Jaune citron

Le jaune citron est une couleur du champ chromatique jaune, d'après la couleur de la peau du citron, dont il s'écarte pourtant la plupart du temps.

Pour les articles homonymes, voir Citron (homonymie).
Le nom du jaune citron évoque la peau du fruit, mais est souvent plus jaune-vert.

Nuance

Le nuancier RAL donne RAL 1012 Jaune citron[1].

Dans les autres nuanciers modernes, on relève chez les marchands de couleurs pour artistes : 240 jaune citron[2] ; 171 jaune japonais citron, 156 jaune de cadmium citron[3] ; 545 ton jaune de cadmium citron et pour un peu plus cher 535 jaune de cadmium citron véritable[4] ; 307 jaune de cadmium citron, 254 jaune citron permanent[5] ; 347 nuance de jaune citron, 722 jaune citron Winsor, 086 jaune de cadmium citron[6].

Les couleurs pour la décoration fournissentCitron Frappé , Sorbet Citron[7].


Histoire

L'expression « jaune citron » est attestée en 1676[8]. Elle figure ensuite abondamment dans les descriptions de tous ordres et les dictionnaires. Sans détails permettant de préciser la nuance, on peut cependant dire qu'il s'agit d'un jaune vif, éclatant, mais tirant sur le vert par rapport au jaune véritable, qui est le jaune d'or[9].

George Field oppose en 1835 le jaune citron froid au jaune de Naples chaud[10].

Le Répertoire de couleurs de la Société des chrysanthémistes, de 1905, donne plusieurs Jaune citron. Le marchand de couleurs Bourgeois propose un Jaune de cadmium citron, que les auteurs estiment synonyme de leur « Jaune primevère » (RC1, p. 19) ; le « Jaune de Chrome citron », du même marchand de couleurs, correspondant au jaune de chrome no 3 de son concurrent Lorilleux et au Jaune clair de Ripolin (RC1, p. 20) ; le « Jaune citron » qui représente, pour ces experts, « la couleur la plus ordinaire de l'écorce du citron mûr », synonyme du Stil de grain jaune de Bourgeois (RC1, p. 21). Cette dernière nuance est la plus orangée.

Chevreul avait, cinquante ans auparavant, avancé une explication pour cette diversité d'appréciation, même entre professionnels de la couleur :

« Je crois devoir faire la remarque que l'habitude de voir fréquemment ensemble des oranges et des citrons porte beaucoup de personnes à croire que la couleur citron est un jaune tirant sur le vert. C'est une erreur ; la couleur des citrons venus du Midi à Paris, que j'ai observée, m'a présenté le 4 orangé-jaune 7 ou 8 ton le plus fréquemment ; telle est donc, selon moi, la couleur citron. »

 Chevreul, « Moyen de nommer et de définir les couleurs », 1861[11]

Dans son ouvrage sur le contraste simultané des couleurs, Chevreul avait en effet montré que deux couleurs semblent plus différentes l'une de l'autre juxtaposées que séparées[12].

La colorimétrie du citron

Chevreul a entrepris de repérer les couleurs entre elles et par rapport aux raies de Fraunhofer, ce qui permet d'évaluer sa couleur 4 orangé-jaune 7 ton[13], qui est la même, à la clarté près, que celle du jaune de chrome nuance 1 du marchand de couleurs Gauthier-Édouard et que celle de la fleur bouton d'or (9 ton)[14]. Chevreul est isolé en France dans cette appréciation. Il relève lui-même qu'avant lui Castel considère que le citron est jaune-vert, et cote les produits commerciaux de ses contemporains. Le citron sur soie de M. Guinon est jaune 10 ton[15], le jaune citron du marchand de couleurs Leclerc est 1 jaune 7 ton[16] et le jaune citron à base de zinc du même est 3 jaune[17]. Le jaune citron ne serait pas le jaune du citron ? Il se peut aussi que ce que l'on considère comme l'état de maturité ait changé. Chevreul remarque que « le citron qui avait présenté le jaune 6 ton est devenu 4 orangé-jaune 7 ton » (jaune 6 ton[18]), et le même fruit vendu dans le commerce présentait jaune-vert 6 ton, comme ceux cueillis dans les serres du Muséum[19].

Passé le stade de la maturité, le citron sèche et sa couleur se rapproche de l'orangé.

