Jacques Vaucanson

Jacques Vaucanson, ou Jacques de Vaucanson[1], né le à Grenoble et mort le à Paris, est un inventeur et mécanicien français. Il invente plusieurs automates dont le canard de Vaucanson.

Biographie

Jacques Vaucanson est le dixième enfant d’une famille de gantiers de Grenoble. Ses dispositions pour la mécanique se révèlent de très bonne heure. Sa mère le conduit tous les dimanches chez certaines vieilles dames, qui ont l’habitude de se débarrasser de lui en le reléguant dans une chambre non habitée, dont le principal meuble est une grande et antique horloge. Frappé du mouvement égal et constant du pendule, l’enfant veut en pénétrer la cause et y parvient, au point d’exécuter, à l’aide de son couteau et de quelques morceaux de bois, une horloge qui fonctionne avec assez de régularité.

Il commence par réparer les horloges et les montres de son quartier. Il est élève au collège de Juilly de 1717 à 1722. En 1725, influencé par sa mère, il embrasse le noviciat auprès des Minimes de Lyon et souhaite suivre sa vocation religieuse (il prononce ses vœux en 1727)[2]. L’Église étant alors distante des sciences et techniques, il préfère finalement renoncer. Il suit alors à Paris, de 1728 à 1731, des études de mécanique, physique, anatomie et musique.

Il tente de reproduire mécaniquement les principales fonctions de l’organisme humain, encouragé par les chirurgiens Claude-Nicolas Le Cat et François Quesnay qui souhaitent de cette façon mieux comprendre ces fonctions. Il ne réussit pas à mener à bien ses constructions.

À partir de 1733 ou 1735 et jusqu’en 1737 ou 1738, il construit son premier automate, le flûteur automate, qui joue de la flûte traversière. Il semblait être grandeur nature, habillé en sauvage et jouant assis sur un rocher. Il fait forte impression au public, qui peut le voir à la foire de Saint-Germain, puis à l’hôtel de Longueville[3]. Une grande partie du mécanisme de l’automate était placée dans un piédestal ; celui-ci, entraîné par un poids, consistait en un cylindre de bois couvert de picots, qui, par l’intermédiaire de quinze leviers et de chaînes et de câbles, pouvait modifier le débit d’air, la forme des lèvres, et les mouvements des doigts. Le flux était produit par neuf soufflets de puissances différentes, une sorte de langue artificielle ouvrait ou fermait le passage[4]. La flûte n’est pour l’automate qu’un instrument remplaçable par un autre, et ce sont les mouvements des lèvres, doigts, et le contrôle du souffle qui lui permettent de jouer de la musique, comme un humain[5]. Le flûteur automate a disparu au début du XIXe siècle.

Son deuxième automate est lui aussi un joueur de flûte et de tambourin, de taille humaine, habillé en berger provençal. Mais son instrument, un galoubet, est plus complexe à utiliser : l’instrument nécessite des modulations d’un souffle puissant, des doigtés complexes (les trois trous de la flûte doivent être à moitié découverts pour jouer la bonne note), et des mouvements précis de la langue[6]. Jacques Vaucanson en dit qu’il joue mieux du galoubet que des êtres humains : « L’Automate surpasse en cela tous nos joueurs de tambourin, qui ne peuvent remuer la langue avec assez de légèreté, pour faire une mesure entière de doubles croches toutes articulées. Ils en coulent la moitié & mon Tambourin joue un air entier avec des coups de langue à chaque note ». Ce joueur de tambourin, qui a lui aussi disparu au début du XIXe siècle, est présenté en même temps que son troisième ouvrage.

La chaîne Vaucanson.

Il construit ensuite son automate le plus sophistiqué : un canard digérateur, exposé en 1744 au Palais-Royal, qui peut manger et digérer, cancaner et simuler la nage[7]. Le mécanisme, placé dans l’imposant piédestal, était laissé visible par tous, dans le but de montrer la complexité du travail accompli. La digestion de l’animal en était le principal exploit : il semble rendre ce qu’il a avalé après une véritable digestion. Ce point est soupçonné d’être une exagération de la part de Vaucanson, et Jean-Eugène Robert-Houdin, entre autres, le dénonce comme une mystification. Il reste possible que cette mystification n’ait eu lieu que pour les répliques du canard de Vaucanson, réalisées plus tard[8]. Quel que soit le fonctionnement de cette digestion, le reste du mécanisme reste très complexe, les ailes étant par exemple reproduites os par os. Des témoignages attestent que les mouvements du canard étaient d’un « réalisme quasi naturaliste »[9].

