Jérôme-François Chantereau

Jérôme-François Chantereau est un peintre français, né en 1710 et mort en 1757.

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Il n'existe quasiment aucune source sur lui, si ce n'est l'ouvrage d'Alfred Leroy La vie intime des artistes français au XVIIIe siècle - de Watteau à David paru en 1949 chez Julliard (collection « Petite histoire des grands artistes »[1]) dont les principaux éléments sont reproduits ici. Leroy y rapporte que ce peintre fut connu pour un célèbre duel de facture assez rocambolesque avec Joseph-Ferdinand Godefroy le .

Biographie

Chantereau possédait un atelier rue Saint-Honoré où figuraient des toiles commandées par le roi du Danemark. Des membres éminents de l'Académie de Saint-Luc louèrent son art. Il y avait là des scènes galantes à la manière de Watteau, des paysages rustiques, des épisodes de batailles, des fêtes vénitiennes etc.

Monsieur La Live de Jully, introducteur des ambassadeurs, mécène fastueux et averti ne dédaignait point ses œuvres et les plaçait en son cabinet, non loin de celles de Lancret et de Parrocel. L'opulent financier Crozat et le comte de Tessin allaient souvent en son atelier et lui demandaient des compositions dans le goût de Philip Wouwerman, de Rembrandt, de Cuyp. Par ailleurs, ce n'était pas un peintre de génie et il s'adonnait aux copies qu'il vendait fort bien.

Au cours d'une jeunesse tumultueuse, il avait été soldat et était donc très imprégné du métier des armes dans lequel il excellait. En cela, il était considéré comme un redoutable bretteur, outre qu'il jurait avec force, buvait sans crainte, courait les filles, toujours à court d'argent et dégainait facilement. Certains le fuyaient, d'autres considéraient sans hostilité ce joyeux garçon, haut en couleur. Il possédait dans son atelier, qui était un véritable capharnaüm, une magnifique collection d'épées.

En cet après-midi du , il songea à se rendre chez le sieur Tellagory pour y reprendre des bijoux et autres bibelots (objets donnés en nantissement contre de l'argent). Il quitta son logis et s'en alla prendre l'air - Une demi-heure après, il revint et sa mère l'informa de la visite de Parrocel. Ayant loué les tableaux de Chantereau, il laissa un billet priant le peintre de le rejoindre à la Galerie d'Avignon. Il eut grand plaisir à cette invitation, s'habilla avec goût et recherche et, la démarche vive et souple, se dirigea vers Saint-Germain l'Auxerrois.

Vers 14 h, il parvenait au 9 de la rue Saint-Thomas du Louvre, le cabaret s'y tenait là. Ayant passé la porte, il y vit une sacrée chambrée : Parrocel, Étienne Poitreau, paysagiste, Michel van der Wort (anversois), Georges-Frédéric Schmidt (graveur), André-Charles Boulle. Plus loin, deux hommes discutant avec feu : Bolkmann, artiste médiocre et Godefroy, peintre assez grandiloquent et pompeux, marchand de tableaux et restaurateur. Celui-ci tenait une boutique fort achalandée (peintures italiennes, flamandes, hollandaises) en face de saint Germain l'Auxerrois. Il excellait à décrasser toutes ces toiles. Godefroy de même tirait facilement l'épée, car son père fut ainsi tué par un hollandais, un certain Oukstout que Godefroy voulut occire de même. La justice s'en émut et Godefroy fut sauvé grâce à la protection de Mr de Marigny.

Chantereau et Godefroy se connaissaient depuis de longues années, si bien que ce dernier l'accueillit au cabaret avec moult manifestations de chaleur et d'accolades un peu imbibées. Tous deux étaient des mégalomanes et n'hésitaient pas à se disputer avec véhémence sur leur talent respectif, à qui serait supérieur à l'autre ! Échauffé par le vin Godefroy lui lança un reproche direct. Chantereau se serait montré mauvais confrère en désignait comme la copie d'une œuvre de Carlo Maratta, une toile que Godefroy voulait vendre un prix considérable. Toutefois les beuveries continuèrent et vers 18 h, les convives quittèrent le cabaret, s'égayant, la nuit tombée dans les venelles parisiennes.