La détermination de la couleur citron pose, comme il est ainsi démontré, presque tous les problèmes de la colorimétrie. La couleur de l'objet en référence est-elle constante ? Pour ce qui concerne les citrons, les fruits mûrissent, changeant de couleur ; mais les citrons de toutes origines suivent-ils, au cours de leur mûrissement, les mêmes gradations de couleur ? Quelle est l'incidence des couleurs voisines, de la brillance et du grain sur l'évaluation colorée ? La brillance d'un objet fait que la lumière qui arrive aux deux yeux est légèrement différente ; le centre nerveux qui reconnaît les nuances est commun aux deux yeux, comment cette différence participe-t-elle à cette reconnaissance, peut-on classer un objet de couleur brillante en comparaison avec une lumière qui ne l'est pas ? Ces questions entrent dans les évaluations colorimétriques les plus récentes. Quelle est l'influence de l'éclairage sur les comparaisons qui fondent la colorimétrie ? Si en effet la peau du citron renvoie la lumière différemment selon son angle d'incidence, aussi bien que selon son angle de réflexion, on obtiendra des résultats différents avec une lumière spéculaire (un rayon) comme Chevreul, ou avec une lumière diffuse (comme dans la vie quotidienne). À quel point une couleur nommée d'après un objet devient-elle indépendante de cet objet ? Il semble bien que des siècles de pratique de la couleur ont rendu la couleur jaune citron différente du jaune du citron[20].

Ces questions ont occupé des chercheurs, à cause de leur intérêt pratique. Lorsqu'on achète un citron, la seule indication qu'on ait de sa qualité et de sa maturité est son apparence. Bien que la couleur du fruit soit un mauvais indicateur de sa maturité, de la quantité de jus qu'il contient, de sa teneur en sucres ou de son goût, c'est la seule information dont l'acheteur dispose avant la transaction, particulièrement dans un système de commerce impersonnel où aucun fruitier ne s'adresse à lui pour lui certifier les qualités du produit, l'ayant goûté au profit de ses clients[21]. Un citron trop vert passe pour manquer de maturité ; un citron trop orangé passe pour manquer de fraîcheur. Les vendeurs s'attachent donc à produire des citrons jaune citron, et ont depuis longtemps soutenu les recherches capables de les orienter dans ce but[22].

La couleur du citron varie du vert au jaune en même temps qu'il mûrit, sans que ces deux phénomènes dépendent l'un de l'autre. Alors que la pulpe gagne en volume et en teneur en sucres, l'écorce perd la chlorophylle qui lui donne sa couleur verte; puis, alors qu'elle est jaune, la maturation du fruit se poursuit avec une production de caroténoïdes qui vont rendre la peau plus orange. Alors que le fruit est encore sur l'arbre, l'exposition à des températures inférieures à 15 °C durant le mois précédant la cueillette va rendre des citrons jaunes à leur maturité. Si le froid n'a pas suffi, l'exposition à l'éthylène de citrons encore verts[23], dont la maturité peut avoir été évaluée par d'autres moyens, comme l'analyse (destructive) d'un échantillon, va permettre d'amener leur écorce à la nuance la plus favorable à la vente[24]

Contrairement à l'idée de Chevreul, qui voulait que la couleur jaune citron se pliât à la couleurs des citrons réels, les citrons réels du commerce se plient désormais à l'idée que le public se fait de la couleur jaune citron, jaune-vert.

Voir aussi

Bibliographie

  • Henri Dauthenay, Répertoire de couleurs pour aider à la détermination des couleurs des fleurs, des feuillages et des fruits : publié par la Société française des chrysanthémistes et René Oberthür ; avec la collaboration principale de Henri Dauthenay, et celle de MM. Julien Mouillefert, C. Harman Payne, Max Leichtlin, N. Severi et Miguel Cortès, vol. 1, Paris, Librairie horticole, (lire en ligne)
  • Henri Dauthenay, Répertoire de couleurs pour aider à la détermination des couleurs des fleurs, des feuillages et des fruits : publié par la Société française des chrysanthémistes et René Oberthür ; avec la collaboration principale de Henri Dauthenay, et celle de MM. Julien Mouillefert, C. Harman Payne, Max Leichtlin, N. Severi et Miguel Cortès, vol. 2, Paris, Librairie horticole, (lire en ligne)

