Jacques Monod

Jacques Monod, né à Paris le et mort à Cannes le , est un biologiste et biochimiste français de l'Institut Pasteur de Paris, lauréat en 1965 du prix Nobel de physiologie ou médecine. Il est l'auteur en 1970 d'un essai intitulé Le Hasard et la nécessité.

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Biographie

Né à Paris le , Jacques Lucien Monod est le fils du peintre Lucien Hector Monod et de Charlotte Todd MacGregor, americaine née à Milwaukee. Jacques Monod est un descendant du pasteur Jean Monod, et le frère de Philippe Monod. Il a deux fils jumeaux : Olivier, chercheur au CNRS à l'Institut des Sciences de la Terre d'Orléans (ISTO), et Philippe, physicien retraité de l'ESPCI de Paris, nés de son mariage avec Odette Bruhl, une petite-fille du grand rabbin de France Zadoc Kahn. Il est aussi le beau-frère du zoologiste Georges Teissier et de sa femme Lise Bruhl, et le cousin de Geneviève Zadoc-Kahn, régisseuse des concerts Musigrains.

C'est lors d'un stage en 1929 à la Station biologique de Roscoff, dirigée par Georges Teissier, qu'il rencontre sa future épouse, belle-sœur du directeur[1].

Jacques Monod fut résistant pendant la Seconde Guerre mondiale, tout comme son demi-frère Philippe Monod[2]. C'est d'ailleurs grâce à l'action de ce dernier que Jacques peut s'évader de France, via Belfort, en 1944[3].

Il fait l'essentiel de sa carrière au sein de l'Institut Pasteur de Paris et devient professeur à la faculté des Sciences de Paris, puis au Collège de France, et enfin directeur de l'Institut Pasteur de 1971 à 1976. En 1965, il reçoit le Prix Nobel de physiologie ou médecine avec François Jacob et André Lwoff pour ses travaux en génétique. En 1966, il porte, avec notamment François Jacob, le projet de création d'un centre de recherche spécialisé en biologie moléculaire. Cet institut adoptera le nom d'Institut Jacques-Monod en 1982. Son livre Le Hasard et la nécessité (1970) a eu un très fort retentissement, amenant les débats sur la biologie sur la place publique. Monod y expose ses vues sur la nature et le destin de l'humanité dans l'univers, concluant ainsi son essai : « L’ancienne alliance est rompue ; l’homme sait enfin qu’il est seul dans l’immensité indifférente de l’Univers, d’où il a émergé par hasard. Non plus que son destin, son devoir n’est écrit nulle part. À lui de choisir entre le Royaume et les ténèbres. »

Il fut président du Centre Royaumont pour une Science de l'Homme.

Il était proche du philosophe Karl Popper, qui lui dédia l'édition française de 1978 de La Société ouverte et ses ennemis[4].

Il adhère au Parti communiste français au sortir de la guerre, mais s'en éloigne en 1948, au moment de l'affaire Lyssenko.

Décédé à Cannes d'une leucémie[5], il y est enterré, au cimetière du Grand Jas.

Apports scientifiques

Les apports de Jacques Monod à la biologie moléculaire sont considérables. Intéressé par la génétique des micro-organismes, il postule puis met en évidence l'existence d'une molécule servant de lien entre le génome (ADN) et les protéines : l'ARN messager. Avec François Jacob, corécipiendaire du prix Nobel la même année, il démontre la notion d'opéron dans les bactéries, un opéron étant une unité génétique composée de plusieurs gènes dont l'expression est régulée par le même promoteur. Cette notion de promoteur est aussi due à ces deux savants.

Il publie en 1949 dans le journal Annual Review of Microbiology, un modèle de prédiction des croissances bactériennes, appelé équation de Monod et toujours utilisé dans le dimensionnement des stations d'épuration[6].

Il élabore en 1965 avec Jean-Pierre Changeux et Jeffries Wyman le concept d'allostérie, un mode de régulation majeur des enzymes. L'article publié dans le Journal of Molecular Biology est l'un des plus cités au monde.

Jacques Monod, François Jacob et André Lwoff ont obtenu le Prix Nobel pour avoir établi que l’ADN est le point de départ des réactions biochimiques qui, par l’intermédiaire de l’ARN, produisent les protéines nécessaires à la vie des cellules[7]. Pour Monod, l’ADN a le rôle primordial d'un centre de commande dans le métabolisme cellulaire. Avec François Jacob, il est l'un de ceux qui ont popularisé l'idée qu'un programme génétique dirige la vie et le développement des êtres vivants.