Métier à tisser les façonnés de Vaucanson, 1748 (musée des arts et métiers).

Cet automate est acheté en 1840 par Georges Tiets, mécanicien[10], mais il brûle en 1880 lors de l’incendie du musée de Nijni Novgorod. Il n’en reste que quelques photographies du milieu du XIXe siècle.

Il tente de construire un nouvel automate, « dans l’intérieur duquel devait s’opérer tout le mécanisme de la circulation du sang »[11], mais celui-ci ne sera jamais fini. Il semble qu’un des écueils ait été la fabrication de l’appareil circulatoire en caoutchouc, matière qui devait alors provenir de Guyane[11]. L’invention du concept de tuyau en caoutchouc lui est parfois attribuée[12].

Vaucanson n’est âgé que de 32 ans, lorsque Frédéric II, qui cherche à s’entourer de tous les grands hommes en Europe, lui fait faire des offres brillantes, mais Vaucanson ne veut pas quitter la France. Peu de temps après, le cardinal de Fleury l’en récompense en l’attachant à l’administration et en lui confiant le poste d’inspecteur général des manufactures de soie en 1741, le roi souhaitant réorganiser cette industrie, ce qui entraînera l’arrêt de ses travaux sur les automates.

De mai à , Jacques Vaucanson, accompagné d’un spécialiste lyonnais de la soie, le sieur Montessuy, inspecte les manufactures de France, mais aussi d’Italie. S’ensuivent des perfectionnements sur les diverses machines, dont le moulin à organsiner, qui fonctionne à l’aide d’une chaîne sans fin appelée « chaîne Vaucanson », pour laquelle il invente une machine de fabrication[10].

Entre autres, de 1745 à 1755, il y perfectionne les métiers à tisser de Basile Bouchon et de Jean-Baptiste Falcon, en les automatisant par hydraulique et en les commandant par des cylindres analogues à ceux de ses automates[13]. Ces modifications inspireront ensuite Joseph Marie Jacquard, qui créera ses célèbres métiers Jacquard quelques années après. Jean-Eugène Robert-Houdin raconte que ses perfectionnements de machines entraînant une simplification de travail font à Vaucanson des ennemis parmi les ouvriers lyonnais de la soie, qui se croient seuls capables d’exécuter certaines étoffes dont le dessin est alors à la mode. Pour se venger de ceux-ci, qui l’avaient poursuivi à coups de pierres à Lyon : « Vous prétendez, leur dit-il, que seuls vous pouvez faire ce dessin… Eh bien, je le ferai faire par un âne ! » Et il construit une machine, avec laquelle un âne exécute une étoffe à fleurs, qu’on voit encore aujourd’hui au Conservatoire des arts et métiers, avec une partie du dessin exécuté[14]. Ses travaux ont permis de mécaniser la manufacture royale de soie de la Famille Deydier, près d'Aubenas et Pélussin, où la technologie italienne des moulins à soie avait été importée au XVIe siècle par la famille Benay.

En 1746, Jacques Vaucanson entre à l’Académie des sciences française. De cette date jusqu'à sa mort, il réside dans l'hôtel de Mortagne, situé aux numéros 51-53, rue de Charonne, à Paris, et y construit une grande partie de ses automates et de nombreux métiers à tisser la soie. Il meurt à Paris le , léguant l'ensemble de ses machines au roi Louis XVI, qui achète alors l'hôtel de Mortagne en 1783 pour y établir le Cabinet des mécaniques du roi, ancêtre du Conservatoire national des arts et métiers.

Jacques Vaucanson est inhumé à Paris, dans la chapelle dite « des âmes du Purgatoire » en l'église Sainte-Marguerite, qui était sa paroisse[15]. Sa sépulture n'est plus discernable aujourd'hui.

Sa fille unique, Victoire Angélique de Vaucanson, épouse François de Montrognon de Salvert (1743-1816), d'où une descendance toujours représentée.

Œuvre

Automates de Vaucanson.
Affiche pour la présentation des automates ci-dessus.