Articles connexes

Notes et références

  1. « RAL classic Farben ».
  2. « Toutes les couleurs de Caran d'Ache », sur carandache.com (consulté le ).
  3. respectivement Colour Index PY3 (azoïque, acétylacétarylide) et PY35 (jaune de cadmium), « Guide de la peinture à l'huile », sur lefranc-bourgeois.com (consulté le ).
  4. respectivement PY3 (azoïque, acétylacétarylide) et PY35, « huiles extra-fine Sennelier », sur magasinsennelier.com (consulté le ).
  5. respectivement PY35 et PY183 (pyrazolone), « Couleurs à l'huile, nuancier », sur rembrandt.royaltalens.com (consulté le )
  6. respectivement PY53 (titanate de nickel), PY3 (arylide), PY35 (jaune de cadmium) « Artist's Oil Colors », sur winsornewton.com (consulté le ).
  7. « Nos couleurs », sur duluxvalentine.com (consulté le ).
  8. Denis Dodart, Mémoires pour servir à l'histoire des plantes, Paris, , 131 p. (gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5773311c/f96), p. 87.
  9. Paul-Romain Chaperon, Traité de la peinture au pastel, Paris, (lire en ligne), p. 76
  10. « cool lemon or warm Naples yellow », (en) George Field, Chromatography : A treatise of Colours and pigments and of their powers in painting, (lire en ligne), p. 92-93.
  11. Michel-Eugène Chevreul, « Moyen de nommer et de définir les couleurs », Mémoires de l'Académie des sciences de l'Institut de France, t. 33, , p. 66 (lire en ligne)
  12. Eugène Chevreul, De la loi du contraste simultané des couleurs et de l'assortiment des objets colorés considérés d'après cette loi dans ses rapports avec la peinture, les tapisseries..., Paris, Pitois-Levrault, (lire en ligne) ; pour une série de démonstrations visuelles, voir Josef Albers (trad. Claude Gilbert), L'interaction des couleurs, Hazan, (1re éd. 1963).
  13. Chevreul 1861, p. 39 donne Jaune à 1/8 entre D et E, soit une longueur d'onde de 580 nanomètres. 4 orangé-jaune est 2 nuances plus orangé ; on peut l'évaluer, compte tenu de la discrimination visuelle des couleurs dans cette région et des autres repères de Chevreul, à 582 nm. Le ton 7 est plus clair que la couleur pure. Il est ici calculé avec une pureté colorimétrique de 80 % et une luminosité de 56 %, puis converti en valeurs sRGB après une compensation de température de couleur (4880 K vers 6500 K), Chevreul ayant observé la surface éclairée par un soleil direct. Le rendu n'est correct que sur un écran conforme et réglé suivant cette recommandation.
  14. Chevreul 1861, p. 190, 152.
  15. Chevreul 1861, p. 154 calculé pour longueur d'onde dominante de 580 nm, pureté colorimétrique : 70 %, luminosité : 60 %.
  16. Chevreul 1861, p. 192 calculé pour longueur d'onde dominante de 578,1 nm, pureté : 72 %, luminosité : 70 %.
  17. Chevreul 1861, p. 193 ; « à 1/6 de D » vers E ; calculé pour longueur d'onde dominante de 574,3 nm, pureté : 75 %, luminosité : 80 %.
  18. Chevreul 1861, p. 423. Couleur calculée pour 580 nm, pureté : 70 %, luminosité : 65 %.
  19. Chevreul 1861, p. 437, 499, 504. « à 2/5 de D » vers E. Couleur calculée pour 563,4 nm, pureté : 85 %, luminosité : 50 %.
  20. Robert Sève, Science de la couleur : Aspects physiques et perceptifs, Marseille, Chalagam,  ; Richard Langton Gregory, L'œil et le cerveau : la psychologie de la vision [« Eye and Brain: The Psychology of Seeing »], De Boeck Université, (1re éd. 1966).
  21. Marc L. Normand, « Les pratiques et relations commerciales face aux techniques modernes dans le marché international des fruits et légumes », Comptes rendus des séances de l'Académie d'agriculture de France, no 55, , p. 210 (lire en ligne).
  22. (en) Milind Ladanyia, Citrus Fruit: Biology, Technology and Evaluation, Academic Press, (lire en ligne), p. 481.
  23. Comme pour les bananes, et avec les mêmes problèmes, voir Alexandre Tsalpatouros, « L'entreposage et le murissage de qualité des bananes », Comptes rendus des séances de l'Académie d'agriculture de France, no 55, , p. 351sq (lire en ligne).
  24. (en) Javier Manera, José M. Brotons, Agustín Conesa et Ignacio Porras, « Relationship between air temperature and degreening of lemon (Citrus lemon L. Burm. f.) peel color during maturation », Australian Journal of Crop Science, no 6, , p. 1051-1058 (lire en ligne).
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