Fort de son succès, il publie en 1970 un livre, Le Hasard et la nécessité, dans lequel il écrit : « Il faut ajouter enfin, et ce point est d’une très grande importance, que le mécanisme de la traduction est strictement irréversible. Il n’est ni observé, ni d’ailleurs concevable, que de "l’information" soit jamais transférée dans le sens inverse, c’est-à-dire de protéine à ADN. Cette notion repose sur un ensemble d’observations si complètes et si sûres, aujourd’hui, et ses conséquences en théorie de l’évolution notamment, sont si importantes, qu’on doit la considérer comme l’un des principes fondamentaux de la biologie moderne »[8]. L'année même de la parution de l'ouvrage, plusieurs chercheurs trouvent l’existence générale d'une enzyme, la transcriptase inverse, les Américains Harold Temin et David Baltimore, dans les retrovirus, le Français Mirko Beljanski, au sein même du CNRS, dans des bactéries, et le Japonais Satoshi Mizutani, ce qui ne contredit pas l'affirmation de Monod puisqu'il ne s'agit pas de traduction inverse, mais de transcription inverse. Les chercheurs annoncent l’existence générale de cette enzyme au VIe Symposium de biologie moléculaire tenu à Baltimore (États-Unis) en . Et trois ans après, Temin et Baltimore obtiennent le prix Nobel pour leur découverte.

Contribution épistémologique

Monod, dans sa préface à la traduction d'un livre du grand spécialiste de la théorie synthétique de l'évolution d'Ernst Mayr[9], a précisé dans une longue analyse nuancée son point de vue épistémologique sur l'évolution biologique et le Darwinisme. Il les considère tous deux comme intellectuellement séduisantes, mais comme demeurant des hypothèses « se prêtant difficilement à la falsification pour employer le langage de Karl Popper », tout en pensant que « le néodarwinisme est dans l'état actuel la seule hypothèse scientifique existante, tendant à rendre compte de l'émergence de la diversité des êtres vivants. En revanche, il démontre que la théorie du gène déterminant héréditaire invariant au travers des générations, et même des hybridations, est tout à fait inconciliable avec les principes dialectiques (Le Hasard et la nécessité p.58). »

Engagement militant

En 1972, Jacques Monod témoigne, en tant qu'expert, au Procès de Bobigny (procès d'un avortement, alors interdit par la législation française) en faveur des accusées. En parallèle, il donne de l'argent aux accusées pour les aider à couvrir les frais de justice engagés[10].

Publications

Distinctions

Hommages

Tombe de Jacques Monod et de sa famille au cimetière du Grand Jas (Cannes)

Les établissements suivants portent le nom de Jacques Monod :

Notes et références

  1. Cédric Grimoult, Histoire de l'évolutionnisme contemporain en France, 1945-1995, Librairie Droz, , p. 212
  2. « 1943 La Résistance ouvre une antenne discrète à Genève (Tribune de Genève) », (consulté le )
  3. Robert Belot et Gilbert Karpman, L'Affaire suisse : La Résistance a-t-elle trahi de Gaulle ?, Armand Colin, , 436 p. (ISBN 978-2-200-24381-4, lire en ligne), « Un protestant de gauche »
  4. Karl Popper, Préface à l'édition française de La Société ouverte et ses ennemis, 1979, Seuil, p. 7
  5. Cannes Soleil no 58, Novembre 2006
  6. J Monod, « The growth of bacterial cultures », Annual Review of Microbiology, vol. 3, no 1, , p. 371–394 (ISSN 0066-4227, DOI 10.1146/annurev.mi.03.100149.002103, lire en ligne, consulté le )
  7. Son allocution, La Paix, l'art et la connaissance est reproduite dans Lwoff, Monod, Jacob à Stockholm, Le Figaro littéraire no 1027 du jeudi 23 décembre 1965, p. 4
  8. Cité dans Cédric Grimoult, Histoire de l'évolutionnisme en France (1945-1995), Genève, Droz, , 616 p. (ISBN 978-2-600-00406-0, lire en ligne), p. 215
  9. Ernst Mayr, Populations, espèces et évolution, Paris, Hermann, , p. 15-22
  10. D. Dauvergne, Le débat sur l’avortement, de Bobigny à la promulgation (octobre 1972-janvier 1975), la presse s’engage, Sciences de l'information et de la communication, 2014
  11. « Plan de l'Institut Pasteur »

Annexes

Bibliographie

  • Les origines de la biologie moléculaire : un hommage à Jacques Monod, présenté par André Lwoff et Agnès Ullmann, Paris & Montréal, Études vivantes, 1980 (ISBN 2-7310-6901-5)
  • Patrice Debré, Jacques Monod, Paris, Flammarion, collection Grandes biographies, 1996 (ISBN 2-08-067173-1)
  • Jean-Pierre Soulier, Jacques Monod : le choix de l'objectivité, Paris, Frison-Roche, 1997 (ISBN 2-87671-253-9)
  • (en) Sean B. Carroll, Brave genius : a scientist, a philosopher, and their daring adventures from the French resistance to the Nobel Prize, New York, Crown Publishers, 2013 (ISBN 978-0-307-95233-2) [ouvrage consacré à J. Monod et à Albert Camus]

Articles connexes

Liens externes

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