti Infos, Tahiti Infos,

Annexes

Articles connexes

Journalistes français décédés dans des circonstances étranges :

Bibliographie

  • Benoît Collombat, Un homme disparaît, 15 décembre 1997 : l'affaire JPK, Paris, Scrineo, , 464 p. (ISBN 978-2-36740-042-6)
  • Gérard Davet et Fabrice Lhomme, L'homme qui voulut être roi, Paris, Stock, , 204 p. (ISBN 978-2-234-06459-1)
  • Lisa Maria Bianca et Roland Merlin, La presse assassinée : l'affaire Couraud, Gémenos, Respublica, , 250 p. (ISBN 978-2-35810-021-2)
  • Nicolas Beau et Olivier Toscer, L’Incroyable histoire du compte japonais de Jacques Chirac, Paris, Arènes, , 250 p. (ISBN 978-2-35204-055-2)
  • Gilbert Abas, Les coups tordus des services secrets français, éditions Coëtquen, 2014.
  • Antoine Peillon, Corruption: Nous sommes tous responsables, éditions Le Seuil, 2014.

Documentaires audio et vidéo

  • Pierre Hurel et Damien Vercaemer, « Dans les eaux troubles de Tahiti », Sept à huit, TF1, , avec le témoignage de Vetea Guilloux
  • Patrick Pesnot, Rendez-vous avec X, France Inter, émissions du 8 et
  • Benoît Collombat, « Des requins en eaux troubles », Interception, France Inter,
  • Magali Serre et Christian Gaudin, « Jean-Pascal Couraud, mort sous les tropiques », Pièces à conviction no 68, France 3,
  • Olivier Toscer, « JPK, l'homme qui faisait trembler Tahiti », Spécial investigation, Canal+, reportage prévu le 6 mais finalement diffusé le
  • Arnaud Hudelot, Une goutte de liberté dans l'océan, film diffusé sur France Ô, prix spécial du Jury Festival du film de Groix, Sélection FIFO 2013, relate l'histoire de Tahiti-Pacifique Magazine et une petite partie en est consacrée à JPK

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