Il est donc connu pour sa production d’automates, dont :

  • Le flûteur automate, pouvant jouer plusieurs morceaux en soufflant naturellement dans sa flute ;
  • Le joueur de tambourin ;
  • Un canard qui donnait l’illusion de manger, digérer et éliminer la nourriture et l'eau qu'il ingérait, le canard digérateur[10].

Les deux automates musiciens ont disparu au début du XIXe siècle, le canard est détruit lors de l’incendie du musée de Nijni Novgorod.

Il est crédité de l’invention du premier tour métallique, le tour à charioter, en 1751[13].

Il automatisa ou améliora les machines des manufactures de soie.

Il créa une chaîne qui porte son nom ainsi qu’une machine pour en fabriquer les mailles toujours égales[10].

Son but était de faciliter l’activité humaine, ce qui le conduisit à siéger à l’Académie des sciences et à participer à l'Encyclopédie de Diderot et D’Alembert.

Hommages

Buste de Jacques Vaucanson (repris ultérieurement en illustration par Alexandre Debelle - 1805-1897).
  • Voltaire fit sur lui les vers suivants : « Le hardi Vaucanson, rival de Prométhée, / Semblait, de la nature imitant les ressorts, / Prendre le feu des cieux pour animer les corps[10]. »
  • Jacques de Vaucanson est cité dans le roman de Theodore Roszak Les Mémoires d'Elizabeth Frankenstein. Dans ce livre, son célèbre canard fait partie de la collection privée d'automates du baron Frankenstein, le père adoptif de l'héroïne.
  • Frédéric Bastiat cite Vaucanson à la fin de La Loi, à propos de l'humanité : « Je m'en occupe non comme Vaucanson, de son automate, mais comme un physiologiste, de l'organisme humain : pour l'étudier et l'admirer ».
  • Frank Herbert fait référence à Vaucanson dans son ouvrage Destination vide, dans une discussion sur la problématique théologique de créer une imitation de la vie : « Oh, à d'autres, monsieur l'Aumonier ! Nous ne sommes pas au XVIIIe siècle, en train de fabriquer le merveilleux canard de Vaucanson. »
  • Benoît Sokal rend hommage aux automates et à Jacques de Vaucanson dans Syberia, jeu vidéo dont il est le scénariste. L'intrigue débute dans un petit village des Alpes, Valadilène (ville de fiction), où se trouve une ancienne fabrique d'automates ayant été autrefois prospère, et qui n'est pas sans rappeler le développement de l'industrie métallurgique aux alentours de Grenoble au début du XIXe siècle[17]. De plus, le nom de la ville et de la propriétaire de l'usine (Valadilène et Voralberg) ont des consonances fortes avec celui de J. de Vaucanson...
  • En 1965, Jean-Pierre Decourt réalise un film de télévision intitulé Le Chef-d'œuvre de Vaucanson, qui sera diffusé le dans le cadre de l'émission Le Théâtre de la jeunesse de Claude Santelli.
  • La promotion 2009 d'élèves-ingénieurs du Conservatoire national des arts et métiers porte son nom.
  • Un logiciel d'édition d'automates en LaTeX porte son nom.
  • Les programmes de 4e de technologies sont sur lui.
  • Une bibliothèque de traitements d'automates porte son nom[18].
  • Le roman Mason & Dixon de Thomas Pynchon consacre plusieurs passages à une incarnation du canard de Vaucanson.
  • Un film de Giuseppe Tornatore, The Best Offer (La migliore offerta), de 2013, évoque ses automates.
  • Dans le film Autómata de Gabe Ibanez, le nom du héros interprété par Antonio Banderas est Jacq Vaucan.
  • Dans le roman Le Crime de l'hôtel Saint-Florentin de Jean-François Parot, le commissaire au Châtelet Nicolas Le Floch croise M. de Vaucanson au moment où il vient présenter à la reine Le Flûteur et le Canard digérateur (chapitre VII, ).