Chantereau et Godefroy se trouvèrent seuls, toujours dans le feu de leurs controverses. Arrivés rue des Pouliers, Parrocel, Poitreau, Bolkman et Boulle entendirent des rumeurs confuses et des cris, des gens affairés. Ils trouvèrent Godefroy, les vêtements en désordre, couvert de sang, son épée à la main, soutenu par Chantereau. Puis Godefroy s'écroula inerte, mort. Chantereau debout refuse toute explication. Ses amis le pressent d'échapper à la justice, il secoue la tête et reste immobile. « ce n'est point de ma faute, Godefroy m'a forcé à mettre l'épée à la main, je ne fuirai pas, je resterai », dit-il. Il regarde le corps et dit : « pauvre ami ». Il se lève, se dirige vers le guichet du Louvre, entre chez le portier où il y trouve refuge et reste prostré.

Le commissaire Cadol fait son enquête pour connaître le fin mot de ce duel qui tout de même a mis aux prises deux personnages d'une certaine notoriété d'où un soin scrupuleux à faire avancer la vérité. Il interrogea moult témoins et se fit son idée.

Tous deux ont le sang chaud, Godefroy le premier tire son épée, ne peut se maîtriser, Chantereau est contraint de faire de même, essaie de tempérer son adversaire mais se heurte à une fureur aveugle, mais Chantereau meilleur bretteur touche une première fois. Chantereau tente de ramasser son épée, tous deux tombent... Mortellement blessé, Godefroy vacille et s'écroule sur Chantereau. Le tout Paris tant artistique que populaire s'en émeut quand il ne s'indigna pas de pareilles mœurs.

De puissantes interventions, plaidant sa cause, sauvèrent Chantereau des griffes de la justice. Entre cette tragique journée de 1641 et le , Chantereau travailla à ses nombreuses commandes.

Le scandale avait bien éloigné certains clients, les institutions officielles le tenaient éloigné, néanmoins son atelier demeurait prospère. Il peignait de petits tableaux du dernier galant, des retours de chasse, des scènes rustiques, des paysages inspirés des Hollandais (tels l'Aubade à Minet, le réveil du Savoyard...) Toutefois, il ne put malgré la tragédie se corriger de ses pulsions négatives, courant les tripots, menant une vie de basse société, cherchant les querelles pour la moindre peccadille, s'abimant dans des plaisirs grossiers a sans doute pour oublier le drame ancien. ses voisins se plaignirent des tapages, des cris mais Chanterezau n'en avait cure. Sans que l'on sût comment, il mourut le .

Le commissaire Chenon apposa les scellés, les créanciers sont inquiets, il devait des sommes élevées. L'inventaire de son mobilier fut fait par maître René Poultier. Savonien de Mortain, maître peintre de Saint-Luc arriva bientôt. Il examine les toiles en fixe le prix. Jeanne-Josèphe, la sœur du peintre y assiste. Le notaire interroge sa vieille servante, Marie Nicolle qui raconte essentiellement des histoires sans intérêt sur l'art vestimentaire et précieux du défunt.

Il y avait là des Titien en grand nombre, des Teniers, des œuvres du Guide (Guido Reni) et de l'école bolonaise et chacun y allait de son offre. Sur une table XVIIe étaient posées de magnifiques armes - le sieur Geresme, maître fourbisseur au Pont au Change en louait la qualité. L'une d'elles attira l'attention - Geresme reconnue l'arme fétiche de Chantereau celle qui avait occis Godefroy.

Un dernier écho de la soirée tragique accompagnait l'ombre de Chantereau. Son atelier laissé au brouillard et au froid, rien ne demeura de ce peintre qui avait eu son heure de célébrité. Seules subsistèrent de plaisantes scènes d'amour que des collectionneurs naïfs attribuèrent au grand Watteau.

Notes et références

  1. notice BnF no FRBNF32376383

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