Publications

  • Jacques de Vaucanson, Le Mécanisme du fluteur automate présenté à messieurs de l’Académie royale des sciences, (lire en ligne)

Iconographie

  • Joseph Boze, Portrait de Jacques de Vaucanson, académicien, huile sur toile, 70 par 58 cm, Paris, Académie des Sciences, donné par Boze à l’Académie en 1784.
  • Joseph Boze, Portrait de Jacques de Vaucanson, académicien, pastel, 68 par 56, Collection particulière,(toujours chez les descendants du modèle en 2004.
  • Anonyme, Portrait de Jacques Vaucanson, huile sur toile. Coll. musée de Grenoble (inv. MG 356).

Notes et références

  1. Il est appelé « Jacques de Vaucanson » par Nicolas de Condorcet dans son Éloge de M. de Vaucanson à l'Académie royale des sciences, en 1782. La particule est ajoutée en 1746, quand Vaucanson entre à l'Académie royale des sciences.
  2. « Jacques de Vaucanson - L'influx », L'influx, (lire en ligne, consulté le ).
  3. Heudin 2008, p. 56.
  4. Jacques de Vaucanson 1738, p. 9-11.
  5. Dans la préface du livre Le mécanisme du fluteur automate présente à messieurs de l’Académie royale des sciences, Fontenelle en dit: « […] L’Académie (royale des sciences) a été témoin ; elle a jugé que cette machine était extrêmement ingénieuse, que l’Auteur avoit su employer des moyens simples & nouveaux, tant pour donner aux doigts de cette Figure, les mouvements nécessaires, que pour modifier le vent qui entre dans la Flute en augmentant ou diminuant sa vitesse, suivant les différents tons, en variant la disposition des lèvres, & faisant mouvoir une soupape qui fait les fonctions de la langue; enfin, en imitant par art tout ce que l’homme est obligé de faire […] ».
  6. Jacques de Vaucanson 1738, p. 21: « On croiroit d’abord que les difficultés ont été moindres qu’au Flûteur Automate, mais sans vouloir élever l’un pour rabaisser l’autre, je prie de faire réflexion qu’il s’agit de l’instrument le plus ingrat & le plus faux par lui-même ; qu’il a fallu faire articuler une flute à trois trous où tous les trous dépendent du plus ou moins de force du vent & de trous bouchés à moitié, qu’il a fallu donner tous les vents différents avec une vitesse que l’oreille a de la peine à suivre donner des coups de langue à chaque note, jusque dans les doubles croches, parce que cet instrument n’eut point été agréable autrement. ».
  7. Jacques de Vaucanson 1738, p. 21: « Toute cette machine joue sans qu’on y touche quand on l’a montée une fois. J’oubliois de vous dire que l’animal boit, barbote dans l’eau, croasse comme le Canard naturel. Enfin j’ai tâché de lui faire faire tous les gestes d’après ceux de l’animal vivant, que j’ai considéré avec attention. ».
  8. Heudin 2008, p. 58.
  9. Heudin 2008, p. 59.
  10. Cité par Jean-Eugène Robert-Houdin dans Comment on devient sorcier, Une vie d’artiste, p. 151-153.
  11. Condorcet, Eloge de Vaucanson, , p. 430.
  12. Heudin 2008, p. 61.
  13. Henri Jorda, Le Métier, la Chaîne et le Réseau (petite histoire de la vie ouvrière), l’Harmattan, (ISBN 2747534677, lire en ligne).
  14. Ad.-F. de Fontpertuis, Journal des économistes, Paris, Presses universitaires de France, juillet 1883, p. 452.
  15. « VAUCANSON Jacques - Tombes Sépultures dans les cimetières et autres lieux », sur www.tombes-sepultures.com (consulté le )
  16. Lycée Jacques de Vaucanson à Tours.
  17. .
  18. https://vaucanson.lrde.epita.fr

Voir aussi

Bibliographie

  • Nicolas de Condorcet, Éloge de M. de Vaucanson, dans Histoire de l'Académie royale des sciences - Année 1782, Imprimerie royale Paris, 1785, p. 156-168 (lire en ligne)
  • Jean-Claude Heudin, Les Créatures artificielles: des automates aux mondes virtuels,
  • A. Doyon et L. Liaigre, Jacques Vaucanson, mécanicien de génie, Paris, PUF, 1966
  • Chantal Spillemaecker, conservateur en chef ss.dir., "Vaucanson & l'homme artificiel : Des automates aux robots", Editeur Presses Universitaires Grenoble, Grenoble,

Article connexe

Liens externes

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